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L'homme qui frappait les femmes

Publié le par Yv

L'homme qui frappait les femmes, Aymeric Patricot, Éd. Léo Scheer, 2013

Le narrateur est un homme important, président d'une association de lutte contre les violences faites aux femmes. Il tâte aussi de la politique et hante les couloirs de l'Assemblée Nationale. Son côté obscur et insoutenable est empli de ses accès de violence, de ses pulsions : il frappe les femmes. Il a commencé dès le collège et s'est enfin senti vivre. Dès lors, il tente de retrouver ce sentiment de puissance à travers ses passages à l'acte.

Ce roman n'est pas simple à aborder puisque l'auteur se met à la place d'un homme violent. Un homme dominé par ses pulsions qui ne peut y résister au point parfois de se mettre en danger, lui et sa réputation. Dans sa postface intitulée l'Insoutenable, Aymeric Patricot explique son angle de vue : "Ce qui m'a tenu, dans l'écriture de ce texte -et de quelques précédents-, c'était l'envie de saisir l'instant même du traumatisme, l'instant où le monde vous dépasse, vous écrase, outrepasse les capacités de votre esprit. Folie pure où les lignes de force sont bouleversées, où le monde quitte son visage habituel, ou vous perdez tout moyen d'appréhender ce qui vous arrive." (p.160) Il n'est d'ailleurs pas inintéressant de lire cette postface pour mieux comprendre les raisons qui poussent un écrivain à se mettre dans la tête d'un homme violent.

Dans le roman, A. Patricot démarre à l'adolescence du narrateur, lorsqu'il se sent invisible, ni beau ni laid et que la première gifle donnée à une fille lui donne confiance et pense-t-il une certaine aura, sans doute de lui seul visible. Puis, sa vie avance, ses coups augmentent auprès de femmes connues ou inconnues, rencontrées parfois au cours de soirées. Il se marie et vit une vie de couple paisible, sans encore frapper Clarisse sa femme, car aucun point de sa personnalité ne lui est encore insupportable : "J'éprouvais cependant de grandes lassitudes. Il y avait quelque chose de lisse et de monotone dans la succession des semaines, et même d'insupportable : ce n'était donc que ça, le bonheur ? Certains jours, l'excitation de mes dérapages me paraissait désirable. Je l'imaginais se répandre sur ma vie. Mais il fallait tenir, car il était impensable de me livrer en pleine lumière à mon penchant." (p.41)

La violence ira crescendo et cet homme se livre en toute sincérité. Une sorte de confession totalement incroyable lorsqu'il parle de sa souffrance et qu'il implique sa femme qui, le temps avançant, n'échappera pas aux coups, dans ses accès de colère : "Je me suis alors enfermé avec ma femme, et ma fureur a fini de s'en donner à cœur joie. J'espérais que mon fils oublie tout ce qu'il avait vu. Nous devions nous-mêmes être suffisamment forts pour surmonter ces cauchemars, et c'était un cri qui perçait en moi, sans auteur ni destinataire, un cri terriblement puissant que personne n'entendait mais qui me blessait, infiniment." (p.67) Il écrit aussi comment ses crises ont été pour lui l'espoir d'être enfin reconnu comme quelqu'un, par ses parents, les femmes mais il se rend compte qu'elles ne lui apportent rien quant au regard des autres : "[ses] accès de violence [lui] ont semblé plus désespérants qu'à l'ordinaire... Ils ne [lui] servaient donc à rien." (p.93)

Roman court et très bien écrit, maîtrisé, qui ne déborde jamais sur  des scènes insoutenables, dures, certes, mais elles servent l'angle de vue de l'auteur. Un roman pas du tout reposant sur un sujet oh combien délicat, important (pour rappel environ 120/130 femmes meurent chaque année sous les coups de leurs maris ou conjoints). Il est toujours insupportable d'entendre, tous les ans, que des femmes sont agressées physiquement ou psychiquement par leurs conjoints, il n'est pas forcément inutile de lire ce roman qui à sa juste place tente d'apporter un éclairage sur les raisons de cette violence. Ce n'est pas un rapport psychiatrique, juste des questions posées.

Merci Inès et Gilles Paris

PS : il peut être bon de préciser que ce n'est évidemment pas une thèse qui tendrait à défendre les hommes bourreaux. C'est juste tenter de dire pourquoi, avec la violence que chacun de nous a en lui, certains passent à l'acte et d'autres non.

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Rêves d'hiver au petit matin

Publié le par Yv

Rêves d'hiver au petit matin, Collectif, Éd. Elyzad, 2012

Sous-titré Les printemps arabes vus par 50 écrivains et dessinateurs, ce livre est un recueil de textes et de dessins d'auteurs de différentes origines qui sont partis des deux mots "printemps arabes". Chacun était libre ensuite d'écrire ou dessiner ce qu'il voulait, la seule contrainte étant liée au format : 30 lignes maximum. Au départ était, début 2012, une série de manifestations et de débats artistiques autour de ce thème au Théâtre le TARMAC à Paris. Ce livre permet d'en élargir le public.

Étant donné le nombre et la variété des intervenants, le recueil est très divers. Ça commence par un dessin de Plantu, drôle, mais pas que, comme d'habitude chez le dessinateur. Et puis, arrive un texte plutôt humoristique au départ : "Comment réussir de nos jours une bonne révolution ? D'abord, se procurer un dictateur. Contrairement aux idées reçus, c'est un ingrédient assez facile à trouver au Nord comme au Sud. Attention, il circule actuellement sur le marché quelques vieux dictateurs en mal de trône." (p.12, Gustave Akakpo), dont la teneur générale n'est évidemment pas comique. Si l'optimisme et l'enthousiasme envers ces révolutions arabes sont nets : "Rien ne pourra effacer 2011. Ni les vertueux, ni ceux, et ils sont nombreux, qui veulent gâcher la fête. Cette année restera, vaille que vaille, celle où des hommes et des femmes n'ont plus eu peur et ont commencé à pousser vers la porte un ramassis de bandits et d'escrocs qui les avaient longtemps brutalisés." (p.17, Kebir Ammi), les auteurs s'attachent en majorité à la suite, qui ne semble pas forcément si bien partie que cela, mais aussi à dénoncer ce qui était en Tunisie, Égypte ou Libye et qui est encore dans d'autres pays, Syrie en particulier : "Admirative devant le courage des peuples qui occupent les rues, mais triste de penser que les rues et les places ne sont en réalité que d'énormes échiquiers sur lesquels se jouent les vraies batailles des grandes puissances qui n'ont pour éternels objectifs que de s'enrichir toujours et encore." (p.51, Wahiba Khiari)

Certains sont assez virulents et directs en posant des questions précises, évidentes : "Printemps arabe, révolution de jasmin, qu'importe la formule qui dans sa vacuité n'apporte aucune réponse à la question que chacun se pose. Comment un mouvement qui a débuté sous les auspices de la technologie et de la convivialité du Web a fini en catastrophe salafiste ?" (p.34, Derri Berkani)

Certains auteurs, telle Jeanne Bénameur ou Hyam Yared entre autres, prennent le biais de la poésie pour s'exprimer, comme quoi la poésie est aussi très actuelle et peut coller à l'actualité. Pour finir, je me permets un extrait un peu long du texte qui m'a le plus touché, et ce n'est pas peu dire, parce qu'ils sont tous très forts :

"Vous avez pris nos corps et les avez flagellés. Vous avez pris nos mains et les avez entravées. Vous avez pris nos jambes et les avez ligotées. Vous avez pris nos bouches et les avez bâillonées. Vous avez pris nos cœurs et les avez essorés. Vous avez pris nos ventres pour y creuser des gouffres. Vous avez pris nos vies et joué de nos envies. Vous avez pris nos aspirations et les avez broyées. Vous avez pris notre air et l'avez pollué. Vous avez pris nos mots et les avez pervertis. Vous avez arraché notre verbe et soufflé la haine dans nos veines. Vous avez épouvanté les faibles et terrorisé les poètes." (p.24, Yahia Belaskri)

Et comme chaque fois, chez Elyzad, le livre est beau, d'excellente qualité, papier légèrement gaufré.

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Ça coince ! (13)

Publié le par Yv

Hypérion Victimaire, Patrick Chamoiseau, Éd. La branche, 2013

Un commandant de police prêt au départ à la retraite est tenue en joue par un tueur. Une nuit durant, ils se racontent l'un à l'autre.

Il fallait bien qu'un jour cela arrivât : je n'ai pas accroché à un roman de la collection Vendredi 13 ! Non pas que le thème ne me plût point. Non pas que cette confrontation ne m'attirât pas. Que nenni ! Non, en fait, j'ai eu du mal avec le style de Patrick Chamoiseau -et en fait, je me souviens que j'avais également eu beaucoup de mal avec son Texaco- : entre citations latines, et mots créoles, je ne comprends pas tout ce qu'Hypérion Victimaire raconte. Et puis, pour être franc, je m'emmerde un peu. Alors peut-être que lire dans le salon d'attente de l'aéroport puis dans l'avion n'est pas le meilleur endroit, surtout que moi, un deuxième voyage aéroporté -eh oui, j'ai fait mon premier vrai vol en mars 2013 si j'occulte un précédent vol de 45 minutes mouvementées lors de mon service militaire (beurk), dans un coucou à hélices d'une vingtaine de places, au dessus de la ville de Saint Dizier (re-beurk, que les Bragards me pardonnent, mais la base aérienne 113 n'est pas un bon souvenir de leur ville- m'angoisse un tantinet ? Qu'il eut fallu que je lusse bien confortablement dans mon canapé ? Oui, mais non (ce qui ne veut absolument rien dire). Je passe donc, mais vous trouverez de très bonnes chroniques positives sur Libfly et sur Babelio.

 

Le mur de mémoire, Anthony Doerr, Albin Michel, 2013 (traduit par Valérie Malfoy)

Recueil de 6 nouvelles dans lesquelles "les personnages [sont] tous hantés par la perte et la résurgence de leur passé, et confrontés à ce manque vertigineux de ce qui a été mais n'est plus." (4ème de couverture)

Le meilleur de moyen de savoir si un bouquin me plaît c'est l'envie ou l'agacement que j'ai d'abord de le poser pour faire autre chose que le lire et ensuite l'envie de le reprendre après un temps d'interruption pour vaquer à d'autres occupations, et oui, il y en a d'autres dans une maison même tenue par un homme ! Force m'est de constater que cette envie n'est pas présente pour ce recueil. J'ai lu ces nouvelles sans déplaisir mais sans vibrer. Pourtant, la plupart du temps les idées de départ sont bonnes et l'écriture sèche, directe, qui va droit au but a tout pour me plaire. C'est un style littéraire presque clinique notamment dans la nouvelle qui concerne Imogène et Herb qui tentent tout pour avoir un enfant. Leur parcours est sinueux et très difficile. Je le savais par des gens autour de nous étant passés par le même parcours, mais le voir écrit aussi directement ajoute le côté clinique et purement médical, plus aux États-Unis, le fric fou qu'il faut pour faire des procréations assistées ! 

De fait, ce livre n'a pas réellement "coincé" comme le suggère le titre de mon article puisque je l'ai lu, mais que ce fut long et pas vraiment un plaisir. Je le classe donc dans mes échecs toutefois à relativiser, puisqu'il a plutôt un bon accueil que vous pourrez constater de visu en allant sur Babelio ou sur Libfly.

Merci Laure.

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Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB

Publié le par Yv

Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB, Jacques Tardi, Casterman, 2012

Au début des années 80, Tardi interroge son père, René sur ses années de prisonnier de guerre. Déjà affaibli, René se met au travail et remplit 3 carnets d'une petite écriture racontant ses presque 5 années de captivité. Beaucoup plus tard, Jacques Tardi met en images les mots de son père. Une bande dessinée dans laquelle il se met en scène en tant que jeune garçon posant des questions à son père. On voit donc Jacques en jeune garçon présent dans presque toutes les cases (3 par page de taille identique) qui voit et entend la vie de son père, cette vie peu connue, parce pas glorieuse. Pas facile de dire à son père qu'on a été prisonnier, lui qui a combattu pendant 14/18, ni à son fils qui lui pose comme un leitmotiv la question sur une possible évasion. 

Fan de Tardi, je n'étonnerai personne si je dis que cette BD est excellente. Elle est un témoignage simple de la vie dans les camps de prisonnier, de la guerre vue par un soldat. Cette guerre qui a de moins en moins de témoins directs ne doit pas devenir une simple évocation : l'horreur que les nazis ont fait vivre aux juifs, aux tziganes, aux homosexuels, aux prisonniers de guerre et plus largement à l'Europe entière et à une grande partie du monde ne peut pas être effacée. Dans des moments ou beaucoup se renferment sur une communauté qu'elle soit religieuse, politique, ethnique ou régionale, il est bon de dire et redire qu'il faut vivre tous ensemble, dans le respect des uns et des autres, et de ne pas oublier ce qu'a pu engendrer le repli sur soi et la haine de l'autre. 

Après cet emballement, revenons à l'objet premier de ce billet : le livre de Tardi. Il raconte la drôle de guerre, celle de René dans son char. Totalement isolé de son unité, à la recherche d'un "contact" avec les panzers allemands pour les détruire, il est finalement capturé après un baroud d'honneur et envoyé dans un camp en Poméranie. La vie s'écoule pas paisible : "Qu'on m'ait arraché une dent sans anesthésie au prétexte que leurs produits anesthésiants étaient réservés à la Wehrmacht, je m'en suis remis, mais il y eut bien pire... Le IIB n'était pas un camp de vacances. Les Anglais qui eux, continuaient la guerre, ont salement morflé dans leur enclos... Je t'ai parlé des Polonais et des Russes... Sadisme, humiliations, coups de crosse et de gummi, exécutions sommaires... Souviens-toi de Chardonnet, assassiné comme tant d'autres sans raison. La sauvagerie au quotidien. Voilà ce qu'était le Stalag IIB." (p.179)

Je ne vais pas m'appesantir sur cette BD dans laquelle on retrouve les dessins noir et blanc de Tardi avec quelques touches de rouge. Ma grande fille a commencé à le feuilleter, et puis prise d'intérêt a marqué la page et continue sa lecture. Une lecture indispensable pour les jeunes et moins jeunes. Un premier tome -j'attends la suite avec impatience- qui s'arrête au tout début de 1945 au moment où le Stalag est évacué : "J'ai franchi la porte du Stalag sans me retourner. Je venais de passer quatre ans et huit mois -1680 jours !- dans ce cul-de-basse-fosse poméranien et j'en voulais à la terre entière... à nos chefs, à l'Armée, à la France ! J'avais des envies de meurtre !" (p.188)

Pour enfoncer le clou, lisez donc l'article de mon ami Éric (ici). Et pour finir un merci à Juan Luis Fajardo de Price Minister pour son envoi dans le cadre de l'opération La BD fait son festival.

Et puisqu'il faut mettre une note sur 20, étant donné mon enthousiasme, je conclus en mettant 20/20 ! Mérité !

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Roubaix police blues

Publié le par Yv

Roubaix police blues, Luc Watteau, Ravet-Anceau, 2013

Franck Malmaison est policier à Roubaix à la fin des années 70. Il a 25 ans, est marié et père de famille. Tout se présente bien pour lui. Mais la police des années 70, c'est aussi les réformes, la mise en place de structures qui chamboulent un peu le travail des flics. Leur quotidien, c'est les plaintes de routine, les voies de fait, les ivrognes, ... Puis arrive un jour l'affaire qui oblige à faire des choix pas toujours simples.

Ce qui est étonnant dans ce roman policier, c'est qu'on a l'impression d'être dans un reportage minute par minute sur le quotidien de flics d'un commissariat de Roubaix. Le début du bouquin parle de la nouvelle organisation de la police de manière détaillée, il y a beaucoup de noms et de titres dont on pourrait sans doute se passer et qui peuvent gêner la bonne compréhension. Néanmoins, pendant que je me demandais si cette partie était vraiment utile, je me sentais retenu par un petit kekchose qui m'obligeait à avancer, à continuer ma lecture. Je me suis senti un peu comme un copain de Franck Malmaison ; il me raconte sa journée de travail, le soir autour d'un verre. Rien d'extrêmement palpitant, mais c'est son quotidien, et on s'intéresse au quotidien de ses amis sans se forcer.

C'est donc intéressé que je continue ma lecture, et d'autres références me viennent en tête : une impression de voir ou revoir un épisode de PJ, cette série policière qui passait il y a quelques années sur France 2. Personnellement, j'aimais bien : des personnages crédibles, qu'on croise tous les jours, des histoires banales traitées par ces flics et au milieu de toutes ces histoires, des rapports, des auditions, une affaire plus importante, celle qui va obliger le flic à prendre des initiatives pas toujours bien vues en haut lieu. Pareil pour ce polar dans lequel Franck Malmaison devra faire des choix. Il y a donc une affaire qui grandit et finit par prendre la plus grande place du roman. Bien menée, elle tient son rôle jusqu'au bout.

Luc Watteau écrit simplement et on ne peut plus directement : "Je m'appelle Franck Malmaison, j'ai 25 ans et je suis inspecteur de police depuis 1975. Commissariat du 1er arrondissement de Roubaix, rue Saint-Vincent-de-Paul." (p.11) c'est du franc, sans fioriture. Souvent argotique, son style vogue parfois vers des eaux un peu douteuses, de l'humour franchement beauf :

"- Elle est bonne, cette Carole;

- Voyons monsieur Malmaison...

- Non... Je veux dire au travail.

- Oui, oui. Je sais. Cela dit, effectivement elle est charmante et pas des plus farouches a priori. Qu'en dites-vous ?

- Ce que j'en dis ? C'est que, forcément, une grande cheminée comme elle, ça doit tirer fort ! balancé-je, sans trop réfléchir, détendu tout à coup." (p.122)

Pas vraiment délicat, un univers assez masculin, sans doute même très policier à défaut d'être policé et sûrement daté -enfin j'espère- (n'oublions pas que cette histoire se déroule en 1978). J'aurais pu citer d'autres exemples du même type, qui s'ils ne sont pas présents à toutes les pages (heureusement) émaillent de temps et temps les réflexions des policiers. C'est un écueil pas insurmontable (peut-être que pour vous mesdames, ce sera plus difficile, mais pensez à vos conversations sur les mecs lorsque vous êtes entre vous, je ne suis pas sûr que ce soit tellement mieux...). Probable même que cet humour masculo-macho-beauf fasse partie du décor. Luc Watteau décrivant très précisément l'univers des flics de ces années-là (il est commandant de police à la retraite) se doit de reproduire l'ambiance des commissariats, un monde très masculin et... viril ; il faut aussi ajouter à cela, les tournées d'apéro, les pots pour telle ou telle raison. Ça picole presque plus que ça bosse !

Une plongée très réaliste au cœur d'un commissariat de Roubaix dans les années 70 vous tente ? N'hésitez plus, c'est ce livre qu'il vous faut. A découvrir. Un polar qui change des productions habituelles, ce qui est déjà un bon point. En plus, il est digne d'intérêt, donc deux bons points.

Merci Agnès.

 

région

 

thrillers

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L'odyssée des fous

Publié le par Yv

L'odyssée des fous, Jean-Marc Bonnel, Éd. Les presses littéraires, 2011

Recueil de 7 nouvelles qui ont toutes en commun de parler de la folie des hommes.

- Le fou : un homme quitte tout, pour aller vivre anonymement dans une bergerie en montagne. La solitude finit par lui peser, il se met à boire. Cette nouvelle est une sorte de long delirium tremens totalement poétique et surréaliste, construite comme une chanson ou un poème avec un refrain : "Mais comment en suis-je arrivé là ! Bâillonné, ligoté, enfermé, moi ... moi qui ne rêvais que de liberté !" (p.13) repris plusieurs fois avec quelques variantes, et des couplets, racontant sa vie d'avant et son délire actuel.

- Le passage : une histoire totalement loufoque et très drôle, burlesque, ubuesque, sur la manière de passer un grillage, un mur ou un nuage voire un autel. Sans aucun doute, ma nouvelle préférée que j'ai lue à haute voix dans la pièce faisant rire mon public pas forcément facile (ma femme et mes enfants ont l'habitude du haut de gamme ; ouais, je sais j'me la pète un peu !)

- Un homme heureux : un homme arrive seul dans un café et demande deux repas, un pour lui et un autre pour son amie, invisible au commun des mortels.

- Les visiteurs du soir : un bibliophile voit en même temps des écrivains en lilliputiens l'interpeller de sa bibliothèque et son couple exploser.

- La chanson du squatteur : "Docteur ! Quelqu'un est entré dans ma tête. Il a dû profiter d'un moment d'absence... et hop ! Par la porte ou par la fenêtre, Docteur, j'ai quelqu'un dans ma tête." (p.83)

- Le souffleur d'histoires : un homme qui veut écrire n'a pas d'inspiration. Il va donc voir le souffleur d'histoires, sorte de nègre pour tous les romanciers, les scénaristes, ... Mais pendant une brève altercation, le souffleur meurt. L'homme prend sa place...

- Un homme à tout faire : dernière nouvelle du livre dans laquelle tous les personnages principaux croisés dans les histoires précédentes se retrouvent en consultation. Mais qui est fou ? Qui ne l'est pas ? Et Dieu lui-même ?

JM Bonnel fait montre de beaucoup de poésie, de tendresse pour les personnages décalés, les fous, les hors-normes. On sourit beaucoup, on rit franchement parfois (surtout sur Le passage), on prend plaisir toujours à suivre les évolutions, les questionnements et les interrogations fantasques de tous.

Le petit plus ? La dernière nouvelle dans laquelle tous se retrouvent, et un pied-de-nez final réjouissant et inattendu... quoique... Ce qui fait si vous comptez bien deux petits plus.

Pour vraiment finir, cette petite phrase qui clôt le livre, juste avant les remerciements :

"Si vous croisez un jour un fou, surtout ne lui donnez pas de mes nouvelles...

Dites-lui des les acheter !" (p.145)

Une parenthèse finale pour parler du de la dernière publication de JM Bonnel (en association avec Rose-Marie Palun pour les illustrations) paru aux Presses littéraires et intitulé Instants magiques. C'est un ouvrage constitué de 20 poèmes illustrés en noir et blanc qui se détachent pour fournir 20 cartes postales. Des poèmes surréalistes, comme par exemple :

Le chat lèche, il est prince

D'ailleurs, il calèche

Et le prince pince le chat

Le chat, bon prince

Lui lèche la pince

Et le prince aime chat.

 

A découvrir.

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J'ai fait comme elle a dit

Publié le par Yv

J'ai fait comme elle a dit, Pascal Thiriet, Éd. Jigal, 2013

Pierre est vaguement agent immobilier et nettement amoureux de Sahaa, ancienne boat people, asiatique et traquée par Tom-Tom, celui pour qui elle a quitté Pierre. Elle lui a piqué un bon paquet et lui, dealer notoire, la recherche avec deux malabars en costards. Pour couronner le tout, Sahha est aussi une bio-clef, celle qui ouvre un coffre-fort qui abrite une découverte scientifique révolutionnaire. La traque débute à Paris, passe par Anvers, Zurich, Venise.

Ça commence comme ça, si après cet extrait, vous n'avez pas envie de poursuivre, je ne comprends pas :

"Comme j'avais faim, j'avais décidé de me faire un sandwich ou de manger des Tucs, ces biscuits salés et plats comme des crackers. Dans un sens, le sandwich ça cale et, si on met des bons trucs entre des tranches de bons pain, c'est bon. Les Tucs, par contre, c'est pas très bon et je ne sais pas trop pourquoi j'en ai toujours. C'est bourratif. [...] Finalement j'ai coupé la tranche de pain en deux et j'ai mis un Tuc entre les deux demi-tranches. Ça a fait un sandwich au Tuc. Franchement je ne compte pas déposer le brevet pour la recette. Il m'a fallu toute une canette de Coca pour faire descendre mon goûter." (p.5/6)

Je ne peux pas en citer plus, parce que c'est un peu long, mais le premier chapitre est excellent et met dans le bain tout de suite. Le roman est un road movie dans lequel le narrateur, Pierre, n'est pas le personnage principal. C'est Sahaa qui mène la danse. D'ailleurs, Pierre n'est que sa "dame de compagnie". Il est influençable, tombe amoureux au premier regard. Sahaa est plus organisée, moins sentimentale. Elle baise utile. Leur périple les emmènera chez des rockers français en pays flamand, les fera croiser une call-girl diplômée en astro-physique, des skinheads suisses doux, des tueurs, des fêlés, ... Une galerie haute en couleurs pourrait-on dire en usant d'une expression toute faite. Pour être complet, je ne peux pas passer outre quelques longueurs dans le mitan du bouquin, rien d'insurmontable cependant, juste des pages moins marquantes, un peu plus mornes, comme la vie à Zurich qu'elles décrivent. L'action repart très vite jusqu'à la fin.

C'est un roman dans lequel les femmes décident, jouent avec les mecs, ce n'est pas très courant. En plus, écrit par un homme. 

"Finalement, c'est Sahaa qui a parlé en premier. A Béate.

- Bon, je te le prête. Tu connais un bon hôtel par ici ?

- Qu'est-ce que tu racontes ? Tu me le prêtes ? C'est ton chien ou quoi ? Et qu'est-ce qui te fait croire que j'en ai envie ?

- Non, ce n'est pas mon chien. Si c'était mon chien je te le prêterais pas. T'as pas une tête à aimer les chiens. Mais pour ton envie, t'as raison, j'en sais rien, mais Pierre, lui, il est comme malade de te vouloir. Ça je le sais. Alors disons que c'est professionnel : tu me diras demain combien tu prends pour la nuit. Tu verras, il est pas fatigant, c'est un sentimental." (p.151/152)

Et vachement bien écrit. Un style rapide, très oral, qui rappelle les polars ou romans noirs étasuniens des années 50. Je dis, ça, mais en fait, je n'ai pas beaucoup de références en la matière, juste quelques lectures à droite et à gauche ; ça m'a surtout rappelé les romans noirs de Vernon Sullivan dans l'ambiance créée et dans le style, parce que le contexte est actuel, moderne ; la technologie sans être étouffante est très présente. Et Pascal Thiriet fait preuve de beaucoup d'humour, écrit pas mal d'aphorismes, des réflexions très drôles, frappées au coin du bon sens, très imagées :

"Léo, je ne sais pas si c'est du lard ou du lard. C'est le genre homo croyant mais pas pratiquant. Il est tout en gêne et en désir, comme un bedeau. Bref, il a un truc à me dire et il va te le dire et si tout va bien, je vous rejoindrai. S'il y a un problème tu ne me verras pas et on se retrouve à l'hôtel. Tu prends ton pistolet à bouchon, les bedeaux, parfois, c'est pas clair." (p.105)

Un premier roman déjanté qu'on ne lit pas trop vite pour garder le plaisir plus longtemps.

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La dernière nuit

Publié le par Yv

La dernière nuit, Jean-Marc Bonnel, Éd. Élan sud, 2008

Un bouquiniste, par les hasards d'une amitié, se retrouve en possession d'un cahier qui, écrit en une nuit, raconte la vie de Pierre Bénazet, né monstre, rejeté de tous, sauf de sa grand mère Méman qui l'élèvera à la ferme des Broucaillou en Ariège. Il y grandit, protégé par l'amour de Méman et ignoré et haï par son grand-père. Un jour, encore enfant, il se voit dans un miroir...

Petit roman ou grande nouvelle (70 pages) emplie d'amour, de poésie, mais aussi de peur de la différence, de crainte d'autrui. C'est donc l'histoire de cet homme né monstre, fatalement coupable des turpitudes connues dans le coin aux yeux des gens dits normaux. Roman rural et ancestral qui reprend les thèmes connus de la vie à la campagne, des peurs des villageois pour l'inconnu, du repli sur soi. Dans le même temps, c'est un roman intéressant, car c'est le point de vue du monstre : ce qu'il est réellement, ce qu'il ressent, ce qu'il vit. JM Bonnel s'est glissé dans sa peau et grâce à son écriture fine et sensible, il réussit à faire vivre Pierre Bénazet. Il décrit aussi les paysages, les autres personnages joliment. Nous avons tous lu ou vu ce genre de chroniques rurales, et celle-ci est très visuelle, faisant appel à nos souvenirs.

Doucement, JM Bonnel fait monter la tension parce qu'évidemment, la vie de son héros ne sera pas facile. Il aura néanmoins quelques onces d'espoir et d'amour dans sa vie rude et quasi solitaire.

Récit à la fois dur et poétique : "Pour certains, le petit matin évoque la naissance d'un jour nouveau, pour moi, c'était la fin du voyage. Je m'apprêtai à quitter ce monde. Une brume épaisse montait lentement de la vallée. Mon âme allait se fondre dans l'humidité et disparaître dans les rues. Un frisson me parcourut, je me mis à pleurer et le visage de Méman m'apparut doucement." (p.55/56)

On sent dans l'écriture de l'auteur toute l'admiration qu'il a pour les mots et tout le plaisir qu'il prend à les tordre, les triturer, jouer avec eux, avec les sonorités, les paronymies, ...

JM Bonnel, natif de l'Ariège, après avoir été fonctionnaire de police, puis libraire spécialisé en livres anciens à Marseille, écrit des livres et un spectacle qu'il joue dans la région marseillaise. Accessoirement, il loue des studios dans cette ville et lors de nos vacances dans l'un d'eux, il nous a été permis de faire sa délicieuse connaissance.

PS : Jean-Marc Bonnel à un site : ici.

 

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Ne lâche pas ma main

Publié le par Yv

Ne lâche pas ma main, Michel Bussi, Presses de la cité, 2013

Île de la Réunion, Liane et Martial Bellion sont en vacances avec leur fille Josapha, surnommée Sofa. Un jour, Liane disparaît. Martial est le suspect n°1. Il devient le coupable idéal du meurtre présumé de son épouse lorsqu'il fuit, emmenant avec lui Sofa. Aja et Christos, les deux gendarmes qui s'occupent de l'affaire peinent à le retrouver. La traque débute.

Qu'il est long à commencer réellement ce roman policier ! Les 100/120 premières pages n'en finissent pas, entre guide touristique et historique de l'île de la Réunion. Déjà que j'avais très envie d'y aller avant de lire ce livre, maintenant, c'est pire. Michel Bussi raconte l'histoire de cette montagne poussée dans l'océan, les origines de ses habitants, les Zoreilles (Français métropolitain installés), les Malbars (Réunionnais non musulmans d'origine indienne), les Cafres (Réunionnais d'origine africaine), les Zarabes (Réunionnais musulmans d'origine indienne), les Touristes et les Créoles. Intéressant, moi qui aime lorsqu'un polar a du contexte, je suis servi. Mais ce qui est pas mal c'est quand l'histoire démarre.

Puis, lorsque la traque commence vraiment, les choses deviennent sérieuses et le bouquin passionnant et "inlâchable". On continue de parcourir les rues et routes de l'île, mais cette fois avec du suspense. On sent bien que l'intrigue n'est pas aussi simple que les flics le croient. Cette intrigue tient jusqu'au bout, grâce à des détails que livre de page en page, l'auteur.

Michel Bussi construit également ses personnages, il leur crée une histoire, un passé, une personnalité. Chacun son genre, la gendarme têtue et obstinée, son collègue flemmard qui aime beaucoup plus la croupe de sa compagne Imelda que le travail -peut-on le blâmer ?-, Imelda justement, qui retient tout ce qu'elle voit et entend et veut apporter son aide :

"- Ma copine de plumard. Une Cafrine, l'Intel Core, elle a cogité toute la nuit sur l'affaire. Elle aussi trouve qu'il y a quelque chose de louche là-dessous. Une sorte de logique sous-jacente.

- C'est une qualité de savoir déléguer, Christos. Elle fait dans la divination comorienne, ta copine ? Marc de café Bourbon ou entrailles de bouc ?

- Plutôt dans l'Harlan Coben. Genre divination à trois chapitres de la fin..." (p.165/166)

N'oublions pas non plus les gens qui travaillent dans les hôtels de luxe de l'île, et les touristes, ni Liane, la métropolitaine qui disparaît et Martial au passé plus trouble qu'on ne pourrait le croire de prime abord.

En conclusion, si une visite de l'île de la Réunion (un peu longue au départ, mais il est pardonné à Michel Bussi qui se rattrape très largement sur l'ensemble de son roman ; et en plus, j'ai appris plein de trucs sur son histoire et ses habitants) et une chasse à l'homme haletante vous tentent, n'hésitez plus, vous avez trouvé le livre qu'il vous faut.

Merci Marie-Jeanne

 

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