Des chiens et des loups, Pierre Colin-Thibert, Stéphane Soularue, Ed. Sarbacane, 2010....
Un homme, en rangeant les affaires de son père mort, découvre son carnet intime de ses années de jeune homme. Etudiant aux beaux-arts de Rüttingen, capitale de l'empire Molvaque, Dieter est logé dans une pension. Là, il fait la connaissance de Moritz un nain et de Rosa une belle jeune femme. Le trio devient vite inséparable. Dieter promis à un bel avenir et à une place à l'académie de peinture s'il respecte les lois de l'empire, apprend que ses amis font partie d'un groupe de révolutionnaires activement recherchés par la police impériale. Bientôt, Rosa lui demande de cacher des tracts appelant le peuple à la révolte.
Couverture noire et rouge pour une bande dessinée en noir et blanc. Ce qui m'a surpris et un peu décontenancé au départ, ce sont les dessins, non pas le noir et blanc mais les visages, les décors extérieurs et les environnements parfois nébuleux. Et puis, très vite l'histoire prend le dessus et ce qui peut gêner au départ devient au contraire une force de l'ouvrage, car le noir et blanc renforce l'atmosphère lourde.
Évidemment, il est aisé de trouver des ressemblances dans cet empire imaginaire avec toute sorte de dictature ou régime autoritaire, que ce soit les régimes d'Hitler ou de Staline, ou tout autre du même genre qui empêche les hommes et les femmes de vivre selon leurs idées, leurs envies, qui empêche les artistes de créer ce qu'ils veulent (ils doivent créer selon les règles de l'académie). Très bonne BD qui aborde pas mal de thèmes, originale et bien menée, laissant l'imagination des lecteurs écrire sa suite.
La voix de Cabo, Catherine Baldisserri, Intervalles, août 2017.....
Uruguay, courant des années 1970, Teresa quitte Montevideo avec Damaso gardien de phare, qu'elle suit jusqu'à Cabo Polonio. Dans ce hameau où sont regroupées des familles de pêcheurs de loups de mer, Teresa crée une école et enseigne à tous les enfants. Machado, un jeune colosse pêcheur analphabète décide après sa première pêche de franchir le seuil de l'école et d'apprendre à lire et écrire.
Dans les mêmes années, dans le pays, les Tupamaros, des révolutionnaires, sont très actifs et organisent leur mouvement qui prend de l'ampleur.
Comme vous pouvez le constater, la couverture -Higland light, de Edward Hopper- est magnifique. Il en ressort une beauté évidente, une douceur en même temps qu'une certaine solitude, une belle lumière dans un paysage assez aride. Un résumé du roman.
C'est une très belle histoire que nous raconte Catherine Baldisserri dans son premier roman. Une histoire avec ses moment de joie mais aussi le chaos, la folie, des moments de furie intense (la pêche au loup de mer), les doutes, la reconstruction, ... Tout y est pour passer un excellent moment. Teresa est une femme forte, un personnage hors norme parce que les événements l'amèneront à se battre et à s'imposer. Elle rencontrera d'autres personnages forts, qui la marqueront et qu'elle marquera, pour qui elle restera celle qui leur a permis de s'ouvrir au savoir, à la culture. Car le roman parle de cela : l'enseignement, la transmission du savoir et l'usage que chacun fait de ce qu'il apprend.
C'est aussi une histoire d'amours -le pluriel, c'est normal et justifié- joliment racontée, dans une belle langue simple et fluide. Des dialogues, mais point trop, la part belle est faite aux personnages, à leurs tourments, aventures et questionnements. Et puis l'Uruguay, pays dont on parle assez peu dans les romans qui est un formidable contexte géographique et historique, puisque Catherine Baldisserri a la bonne idée de placer son roman en pleine révolution des Tupamaros, ces militants d'extrême gauche qui prônaient l'action directe.
Un beau et bon roman qui instruit, de beaux personnages, un pays à découvrir, tout est là pour vous faire aimer La voix de Cabo qui débute ainsi :
"Quand Machado mit pied à terre après une chevauchée de plusieurs jours à travers les forêts d'ombús, les palmeraies puis les hautes dunes blanches qui se dérobaient sous la force harassante du vent de l'Atlantique, il fut accueilli par une gifle magistrale. Elle était plus cinglante que les vents qu'il avait endurés durant son expédition. Plus cuisante aussi. Teresa, dans la fulgurance de son geste, avait libéré toute la rancœur accumulée depuis son départ." (p.5)
Dans l'épaisseur de la chair, Jean-Marie Blas de Roblès, Zulma, août 2017.....
Manuel Cortès, fils d'immigrés espagnols naît à Sidi-Bel-Abbès en Algérie au début du vingtième siècle. Il traversera ce dernier dans tous ses événements tragiques, la seconde guerre mondiale en tant que chirurgien, puis l'indépendance et la meurtrissure de quitter le pays qu'il aime tant.
C'est son fils qui raconte cette vie hors du commun, celle d'un homme témoin des grands bouleversements, avec toute l'admiration et l'amour d'un fils pour son père.
Débuter un roman de Jean-Marie Blas de Roblès, c'est partir un peu à l'aventure, dans l'une de celles que l'on n'oubliera pas. Après son roman très vernien L'ïle du Point Nemo, cette fois-ci, direction l'Algérie. Manuel Cortès, espagnol naturalisé français en est le héros, l'un de ceux qui marquent une époque par ses engagements. Et à travers lui, c'est le roman de ce pays que l'on lit, au moins depuis la colonisation française. L'auteur s'attarde sur le rôle de Manuel pendant la seconde guerre mondiale pour montrer combien les pieds-noirs et les Algériens ont combattu pour la liberté. Une autre grande partie est bien sûr la guerre d'indépendance et les massacres de part et d'autre : "Mon père a assisté aux massacres de Sétif, il n'a rien fait, rien dit, rien ressenti, et je ne parviens ni à l'excuser ni à l'en blâmer. Il n'est pas si facile de percevoir ce que l'on voit ; il faut beaucoup d'efforts, de concentration sur l'instant présent, sur ce qu'il offre à notre regard, pour ne pas limiter ses yeux à leur simple fonction de chambre noire." (p.241). Il montre bien la volonté des Algériens de retrouver leur liberté et le déchirement des pieds-noirs de quitter leur terre natale, celle où ils ont tout construit, et tous ne furent pas des colons richissimes qui s'enrichirent sur le dos des Algériens. La vraie question remonte aux origines, qui a bien pu avoir cette idée de conquérir ce pays et pour quelles raisons ? Question qu'aborde le romancier qui se fait à travers ce livre, historie, essayiste, ...
Enfin, c'est aussi le roman d'un homme vu par les yeux de son fils. Un vieil homme désormais qui a vécu fortement sa vie parce que les événements l'y ont contraint. Qui a combattu, aimé, beaucoup perdu et a reconstruit, qui aurait pu faire de cette citation de Marc Aurèle que cite son fils sa devise : "Vivez une bonne vie. S'il y a des dieux et qu'ils sont justes, alors ils ne se soucieront pas de savoir à quel point vous avez été dévots, mais ils vous jugeront sur la base des vertus par lesquelles vous avez vécu. S'il y a des dieux mais qu'ils sont injustes, alors vous ne devriez pas les vénérer. S'il n'y a pas de dieux, alors vous ne serez pas là, mais vous aurez vécu une vie noble qui continuera d'exister dans la mémoire de ceux que vous avez aimés. Je n'ai pas peur." (citée p. 248/249)
Encore une fois, c'est un grand roman que celui de JM Blas de Roblès, une part de l'histoire de la France et de l'Algérie, pas la plus simple et l'une des plus douloureuses qu'il est toujours délicat d'aborder encore de nos jours. Et lorsque comme lui, on a le talent et l'art de raconter des histoires fortes, eh bien, le lecteur n'a plus qu'à tourner les pages, pas trop vite pour ne rien perdre et pour profiter du temps passé en sa compagnie. Le romancier est né à Sidi-Bel-Abbès aux alentours de la date du fils de Manuel Cortès ; on est en droit de penser qu'il maîtrise son sujet pour lequel il a sans doute fait appel à ses souvenirs.
L'homme de miel, Olivier Martinelli, Christophe Lucquin éditeur, 2017.....
Olivier est prof de mathématiques et vit à Sète. Pour un gros coup de fatigue, il consulte et d'examens en examens, le verdict tombe : cancer. Un myélome, l'un des plus rares et des plus graves. Ce livre réunit quarante-neuf chroniques écrites par Olivier, décrivant la maladie, les médecins qu'il rencontre, les soins, les réactions des amis et de la famille, les siennes aussi.
Loin d'être morbide ce livre est au contraire positif, même si l'on sent bien par moments le découragement de l'auteur, l'envie de baisser les bras, les angoisses, les cauchemars souvent liés à l'idée de la mort bien sûr mais surtout à la peur de ne pas voir grandir ses enfants et pour iceux de ne pas grandir avec un père. Ne pas sentir ces interrogations, ces peurs serait faire l'impasse sur une grande partie de la vie d'Olivier Martinelli depuis l'annonce de sa maladie. Mais, ce qui ressort le plus de ses courts textes, c'est l'espoir et la volonté de vivre. Pas forcément pour réaliser de grandes choses, des exploits, mais vivre pour les siens, en profiter au maximum et s'appuyer sur eux pour reprendre des forces, même si face à la maladie et quand bien même on est très écouté, accompagné, on reste seul. Cette solitude, il ne l'élude pas, voulant en plus, sans rien cacher protéger ses proches et notamment ses enfants encore petits.
Les textes sont beaux et tristes mais aussi beaux et joyeux, parfois poétiques, jamais plombants. Olivier Martinelli écrit des pages bouleversantes, touchantes, pleines de vie. L'humour est là aussi qui fait passer bien des choses, même dans les moments durs, voire très durs : "Lorsqu'un médecin vous assure que ce qui vous attend est sans danger, ne soyez pas surpris si ça se termine par une flaque de sang dessinant une forme étrange dans un plateau en inox." (p.17) En étroite collaboration avec l'humour, il y a de la légèreté bienvenue dans un texte d'une telle force et de la poésie qui fait passer les moments difficiles : "Je n'y voyais pas à vingt mètres. J'ai enclenché les essuie-glaces. Je n'y voyais toujours rien. Il ne pleuvait que de mes yeux. Je les ai libérés de leur humidité d'un revers de la main. L'humidité est revenue aussitôt. Je les ai nettoyés une fois encore. Puis j'ai capitulé." (p.27). Olivier prend de la force partout, dans la main de sa fille, dans la compagnie de ses proches, dans ses projets d'écriture qu'il se presse de mener à bien, dans le sourire d'une infirmière, dans la douceur du regard ou de la voix des médecins et j'espère modestement dans ma chronique, sincère.
Christophe Lucquin dont vous savez sûrement mon attachement à sa maison d'édition, publie ici un texte inratable en cette rentrée littéraire et aussi plus tard, l'un de ceux qui remuent le lecteur, qui lui donnent de la force et une envie de profiter encore plus de chaque instant.
Dans la chair des anges, Cathy Borie, Librinova, 2017.....
Chapitre 0 : un jeune homme est retrouvé mort dans une clairière. Chapitre 1 et les suivants, nous faisons la connaissance de Caroline et sa fille Clémentine, de Lise et Pablo, de Grégoire et Elsa. Certains se rencontreront, d'autres non. Roman choral étalé sur plusieurs années, dont le personnage principal, fil rouge, est Clémentine, une jeune fille timide, solitaire et fragile.
De Cathy Borie, j'ai déjà lu La nuit des éventails qui fut une belle découverte et surprise. La romancière revient avec un court roman d'à peine plus de 130 pages et publié par Librinova, une maison d'auto-édition, et qui a obtenu le Premier Prix Draftquest/Librinova 2017 (bon, je ne sais pas trop ce que c'est, mais que ce roman obtienne un prix, je le conçois et même l'encourage). Car, c'est un formidable roman qui, dès les premières pages m'a happé pour ne plus me lâcher. D'abord, Cathy Borie use d'une plume d'une élégance rare, classique, de belles phrases, longues parfois, avec des subordonnées, des imparfaits du subjonctif toujours à bon escient, la classe quoi ! Franchement, c'est un pur plaisir de lecteur que de parcourir ce texte copurchic (je viens de découvrir ce vieux néologisme tombé en désuétude qui, signifie d'une extrême élégance ; sans doute qualifie-t-il plus aisément une tenue vestimentaire mais, bon, juste pour le plaisir de l'écrire et le lire, je le maintiens).
Et puis, si le bonheur est déjà bien présent, il est renforcé par les très beaux portraits tant physiques que psychologiques des différents personnages.
"A vingt ans, Caroline pesait quarante-cinq kilos pour un mètre soixante-cinq. [...] Son corps ne lui servait que de véhicule, elle y transportait son intelligence, sa capacité de réflexion et d'analyse, son savoir, sa curiosité pour tout ce qui s'apprenait. Elle le nourrissait donc juste assez pour qu'il s'acquittât de cette tâche. De sa féminité, elle ne conservait qu'une apparence fragile, des formes plus asséchées que graciles, de longs cheveux châtains un peu ternes, et un regard immense qui laissait deviner des gouffres insondables. Entre vingt et vingt-cinq ans, elle obtint plusieurs diplômes, une licence d'histoire, une maîtrise de philosophie, une licence d'anglais, puis elle coucha avec David et elle fut enceinte." (p.54)
Chacun des protagonistes aura droit à quelques lignes pour le décrire et parler de son caractère. Une fois que les contours des uns et des autres sont dessinés, Cathy Borie s'attèle à une tâche ardue, les faire évoluer ensemble. Et là, la magie opère de nouveau. Elle traduit bien la relation à l'autre, la naissance du sentiment amoureux, parle admirablement des gens qui ne sont pas à l'aise en société, qui aiment la solitude et ne maîtrisent ni n'apprécient particulièrement faire le premier pas vers autrui -je m'y suis reconnu.
Cathy Borie évoque aussi très bien l'éveil à la sexualité, la construction et l'émergence de la personnalité ou comment un événement fait apparaître chez certains des traits jusque là enfouis, insoupçonnées au contraire d'autres qui se construisent linéairement, tranquillement. C'est fin et délicat, profond, dense. Pas un mot n'est superflu, dans 130 pages, il faut faire entrer tout cela, et l'auteure le fait fort bien.
Les livres auto-édités ne sont pas toujours de haut niveau -mais parfois ceux de certaines grandes maisons non plus-, mais là, franchement, je suis sous le charme de cette histoire, de ces personnages attachants et émouvants et de l'écriture gracieuse de Cathy Borie. Ce roman existe en version numérique, n'hésitez pas...
Espèces d'espaces, Georges Perec, Galilée, 1974 (nouvelle édition revue et corrigée, 2000).....
Partant de la page, puis augmentant de plus en plus son point de vue, du lit à la chambre, puis à l'appartement, à l'immeuble, la rue, le quartier, la ville, la campagne, le pays, l'Europe, le monde et l'espace, Georges Perec parle des espaces et de notre place à l'intérieur.
C'est brillant, comme à chaque fois avec Georges Perec, c'est parfois amusant ("Longtemps je me suis couché par écrit" attribué à Parcel Mroust, en ouverture de son chapitre : Le lit). Il joue avec les codes de la mise en pages, avec les citations, avec le mot "espace", enfin bref, tout en faisant un exercice stimulant et instructif, il joue et nous avec.
"Bref, les espaces se sont multipliés, morcelés et diversifiés. Il y en a aujourd'hui de toutes tailles et de toutes sortes, pour tous les usages et pour toutes les fonctions. Vivre, c'est passer d'un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner." (p.15/16)
Belle définition que j'aurais pu mettre en exergue de mon article, c'est la première que j'ai notée et retenue. Le reste, ce n'est que du plaisir. On repère les contraintes que l'auteur se donne pour écrire son œuvre, les envies d'écrire tel ou tel livre. Même lorsqu'il évoque des choses banales, de la vie courante, il est intéressant. Une série de verbes pour définir telle ou telle action ou des gestes du travailleur, des descriptions de scènes courantes qui paraissent simples mais à chaque fois, il y a la patte de Perec et là on se dit que la simplicité, en écriture, ce n'est pas le plus facile à faire. Qu'il y a des écrivains qui font ça bien et qu'il y a Perec.
J'ai découvert Perec avec Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?, j'ai continué, forcément, chaque année, je tente d'en lire au moins un de plus, entre ses romans, ses essais ou récits et ses inclassables comme Espèces d'espaces, ou ses conférences comme Ce qui stimule ma racontouze. Chaque fois, c'est un régal, pourquoi m'arrêterais-je ?
Place des ombres, après la brume, Véronique Biefnot, Francis Dannemark, Kyrielle, 2017..,
1980, Lucie, une étudiante en lettres se perd dans un dédale de rues et entre dans l'herboristerie d’Évariste, un vieil homme, qui, apprenant qu'elle cherche un logement, lui propose de s'installer à l'étage de sa boutique, avec la promesse de ne pas aller déranger la très vieille dame qui habite également la demeure.
Vingt ans plus tard, Maud, une amie d'enfance de Lucie laisse son fils atteint d'une maladie rare à l'hôpital pour des examens s'étalant sur plusieurs jours ; elle s'installe à l'hôtel près de l'hôpital, se perd dans le parking où un homme mystérieux que tout le monde nomme La Brume l'aide à retrouver son chemin.
Gros double roman de 500 pages, lourd mais idéal pour l'été. Le premier roman est écrit par Véronique Biefnot qui place son décor en 1980. Magie, surnaturel, ésotérisme, enfin tous les mots qui décrivent les histoires avec des fantômes du passé, des phénomènes inexpliqués et inexplicables, sont les bienvenus ici. Ce n'est pas forcément mon genre de prédilection et je dois avouer que cette première partie ne m'a pas convaincu réellement. Je l'ai lue assez vite, en diagonale pour arriver à une fin inattendue, c'est ce que j'ai le plus apprécié.
Je suis alors passé au second roman qui répond au premier, vingt ans plus tard. L'écriture me sied davantage et le mystère itou, puisque l'on sait que les deux histoires sont imbriquées l'une dans l'autre mais que l'on ne sait pas encore comment. Je suis sans doute plus sensible à l'écriture de Francis Dannemark qu'à celle de Véronique Biefnot, car il est vrai que j'ai moins survolé l'histoire de Maud. Mystère et surnaturel sont aussi au programme avec un peu plus de réalisme néanmoins, une histoire un peu plus ancrée, ce qui explique sûrement ma réaction, moi le mec terre-à-terre qui cherche parfois à se raccrocher à des détails pour sentir la véracité d'une intrigue.
Si je ne suis pas hyper enthousiaste, je dois dire que ce gros roman fera le bonheur de beaucoup de lecteurs (trices) qui aiment plus que moi ces atmosphères. Et l'idée de ces deux romans qui se parlent sans être écrits par le même auteur, je la trouve excellente. Le couple Biefnot/ Dannemark la réalise avec talent et le plaisir qu'ils ont mis à la mettre en œuvre se ressent dans les pages, très agréables.
Snjór, Ragnar Jónasson, Points, 2017 (La Martinière, 2016), traduit de la version anglaise d'après l'islandais, Philippe Reilly)....,
Ari Thór, jeune flic vit à Reykjavík avec Kristin son amie étudiante en médecine. Lorsqu'on lui propose un poste intéressant à l'extrême nord du pays dans la petite ville de Siglufjördur, Ari Thór n'hésite pas et accepte. Il s'installe dans la petite ville seul, Kristin continuant ses études dans la capitale. Le travail de policier à Siglufjördur est tranquille, tout le monde s'y connaît. L'adaptation du jeune homme est assez facile ainsi que son quotidien. Jusqu'au moment où un écrivain célèbre fait une chute mortelle dans le théâtre de la ville. Un accident ? Un meurtre déguisé en accident ? Ari Thór enquête avec Tómas son chef.
Roman nordique sélectionné pour le Prix du meilleur polar Points. Beau choix. On ne peut plus classique dans la forme avec un enquêteur qui cherche les moindres indices, la plus petite piste et des intermèdes en italique d'une future ou ancienne victime agressée chez elle. Pour le fond, rien de bien neuf non plus pour qui connaît un peu la littérature policière nordique. La neige, le froid, les conditions de vie très dures qu'ils impliquent, les caractères trempés. Néanmoins, la petite ville où tout le monde se connaît et personne ne peut bouger une oreille sans que son voisin et donc bientôt toute la communauté le sache apporte une nouveauté, ainsi que le jeune flic nouvellement débarqué qui, comme nous lecteurs, découvre la vie à Siglufjördur et les us et coutumes du coin. Natif de la ville l'auteur sait de quoi il parle et raconte bien son passé riche et animé grâce à la pêche aux harengs, depuis presque disparue et donc l'exode qui suit, vers le sud, Reykjavík en particulier. Pour le fun, les noms sont toujours aussi compliqués à lire qu'à prononcer, ce qui rajoute un brin d'exotisme.
Dans ce modèle assez formaté, Ragnar Jónasson tire très largement son épingle du jeu et son histoire se suit avec entrain et beaucoup de vivacité sans aucune lassitude. J'ai suivi Ari Thór dans sa découverte de la ville et de ses habitants avec plaisir et même si l'enquête proprement dite ne débute que tardivement, toute la première partie est intéressante par ce qu'on y apprend. Elle permet également de faire connaissance avec un personnage qui revient dans un deuxième tome intitulé Mörk -qui se déroule cinq ans plus tard- et qui me tente terriblement.
Je ne sais pas encore si Snjór sera mon choix final pour le Prix du meilleur polar Points, mais il est en bonne position. Il faut dire qu'il gagne pour le moment, faute de combattants, j'ai abandonné le premier livre reçu...