L'anatomiste

L'anatomiste, Marilyne Fortin, Terra Nova, 2016...,
1524, Blaise, jeune garçon doué pour le dessin est exploité par son père qui vend ses productions sur le marché, ce qui rapporte parfois assez pour manger une journée. Son père, Elzar est violent, il utilise ses enfants pour mendier et aller boire ou jouer l'argent récolté. Un jour, Blaise est repéré sur le marché par un peintre renommé, Maître Battisto. Celui-ci l'achète à son père pour en faire son apprenti. Blaise respire enfin et peut se vouer à ce qui lui plaît le plus, dessiner, peindre. 1539, Battisto meurt et Blaise n'a d'autre choix que de se mettre au service du méprisant Gaspar De Vallon, chirurgien qui veut écrire le meilleur traité d'anatomie et s'adjoint donc un dessinateur talentueux. La même année, Marie-Ursule, jeune prostituée qui vit aux Halles avec sa mère charme Blaise et De Vallon.
Belle surprise que ce roman qui se déroule dans la France de la Renaissance. De cette période, on garde souvent en tête, François 1er, Léonard de Vinci évidemment, mais il est bon de se remémorer que les temps sont durs pour le peuple, que beaucoup de Parisiens vivent dans des taudis, mendient pour vivre, se prostituent et qu'ils ne réussissent qu'à survivre dans ces conditions terribles. La médecine n'est pas encore au top, mais elle s'intéresse de près à l'intérieur du corps, d'où ces anatomies parfois publiques auxquelles le public vient nombreux : "Blaise n'avait jamais imaginé qu'une anatomie publique puisse attirer une foule aussi dense. On avait fermé les portes depuis quelques minutes seulement et déjà l'atmosphère s'alourdissait. La chaleur des corps, des torches et des nombreuses bougies eut tôt fait d'emplir la pièce et Blaise remarqua avec satisfaction qu'il avait cessé de frissonner." (p.109)
Marilyne Fortin agrémente sa plongée dans le Paris populaire de ces années-là d'une histoire d'amour qui naît dans des conditions très particulières et vouée à l'échec sauf si... mais je ne vous en dis pas plus pour ménager le suspense. Ce roman est bien agréable si l'on fait fi des coquilles qui l'émaillent. Néanmoins, j'aurais aimé plus de concision -pas d'incision, il y en a assez- non pas que les séances de découpes des corps soient insoutenables, mais plutôt répétitives. A moins, on comprend très bien... Basé sur un fait historique, un traité anatomique, De humani corporis fabrica paru en 1543 et illustré de gravures anonymes, le roman de Marilyne Fortin est un très bon roman d'aventures avec des personnages attachants et fort bien décrits tant dans leur aspect physique que dans leurs pensées, réflexions et tourments. .
Publié en 2014 au Québec, sous le titre La fabrica, les éditions Terra Nova ont la très bonne idée de publier ce texte en France, vraiment, je le redis, une belle surprise.