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Mohican

Publié le par Yv

Mohican, Eric Fottorino, Gallimard, 2021

Sur les terres jurassiennes, il y a Brun, le septuagénaire qui va bientôt mourir, sûrement d'avoir épandu pas mal de produits polluants sur son exploitation. Il y a aussi Mo, le fils, partisan du retour à une agriculture sans pesticide, à l'ancienne et qui montre à son père, sur une petite surface que c'est faisable. La relation entre eux deux est compliquée. On ne s'épanche pas beaucoup aux Soulaillans, le domaine familial

Avant de partir, Brun veut sauver l'exploitation de la faillite et passe un contrat pour l'installation d'éoliennes sur la colline, celle que Mo aime tant. Ce dernier ne supporte pas de voir son espace ni son paysage dévastés.

Quel beau roman que ce Mohican ! Eric Fottorino montre le monde paysan tel qu'il fut et tel qu'il devrait redevenir. A travers les différentes générations, il fait vivre l'évolution constante jusqu'à la folie de la surproduction et le nécessaire retour à des pratiques plus saines. Ce fut d'abord Léonce qui travailla la terre avec des chevaux, puis Brun qui céda aux sirènes de la mécanisation, puis, sous l'insistance nationale, déboisa et investit dans des produits censés aider à la production. "Sa croyance aveugle dans le progrès l'avait exposé plus d'une fois au danger. Dans sa tournure d'esprit, il s'était dit qu'en se camouflant sous mille protections il éveillerait la suspicion des gens. S'il s'habillait en martien, c'était bien qu'il polluait la terre, non ?" (p.36) Puis c'est maintenant Mo qui veut garder la terre saine et en vivre.

Eric Fottorino a été journaliste spécialisé dans le monde agricole, et ça se sent. Il aime les hommes qui travaillent la terre et qui ont, depuis des années, perdu leurs repères, sollicités, dragués par l'industrie chimique. "Comprends ceci, Mo. Sans la chimie, sans nos machines, jamais on n'aurait fait de notre pays une puissance agricole. C'est bien beau à présent de rêver écologie, petites fleurs et légumes bio. Mais si on était partis dans cette direction après la guerre, crois-moi, il y a longtemps qu'on aurait tous crevé de faim." (p.138)

Brun et Mo sont des taiseux, mais la maladie du premier les rapproche et chacun parle de sa vision du travail, de leurs terres, des animaux. Ces pages-là sont magnifiques, l'auteur décrit les paysages, la faune et la flore et l'on y est. C'est très beau, peut-être idéalisé, mais on y croit et l'on comprend que Mo veuille garder intact le domaine de Soulaillans. C'est un texte qui touche, qui émeut sans user de grosses ficelles. L'écriture est superbe, elle se fait très terre-à-terre par moments, plus lyrique dans certaines descriptions de lieux. Je me suis régalé de bout en bout, j'ai pris mon temps pour rester un peu aux Soulaillans.

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Crédit illimité

Publié le par Yv

Crédit illimité, Nicolas Rey, Au diable vauvert, 2022

Diego Lambert, bientôt cinquantenaire, fils d'un industriel richissime est sommé par ce dernier de licencier 15 personnes dans une usine de Saint-Omer, la condition pour recevoir cinquante mille euros et rembourser ses nombreuses dettes. Diego est un écrivain qui, après un relatif succès, n'écrit que de courts textes qui se vendent peu.

Acculé, il se rend à Saint-Omer et reçoit les futurs licenciés un par un, mais rien ne va se dérouler comme son père le prévoit.

Pas ébouriffant, un peu facile parfois, mais pas inintéressant. Bon, Diego est un peu agaçant, ce presque quinquagénaire qui n'a jamais vraiment travaillé et qui a toujours bénéficié d'argent, l'avantage de la famille riche. Le voilà désargenté, en faillite et contraint de rencontrer des "vrais gens", de ceux qui doivent travailler pour manger, payer leur loyer et tout le reste. Qui sont eux-mêmes dans le rouge tous les mois, qui ont des crédits sur le dos, des enfants qui grandissent et qui rêvent de faire des études... Mais ils ne sont pas bien élégants, ni beaux, du moins dans l’œil de Diego. C'est un peu énervant ces poncifs et cette populophobie de la part d'un écrivain raté qui préfère quémander à papa-riche plutôt que de trouver un emploi. De plus, Nicolas Rey a tendance à survoler ses personnages, à ne pas leur donner de consistance.

L'histoire prend un tour plus dramatique lorsque Diego se rend compte que les travailleurs ont besoin de leur salaire. Alors, il décide de s'opposer à papa. Tuer le père enfin ! Au moins s'affirmer.

Sans avoir détesté ce livre, je n'ai pas adoré, néanmoins, je l'ai lu avec plaisir, en sautant quelques longueurs. Non dénué d'intérêt ni de facilités d'écriture : de nombreux dialogues creux, des déclamations de Diego à peine plus profondes, des expressions toutes faites en pagaille... c'est un roman qui plaira à ceux qui cherchent de la détente, à ne pas trop se prendre le chou. Et finalement, un livre qui permet de passer de bons moments, c'est bien, on n'a pas toujours besoin d'y chercher de la profondeur, du sens.

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Ajar-Paris

Publié le par Yv

Ajar-Paris, Fanta Dramé, Plon, 2022

A la mort de sa grand-mère, Fanta Dramé jeune professeure de collège se rend pour la première fois en Mauritanie, à Ajar, le village d'origine de sa famille paternelle pour la sépulture. Elle, la Parisienne jusqu'au bout des ongles est bouleversée et, à son retour, décide d'écrire le roman de son père qui a quitté Ajar pour la France en 1975 et y a construit sa vie. Yély Dramé occupa parfois plusieurs emplois, souffrit du manque de son pays, dut s'adapter aux conditions de vie parisiennes.

C'est sa vie que sa fille raconte ici, dans son premier roman, celle qu'il gardait enfouie en lui.

J'ai beaucoup aimé ce livre. Fanta Dramé a trouvé le ton juste pour raconter l'histoire de son père. Elle le bouscule jusqu'à ce qu'il cède pour répondre à ses questions, tout en gardant pour lui un respect et un amour profonds, qui, j'ai l'impression, augmentent au fur et à mesure qu'elle découvre ce que son père a enduré, ce qu'il a dû supporter pour vivre en France, un pays dont il ne connaissait presque rien, à peine la langue. Mais elle garde également une certaine insolence ou moquerie avec beaucoup de bienveillance, pour user d'un terme un peu galvaudé, sur ce père qui est parfois rigide -mais finit par céder à ses enfants ou sa femme. Il semble que chez les Dramé, la force de caractère est une qualité très largement partagée.

Et puis, plus largement que la vie de Yély Dramé, Fanta Dramé parle des gens qui quittent leurs pays pour tenter leur chance ailleurs et adopte un point de vue qui me plaît : "On a souvent tendance à décrire les gens qui partent par le résultat de leur exil, plutôt que par le point de départ, des immigrés plutôt que des émigrants, avec tout ce que le premier terme véhicule de péjoratif -ils quittent leur pays pour venir voler le travail des Français et profiter des aides sociales. On les qualifie en fonction de ce qu'ils sont en arrivant, et non pas de ce qu'ils étaient en partant. Cela permet sûrement de leur rappeler qu'ils ne sont pas d'ici, qu'ils ne le seront probablement jamais. En se gardant bien d'utiliser la même terminologie pour un Français quittant son pays pour une autre patrie." (p.74/75)

Une réussite que ce roman du père qui permet de se faire une idée "du dedans" des souffrances de l'exil, de celles d'un accueil pas toujours à la hauteur dans le pays dit des droits de l'homme, de ce sentiment difficile à surmonter de n'être plus de son pays d’origine tout en n'étant pas totalement du pays dans lequel on a fait sa vie. L'auteure raconte un peu du parcours de tous les autres, même si elle veut rester sur celui personnel et intime de son papa. Écrire sur l'un de ses parents est souvent une entrée en littérature, plus ou moins réussie ; Fanta Dramé, avec beaucoup de pudeur, de délicatesse et un brin d'humour, écrit un très bon premier roman qui donne envie de lire les prochains.

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Intolérable. Mémoire des extrêmes

Publié le par Yv

Intolérable. Mémoires des extrêmes, Kamal Al-Solaylee, Perspective cavalière, 2022 (traduit par Étienne Gomez)

Kamal Al-Solaylee est né à Aden au Yémen, en 1964, dernier enfant d'une fratrie de onze. Sa mère, Safia est illettrée, son père Mohamed est un magnat de l'immobilier qui parle anglais et vit bien le protectorat anglais, s'en sert même pour réussir.

1967, l'arrivée au pouvoir des révolutionnaires socialistes met fin à ces années fastes et la famille est contrainte de s'exiler, d'abord à Beyrouth où elle garde un certain niveau de vie, puis au Caire où la vie d'exilé yéménite est plus difficile. C'est là que Kamal vivra sa jeunesse et son adolescence et qu'il découvrira son homosexualité, pas facile à vivre dans des pays qui se radicalisent.

Étienne Gomez, traducteur et éditeur, a réussi à dénicher un grand livre, et c'est moi, qui ne suis pourtant point féru de mémoires, qui l'écris. Kamal Al-Solaylee est passionnant parce qu'il ne s'apitoie pas, parce son livre est un mélange savamment dosé entre géopolitique, politique, histoire personnelle et familiale, histoire de l'exil, des exils devrais-je même dire...

On assiste au changement radical des pays de son enfance et de son adolescence, le Yémen et l’Égypte, qui furent d'une grande tolérance, chacun y vivant librement sans que la religion impose ses dogmes. Kamal se souvient qu'il allait accompagner ses sœurs acheter des bikinis, qu'ils écoutaient de la musique occidentale, que sa famille profondément laïque ne pratiquait pas de religion. La première fois qu'il vit une femme voilée, ce fut une enseignante dans une école pour gens aisés, et ce voile était un signe social : celles qui en portaient étaient les femmes pauvres et non les plus favorisées. Lorsque cette enseignante essaya de convaincre des jeunes filles de se voiler, elle fut renvoyée sur pression des parents.

Puis, Kamal Al-Solaylee parle de la découverte progressive de son homosexualité dans un pays et une famille où l'on ne parlait pas de sexualité. Quelques signes arrivent : son peu d'appétence pour les jeux de garçons, une sensibilité dont ses sœurs usent pour les aider à choisir leurs vêtements, et puis des émois pour les acteurs davantage que pour les actrices... Puis, lorsqu'il comprend, à quatorze ans, il sait qu'il devra, un jour, quitter le Moyen-Orient et sa famille s'il veut vivre librement sa sexualité.

C'est un grand livre parce que l'auteur, en parlant de lui, parle de toute une période de profonds bouleversements dans les sociétés moyen-orientales mais aussi, plus globalement, dans le monde. Il est sobre, direct sans être cru, c'est même d'une grande pudeur. Nul besoin de connaître l'histoire des pays que l'auteur traverse, car en excellent journaliste, il dit tout en quelques phrases. 300 pages qui passent vite, qui instruisent et prônent tolérance et respect de chacun. Et j'aurais pu allonger ma recension tant le livre est riche et profond, mais le mieux est de le découvrir.

Si maintenant Kamal Al-Solaylee est devenu un universitaire canadien connu et reconnu, on mesure quels sacrifices, quel travail il a dû fournir pour y parvenir. Ce livre, paru en 2012, chez HarperCollins Canada, est postfacé par l'auteur dans sa version française de 2022 chez Perspective cavalière -avec cette superbe couverture signée Christophe Merlin et représentant Aden du temps du protectorat britannique-, qui parle notamment de l'accueil très difficile du livre dans sa famille retournée vivre au Yémen.

Kamal Al-Solaylee sera à Paris en octobre de cette année, le 10 au Café 61 (3 rue de l'Oise, 19e), le 13 à la librairie Le Merle Moqueur (51 rue de Bagnolet, 20e), et le 14 à l'Institut du monde arabe (1 rue des Fossés Saint-Bernard, 5e).

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Ça coince ! (58)

Publié le par Yv

La Souricière, Danielle Thiéry, Flammarion, 2022

"Vador, violeur en série, se suicide en prison après la visite d'un mystérieux prêtre. Cette mort bouleverse d'étrange façon la vie de la capitaine Valentine Cara, qui se retrouve au coeur d'un drame familial. Alors que toute la police parisienne se mobilise pour retrouver un homme politique subitement disparu, les entrailles de l'ancien Palais de justice et les cellules désaffectées de la bien nommée Souricière sont le théâtre de scènes terrifiantes. Un homme qui se fait appeler Hadès condamne et, en véritable dieu des Enfers, juge ceux qu'il estime nuisibles à la société. Jusqu'au jour où le fantôme d'une femme de son passé revient le tourmenter." (4ème de couverture)

Je n'avais jamais lu de roman policier de l'auteure qui fut la première femme commissaire divisionnaire de la police française. Eh bien, c'est fait, mais j'avoue humblement que je n'ai pas aimé. Bon, il en faut pour tous les goûts, et celui-ci n'est pas du mien. Beaucoup de personnages que je confonds, des dialogues creux ou pas vraiment intéressants et des longueurs, beaucoup de longueurs. Le livre se traîne, comme si encore une fois, il faut absolument, par contrat, écrire 400 pages et qu'il est alors nécessaire de délayer, d'ajouter des phrases inutiles au propos voire nuisibles au rythme et au style du roman. Tout cela fait que je m'ennuie, que cette histoire ne parvient pas à m'accrocher.

Je laisse les nombreux lecteurs et amateurs de la commissaire Edwige Marion ou ceux qui auraient envie de la découvrir à cette lecture qui pourra, pourquoi pas, leur plaire.

Tremblez !, 10 histoires criminelles vraies et flippantes, McSkyz, Hachette, 2022

"Quatre amis assassinés au bord d'un lac en Finlande, une famille de fermiers tuée en France, une jeune maman torturée en Grèce, une adolescente disparue en Australie... les histoires que vous allez lire sont toutes vraies et ont fait les gros titres des journaux ces dernières années. Pour chacune, découvrez le déroulé des faits et de l'enquête, la psychologie des protagonistes, les débats pendant les procès et des focus sur les avancées de la criminologie." (4ème de couverture)

Evitez ! Ce livre n'apporte pas grand chose, et si je ne doute pas de la qualité de la chaîne Youtube de McSkyz -je n'ai pas eu la curiosité d'aller voir-, je suis dubitatif quant à ses qualités pour retransmettre sur papier. Tombé par hasard sur l'ouvrage, je me suis dit : "Tiens, la relève de Pierre Bellemare !" Pour les plus jeunes, Pierre Bellemare a bercé la jeunesse des plus anciens en racontant des histoires vraies à la radio et en livres.

Si McSkyz semble documenté, c'est davantage sa manière de raconter qui ne fonctionne pas, c'est assez plat malgré la matière pour captiver. Pas de style personnel, mais beaucoup d'usages d'expressions toutes faites, neutres, banales. Paradoxalement, McSkyz ne s'empare pas totalement des histoires ni ne les incarne, il se contente de les débiter d'un ton monocorde. Comme quoi le passage de l'écran au livre n'est pas si évident que cela.

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Bibiche

Publié le par Yv

Bibiche, Raozy Pellerin, Plon, 2022

Bibiche Nyandu Bilonga fuit la République Démocratique du Congo après un emprisonnement de cinq mois pour activités anti-gouvernementale. Elle militait dans le parti opposé à Joseph Kabila, qui avait pris la suite de son père au poste de Président du pays.

Bibiche est logée dans un foyer à Stains et engage des démarches pour obtenir le statut de réfugiée. Elle se lie d'amitié avec Dinah, de Kinshasa elle-aussi, une adolescente qui finit ses études. pour toutes deux, comme pour tous les réfugiés, le temps s'écoule lentement entre les diverses convocations et les délais de l'administration française pour donner réponse.

Premier roman de Raozy Pellerin qui s'empare d'un sujet brûlant au travers d'une héroïne touchante, battante, émouvante. Bibiche n'est pas de ceux qui ont bravé de terribles voyages pour venir en Europe, elle a réussi à prendre un avion, elle n'en est pas moins déracinée, seule. Elle est obligée, pour obtenir le statut de réfugiée de se replonger dans ce qu'elle a vécu : la prison, les viols des femmes, la violence. Elle voudrait avancer, mais sans cesse, il faut dire et redire, ressasser, à la psychologue, aux juges...

Raozy Pellerin, tout en finesse mais sans éluder la violence, retrace l'errance, la perte d'identité, le rejet, la déshumanisation de l'administration : "Sa vie n'était qu'une succession de démarches, de semaine en semaine, de mois en mois. On testait peut-être sa capacité à résister." (p.39) Elle évoque aussi, la honte, le désespoir lorsque tout à été tenté et que le pays d’accueil refuse le statut tant espéré pour continuer ou recommencer à vivre : "Pour la première fois, depuis son arrivée en France, Bibiche ne se sentait plus seulement triste ou démunie, mais aussi réellement effondrée. Effondrée, comme si elle se trouvait sur une pirogue entre les deux Congo et que, tout à coup, un tourbillon l'emportait. Elle n'avait plus envie de lutter. Une année passée, sans que sa voix ait été suffisamment forte pour être entendue et prise au sérieux. Ce temps qui s'écoulait, c'était un autre genre de prison." (p.84) Le texte, même s'il aborde des thèmes lourds et forts, est accessible et pas du tout plombant, il y a constamment une petite lumière, incarnée par Dinah, Raoul et Bibiche qu'on aimerait beaucoup rencontrer et aider.

J'ai beaucoup aimé ce roman et son héroïne, si forte même lorsqu'elle n'y croit plus. Le lire confortablement installé dans un fauteuil peut mettre mal à l'aise tant on touche du doigt le long, lent et difficile parcours de tous les réfugiés qui demandent le statut. L'administration française est implacable, pas toujours humainement incarnée, ce qui est un comble lorsqu'elle doit s'occuper de gens qui ont vécu des choses effroyables et ne demandent qu'à continuer à vivre. Pas glorieux pour le pays qui se dit celui des Droits de l'homme et qui, en la matière ne fait pas mieux que ses voisins, voire pire. Puisse Bibiche, forte et lumineuse changer le regard envers les réfugiés !

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Maigret et le marchand de vin

Publié le par Yv

Maigret et le marchand de vin, Georges Simenon, Presses de la cité, 1970 (livre de poche, 1997)

Maigret couve une grippe, il est grognon et fatigué. Il doit enquêter sur l'assassinat d'Oscar Chabut, marchand de vin très prospère, à la sortie d'un hôtel particulier dans lequel il emmenait régulièrement ses conquêtes féminines.

De prime abord, la victime est appréciée, mais les investigations des flics font apparaître un négociant redoutable, un homme riche à qui rien ni personne ne devait résister.

Et Maigret se sent épié, suivi. Bientôt il reçoit des coups de fil anonymes pour dire que Chabut était une crapule de la pire espèce.

On devrait tous lire de temps en temps un Maigret ou n'importe quel autre livre de Simenon. Maigret, c'est une étude des mœurs et des coutumes de l'époque et de l'endroit dans lequel il enquête tellement fine qu'on pourrait presque en oublier l'intrigue. La bonhommie du personnage, son incroyable écoute lui permettent d'obtenir des confidences auquel nul autre que lui ne parvient.

Simenon dans cet opus, plonge dans la bourgeoisie parisienne dans laquelle, à force de travail, Oscar Chabut s'est élevé. Néanmoins, il reste le parvenu, le nouveau riche, et le ressent tant qu'il séduit les femmes de ses amis et ses employées, pour exister. Même Maigret, en fréquentant ce milieu et les proches du suspect finit par dire qu'il a rarement croisé autant de personnages peu ragoûtant dans une enquête.

Lire Maigret, c'est aussi vivre une époque avec un personnage qui aime la bonne chère, et parfois, ça peut faire sourire, lui qui, sur les conseils de Madame Maigret doit prendre une aspirine pour soigner sa grippe : "Docilement, il en prit une puis, pour en faire passer le goût, il se versa un tout petit verre de prunelle d'Alsace que leur envoyait sa belle-sœur." (p.83)

Voilà, c'est tout cela Maigret et tant d'autres choses. et l'on comprend pourquoi ce personnage a traversé les années, inspire les réalisateurs de cinéma et les inspirera sans doute encore.

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Exil pour l'enfer

Publié le par Yv

Exil pour l'enfer, Gwenael Le Guellec, Nouveaux auteurs, 2021

"Au cœur de l'hiver russe, trois corps nus sont découverts, pendus et scarifiés dans la taïga, un message cryptique profondément gravé dans leurs chairs : "DEAD FOR NO ONE"

Quelques jours plus tard, Yoran Rosko, un photographe indépendant et solitaire décide de rentre à Brest après la disparition soudaine d'un ami en mer. Alors que dans l'ombre, un assassin multiplie les meurtres, Yoran, confronté au retour imprévu d'un fantôme dans sa vie, n'a d'autre choix que de rouvrir les plaies du passé et de se lancer sur la piste de ceux qui le menacent. De Berlin à Helsinki en passant par Tallinn, sa quête de vérité va alors le mener jusqu'aux confins de la folie humaine." (4ème de couverture)

Yoran Rosko, le photographe qui souffre d'achromatopsie (il voit en noir et blanc et est très sensible à la lumière), déjà rencontré dans Armorican psycho est de retour après 18 moins de soins au Rotterdam Eye Hospital. Cette aventure l'emmènera de Brest à l'extrême est de la Sibérie.

600 pages qui se dévorent, dans lesquelles on ne s'ennuie jamais. Lorsque l'action est mise de côté, c'est pour s'intéresser aux personnages qui, même pour les seconds rôles, ont une ou plusieurs pages que leur sont dédiées. Divers intervenants alternent les chapitres dont on sait qu'ils se rejoindront, mais pas où ni comment.

Ultra-documenté sur les lieux, les us et coutumes des peuples rencontrés, les engins utilisés, les activités de certains sites traversés -dont les mines de charbon de Sibérie-, sans être rébarbatif ou pédant ; Gwenael Le Guellec sait incorporer une foultitude d'informations dans son thriller, habilement, pour le rendre très crédible et instructif.

C'est aussi un roman très musical -mon seul regret est de ne pas avoir la play-list à la fin- et éclectique, de classique à la variété mais surtout du rock, de la folk et de l'électro.

Je ne sais pas si projet il y a de replonger Yoran Rosko dans une nouvelle aventure, car dans les deux romans il a parcouru quasiment la terre entière -en train surtout, il n'aime pas l'avion, ça nous fait un point commun-, mais je sais déjà que je suis sur les rails pour l'accompagner.

Pour moi, l'auteur écrit des romans d'aventures -avec certes un font de thriller (que je n'aime pas ce terme !)-qui me font forcément penser aux grands classiques du genre, un peu tombé en désuétude, ce qui est fort dommage. Ce type de romans qui vous emportent et qui, pendant le moment où vous êtes dedans vous font sortir de la réalité, de ce qui se passe autour de vous. Des comme ça, j'en veux souvent.

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Que la peur te sublime

Publié le par Yv

Que la peur te sublime, Benoît Bernier, Ouest France, 2022

Années, 1990, Nantes, Livius Carmin, journaliste qui vient de connaître un moment de notoriété grâce à l'affaire du Sacrifice des oubliés est interpellé un homme qui pense que son petit-fils a été assassiné. Par bonté d'âme, Livius commence à glaner des renseignements et sent bientôt qu'il a mis le doigt sur une affaire pas banale. Il s'en ouvre à David Durieux, son pote flic et repère d'autres cas de morts inexpliquées qui pourraient entrer dans cette affaire. Toutes les victimes avaient des phobies. Et si un tueur cherchait à se servir des ces peurs pour ses manœuvres funestes ?

Et Inès Pylore, fille d'un homme d'affaire qui disparaît pourrait bien être la future victime.

Retour de Livius, après donc Le sacrifice les oubliés, et retour gagnant tant, de nouveau, cette enquête est prenante, originale et les protagonistes très sympathiques. Benoît Bernier réussit à créer une équipe d'enquêteurs menée par le duo Livius/David, bien aidés respectivement par Jean, le grand-père de Livius et les 4 collègues de David. Même si j'ai eu des doutes sur le coupable, assez vite, grâce à certains détails qui finiront par interpeller Livius lui-même, l'intrigue tient jusqu'au final tendu, sans ennui ni temps mort. C'est diablement bien ficelé et mené, tout s'emboîte parfaitement à la fin.

Par une langue argotique, orale, des blagues potaches sur certains noms de famille (par exemple l'un des témoins se nomme Marcel Doidanleux, mais c'est bien fait pour ce nostalgique du bon temps de l'Occupation ; deux flics en planque se nomment Poiron et Dabin -du nom de viticulteurs connus sur le sud de Nantes et chez qui je me fournis régulièrement), l'auteur crée une ambiance légère, de pote qui se tirent la bourre sur une enquête, mais toujours dans l'intérêt des victimes, jamais dans le but malsain d'être le meilleur. Tous se vannent beaucoup et les blagues de Livius ou de David si elles ne sont pas de haut niveau, font rire et prouvent leur proximité.

Et avec tout cela, Benoît Bernier construit un polar très plaisant qui, à l'instar de Stéphane Pajot grand connaisseur de Nantes et auteur de polars très recensés sur le blog, nous balade dans les rues de la ville, nous apprend des petites choses sur certains quartiers ou personnages et est d'une grande originalité. Nul doute que j'ai envie de retrouver Livius pour ses prochaines aventures que je souhaite longues. Benoît Bernier, un auteur de polar à découvrir et qui promet de futurs excellents moments de lecture.

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