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Get up America (1)

Publié le par Yv

Get up America, John Lewis, Andrew Aydin, L. Fury, Nate Powell, Rue de Sèvres, 2022 (traduit par Fanny Soubiran)

Suite de Wake up America qui s'arrête en 1965 et dans lequel le député John Lewis (1940-2020) raconte son parcours de militant noir pour les droits civiques. Il poursuit son récit dans ce tome 1 de Get up America, récit enrichi de diverses sources. Les tensions sont extrêmes entre blancs supémacistes et noirs non-violents, mais également entre les mouvements des noirs qui, pour certains résistent à la violence, tel celui du pasteur Martin Luther King, mais qui, pour d'autres engagent un vrai bras de fer violent avec le pouvoir, c'est la naissance des black panthers et la prise en main du mouvement de John Lewis par des gens qui délaissent la non-violence.

Même équipe que pour Wake up America : Nate Powell dessine, John Lewis raconte et Andrew Aydin qui a travaillé longtemps pour lui scénarise associé à L. Fury pour cette fois. Tout ce que j'avais écrit pour Wake up America est toujours d'actualité. Roman graphique qui raconte la lutte des noirs pour les droits civiques, les violences auxquelles ils sont confrontés, la ségrégation, la peur des blancs de perdre leur suprématie. La force des noirs est impressionnante et oblge au respect et à l'admiration. Le roman graphique montre également la montée de la violence dans les mouvements puisque la non-violence n'est pas aux yeux de certains, efficace. Les tensions sont vives, les responsables d'hier sont désavoués mais ne cessent pas pour autant la lutte.

C'est toujours très bien fait, les dessins en noir et blanc sont incroyables de réalisme et de force. Tout est là pour que ces albums (Wake up America et les deux tomes de Get up America) deviennent une référence et indispensable pour quiconque veut raconter et s'informer sur cette partie de l'Histoire des Etats-Unis.

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Une maison à Bogotá

Publié le par Yv

Une maison à Bogotá, Santiago Gamboa, Métailié, 2022 (traduit par François Gaudry)

Un professeur de philologie achète après avoir reçu un prix littéraire pécuniairement doté, pour l'un de ses ouvrages, une maison à Bogotá. La maison dont il rêve depuis longtemps, depuis l'enfance, lorsqu'il passait devant. Il y emménage avec sa tante âgée qui l'a élevé à la mort de ses parents lorsqu'il avait cinq ans. La visite de la maison et le déballage des objets donnent lieu au récit de sa vie aux quatre coins du monde, puisque sa tante était haut fonctionnaire et a été en poste un peu partout. Il parle de toutes les maison qu'ils ont habitées, de sa passion pour les langues, pour les arts.

Étrange roman qui au gré de la visite des pièces de la maison nous embarque dans le monde entier pour toujours revenir à Bogotá. Santiago Gamboa digresse sur des sujets brûlants : l'errance, l'éloignement de ses racines, l'enfance, l'idée de postérité, son pays la Colombie et sa politique, les très grandes disparités entre riches et pauvres... "... à la fin de chaque mois sonnait l'alarme du découvert, surtout lorsque je découvrais que la totalité de mon salaire ne suffisait pas à le couvrir. Je compris alors qu'être pauvre coûtait cher. On passe son temps à payer des intérêts et des pénalités, et à demander un prêt pour payer les intérêts, plus les intérêts d'un nouveau prêt pour acheter une voiture d'occasion qui tombait souvent en panne. [...] Être riche coûte réellement moins cher." (p.132)

Chaque fois qu'il part dans ses souvenirs, dans ses pensées, le philologue argumente, écrit de beaux paragraphes, de belles et longues phrases. Il y clame son amour des arts et de la littérature en particulier malgré une baisse ambiante de son attrait : "Nous sommes la postérité de Shakespeare, nous le lisons encore mais il se peut que notre génération soit la dernière à ouvrir ses livres, ou ceux de Cervantes et de Balzac. Quelle importance peut avoir pour nous une postérité qui les oublie peu à peu ? On peut craindre que tout ce que nous faisons soit voué à disparaître. Tombe dans un oubli complet. C'est pourquoi la seule chose qui ait du sens est en fin de compte d'écrire pour le présent le plus vibrant, où il reste encore quelques personnes qui apprécient la littérature. C'est la fin d'une fête de l'esprit qu'il faut vivre jusqu'à notre dernier soupir." (p.75)

Tout est dit, que pourrais-je ajouter ? Rien qui ne serait aussi bien dit ou écrit. Santiago Gamboa aime l'écriture et la lecture. Cela se sent et il sait partager sa foi en la littérature dans ce roman qui pourrait sembler partir dans tous les sens et qui est au contraire diablement maîtrisé, qui ne nous perd jamais, nous accroche dès son début et ne nous lâche pas une seule fois. J'ai déjà pas mal cité d'extraits, j'en avais repéré encore plein, mais le mieux est de les découvrir dans l'entièreté du roman.

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Partir un jour

Publié le par Yv

Partir un jour, Manu Boisteau, Casterman, 2021

"Quitter son job pour écrire un livre.

Combattre ses démons intérieurs.

Digérer le départ définitif de l'être aimé.

Adopter un bonsaï. Optimiser ses perspectives d'avenir.

Travailler sans relâche. Retomber amoureux.

Continuer d'avancer." (4ème de couverture)

C'est tout cela que va vivre le héros de Manu Boisteau, quarantenaire en plein questionnements. C'est l'âge auquel des doutes existentiels, des remises en question arrivent souvent. Là, c'est assez radical. Consultation de psy, d'hypnothérapeute, dialogue avec son surmoi qui prend la forme d'un chien très Droopyesque ou Brian Griffinesque, pour ceux qui connaissent Family Guy. Cauchemars récurrents avec des formes désagréables qui hantent l'homme en question et qu'il combat mollement.

C'est drôle et léger mais pas seulement, ça pose aussi des questions sur le sens que l'on veut donner à sa vie, au moins à la seconde partie d'icelle : rester dans un boulot certes rémunérateur mais fatigant et ennuyeux ou changer de vie pour tenter de réaliser si ce n'est des rêves au moins des envies ? Tenter de sauver son couple ou fuir ? Bon, là, c'est elle qui s'en va, lui étant bien incapable de prendre une décision, ce qui règle brutalement le problème.

J'aime beaucoup cet album, les toutes petites cases non cadrées avec des petits personnages dont le héros chauve et avec lunettes, les plus grandes qui concernent surtout les cauchemars hantés de monstres. Les dessins qui penchent sérieusement vers l'humour, les phases par lesquelles passe le héros, les amis sarcastiques dont il aurait aimé le soutien...

C'est décalé, ça parle des affres de la création, des doutes, de la difficulté à écrire, à créer quelque chose qui ne serait pas du déjà-vu-déjà-lu, de l'usure du couple surtout lorsque les envies de l'un ne correspondent plus à celles de l'autre. J'aime les trouvailles comme ce chien surmoi ("surmouah"), la mauvaise foi du type, sa couardise. C'est si simple de dire je quitte tout, mais si compliqué à faire.

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Les chiens de Belfast

Publié le par Yv

Les chiens de Belfast, Sam Millar, Seuil, 2014 (traduit par Patrick Raynal)

En 1978, à Belfast, une femme est victime d'une agression particulièrement violente puis est violée par cinq hommes qui laissent son corps en pâture à des chiens errants.

Vingt ans plus tard, des meurtres d'hommes apparemment sans histoire s'enchaînent. Karl Kane, détective privé en mal d'affaires est engagé pour enquêter sur l'une des victimes.

Séduit par le dernier livre de Sam Millar, Un tueur sur mesure, j'ai décidé de creuser la production littéraire de l'auteur irlandais. Et j'ai commencé avec le premier de la série Karl Kane. Et comme, pour ne rien vous cacher, j'ai beaucoup aimé, j'ai déjà les tomes suivants qui m'attendent.

Du pur polar qui ne s'attarde pas autour de question sociétales, philosophiques ou historiques. Karl Kane est un privé divorcé-deux-enfants qui habite un appartement-bureau avec sa secrétaire Naomi qui est, évidemment, davantage que sa secrétaire et dans ce cas précis, bien davantage. Il est de mauvaise foi, un peu buveur, joueur de poker assez malchanceux, ex-beauf d'un flic avec tout un passif entre eux. Karl n'aime pas trop les flics, il les chambre aussi durement qu'il a la dent. C'est le roi de la répartie drôle, vacharde qui n'appelle pas de réponse sauf à se prendre une remarque encore plus vache en retour. Direct. Toujours prêt à défendre la veuve et l'orphelin -s'il y a de l'argent au bout, c'est mieux, ça aidera à payer les retards des divers fournisseurs-, à se lancer sans toujours réfléchir. Il ne relie pas toujours toutes les informations qu'il a à sa disposition et ça lui joue des tours. Mais je l'aime bien, c'est l'archétype du privé, celui qu'on aime bien retrouver dans des aventures parfois rocambolesques, parfois dangereuses, parfois les deux.

Et puis, il y a la patte Sam Millar, tout en punchline, en phrases qui marquent, qui vont vite. Des dialogues incisifs, drôles, méchants... Enfin tout pour plaire. La première rencontre avec Karl Kane débute ainsi, très intime : "Mince comme un fil mais d'une taille respectable, Karl Kane fit jaillir une goutte de crème du tube et, pour un homme aussi grand, l'appliqua plutôt délicatement sur la partie douloureuse de son postérieur. Jurant à mi-voix, il grimaça quand le froid de la crème atteignit sa cible. Quelques secondes plus tard, son visage moite se détendit à mesure que la crème produisait ses effets." (p19)

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Ce que nous sommes

Publié le par Yv

Ce que nous sommes, Zep, Rue de Sèvres, 2022

Dans un monde futuriste, Constant et Franz, deux jeunes amis enchaînent les expériences virtuelles. Leurs cerveaux sont augmentés et en permanence connectés au DataBrain qui centralise tous les cerveaux de tous les humains augmentés qui peuvent ainsi, en fonction de leurs revenus, posséder en quelques jours plusieurs dizaines de langues, des encyclopédies entières... Plus rien n'est limité, le savoir est à portée de tous. Mais tout cela reste virtuel, comme si à la place du cerveau il y avait un maxi-ordinateur, donc inévitablement sensible aux piratages, aux bugs et autres cyber-attaques.

The end et Paris 2119, deux albums précédents de Zep interrogeaient déjà notre devenir en tant qu'hommes aidés par les intelligences artificielles, mais aussi le devenir de notre planète que nous détruisons allègrement. Et les nouvelles technologies ne sont pas les moins énergivores : centre de sauvegardes de données, métaux rares pour fabriquer les PC, tablettes et autres smartphones... Zep continue d'explorer ces thèmes qui sont ou vont être au coeur des prochaines années. Le scénario général peut ressembler à d'autres histoires de science fiction, mais le bédéiste insère dedans des inventions comme les cerveaux connectés et crée des personnages attachants.

L'ouvrage pose des questions et les amène de manière douce. Comment allons-nous vivre demain ? La technologie nous permet-elle de mieux vivre, d'avoir davantage de connaissances, de prendre du temps pour les autres ? Suffira-t-elle pour faire un monde meilleur ? Ou sera-t-elle, au contraire, un moyen pour certains de prendre le contrôle ? Sera-ce elle, qui par sa consommation d'énergie nous précipitera vers l'abîme ? Et bien d'autres encore...

Peu de violence et des couleurs pastel, un trait clair. Tout est là pour que l'album puisse être lu et partagé au plus grand nombre, des ados aux plus anciens. Sûr qu'il suscitera des discussions sur le fond. Tant mieux, il est plus que temps.

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Bonne nuit, Monsieur Lénine

Publié le par Yv

Bonne nuit, Monsieur Lénine. Voyage à travers la fin de l'empire soviétique, Tiziano Terzani, Intervalles, 2022 (traduit par Marta de Tena)

"En août 1991, Tiziano Terzani navigue sur le fleuve Amour lorsqu'il apprend qu'un coup d’État vient de renverser Gorbatchev. Il se lance aussitôt dans un long périple qui le mène pendant plus de deux mois à travers la Sibérie, l'Aise centrale et le Caucase jusqu'à Moscou, capitale de ce qui est en train de devenir la nouvelle Russie. Chemin faisant, Terzani compose l'oraison funèbre du communisme soviétique et un récit de voyage inoubliable." (4ème de couverture)

Tiziano Terzani (1938-2004) était un journaliste italien qui a travaillé pour Der Spiegel. J'ai lu trois de ces livres, quatre en comptant celui-ci : Lettres contre la guerre et Un devin m'a dit, plus Un autre tour de manège non recensé. A chaque fois, ce fut un coup de cœur. Tiziano Terzani a le don et le talent de nous instruire sans nous lasser, c'est un pédagogue et un raconteur hors pair.

Cette fois-ci c'est son voyage sur le fleuve Amour, frontière entre la Russie et la Chine et donc source d'une tension terrible depuis longtemps, l'URSS ayant annexé des territoires -une habitude sans doute- qui appartenaient à la Chine. Des deux cotés du fleuve, des postes d'observation et des consignes pour ne pas le franchir. Le contexte du voyage est particulier en plein Putsch de Moscou mené par des durs du parti communiste russe refusant l'ouverture de Gorbatchev. Ce qui a fait le pays depuis 1917 vacille, mais loin de Moscou la tension n'est pas si palpable que cela. Il faut que l'information parvienne aux habitants de ces coins reculés et qu'elle les concerne directement dans leur quotidien, ce qui n'est pas flagrant.

Cela fait bizarre de lire ce livre paru en 1993 en Italie en ce moment de tension internationale extrême, de guerre, entre l'Ukraine et la Russie. Ce conflit qui nous voit complètement impuissants face à l'autocrate Poutine et ses délires d'expansion. Sans doute ce livre de Terzani permet de mieux comprendre la situation actuelle : voilà trente ans que la pays est passé du communisme au capitalisme et de l'URSS à la Russie, mais il a toujours cette volonté de puissance et d'unité -c'est un pays qui a toujours eu besoin d'un homme fort, d'un dur, très incarné depuis quelques années. C'est un pays rude, notamment dans les régions que l'auteur visite, la Sibérie peut être hostile. "La Sibérie a été le pays du Goulag. Chaque ville a sa propre collection d'histoires à frissonner d'horreur. Les chemins de fer, les ports, les routes de la région ont été construits par le travail forcé de centaines de milliers de prisonniers. Et bien que les noms officiels des lieux soient, comme partout, "Lénine", "Karl Marx", "Communisme", les gens disent "Rue des Os" ou "Allée des crânes", à cause du nombre de forçats morts pendant leur construction. C'est en Sibérie que Staline a tenté de réaliser son rêve de développement socialiste. C'est ici, afin de réveiller cette "Terre endormie", afin d'extraire les immenses richesses de cette région recouverte la moitié de l'année par une couche de glace, que Staline a envoyé des centaines de milliers de ses victimes." (p.71/72)

C'est un pays à l'histoire dense que Tiziano Terzani raconte au fur et à mesure de son avancée sur le fleuve et de ses rencontres des différents peuples assimilés de force. Pourvu qu'ils n'en soit pas de même avec les Ukrainiens. Les Russes des lointaines contrées sont souvent moins bien informés ce qui, de nos jours est peut-être moins vrai, encore faudrait-il que le pouvoir en place n'enferme pas les opposants, ne règne pas sur les médias voire ferme ceux qu'ils ne peut contrôler. Instructif et éclairant.

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Couleurs de la vengeance

Publié le par Yv

Couleurs de la vengeance, Maurice Attia, Jigal polar, 2022

Novembre 1980, dans un café de la Belle de Mai de Marseille, une dizaine de consommateurs est froidement assassinée. Paco Martinez ex-flic et maintenant journaliste au Provençal est témoin du massacre. Logiquement, il commence à enquêter et cherche les points communs aux victimes en rencontrant les veuves et proches. C'est Nathalie Roberti, femme du patron du bar qui, retranchée dans la maison de ses parents, attire l'attention de Paco.

François Nessim, ami de Paco, lui aussi journaliste est alors en reportage en Afghanistan que les Russes viennent de tenter d'envahir. Il se fait arrêter et est détenu par le KGB.

Suite des aventures de Paco, après La blanche Caraïbe et Le rouge et le brun. Et comme à son habitude, Maurice Attia juxtapose plusieurs histoires qui se mêleront s’emmêleront directement ou par ricochet. Ça rend son récit rapide, vivant, mais à force de beaucoup de répétitions le fait également traîner un peu en longueurs. Néanmoins, l'auteur sait comme personne nous replonger -pour les plus anciens- au tout début des années 80, qui ont été riches en événements politiques et géopolitiques.

Au début du roman, on se demande où Maurice Attia veut nous emmener et comment il va faire pour lier ses histoires, celle de Paco à Marseille et celle de François en Afghanistan, puis on suit les deux à coups de courts chapitres dans lesquels deux ou trois narrateurs interviennent à tour de rôle. A mon avis personnel qui est celui qui compte ici, puisque c'est mon blog, la force de ce bouquin, c'est certes la description de ce début de décennie et des changements espérés, mais surtout les personnages créés par l'auteur. Paco en tête, cet ex-flic converti en critique de cinéma qui ne rêve que de partir enquêter, de préférence là où il y a du danger et son ami François qui lui aussi ne vit que grâce à l'adrénaline que lui procure son travail. Mais il y a aussi Irène, la femme de Paco, qui sent que son couple ne va pas bien et qui a elle aussi des envies de liberté. Le tout donne une série originale, singulière qui se distingue dans la littérature policière française et qui n'aurait pas pu trouver meilleur éditeur, Jigal polar, qui sait justement repérer les polars, les voix et les univers originaux.

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Babyface

Publié le par Yv

Babyface, Olivier Balez, Rue de Sèvres, 2022 (d'après le roman de Marie Desplechin)

Personne à l'école n'aime Nejma, sauf Freddy qui est aussi son voisin. Nejma, le bonnet toujours enfoncé sur la tête préfère l'insolence et la provocation pour se cacher et ne pas entendre les remarques sur son poids, sa méchanceté. Elle est crainte. A chaque fois que quelque chose se passe à l'école, elle est désignée responsable. Lorsqu'un enfant est grièvement blessé, elle est accusée. A tort. Coupable idéale et impuissante à s'innocenter.

Le roman de Marie Desplechin est paru aux éditions L'école des loisirs, sous le titre Babyfaces. Ce n'est pas la première fois que je lis des adaptations de roman de la maison d'édition par des auteurs Rue de Sèvres -c'est la même maison-, et à chaque fois, et là encore, j'ai trouvé que c'était de très bons albums, car ils traitent souvent des thèmes de société touchant les ados : la séparation des parents, la violence intra-familiale, et pour ce dernier la violence à l'école, le racket et le harcèlement. L'histoire est bien menée, claire, identifie assez nettement les agressions, les coupables et les victimes. Nejma qui semble être la méchante de service est surtout malheureuse et la victime. Sa seule défense, c'est de se faire craindre sans en arriver aux mains. Cette histoire parlera aux ados et pré-ados directement mais sans en rajouter. Ils pourront se reconnaître ou reconnaître un ou une camarade.

Le dessin est lui aussi clair, réaliste assez coloré, moderne. J'aime bien Olivier Balez que j'ai déjà lu avec un tome de Infinity 8 : L'évangile selon Emma et J'aurai ta peau Dominique A. Il parvient à transmettre le mal-être de Nejma face aux injustices et dans sa vie déjà difficile d'enfant, mais aussi l'inquiétude des adultes et de Freddy son ami. Ce qui donne un album facile d'accès, qui sans être trop noir, permet d'aborder les questions qui préoccupent les jeunes et d'entamer une discussion sur icelles.

A laisser en évidence à la maison pour susciter l'envie de le lire et pourquoi pas celle de parler.

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Le Requin de Shinjuku

Publié le par Yv

Le Requin de Shinjuku, Arimasa Ôsawa, Atelier Akatombo, 2020 (traduit par Jacques Lalloz)

Tokyo, années 1990, le capitaine Samejima, promis à un bel avenir est freiné dans son ascension parce qu'il s'oppose à sa hiérarchie et entend faire le travail comme il le veut. Il sait et détient des preuves que les élites de la police sont corrompues et s'arrangent avec les yakuzas. Et Samejima, il n'y a rien qu'il exècre plus que les contrevenants à la loi qu'ils soient yakuzas ou flics.

Pour le moment, il est sur la piste de Kizu, un fabricant clandestin d'armes qu'il a déjà envoyé en prison. Il veut cette fois-ci trouver son atelier pour le coincer définitivement. Lorsque des gardiens de la paix sont abattus par une arme inconnue, Samejima est le seul à faire le lien avec Kizu. Aussi travaille-t-il en solo.

Une découverte pour moi que ce polar japonais qui m'a laissé un goût de "revenez-y" avec néanmoins quelques réserves. Celles-ci sont davantage sur la forme qui parfois, traîne dans des descriptions notamment sur les différentes armes, sur les parcours de Samejima dans son quartier de Tokyo. C'est somme toute assez mineur et quelques pages peuvent se passer vite. Le reste m'a plu. L'intrigue n'est pas hyper originale ni décoiffante, elle est classique, mais bien menée et entretient une tension jusqu'à la fin. Ce que j'ai aimé c'est le dépaysement : je ne lis qu'un peu de littérature asiatique et japonaise mais pas vraiment du polar -un seul je crois, Out de Natsuo Kirino. Arimasa Ôsawa nous plonge dans le quartier le plus chaud de Tokyo, le plus vivant et si l'on s'imagine un Japon aseptisé, propre et des Japonais au cordeau, il fait sauter cette image : des boîtes, des salles de concert, de jeux, des bordels... Et il le fait avec une écriture simple, directe qui ne s'embarrasse d'aucun artifice. C'est tellement réaliste, que parfois, on a l'impression d'un reportage journalistique. J'aime bien, on sait où l'on va et on entre aisément dans Shinjuku grâce à cela.

Et puis, il y a aussi son flic intègre, le capitaine Samejima surnommé le Requin de Shinjuku "cet inspecteur solitaire qui s'approchait sans bruit pour se ruer tout à coup sur sa proie." (p.48) un solitaire puisque personne ne veut bosser avec lui et qu'il aime bien cette situation, contraint de cacher sa relation avec Shô une chanteuse d'un groupe rock, pour la protéger. A l'heure où la police de Tokyo chasse le communiste -certaines unités sont dédiées à cela-, lui préfère traquer le crime d'où qu'il vienne. Pas très apprécié par ses collègues et même franchement haï par le commandant Kôba issu de la même promotion, qui lui a su grimper les échelons, il mène ses enquêtes comme il l'entend.

Bref, une très belle découverte et j'ai la suite dans ma liseuse -enfin, celle de Madame Yv-, Le singe venimeux.

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