Je sauverai le monde, Alain Lasverne, Ed. Kyklos, 2009 "La terre est à l'agonie [...]. Ultime recours, deux super-héros aussi célèbres qu'invincibles. Un seul suffirait naturellement, mais "on" a décidé d'en réveiller deux pour optimiser les chances des terriens et créer une saine émulation."(4ème de couverture) Je n'ai pas fait le résumé moi-même, bien incapable que j'en étais tellement j'ai détesté ce livre. J'ai même failli écrire que j'étais moi aussi, comme la terre, "à l'agonie", mais ce n'aurait pas été très gentil de ma part. Le style est lourd, empesé : une suite de mots, de tournures de phrases qui se veulent drôles, originaux mais qui ne sont qu'incompréhensibles et qui n'ont pas réussi à dérider mes zygomatiques. C'est pompeux : on sent que l'auteur cherche à créer un "style", mais c'est laborieux. Des parenthèses, des digressions mal venues -n'est pas Jaenada qui veut ! J'ai tenté de résister à l'envie de refermer ce livre sans le finir. J'ai réalisé l'exploit plusieurs fois, mais l'envie était vraiment trop puissante - ou plus exactement, l'ennui était trop puissant. Désolé B.O.B et désolé les éditions Kyklos pour ce partenariat raté pour moi, mais vous m'avez demandé un effort trop dur pour moi !
La face cachée de la lune, Martin Suter, Ed. Christian Bourgois, 2000 Urs Blank est un avocat d'affaires brillant, promis à un avenir enviable et associé d'un des plus grands cabinets d'avocats du pays (la Suisse). Il est le spécialiste des fusions de sociétés. Il a quarante cinq ans, vit avec Evelyne, galeriste. Ils jouissent d'une vie très confortable. Un jour, Urs rencontre Lucille, jeune hippie vendeuse d'encens sur un marché. Ils commencent une relation qui va emmener Urs sur les terrains des drogues dites douces qui ne seront pas sans conséquences pour lui. Deuxième roman de Martin Suter après l'excellent Small world. Tout aussi bon, bien que très différent. Suter explore les domaines de la finance (c'est le côté un peu ardu et abscons du livre, mais qu'on peut passer un peu vite sans nuire à l'histoire), celui des drogues douces (sa documentation sur les champignons hallucinogènes est très poussée et semble exhaustive, mais bon, je ne suis pas spécialiste), et celui de la vie en forêt. Dit comme cela, on se demande comment ces trois domaines peuvent se rejoindre ; Suter les relie admirablement bien. C'est "un hymne à la forêt, un roman policier de l'âme humaine." (4ème de couverture) Des passages liés à la vie en forêt d'un réalisme efficace, tout comme ceux qui concernent ces fameux champignons servis parune écriture rapide, qui fait mouche, extrêmement détaillée et précise. Ajoutez un bon suspense, des personnages tous plus retors les uns que les autres : aucune oie blanche dans le lot et vous obtenez un roman à lire absolument !
Pope-corn, Gabriel Boccara, La table ronde, 2010 "Pope-corn est un divertissement orthographique. Le principe du jeu ? Inclure en totalité ou en partie un mot dans un autre pour en former un troisième, exclusivement homophone ou homographe du terme hôte. Exemples : Roturier + hauturier = rhauturier (homophone) frimousse + mousse = frimousse (homographe)" Voilà pour l'explication donnée par Gabriel Boccara en première page de ce recueil qui a pour sous-titre "Petits éclats de mots.". C'est un vrai plaisir et un vrai exercice (pour tous) que de lire ce livre. On suit l'ordre alphabétique, ou on prend les mots au hasard. A chaque fois, la définition fait mouche. Elle est drôle, ou fine ou plus grave. Parfois tout en même temps. Exemples pour vous donner envie : "Euthanazie (n.f.) : Purification ethnique Présidanse (n.f.) : Valse des dirigeants Pissine (n.f.) : Grand bassin dans lequel il est d'usage d'uriner discrètement en nageant Seinthétique (adj.) : Se dit d'une poitrine qui a reçu des implants mammaires" Ce petit livre contient 130 définitions comme celles-ci . A garder près de soi, pour piocher un ou plusieurs mots, de temps en temps. Merci aux éditions de la Table ronde.
Ballon mort, Marc Villard, Le castor astral, 2008 Stéphane Miller, enquêteur pour les assurances les Mutuelles réunies doit retourner dans sa ville natale pour tenter d'élucider la disparition d'un ami d'enfance, gloire du football. Ce qu'il ne sait pas c'est qu'il va devoir partir avec son fils et loger chez son père. Ce qu'il sait, par contre, c'est qu'il va revoir toute la bande de ses anciens copains et remuer des affaires sordides. Roman policier de Marc Villard dont on m'a conseillé la lecture ; je reste sur ma faim. Certes, je ne m'attendais pas à un roman anglo-saxon avec un rebondissements prévisibles toutes les 3 pages, mais là, c'est franchement assez mou, prévisible et un peu ennuyeux. Tous les clichés sur les notables de Province sont écrits, mais ce sont des choses que l'on a déjà lues ou vues. Pas assez incisif. Le livre démarre quand même vers la page 100 (sur 168 !). Heureusement que Villard possède une écriture qui retient, parce que sinon, j'aurais refermé ce livre presque sitôt ouvert. Ajoutez à cela que je m'attendais à une bonne dose d'humour noir et décalé comme on peut le trouver dans des romans noirs français et que rien n'arrive. Vous comprendrez alors ma déception. Pas mal, sans plus !
Le cri du peuple, Jean Vautrin, Jacques Tardi, Casterman Je continue sur ma lancée pour parler de ce dessinateur de bande dessinée que j'aime beaucoup : Tardi. Cette fois-ci, il a collaboré avec Jean Vautrin et adapté à la bande dessinée le roman de ce dernier. Tout se passe dans le Paris de La Commune de 1870. On suit les aventures de différents personnages pris dans la tourmente des événements : le Capitaine Tarpagnan, passé du côté communard et amoureux de la belle CafConc', Grondin, ancien bagnard à la recherche de celui qu'il pense être le meurtrier de sa fille, Hippolyte Barthélémy, policier avide d'avancement tentant de résoudre son enquête.
Contrairement à Adèle Blanc-sec, le dessin est en noir et blanc. La ville des Paris, ses rues, ses bâtiments sont toujours aussi présents. On croise dans ce recueil aussi bien Jules Vallès que Gustave Courbet. Tardi dessine des personnages reconnaissables, de vraies "tronches", pour la majorité, abîmées, mais aussi quelques belles "gueules" : Tarpagnan ou CafConc'. Pour moi, jusqu'à présent, c'est la BD de l'auteur que je préfère et probablement la BD que je préfère tout simplement. Ce pur moment de félicité (j'exagère à peine !) existe en 4 volumes, mais il existe aussi en une seule pièce de 312 pages que j'ai le plaisir d'avoir dans ma bibliothèque personnelle.
Adèle Blanc-sec, Jacques Tardi, Casterman Adèle Blanc-sec est une feuilletoniste des années 1910/1920 qui raconte dans les journaux parisiens de l'époque, ses propres aventures. Elle est aventurière, fréquente des savants fous, des gens de la pègre, malfrats et autres escrocs et d'autres personnages ou créatures tout droit sortis de l'imagination de Tardi. Les monstres cotoient les mutilés de la grande guerre (période fétiche de l'auteur), les mafieux et les flics véreux ou incompétents. Dans cette bande dessinée (dessin et scénario de Tardi), les rues et les bâtiments du Paris des années vingt sont très présents ; l'invraisemblance tutoie la réalité pour mon plus grand plaisir. La série complète comprend 9 tomes (Adèle et la bête, Le démon de la tour Eiffel, Le savant fou, Momies en folie, Le secret de la salamandre, Le noyé a deux têtes, Tous des monstres, Le mystère des profondeurs, Le labyrinthe infernal). Je me suis laissé dire que Luc Besson avait adapté Adèle Blanc-sec au cinéma pour une sortie prévue prochainement (avril 2010, je crois) : j'ai hâte de voir ce que ça peut donner.
La petite Française, Eric Neuhoff, Albin Michel, 1997 Le narrateur, un écrivain tout juste trentenaire, en mal d'inspiration, débute une vie de vieux, en restant chez lui, ne regardant plus que Le mépris de Godard. Survient alors dans sa vie sa jolie voisine, Bébé, âgée d'une vingtaine d'années. Elle est l'inverse de lui. Toujours en mouvements, un peu folle et toujours pleine de vie et d'envies. Ils commencent une histoire d'amour dont on sent dès le début qu'elle se finira mal ou qu'elle finira, tout simplement. Le roman est à la fois agaçant et plaisant. Agaçant, parce que la petite vie parisienne des gens en vue : journalistes, comédiens, peintres à la mode, ... est très (trop !) présente et vraiment inintéressante. On pourrait avoir parfois l'impression de lire Gala ou Voici. Agaçant aussi, parce qu'on ne sait pas où Neuhoff veut nous emmener. Les tergiversations de l'un ou de l'autre sont répétitives et longuettes. Plaisant, parce que l'histoire d'amour que le narrateur vit avec Bébé n'est pas banale, qu'elle bouscule le narrateur. On sent aussi qu'elle prendra fin, mais on ne sait pas où et comment, ni pourquoi, ce qui maintient un léger suspense. Plaisant encore, parce que le style de l'auteur est rapide : petites phrases, vocabulaire simple qui donnent du rythme à cette histoire, le rythme que Bébé donne à leur histoire. Un livre pas inoubliable, mais pas désagréable. Prix Interallié 1997.
Droit du sol, Charles Masson, Casterman écritures, 2009 Dans cette bande dessinée, Charles Masson (médecin à la Réunion, et qui fait des remplacements à Mayotte) a recueilli le témoignage des habitants de Mayotte : migrants, prostituées, médecins, métropolitains cherchant dépaysement, aventure ou vie tranquille. Le constat est sordide et effrayant. Dans cette île, une majorité des habitants est clandestine, vient se faire soigner gratuitement et espère en des jours meilleurs pour ses enfants qu'elle peut scolariser. Jusqu'à très récemment, tout se passait plutôt bien, seulement, les lois de reconduite des sans papiers et de quotas d'expulsions menées par le (très ? trop ?) zélé Brice Hortefeux cassent tout cela. Charles Masson, dans une interview instructive que vous trouverez ici, dit : "Brice Hortefeux et ses quotas d’expulsions sont arrivés. C’est à Mayotte que les expulsions coûtent le moins cher car l’île d’Anjouan, de l’archipel des Comores, n’est qu’à quelques kilomètres. Et comme les migrants arrivent tous les jours dans des barques appelées kwassas, il est facile de faire du chiffre. C’est une vaste escroquerie." C'est un livre né de la colère et du dégoût de ce que peut faire la France dans ses territoires éloignés de la métropole. Je l'ai lu en oscillant entre dégoût et colère moi aussi, entre honte de ce que fait la France et de ce que je ne fais pas, entre compassion, compréhension et admiration pour ceux qui vivent là-bas : habitants de Mayotte décrits plus hauts, mais aussi les médecins et personnels hospitaliers qui se battent pour soigner convenablement tous ses habitants quels qu'ils soient. Surtout, si vous trouvez cette BD, ne passez pas votre chemin sans l'ouvrir ; on y croise aussi des gens "normaux" avec leur petites lâchetés et faiblesses, des gens heureux de rendre service et d'autres, heureux de vivre tout simplement !
J'aurais voulu être un type bien, Marc Villard, Ed. L'Atalante, 1995 J'ai choisi ce livre à la BM, au hasard d'une carte blanche faite aux éditions nantaises L'atalante, voisines de mon lieu d'habitation. C'est un recueil de "nouvelles à caractère autobiographique", même si au fil de la lecture, on se rend compte que, si certaines peuvent être autobiographiques, toutes ne le sont pas : certains personnages morts ou séparés dans une nouvelle, réapparaissent ou vivent encore ensemble dans la suivante. Cela n'enlève rien à la qualité du livre de Marc Villard, connu surtout pour ses polars. Les nouvelles sont inégales, mais se dégage de ce livre une atmosphère de vécu. On a l'impression d'un narrateur qui raconterait ses petites mésaventures, ses rêves. Cette écriture du quotidien peut décontenancer, irriter ou mettre mal à l'aise. Certes, ce n'est pas très dépaysant, mais j'avoue aimer le style et le genre. Ce n'est pas très gai non plus, malgré de grosses touches d'humour, du détachement et de l'ironie de la part de Marc Villard. Et puis, son écriture d'auteur de polar est bien présente et donne un ton "noir" général au livre.