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Le lutteur

Publié le par Yv

Le lutteur, My Seddik Rabbaj, Le serpent à plumes, 2015....

Yahya est un jeune Raytsoute, une tribu noire en plein cœur du Maroc, des descendants d'esclaves. Ce peuple, chassé par les autres tribus s'est installé aux portes du Sahara et au fil des années a fait d'une terre aride et sèche dont personne ne voulait une oasis verdoyante. Ils sont travailleurs, paisibles, mais leur réussite attise les jalousies et les convoitises d'une tribu de la montagne qui va les massacrer pour s'attribuer leurs terres. Seul Yahya, sa mère, son petit frère et sa petite sœur parviennent à fuir. Ils se réfugient dans une ville du nord, La Zaouya, sous la protection d'un Cheikh puissant. Sous couvert de la foi, ce Cheikh règne en maître absolu sur sa région et entend mettre toutes les tribus avoisinantes sous sa coupe, quitte à les soumettre par la violence. Yahya est un jeune homme fort qui apprend très vite l'art de la lutte et de la guerre. Seul noir à être un peu accepté par la société, il ne sait réellement profiter de sa gloire, il cherche à protéger les siens.

Ça commence comme une histoire terrible, une guerre entre deux clans, l'extermination de l'un par l'autre et la fuite de Yahya l'adolescent et de sa famille, son père étant resté combattre ; ça continue comme un conte des milles et une nuits, Yahya et sa famille rencontrant enfin un monde de paix où tout le monde vit en apparente harmonie. Et puis, petit à petit, le lecteur prend conscience que ce monde régit par le Cheikh est une sorte de dictature religieuse : tout est dominé par le Coran et son interprétation par le maître des lieux. Yahya réussit à se hisser dans la garde rapprochée du Cheikh grâce à sa stature et son talent mettant ainsi sa famille à l'abri, fort heureusement pour eux, les noirs n'étant pas bien vus dans le pays. D'ailleurs, Yahya faisant preuve d'une bravoure sans pareille pendant les combats est surnommé par ses adversaires, le diable noir, ils le pensent réellement envoûté. Tout est sous le joug du Cheikh et de la religion, le roman est rythmé par les prières, les prêches du Cheikh (ils sont mentionnés, mais My Seddik Rabbaj nous en épargne la plus grande partie ne citant que quelques passages marquants).

Un très beau roman d'aventures, un roman d'initiation et d'amour qui demande une lecture assez lente pour ne rien en perdre. My Seddik Rabbaj a une écriture qui fait ressortir les odeurs, les couleurs et les sons. A ce propos, le quatrième chapitre consacré au moussem est absolument magnifique. Le moussem est au Maghreb, une fête régionale religieuse qui associe la prière, le commerce et des épreuves : la lutte pour celui de La Zaouya (lieu dans lequel vit Yahya) et un spectacle avec les prouesses de chaque tribu présente. L'auteur décrit toutes les tribus, leurs couleurs de vêtements, leurs particularités physiques et les épreuves qu'elles présentent toutes plus fantastiques les unes que les autres. Tout est tellement beau et fort que Yahya tarde à se rendre compte de la main mise du Cheikh ; il faudra qu'il tombe amoureux pour que ses yeux s'ouvrent.

Un roman qui traite des thèmes difficiles du racisme et de l'intégrisme religieux par un biais original et qui s'intéresse à ses héros, des petites gens qui n'aspirent qu'à vivre tranquillement et en parfaite harmonie avec les autres. On pourrait presque tomber dans le panneau de cette vie idéale chez le Cheikh, cette sorte d'utopie où tout le monde semble heureux et épanoui, mais My Seddiik Rebbaj sait avec habileté mettre dans son récit toutes les traces de l'intolérance, de la domination et de la soumission.

Le serpent à plumes renaît avec entre autres cet ouvrage, soutenu par les éditions de l'Aube, une bien belle manière de renaître.

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Moi, Surunen, libérateur des peuples opprimés

Publié le par Yv

Moi, Surunen, libérateur des peuples opprimés, Arto Paasilinna, Denoël, 2015 (traduit par Anne Colin du Terrail)...,

Viljo Surunen est professeur de philologie à l'Université d'Helsinki. Il est aussi, avec son amie, la professeure de musique Anneli Immonen un ardent militant à Amnesty International. Un jour, il se rend compte qu'écrire des lettres aux chefs d'états pour obtenir la libération de tel ou tel opposant politique ne suffit plus, il doit aller directement dans les pays concernés pour les libérer. Depuis des années il parraine un prisonnier politique au Macabraguay, dictature d'Amérique centrale. Il décide de s'y rendre par ses propres moyens, soutenu par Anneli Immonen.

Remarque liminaire, Arto Paasilinna a écrit ce roman en 1986, il n'est traduit en français (admirablement, comme toujours par Anne Colin du Terrail) que cette année. Il faudra donc que le lecteur fasse l'effort de se replonger dans ces années où le téléphone portable n'existait pas, ni Internet, où le mur de Berlin était encore debout (je précise, car après le Macabraguay, Viljo Surunen ira de l'autre côté du mur en Vachardoslavie), où moi-même je pensais à bien autre chose qu'à un journal de mes lectures (bon, je lisais déjà pas mal, mais j'entamais ma brève et médiocre carrière d'étudiant, j'avais d'autres occupations : sortir, étudier, sortir, me reposer parce que les sorties, ça fatigue, sortir parce que je m'étais bien reposé, étudier ? ah oui, tiens, une bonne idée... mes enfants, merci de ne pas me lire ou de croire que ce ne sont là que des sornettes destinées à mettre mon lectorat en appétit, parce que là, c'est pas pareil, c'est moi qui paie vos études...)

Bon, revenons donc à Surunen après cet avant-propos qui s'est un peu éloigné du sujet. La première partie, celle qui se déroule au Macabraguay est un peu longue, il aurait fallu tailler un peu dedans pour garder le rythme tout du long. La seconde partie, en Vachardoslavie, est plus courte, nettement plus dynamique. La différence entre ces deux parties donne un livre déséquilibré, j'aurais préféré deux parties équivalentes, un roman plus ramassé, plus court d'au moins une bonne soixantaine de pages. Il finit néanmoins sur la partie la plus rythmée, je reste donc sur une belle impression. Et puis, la plume légère et drôle d'Arto Paasilinna fait le reste, ses personnages sont toujours barrés, ils ont un gros grain, se mettent dans des situations abracadabrantesques comme dirait certain, sous couvert de la poésie d'Arthur Rimbaud. Surunen n'est pas un sur-homme ni un super héros, mais il réussira des exploits et subira des tortures qui me font encore frissonner, mais tout cela avec le sourire (le mien, parce que le sien sur le moment n'était pas vraiment sur ses lèvres). Sûr de son bon droit, il file et se moque des dangers. Au passage, Arto Paasilinna en profite pour mettre dans le même panier les dictatures installées et soutenues par les États-Unis à grand renfort de dollars et de soutien logistique et les dictatures soutenues, encouragées et souhaitées par l'URSS de l'époque. Les discours ne sont pas les mêmes, certains ne jurent que par le capitalisme, alors que les autres ne croient qu'au communisme, mais les résultats sont les mêmes : les dirigeants s'enrichissent, mettent en prison ou en camps les opposants ou les font tuer sous divers prétextes, et le peuple souffre.

Conclusion, bien qu'un peu long, ce roman d'Arto Paasilinna ancré dans une triste réalité, celle des dictatures, réjouira les lecteurs pas son sens de l'absurde, la folie douce de ses personnages. Un pari réussi que de faire rire ou sourire avec un thème a priori grave.

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Ça coince ! (27)

Publié le par Yv

Notre famille, Akhil Sharma, L'olivier, 2015 (traduit par Paule Guivarch)..

Ajay, à peine dix ans quitte l'Inde pour les États-Unis où son père s'est installé depuis un an. Ajay et Birju son grand frère s'adaptent à leurs nouvelles vies aisément jusqu'au jour ou Birju est victime d'un accident terrible. La famille doit faire face alors à cette nouvelle situation, chaque membre recherchant l'aide dont il a besoin différemment.

Que dire ? Que dire ? Que je me suis ennuyé ? Certes non, enfin, un peu quand même. Que j'ai aimé ? Non plus. En fait, je suis passé au travers de ce roman sans qu'il s'imprime en moi. L'histoire d'Ajay ne m'a pas du tout touché, j'ai eu l'impression d'une vague connaissance qui me raconterait sa vie avec ses bonheurs et ses malheurs, sans que je compatisse ou que je me réjouisse. Imaginez la scène : je revois une vieille connaissance, on s'arrête prendre un verre dans un bar et, pendant qu'il me raconte sa vie, totalement absorbé par ce qu'il dit, mon esprit s'évade, je regarde au-dessus de mon interlocuteur -qui en l'occurrence est un monologueur (?)-, entend sa voix mais ne l'écoute plus, sans que lui ne s'en rende compte. Vous comprendrez dès lors que je n'ai pas d'avis sur ce roman. Alors pourquoi écrire un demi-billet dessus me questionnerez-vous ? Ben oui, pourquoi ? Juste pour faire mon intéressant, bien sûr..

Le club des pauvres types, Jonathan Curiel, Fayard, 2015..,

Paul quitte son appartement de célibataire pour s'installer avec Claire sa compagne.C'est le moment pour lui de faire le point, de se trouver face à ses angoisses, à ses questions que font naître la vie à deux. Ces deux trentenaires petit à petit voient leurs amis s'installer, se marier et avoir des enfants, la vie autour d'eux change...

Très inégal ce roman à réserver tout de même au public visé, les trentenaires voire jeunes quarantenaires pour qui ces souvenirs ne sont pas trop lointains.  Les débuts de chapitres peuvent être longs, les dialogues sont beaucoup plus vifs et intéressants, on y lit pas mal de réflexions drôles, décalées qui parfois font mouche et parfois font un peu "bonne blague à recaser". On sent que l'auteur en a sous le pied mais qu'il ne se libère pas totalement, ce qui fait que les bonnes intentions ne sont pas exploitées à fond. Ah, comme j'aurais aimé plus de délire et de décalage ! Certains passages sont très réussis, comme la visite du jeune couple à Ikea avec les parents de Claire, et le désintérêt de Paul qui demande à son beau-père "au crâne dégarni et au style élégant s'il souhaite (l)'accompagner quelques minutes dans la piscine à boules mais il ne répond pas, hélant son épouse comme pour se débarrasser de (lui)". (p.27), ou encore le séminaire avec une collègue très en forme.

Mes souvenirs de trentenaire jeune installé et jeune papa sont un peu anciens, je ne suis sans doute pas le lecteur visé par ce roman qui devrait convenir à la génération qui me suit, qui lui parle directement. 

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La vie rêvée des autres

Publié le par Yv

La vie rêvée des autres, Agnès Bihl, Don Quichotte, 2015.....

Jacky et Ferdinand sont amis depuis soixante ans. Ils furent respectivement disquaire et fossoyeur. Leur amie commune, Madeleine, 77 ans, est malheureuse en maison de retraite. Jacky et Ferdinand vont tenter l'incroyable pour l'en faire sortir. Mais l'idée qui paraît belle ne fera sans doute pas la joie des petites-filles de Madeleine, Magali et Delphine. Magali, croqueuse d'hommes et de la vie en général qui souhaite se marier avec son riche amant, se faire entretenir et le cocufier généreusement ; problème, il est déjà marié... Delphine, en ménage avec Jean-Christophe, un macho-misogyne, un gros connard doublé d'un imbécile.

Agnès Bihl m'avait déjà bluffé avec son recueil de nouvelles, 36 heures de la vie d'une femme, elle récidive avec son premier roman. Quelques passages un peu longs, assez rares cependant, donc je les évacue très vite. Le reste, eh bien, il est excellent. Ce qui me ravit c'est le sens de la formule de l'auteure, je pourrais en citer un nombre incalculable, des sortes d'aphorismes, d'expressions détournées, de réparties cinglantes (par exemple un dialogue entre copines) :

"Pas futé, ton bonhomme.

- C'est même le roi des cons. Ne le sous-estime pas.

- Et sexuellement il est comment ?

- Parfait pour chronométrer la cuisson des pâtes." (p.37)

A chaque fois, sa phrase sonne juste, tombe dans le mille. C'est drôle, ironique, tendre, tragique, ... car elle joue de tous les registres. Si le livre est globalement positif et joyeux, certaines pages sont sérieuses et bien senties, comme celles qui concernent la maltraitance que subissent les personnes âgées dans certaines maisons de retraite, ou les violences faites aux femmes, le racisme, la surabondance de soi-disant informations dans les journaux télévisés ou radiophoniques. Ce qui est bien, c'est que le raciste mis à part, qui est vraiment un gros "Connard" (dixit Agnès Bihl), l'auteure n'est jamais manichéenne, les maltraitants ont des circonstances qui peuvent expliquer certains comportements sans les excuser pour autant (les pages dans lesquelles elle décrit Jean-Christophe et Delphine au plus mal, où l'on sent monter l'acte, le viol dit-pudiquement-domestique, et l'après la honte de l'un, la peur et le dégoût de l'autre, en sont une illustration parfaite. Jean-Christophe reste un pauvre type, un salaud ordinaire, mais la montée en lui de cette pulsion est bien décrite). A chaque fois, je trouve qu'elle est juste, c'en est même énervant, parce qu'elle dit ce que je pense mais elle le dit mieux que moi. Moi qui m'énerve régulièrement ici contre les propos racistes, je me trouve lourdingue parfois, mais Agnès Bihl, avec la même colère est beaucoup plus fine (que voulez-vous je ne suis qu'un pauvre mâle... et puis le talent on l'a ou on ne l'a pas. Agnès Bihl l'a) : "Madeleine avait des envies de meurtre à chaque fois qu'elle croisait ce type, elle n'avait jamais pu s'habituer à ce genre de fumier. C'est dingue. Son Christ est juif, ses chiffres sont arabes et son berger allemand, mais Connard trouvait le moyen d'être raciste quand même." (p. 192)

En plus de toutes ces bonnes raisons de lire ce roman, j'ajouterai que l'auteure a su créer des personnages attachants avec leurs côtés chiants, leurs névroses et leurs difficultés à vivre mais leur volonté de ne pas nuire aux autres surtout à leurs amis et aux amis de leurs amis... Une famille très élargie dont on a envie de faire la connaissance, qui passera des journées à l'Île d'Yeu, qui reste l'une des mes îles préférées (avec Bréhat -mais il m'en manque encore beaucoup à visiter dans l'Atlantique ou la Manche ; si parmi mes lecteurs certains ont de bons plans voire des invitations pour m'en faire découvrir d'autres, n'hésitez pas, contactez-moi)

Bref, un excellent premier roman à l'écriture qui fait mouche. Agnès Bihl est aussi auteure-compositrice-interprète, je m'étais juré d'écouter ses albums après ma lecture de son recueil de nouvelles, je l'ai fait -légalement- sur Internet, point encore en vrai chez moi. Cette fois-ci promis, je le fais.

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Trois fourmis en file indienne

Publié le par Yv

Trois fourmis en file indienne, Olivier Gay, Le masque, 2015.....

"Un attentat dans le métro parisien. Une vente aux enchères. Un milliardaire au sourire trop large. Des soldats en treillis. Des directives de l'antiterrorisme. Une île paradisiaque. Du sable blanc. Une mer turquoise. Des fusils d'assaut. Et Fitz. Ce dealer, dragueur et parasite mondain n'a rien d'un James Bond. Alors, pourquoi se trouve-t-il au centre du complot ?" (4ème de couverture)

Non, non ce n'est pas ma paresse qui me fait recopier la quatrième de couverture en lieu et place de mon résumé personnel, mais une fois n'est pas coutume, je la trouve excellente, elle résume parfaitement le début du roman et donne envie d'aller creuser un peu. Fitz, Jonh-Fitzgerald Dumont de son vrai patronyme, n'est pas un inconnu pour vous, puisque je l'ai déjà rencontré et en ai parlé pour Les talons hauts rapprochent les filles du ciel, Les mannequins ne sont pas des filles modèles, Mais je fais quoi du corps. Lors de l'une des trois aventures pré-citées, Fitz avait fait appel à un pirate du net, qu'il a surnommé Bob, pour le sortir d'un mauvais pas. Fitz est donc redevable à Bob, qui entend lui faire payer sa dette dans ce quatrième tome. Fitz traîne toujours dans les boîtes parisiennes pour vendre la petite quantité de drogue qui lui permet de subvenir à ses besoins. Il est toujours proche de Moussah, videur, et Déborah. Mais lorsqu'il doit partir sur cette île accompagné, c'est Jessica son ex avec qui les rapports sont devenus très tendus, notamment parce qu'elle est commissaire de police, qui est choisie pour jouer le rôle de son épouse. Le décor planté, évidemment rien n'est simple, d'abord parce que Fitz n'a rien d'un espion, ensuite parce que les rapports avec Jessica sont difficiles et s'insérer dans un groupe de richissimes hommes d'affaires n'est pas aisé et enfin les mercenaires armés qui surveillent toute l'île ne laissent que très peu de liberté aux invités et n'engagent que peu aux festivités.

J'avais laissé Fitz dans un état plus sombre, plus noir dans le troisième roman de la série et je le retrouve comme avant, plus léger mais aussi plus blasé, désabusé, comme s'il commençait enfin à se poser des questions sur sa vie, qui il faut bien le dire tourne un peu en rond, entre les clubs, les nuits arrosées et les conquêtes d'un soir. Néanmoins, Olivier Gay ne lui a pas ôté son sens de l'humour, son détachement, son dilettantisme, sa maladresse et sa volonté de bien faire. Ni son charme, ni sa tchatche, ni son côté dragueur, séducteur. Tant mieux parce que le mélange fait de ce roman un polar léger avec des personnages fort bien croqués et qui évoluent depuis le début de la série. Fitz tient toujours le premier rôle, mais quasiment à égalité avec Jessica cette fois-ci ; le second rôle du pirate-Bob est une idée formidable qui donne un côté moderne et pour tout dire un rien angoissant puisque Bob entre dans la vie de Fitz quand bon lui semble -peut-être est-il temps de se poser des questions sérieuses sur nos habitudes sur Internet, avec nos portables...

Comme je l'ai dit à propos des autres livres de cette série, Olivier Gay a une écriture très agréable, vive, simple et directe, beaucoup d'humour, de réparties fines et cinglantes, notamment dans les dialogues. Ce quatrième opus est moins une enquête qu'un roman d'espionnage à la manière de James Bond, mais comme il est répété plusieurs fois dedans, Fitz n'a rien de 007. Une bien belle aventure avec des surprises et des révélations jusqu'à la fin. Une série qui monte en puissance puisque je pensais que le précédent était le meilleur mais j'ai pris tellement de plaisir à lire que je révise mon jugement en l'appliquant à ces Trois fourmis en file indienne (explication de ce titre à la Agatha Christie -la galerie de personnages et le huis clos sur l'île peuvent également faire penser à cette auteure- dans le livre) en attendant le prochain...

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Hyenae

Publié le par Yv

Hyenae, Gilles Vincent, Jigal, 2015.....

En 2003, trois fillettes ont disparu de chez elles, toutes sont montées dans une camionnette blanche. Le détective privé Sébastien Touraine, peu après s'est totalement isolé, a coupé les liens avec ses amis et Aïcha Sadia, son amie commissaire à Marseille. Quatre ans plus tard, un snuff movie (film qui montre la torture et le meurtre d'une ou plusieurs personnes) mettant en scène l'une des jeunes filles est saisi à l'aéroport. Aïcha Sadia est sur l'enquête et elle comprend très vite qu'elle devra faire appel à Sébastien, parce que personne plus que lui n'est impliqué dans cette histoire terrible.

Avant d'écrire mon article, je suis allé relire mes précédents billets concernant les livres de Gilles Vincent : Beso de la muerte et Trois heures avant l'aube. Et je ne peux que constater mon intérêt monter en puissance. Là encore, Gilles Vincent m'a scotché. Son roman est terrible, il fait peur et donne des frissons parce que La Hyène (le méchant) s'attaque aux enfants. C'est ignoble bien sûr, mais on sait aussi malheureusement que ce type de prédateurs existe, les journaux en parlent régulièrement. Dès lors, pourquoi ne seraient-ils pas dans des romans noirs ? Ce n'est pas une lecture reposante. Ce n'est pas un livre qu'on oublie à peine refermé. D'abord à cause du thème bien sûr, mais aussi grâce à la construction du roman, à son rythme et à sa violence. En tant que lecteur, on passe par pas mal d'émotions parfois contradictoires ; ce qui ne change pas du début à la toute fin, c'est l'impossibilité de lâcher cette histoire. Je ne m'appesantirai pas sur l'intrigue, par peur d'en dévoiler trop (à ce propos, vous pouvez lire la quatrième de couverture, car chez Jigal on les fait sobres, qui ne font rien deviner).

J'aime chez Gilles Vincent l'équipe qu'il a constituée au fil de ses romans : Aïcha Sadia, la commissaire, Sébastien Touraine, son compagnon, détective privé avec qui elle travaille étroitement, Théo Mathias le légiste, ami des deux premiers ; voilà pour les personnages les plus influents, très bien secondés par des flics aguerris et soudés. Ils tâtonnent, se trompent, reviennent en arrière, s'engueulent parfois, agissent de temps en temps en dehors de la légalité, se font violence pour ne pas y céder trop souvent. C'est ce qui prime chez l'auteur, les rapports humains, même d'ailleurs entre les gangsters et les flics, ou ici entre le psychopathe et l'un des membres de l'équipe des enquêteurs.

Gilles Vincent est en train de bâtir une série de romans noirs absolument bluffante et excellente, avec des histoires fortes et des personnages attachants et très réalistes. Ce qui est très bien aussi, c'est que bien que je retrouve les mêmes protagonistes, je n'ai pas la sensation de relire le même roman, à chaque fois, l'auteur réinvente une histoire et même une construction de cette histoire. Très bon point, il n'y a rien de pire que l'ennui dans un polar.

PS : ce roman est une version ré-écrite et complétée d'un roman paru en 2009 chez Timée, sous le titre Sad Sunday. Il se situe avant Parjures, paru chez Jigal. Je précise, mais c'est juste pour la forme, je n'ai pas lu tous les romans de l'auteur (il me manque justement Parjures et un autre, Djebel) et ça ne gêne en rien la bonne compréhension, mon enthousiasme plaide pour moi.

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Eléor

Publié le par Yv

Eléor, Dominique A, 2015

Vous qui passez par ici par hasard ne savez pas encore que je suis un très grand amateur de la musique et des paroles, des chansons quoi, de Dominique A. Je n'ai encore jamais été déçu par ses albums, celui-ci ne fera pas exception. Assez différents des autres, plus court, moins de grandes envolées musicales, mais néanmoins de très belles mélodies et des textes précis, des histoires d'hommes et de femmes. Les deux titres qui tournent régulièrement, Eléor et Au revoir mon amour sont superbes, bien sûr, et les autres ne sont pas en reste. Cliquez sur les titres et vous verrez les clips, très beaux, notamment pour la seconde chanson.

En bon fan, j'ai acheté la version Luxe du CD, j'au donc un second CD, Autour d'Eléor, avec des variations sur les mélodies et chansons du premier. Un CD plus calme, à écouter tranquillement ; personnellement, j'aime beaucoup ces mélodies pures et délicates, plus sombres, très belles.

Vous ne connaissez pas encore Dominique A ? C'est une erreur que vous pouvez réparer avec cet album excellent, très belle entrée dans son univers, qui existe en version simple CD. Vous connaissez déjà Dominique A et vous avez hésité à acheter son dernier album ? Vous avez tort, vous n'auriez pas dû hésiter...

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L'or de Quipapa

Publié le par Yv

L'or de Quipapa, Hubert Tézenas, Métailié, 2015 (1ère édition, L'Écaillier, 2013)...,

Brésil, 1987, état du Pernambouc, ville de Quipapa, la canne à sucre est cultivée non plus pour le sucre mais pour l'éthanol censé faire rouler les voitures. Les producteurs exploitent les ouvriers et notamment la famille Carvalho. Le chef du syndicat des ouvriers menace ? On le retrouve mort. Un témoin, Alberico Cruz est accusé du meurtre, envoyé en prison. Le dernier fils Carvalho, Kelbian trempe dans des affaires louches, profite de son statut d'héritier. Le père n'est pas tout propre non plus qui tente de faire effacer la dette colossale des producteurs d'éthanol par le pays, prêt pour cela à toutes les compromissions. Trahisons, arnaques, meurtres, corruption et misère font le quotidien de cette région et de ses habitants.

Il n'est pas très évident de se retrouver dans les premières pages de ce roman si l'on ne connaît rien du Brésil ou de la canne à sucre, j'avoue avoir été un peu perdu, et puis les explications viennent et les différentes informations font sens. Et là, force est de constater que le contexte est exotique et miséreux. Les ouvriers triment pour des salaires qui ne couvrent pas leurs frais, ils ne peuvent pas revendiquer, sont tenus à l'écart, ce n'est pas de l'esclavage proprement dit, mais on n'en est pas loin. Hubert Tézenas décrit bien les conditions terribles, mais aussi les magouilles des exploitants pour tirer toujours plus de profit. La canne à sucre a été un produit qui a fait leur richesse, mais elle n'est plus aussi rentable dans la fin des années 1980. La société brésilienne est ultra violente, un assassinat ponctue une tentative de dénonciation des méthodes des producteurs de canne à sucre, personne ne s'en émeut, sauf quand même un soldat de la police militaire et un journaliste. Alberico Cruz, le témoin accusé du meurtre ira quelques jours en prison, subira des brimades et des violences extrêmes, les prisonniers sont entassés dans une pièce à la merci d'un caïd qui manipule les gardiens et les flics.

Hubert Tézenas alterne deux narrateurs, celui qui est décrit à la troisième personne, Alberico Cruz, qui veut absolument faire la lumière sur l'histoire à laquelle il est mêlé, c'est lui qui en quelque sorte mène l'enquête du roman, et celui qui dit "je", Kelbian Carvalho, le fils héritier violent et incontrôlable. J'aime assez cette idée de nous faire voir par l'œil du "méchant" plutôt que par celle de l'accusé à tort, ça donne un côté encore plus noir au roman.

Dans cet état du Pernambouc, dans les petites villes loin de la capitale locale Recife, le décor est triste, et les conditions de vie horribles. Il est dur d'y survivre. Le roman d'Hubert Tézenas est noir, très sombre et poisseux, un roman hard-boiled dit-on qui rend compte d'une réalité sociétale : gangstérisme, corruption, mafia, meurtres, course à l'argent et au profit. Un premier roman très réussi et très prometteur qui se lit sans en perdre une miette et qui a eu l'avantage de me plonger dans un monde inconnu, celui des plantations de canne à sucre et du Brésil pauvre, loin des plages de Copacabana ou d'Ipanema.

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Code 1879

Publié le par Yv

Code 1879, les enquêtes du généalogiste, Dan Waddell, Le Rouergue, 2010 (Babel noir, 2014, traduit par Jean-René Dastugue)....

Nigel Barnes est généalogiste professionnel. Après un bref passage à l'université, il tente de relancer son activité auprès des particuliers. Lorsqu'un code mystérieux apparaît sur le corps d'un cadavre, la lieutenant Heather Jenkins pense à faire appel à ses services pour tenter de l'interpréter. Alors, sous les ordres de l'inspecteur principal Grant Foster, Nigel va faire des recherches dans le passé pour comprendre les motivations du tueur, qui ne s'arrête pas là, puisque rapidement un deuxième cadavre est retrouvé avec le même code inscrit sur un partie de son corps.

Mademoiselle ma fille a lu ce roman policier l'été dernier puis me l'a passé en me conseillant fortement sa lecture. J'ai acquiescé et posé l'ouvrage sur ma table de chevet, vite recouvert par d'autres livres tout aussi intéressants... ou pas d'ailleurs. Comme cette demoiselle revenait à la charge régulièrement et plus fortement ces derniers jours, j'ai obtempéré, que voulez-vous on n'est plus le maître chez soi... tout se perd ma pauv'dame, même le respect des parents...

Du coup, j'ai lu et j'ai bien aimé ce premier tome d'une série qui en compte au moins trois. Je passe vite sur quelques longueurs qui font que j'ai sauté quelques paragraphes pour dire tout le bien que je pense de ce roman. Le trio d'enquêteurs fonctionne bien, Grant Foster en tête, flic bourru, désabusé et acharné, Heather Jenkins, la jeune policière motivée et opiniâtre qui a la merveilleuse idée de faire appel aux talents de Nigel Barnes, généalogiste chevronné absolument pas habitué aux scènes de crime -et qui va un peu morfler de ce côté-, plus à l'aise dans les bibliothèques ou les archives. Tous les trois ont une vie, un passé qui nous sera expliqué par bribes, au moins pour les deux garçons. Les recherches sont minutieuses, captivantes même si l'on ne connaît pas le Londres actuel ou le Londres du XIX° siècle ; elles obligent à une certaine lenteur et permettent d'installer doucement mais sûrement le suspense.

Je passe aussi sur les pressions de la presse sur Nigel pour obtenir des scoops, sur la jalousie d'un confrère qui n'imagine son métier que pour flatter l'ego de certaines personnes publiques -un tour de passe-passe et d'un ancêtre paysan on en fait un bourgeois ou un personnage qui a compté- ou pour faire du fric facilement. La presse, la police sont malmenées, tant celles de 1879 que les contemporaines.

L'intrigue est bien menée, parfaitement maîtrisée quasiment jusqu'au bout, et franchement je ne m'attendais pas à cette fin, à plusieurs niveaux. Au moins une double surprise qui me ravit et qui ne peut qu'emballer le lecteur.

Alors, je me dois ici de remercier vivement mademoiselle ma fille de son bon conseil en matière de lecture, et je dirais même plus, je me lirais bien les suivants maintenant, le deuxième existe également en poche Babel noir (Depuis le temps de vos pères) et le troisième est sorti en 2014 au Rouergue (La moisson des innocents).

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