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Ça coince ! (19)

Publié le par Yv

Le printemps des enfants perdus, Béatrice Egémar, Presses de la cité, 2013..

Paris, 1750, des enfants disparaissent mystérieusement. Lorsque deux enfants de l'entourage de Manon Dupré, charmante parfumeuse très en vogue parmi les artistes et les femmes qui comptent, disparaissent à leur tour, elle décide de mener sa propre enquête. 

Pas mal sur le papier, et puis je déchante assez vite. On sent que Béatrice Egémar a fait des recherches, qu'elle a approfondi son sujet, l'époque dans laquelle elle place son héroïne. Elle a bossé également la parfumerie et l'art de fabriquer les crèmes, parfums et divers produits en vogue à l'époque. Tout est reproduit dans ce roman historico-policier, mais très franchement, rien ne m'y retient. Comment dire sans froisser personne ? Le livre est propret ainsi que Manon, mais elle n'a pas vraiment de stature et l'histoire met beaucoup de temps à décoller. Intéressant, mais pas passionnant. Je me suis sans doute auto-induit en erreur en ouvrant ce livre pour lequel, manifestement, je ne suis pas le public, puisque d'autres l'ont aimé. Oncle Paul reproche un trop grand emploi du mot "joli" : c'est exactement cela, tout doit être joli, propre, rien ne dépasse. "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" disait l'excellent Jean Yanne, c'est un peu cela, sauf les méchants bien sûr ! La romance n'est pas loin non plus, qui fleurit au coin des rues de Paris. Madoka a adoré !

 

 

Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position du missionnaire, Tabish Khair, Éd. Du Sonneur, 2013 (traduit par Antonia Breteuil)..

Le narrateur, athée convaincu, pakistanais, professeur de littérature anglaise à Aarhus au Danemark vit en colocation avec Ravi et Karim, deux Indiens totalement opposés. Karim est un musulman pratiquant, et Ravi un jouisseur.

Me voilà bien embêté parce que Zazy m'a gentiment prêté son livre suite à son billet et que je me suis un peu ennuyé dans cette lecture. Tout débute formidablement, les personnages sont bien décrits en totale opposition tous les trois ce qui amène des explications et des questions. Le ton est alerte, très humoristique : on n'est pas loin de la gaudriole avec un fond moins léger qu'il n'y paraît, puisqu'il y est question de vivre en tant qu'étrangers dans un pays qui ne les accepte pas vraiment. Tout aurait dû me plaire, mais l'auteur tourne en rond, se répète n'avance pas vraiment : au bout de 120 pages on n'en sait pas plus qu'au début. Je me suis un peu forcé pour arriver jusque là, et d'un coup, un midi, en reprenant le bouquin, je n'ai plus réussi à faire l'effort. Trop long, trop dilué et humour un peu répétitif. Manifestement, il est préférable de varier les positions, celle dite du missionnaire est, malgré un plaisir certain, un peu lassante si elle est la seule pratiquée...

Désolé Zazy mais grand merci à toi quand même pour ce prêt. Et si d'aucuns veulent un avis nettement plus positif, eh bien, qu'ils aillent sur ton blog en cliquant sur ton nom !

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La salle de bain

Publié le par Yv

La salle de bain, Jean-Philippe Toussaint, Éd. Minuit, 1985....
Un jeune homme, chercheur, décide de vivre dans sa salle de bain. Sa compagne qui travaille dans une galerie d'art subvient à leurs besoins. Puis, lorsque deux Polonais se mettent à repeindre l'appartement, le jeune homme part à l'hôtel en Italie, seul.
Un ami m'a parlé de JP Toussaint que je ne connaissais pas, il y a déjà quelques temps, mais je n'avais jamais vraiment pris le temps de le lire. Et puis, j'ai vu cette année qu'il était sur une liste d'un prix important, qu'il ne remporta point. Je me suis donc dit que je devais absolument le découvrir puisque plusieurs faisceaux m'envoyaient des signes, non pas que le fait qu'il soit potentiellement détenteur d'un prix m'incitât à le lire -ce serait même presque le contraire- mais c'est de voir son nom qui me revenait plusieurs fois devant les yeux en des temps rapprochés qui me fit chercher et trouver, d'occasion, un lot de trois de ses livres, La salle de bain, Monsieur et L'appareil-photo. Je vais les lire dans l'ordre de leur publication. Commençons donc par La salle de bain. Les autres viendront en leur temps, j'alternerai avec d'autres lectures, histoire de ne pas faire d'overdose.
Étrange roman que voilà. Étranges personnages et étranges situations. Tout tient par la narration, l'écriture de Jean-Philippe Toussaint. Lecture déroutante et à la fois captivante. Un vrai "nouveau roman" qui privilégie la forme au fond. Car finalement, peu d'action et beaucoup de questionnements, de tergiversations. On suit parfois les hésitations, les songes du narrateur avec une certaine prise de distance, puis lorsqu'il revient nous raconter ses moments dans sa baignoire, on recolle au récit. C'est un roman très décalé, on frôle l'absurde et l'ubuesque d'un pied, l'autre restant dans une certaine réalité. Beaucoup de détachement de la part de l'auteur qui manie également très bien l'humour, non pas les blagues qui font mouche (encore que peut-être il est un joyeux drille, un boute-en-train fameux) mais plutôt une ambiance générale et des situations qui baignent dans un sourire quasi permanent surtout lorsque comme moi, en lisant, vous visualisez les situations ou les descriptions. "Lorsque j'ai commencé à passer mes après-midi dans la salle de bain, je ne comptais pas m'y installer ; non, je coulais là des heures agréables, méditant dans la baignoire, parfois habillé, tantôt nu. Edmondsson, qui se plaisait à mon chevet, me trouvait plus serein ; il m'arrivait de plaisanter, nous riions. Je parlais avec de grands gestes, estimant que les baignoires les plus pratiques étaient celles à bords parallèles, avec dossier incliné, et un fond droit qui dispense l'usager de l'emploi du butoir cale-pieds." (p.11)
Le moins que je puisse dire, c'est que ce roman a tout pour me plaire et qu'il m'a plu et que je continuerai très volontiers ma découverte des œuvres de JP Toussaint que je viendrai vous narrer ici même.

 

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La main noire

Publié le par Yv

La main noire, Robert Vincent, Ravet-Anceau, 2013...

Bolbec, près du Havre, dans le Pays de Caux, est une petite ville tranquille. Jusqu'à ce jour de 2006 où un obus allemand de la seconde guerre mondiale éclate dans une cour, tout près de la maison de la famille aristocratique ruinée, les de Bourdon-Buchy réduite à la comtesse mère et sa fille, Luna vedette locale de la chanson. C'est Luna qui lors de l'explosion voit atterrir dans sa chambre une main noire. Noire parce qu'elle a séjourné au moins 30 ans dans du pétrole. Le commissaire Faidherbe qui vient d'être muté provisoirement dans cette localité s'intéresse à cette main et compte bien découvrir ce qu'il est advenu du reste du corps.

Voici un roman policier bien sympathique. D'abord, il n'est point trop épais : 170 pages pour raconter cette histoire, dénouement compris. Ensuite, le ton y est résolument léger, enlevé et amusant. On n'y éclate pas de rire, mais on sourit souvent aux réparties du commissaire parfois assez mauvaises lorsqu'il s'essaie à l'humour. Et puis, le style est alerte, simple, classique et argotique voire patoisant. Des personnages bien ancrés dans leur pays et un pays très présent dans leurs histoires et dans l'intrigue. Intrigue qui prend sa source en 1944, en plein début de déroute allemande, après le débarquement qui eut lieu non loin de là. Le commissaire Faidherbe est assez loin des standards de notre époque : point de portable, un peu rustre et surtout maladroit dans ses propos qui peuvent blesser les plus sensibles de ses collègues, notamment la jeune et svelte Virginie Blanchamp. "Faidherbe se penche un peu pour regarder à gauche. Il aperçoit l'agent Schlumpf, planté devant l'arrêt du bus au débouché de la rue piétonne. [...] Il lui fait signe. Les dix doigts ouverts, deux fois, pour vingt minutes, puis un index vers le bas. "Je descends dans vingt minutes." Un pouce dressé lui répond. De l'inutilité de passer un coup de fil. Ah ! L'heureux temps des sémaphores de Chappe... Mieux encore, il aurait dû naître au XVIIIe siècle avant la révolution industrielle. [...] Aucun regret. Le présent est définitivement plus excitant." (p.129/130)

 

On ne lit pas ce polar comme on lit un polar sérieux. C'est un livre à lire pour se détendre, dans un train (il a le format idéal pour un trajet), dans un canapé pour embellir un après-midi pluvieux et venteux. Un polar qui ne se prend pas au sérieux et qui fait passer un très bon moment, qui tente des jeux de mots foireux dans les titres :"Le fort dévale" (p.92) ou "L'assaut scie celui qui fait feu" (p.141), qui parle des femmes qui désirent des hommes et des hommes qui aiment les formes féminines : "La comtesse redresse son buste et le chemisier s'ouvre plus largement sur une absence de soutien-gorge et deux obus de 75 en fait de seins." (p.115). Un polar à l'ancienne écrit pour divertir, but qu'il atteint très facilement et largement.

 

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rentrée 2013

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Au pied du mur

Publié le par Yv

Au pied du mur, Elisabeth Sanxay Holding, Éd. Baker street, 2013 (Ed. Gallimard, 1953), traduction de Gérard Horst et J-G Marquet revue et mise à jour par Françoise Jaouën...,

États-Unis, près de New York, en pleine seconde guerre mondiale, Lucia Holley vit avec son père et ses deux enfants adolescents près d'un lac, Tom son mari est parti à la guerre depuis 3 ans. Lorsque Bee sa fille s'entiche d'un homme marié au passé douteux, Lucia tente de la protéger. Un matin après une discussion avec cet homme, elle le retrouve mort dans le hangar à bateau. Elle décide de se débarrasser du corps persuadée que c'est son père qui, lors d'une dispute, l'a tué. Ensuite, c'est une suite de mésaventures : des truands se suivent chez elle pour lui demander de l'argent, la faire chanter et la menacer elle et les siens. Puis la police s'en mêle.

Un polar assez efficace dans lequel l'héroïne est prise dans une spirale infernale : quoiqu'elle fasse son sort empire. D'autant plus que la société étasunienne de l'époque n'est pas très ouverte à l'émancipation des femmes : Lucia ne travaille pas, son mari ne le voulait pas, elle doit s'occuper de son intérieur et de ses enfants, aidée par Sibyl, la domestique noire très débrouillarde, discrète et efficace. Il est très intéressant de se replonger dans ces années-là, pour voir comment la société a évolué : pas de machine à laver, pas de portable, pas d'ordinateur, pas beaucoup de voitures car l'essence était rationnée et les pneumatiques également ; on est vraiment en plein cœur des préoccupations d'une femme de l'époque, seule un peu perdue, car pas habituée à tout gérer et en plus on lui rajoute des événements exceptionnels auxquels elle doit faire face. Lucia est une femme courageuse qui s'ignorait telle avant. Elle est présente de la première à la dernière page du roman, on connaît ses tourments, ses angoisses, ses peurs, ses interrogations : "Et si on m'enferme, moi aussi ? J'ai déplacé le corps. Les enfants n'auraient plus personne. Je sais que Sibyl prendrait soin d'eux, mais quel scandale ! Non ce n'est pas possible ! Ce genre de choses ne peut pas arriver à des gens comme nous. Je ne peux pas tout avouer à l'inspecteur Levy. Mais je ne peux pas non plus laisser ce Murray en prison, même une nuit de plus. J'ai sûrement enfreint la loi en déplaçant Ted. Mais si je laisse Murray en prison tout en sachant qu'il est innocent, c'est criminel. C'est un véritable péché."(p.151) Et oui, à l'époque, on ne rigolait pas avec la réputation et la religion surtout dans ce pays. Elle fait face courageusement, doit affronter ses enfants qui ne la comprennent plus, la pègre et les flics dans une montée inexorable de la tension et du suspense. Alors, certes, depuis on a lu beaucoup plus dur, violent, trash ; on est allé plus loin dans beaucoup de domaines, mais ce roman a un charme certain et se lit très agréablement. Rythme enlevé, très rapide grâce à des phrases courtes et un texte très dialogué, ce qui fait que les 315 pages passent très rapidement d'autant plus vite que l'intrigue n'a pas de temps mort. Très bien construit et maîtrisé, on ne s'y ennuie pas une seconde. C'est sans doute la raison pour laquelle Max Ophüls en a fait un film dès 1949 (le livre est édité aux États-Unis en 1947), Les désemparés (avec Jona Bennet et James Mason et que deux réalisateurs étasuniens en ont tourné un autre en 2010, Bleu profond, avec Tilda Swinton. Preuve supplémentaire que c'est un bon livre, il connut une première réédition en français en 1966, dans la Série noire de Gallimard et celle que j'ai le plaisir de vous présenter chez Baker Street en 2013 !

 

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Le diable au creux de la main

Publié le par Yv

Le diable au creux de la main, Pascal Manoukian, Éd. Don Quichotte, 2013....

Pascal Manoukian est journaliste. Il a couvert beaucoup de conflits : du Guatemala à l'Afghanistan en passant par le Cambodge. Il est aussi allé dans les pays de l'autre côté du mur avant et après que celui-ci est tombé : en Pologne, à Gdansk, pour rencontrer Lech Walesa, à Sarajevo pendant la guerre. Arménien, il met aussi en avant le génocide dont les siens furent victimes en 1915 : il le raconte notamment par les souvenirs d'Araxie, sa grand-mère.

Ce livre n'est pas un roman mais un récit des aventures de Pascal Manoukian journaliste. Je ne suis pas un amateur des journaux télévisés depuis très longtemps, car je pense qu'ils ne font plus leur devoir d'informations mais qu'ils sont liés à l'audimat et qu'ils font dans le sensationnel, dans l'exagération systématique pour appâter le téléspectateur. Des centaines d'exemples peuvent argumenter ma théorie. Le dernier en mémoire, c'est par exemple l'élection cantonale à Brignoles. C'est tout sauf une info qui doit mobiliser tous les médias pendant des jours et des jours, ou alors éventuellement au France 3 région PACA, et ce, d'autant plus que cette élection avait déjà été gagnée par ce parti puis invalidée en 2011, et à l'époque, ça n'avait pas fait autant de gros titres. Mais les JT savent que parler du FN en ce moment fait monter l'audience et malheureusement et accessoirement, les intentions de vote en faveur du parti d'extrême droite. J'ai donc déserté les JT depuis longtemps, et commence à faire de même pour les journaux radio qui prennent la même voie. Je préfère et de loin des émissions de reportages ou de débat autour d'une question (tel 28 minutes sur ARTE, à laquelle P. Manoukian a participé -je l'ai raté-, ou l'inoxydable Envoyé Spécial que j'avais un peu délaissé ces dernières années). Je ne suis pas un grand fan de l'info, je n'aurai jamais pu être journaliste, mais je dois dire que le récit de P. Manoukian est passionnant. Très détaillé tant dans les rencontres avec des bourreaux qu'avec des victimes, mais aussi dans les manières de pénétrer un pays en guerre et/ou totalement fermé avec son lot d'échecs et de retours à la maison, dans les frustrations d'un interview qui n'aboutit pas parce que la personne en face ne se dévoile pas, dans les peurs de mourir sous une balle d'un sniper, dans les désirs de parfois passer la barrière pour aider les plus faibles toujours contenus pour rester un journaliste, un témoin, ... Pascal Manoukian explique toujours en amont le conflit qu'il va couvrir, ce qui est une excellente idée parce que malheureusement, parfois on ne sait plus ce qui l'a déclenché. Il n'élude pas ses peurs et ses angoisses, ses questionnements sur le bien-fondé de ses reportages alors qu'une femme et des enfants l'attendent en France. Il fait également souvent le lien avec le génocide arménien dont sa grand-mère fut une victime bien qu'elle en réchappât. Elle dut se battre, encore enfant, elle "rampait jusqu'à la limite du camp et ramassait le crottin laissé par les chevaux des officiers. Dans le noir, elle le décortiquait des restes d'orge et de blé pour en confectionner des boulettes qu'elle forçait dans la gorge de Nazélie [sa sœur]. Puis elle s'enduisait le visage et le sexe avec le reste pour éloigner les violeurs." (p.180/181)

Un peu long parfois, ce livre se lit comme une suite de nouvelle : des petits reportages sur des pays et des gens ravagés par la guerre et l'oppression, par la volonté de certains de mettre en pratique des théories ahurissantes. Le chapitre D'un miroir à l'autre 1984 consacré au Cambodge est particulièrement dur et touchant. Pascal Manoukian y arrive après le règne des Khmers rouges, mais tout est encore très imprégné de peurs, de désespoir : "Le pays est alors assommé, anémié, amputé, blessé de toutes parts. Les survivants squelettiques se demandent encore comment leurs propres parents, leurs propres enfants, ont pu creuser autant de fosses communes et y précipiter autant de frères et de sœurs. Comment la moitié du peuple a pu anéantir l'autre moitié et, surtout, comment désormais survivre à cet inceste criminel." (p.108) En la matière, le régime de Pol Pot fut sans doute l'un des pires, qui a massacré la moitié de son peuple sans raison, parce qu'untel portait des lunettes, parlait une langue étrangère, portait une montre, ...

Pas reposant, mais très instructif et passionnant, c'est un livre qui montre le difficile travail des journalistes de guerres (on vient de la constater encore douloureusement ces derniers jours) et qui permet de refaire le point sur des conflits parfois oubliés, parce que l'info va vite et que d'autres guerres les remplacent tout aussi meurtrières, toujours pour des questions de territoires ou de religion, des histoires d'hommes parce "qu'un génocide c'est masculin, comme un SS un torero. Dans cette putain d'humanité les assassins sont tous des frères." (Renaud, Miss Maggie)

 

rentrée 2013

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Femmes en colère

Publié le par Yv

Femmes en colère, Collectif, Éd. In8, 2013.....

Coffret qui contient quatre nouvelles écrites par quatre auteurs différents et qui ont en commun, comme le titre le laisse entendre, de mettre en avant des femmes en colère. Attaquons dans mon ordre de lecture :

La sueur d'une vie, de Didier Daeninckx : un groupe de femmes âgées, la plus jeune de 73 ans, décide de monter une opération contre la Nova Caixa, la Caisse d'épargne espagnole. Après avoir réclamé de l'argent, elles montent dans le bureau du directeur et chacune explique les raisons de son geste, raconte ce qui l'a amenée jusque dans ce bureau. "Écoutez monsieur... J'ai 73 ans, et je suis la plus jeune de la bande... [...] Si vous nous traînez devant les tribunaux, je doute que ça fasse une bien bonne publicité à votre établissement dont la moitié des clients sont des retraités A vous de voir. Et si vous nous faites condamner, la prison nous fera économiser les deux repas quotidiens qui affament notre porte-monnaie !" (p.12/13)

Kebab Palace, de Marc Villard : Cécile, alcoolique au dernier degré tente de survivre avec Lulu sa fille de 16 ans dans un mobil-home d'une petite ville alsacienne en face d'une communauté chinoise. Un soir d'hiver en rentrant, elles voient le cadavre d'une jeune chinoise ligotée, les yeux grands ouverts. Elles décident de tendre un piège au tueur qu'elles ont repéré. "Cécile avance dans les rues de Ritsheim. Il lui faut un bar. Un endroit où elle pourra trouver du Sherry, du Picon grenadine, un Pouilly fuissé à température quoique ça fasse un peu chochotte, un pur malt de Douarnenez, un Gewurtz évidemment, un litre de Villageoise, une Côte, une vodka russkof, un fond d'Aquavit. Elle passe devant le Pied de Cochon fermé, le Balto fermé, le Rade des Écoles fermé, le Modern Café fermé. La neige fondue lui glace les pieds." (p.7)

Disparitions, de Dominique Sylvain : Elsa part à Bangkok à la recherche de son ex-mari, Cédric. Il s'est installé dans cette ville avec Issara et leur enfant, qui au départ devait être celui de Cédric et d'Elsa, Issara étant mère porteuse. Mais Cédric est tombé amoureux de la jeune femme. "La rage, c'est un sabre planté dans ton œsophage. Une lame brûlante qui irradie. Ce sabre te fait souffrir. Chaque minute, chaque seconde. Mais en échange, il te donne une grande force. Celle d'aller jusqu'au bout de ce que tu as décidé. Non, ils ne savent pas. Ni elle, ni lui. Surtout lui." (p.5/6)

Tamara, suite et fin, de Marcus Malte : Tamara, guyanaise, fille d'un bagnard et d'une descendante d'esclave hérite d'une petite ferme en métropole. Elle s'y installe, élève des cochons, mais sa couleur et le fait qu'elle soit une femme seule attisent jalousies et méchancetés. Les pires sont le père et l'oncle d'une fillette d'une dizaine d'années qui convoitaient le terrain. Cette fillette devient la seule amie de Tamara. "La Guyane est le plus grand de tous les départements français. On n'y pense pas toujours. Je suis chez moi, ici. En France. Je n'ai même pas eu à choisir. Et s'il y en a que ça dérange, il fallait y penser avant. A ma connaissance les indigènes n'ont supplié personne de venir les coloniser. A ma connaissance il n'existe pas encore d'instrument pour mesurer le degré d'appartenance à la nation. Une sorte d'échelle, établie en fonction de certains critères et selon laquelle on serait un peu français, beaucoup français, français pur jus. AOC. Gloire à qui obtiendra le fameux label. Ça viendra peut-être ce système. Sûrement que ça viendra, mais en attendant la seule question qui compte c'est : être ou ne pas être. Moi, je suis. J'insiste. Pas parce que je m'en trouve particulièrement fière, mais parce qu'il n'y a pas de raison qu'on me le retire. On l'a payée assez cher, notre franchise." (p.10)

Autant vous dire tout de suite que ces 4 nouvelles sont excellentes. Écrites par trois hommes (?) et une femme, elles sont dans la mouvance des Femen ou des Pussy Riot. Les femmes dont les vies sont racontées, même affaiblies par la misère, l'alcool, l'abandon et/ou la violence qui leur est faite sont fortes. Elles réagissent, ne se laissent pas abattre et même si on peut parfois penser qu'elles ne le font que pour elles-mêmes, leur combat est beaucoup plus large que leur seule personne. Elles se battent pour être reconnues, parfois, juste pour survivre pour se sentir vivantes. Les hommes sont salauds ou lâches lorsqu'ils ne sont pas les deux en même temps.

J'ai déjà lu les trois écrivains masculins du coffret que je trouve très bons : D. Daeninckx excelle dans les romans courts ou les nouvelles, toujours écrits dans un contexte politique, économique ou historique qu'il rend excellemment bien, comme cette fois-ci la récente crise espagnole. Marc Villard écrit également beaucoup de nouvelles noires mettant en scène des gens "normaux", de ceux qu'on croise tous les jours, comme Cécile et Lulu. Marcus Malte est souvent dans des récits un rien pervers, qui jouent avec nos nerfs, alambiqués et terriblement bien maîtrisés avec ici une scène très crue que je vous laisse découvrir. Je ne connaissais Dominique Sylvain que de nom, je la découvre ici, dans cette nouvelle noire, très bien construite, originale et bien menée ; sans doute la plus féminine des 4, celle qui parle du désir d'enfanter, de porter un bébé.

Chaque nouvelle est indépendante. On peut donc en acheter une seule, ou deux, ou trois (pour 4€ chacune) ou le coffret contenant les 4 pour le prix d'un roman. Plus de renseignements sur le site des Éditions In8

 

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Lady Hunt

Publié le par Yv

Lady Hunt, Hélène Frappat, Actes sud, 2013...,

Laura Kern est une jeune femme qui travaille pour une agence immobilière des beaux quartiers parisiens. Elle est à la fois témoin et victime de phénomènes étranges : un rêve récurrent autour d'une maison ; un véritable cauchemar, car cette maison la terrifie, la disparition et la réapparition d'un petit garçon dans un appartement que ses parents visitent... Tous ces mystères lui font peur, lui font toucher du doigt la maladie dont son père fut victime et qui peut se transmettre aux descendants.

Dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire, Price Minister distribue des livres aux "blogs littéraires les plus influents de l'Hexagone" : eh, relisez ça, je fais partie des "blogs littéraires les plus influents de l'Hexagone" ! Ah, ça fait du bien de l'écrire et de le lire deux fois, si je m'écoutais, je le triplerais, mais ma modestie naturelle m'en empêche (putain, un des "blogs littéraires les plus influents de l'Hexagone" quand même !). Ah, la vache !

Pouf pouf, je me rajuste et je reviens à ma préoccupation principale, vous parler de ce roman d'Hélène Frappat dont j'avais apprécié Par effraction il y a assez longtemps, avant que ce blog ne devienne l'un des "plus influents de l'hexagone" -désolé, c'est trop bon, je ne peux pas m'en empêcher. L'auteure crée un monde qui tire vers le fantastique, genre dont je ne suis point féru. Ces moments d'irréalité sont ancrés dans des passages très réels : des visites d'appartement, de maisons. Un total décalage qui m'a bien plu. J'ai été emballé pendant les deux premières parties (140 pages) et ai ressenti une lassitude  à ce moment-là. Mon plaisir du départ était quelque peu émoussé par les longueurs, par cette histoire qui n'avançait plus et Laura qui faisait elle aussi du sur-place. J'ai accéléré un peu mon rythme de lecture, passé des pages, sauté des paragraphes sur les 170 dernières pages. Toujours mon souhait de concision. Malgré mes évitements, je dois dire que je reste sur une belle impression. Hélène Frappat sait créer une ambiance propice à son récit mi-réel/mi-fantastique, ses personnages (beaucoup de femmes), Laura en tête sont attachants, troublants et complexes. Grâce à des détails distillés ça et là, on saisit des bribes de l'histoire de la famille Kern avant des paragraphes explicatifs disséminés dans les différentes parties. Tout se tient, tout s'explique dans un très bon final.

Un roman pas banal qui a le mérite d'aller dans des sphères assez peu explorées par les romans français contemporains et qui, mine de rien, grâce à une écriture fine et poétique restera sans doute un moment en les mémoires de ceux qui ont eu la chance de le lire. L'atmosphère, l'ambiance ouateuses, brumeuses, tant dans le climat que dans les têtes des héroïnes concourent à l'installer durablement dans nos esprits. Il commence ainsi :

"La première fois que j'ai vu la maison, les arêtes de ses murs en briques disparaissaient sous une brume grise. La maison se dresse en haut d'une rue en pente Malgré le brouillard lumineux qui l'enveloppe, son ombre imposante se détache sur les villas environnantes. C'est une brume de fin de journée, un halo gris qu'absorberont bientôt les rayons blancs du crépuscule, juste avant la nuit, et la maison aura disparu." (p.11)

Un grand merci à Price Minister. Et puisqu'il faut mettre une note, j'attribue un 14/20

Babelio recense plein d'avis divers

 

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Le vignoble du Diable

Publié le par Yv

Le vignoble du Diable, Philippe Bouin, Presses de la cité, 2013...,

Saint-Vincent-des-Vignes, en plein beaujolais, est en plein émoi : Joseph Marzot, le maire est retrouvé assassiné au sommet du mont Brouilly. Autour de lui, des sortes de talismans, de signes cabalistiques grossièrement fabriqués. A-t-il bien fait d'acheter la parcelle appelée le Vignoble du Diable ? Archibald Sirauton, vigneron, propriétaire de Manoir de l'Ardières devient maire par intérim, lui ex-premier adjoint. Mais il est aussi un ex-juge d'instruction qui a démissionné pour reprendre le domaine familial, et le démon de l'enquête est toujours en lui, surtout lorsque le flic en chef est le commissaire Poussin, un butor intéressé surtout par son avancement quitte à foncer sur n'importe quelle piste même si celle-ci peut ruiner totalement l'image -et donc le commerce- des vignerons locaux.

Belle surprise que ce polar estampillé Terres de France. Il allie le sang des victimes à celui de la vigne, et même si le Beaujolais n'est pas ma région viticole favorite, disons que je ne la connais pas beaucoup, je suis plutôt sud-ouest (Madiran, ah un bon Madiran, ou un Irouléguy !) mais si un ou des viticulteurs passant par ici se trouvent fort dépourvus par ma méconnaissance de leur vignoble, je suis tout à fait prêt à recevoir et goûter de bonnes bouteilles (dans ce cas, je lâche très volontiers mes coordonnées), et promis, je reviendrai ici donner mes impressions de buveur (avec modération, évidemment). Par la même occasion, si d'autres vignerons d'autres régions veulent également faire partager leur travail, je ne suis pas sectaire, je goûterai tout avec grand plaisir (sur la droite de l'article cliquez sur "contact"). Bon, après cette parenthèse que j'espère fructueuse, revenons à nos raisins beaujolais. L'intrigue est assez alambiquée pour tenir jusqu'au bout, même si certains aspects sont très prévisibles. La belle surprise vient surtout du plaisir évident qu'a pris Philippe Bouin à écrire ce bouquin et celui qu'on prend à le lire : langage léger, décontracté, pas coincé ni du bulbe ni d'ailleurs ; un français fleuri mâtiné de patois beaujolais (glossaire en fin de volume dont on a à peine besoin, en  fait, je ne l'ai pas consulté). Ajoutez à cela de belles réparties dans les dialogues, des jeux de mots, des blagues potaches :

"- Aïe, aïe, aïe... Poussin n'est pas un poulet, c'est un courtisan.

- On le sait tous, monsieur Sirauton, et j'ai peur qu'il s'en tienne à la version sectaire, plus médiatique que la trompe-couillon.

- Je le crains aussi. Poussin noierait son poisson rouge pour passer à la télé." (p.64)

De beaux personnages, hauts-en-couleurs et en premier Archi, ex-juge costard-cravate-cheveu-court, devenu vigneron barbu-chevelu-baba-cool, sans oublier Bougonne la gouvernante du manoir et Tirbouchon, le chien doté d'un sens de l'observation peu commun et à qui colle parfaitement l'expression "Il ne lui manque que la parole" : il nous fait d'ailleurs les honneurs de la visite du manoir dès les premières pages. Alouette, travesti qui arpente les routes du village au volant de son camping-car bénéficie d'un portrait dont je ne peux raisonnablement vous priver :

"Coffrée comme un blockhaus, la tignasse babélienne, Alouette était du genre dodu. Des tonnes de rimmel couvraient ses yeux porcins. Des surcouches de poudre masquaient ses traits épais. Côtés fringues, les habitués des rues chaudes en voyaient peu de si professionnelles. Avec ses cuissardes dartagnesques, ses bas résille et son chemisier léopard, la consciencieuse respectait la tradition." (p.217/218)

Je ne connaissais pas du tout Philippe Bouin, qui, ai-je appris a déjà écrit plusieurs romans policiers dont des enquêtes menées par Sœur Blandine et Dieudonné Danglet ; comme eux, je ne doute pas un instant qu'Archi revienne pour de nouvelles aventures joyeuses et policières.

 

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Calibre 16 mm

Publié le par Yv

Calibre 16 mm, Jean-Bernard Pouy, Éd. In8, 2013....

Vincent Cortal est un paisible jeune retraité de l'éducation nationale qui, depuis la mort de sa femme, pour être honnête, s'emmerde un peu. Convoqué chez un notaire, à sa grande surprise il hérite de Matilda Rosken. En faisant appel à ses souvenirs lointains, il l'a fréquentée trente ou quarante années auparavant, lorsque cinéphiles très avertis, ils visionnaient des films expérimentaux. Films que Matilda a gardés et dont Vincent hérite. L'os dans cette histoire, c'est que Matilda a été torturée et tuée sans doute à cause de ces bobines... Le jour où Vincent se sent suivi, l'héritage devient lourd.

Quand on aime JB Pouy, on ne s'en lasse pas. D'abord, il a la bonne idée d'écrire des textes courts qui ne font pas dans le superflu. Dans cette collection Polaroïd de In8, on est plutôt dans la nouvelle ou le court roman (62 pages). Ensuite, son langage est direct, franc, imagé et souvent teinté ou nimbé d'humour et d'ironie. Quelques piques ça et là aux politiques (pas forcément ceux de droite) : "Longtemps après, transporté en soins intensifs, un interne, avec tout à fait la gueule de Dr House, m'a détaillé, dans un brouillard épais comme un discours de Mélenchon, l'état des lieux."(p.33), aux décideurs de tout poil qui décident donc, mais en dépit du bon sens. 

Dans Calibre 16 mm, bienvenus dans le monde du cinéma expérimental, déjanté dont JB Pouy est amateur (d'après la 4ème de couverture qui précise également que lui-même s'y est essayé). Un monde qui m'est totalement étranger, même si Madame Yv me dit parfois que ce que je regarde est bizarre. Sortent du chapeau de l'auteur des noms de cinéastes et des titres de films totalement inconnus : Piero Heliczer, Gerard Malanga ou James Whitney  et son film Lapis (que vous pouvez voir, comme je l'ai fait, en cliquant sur le titre) : "James Whitney avait mis un temps infini pour exciter chimiquement des centaines de points, de sels minéraux, sur chaque photogramme vierge, vingt-quatre par seconde, donc il faut imaginer les heures et les jours, les mois et les années passées pour organiser un magma et un chaos pointillistes en, petit à petit, un magnifique mandala." (p.28). Ces personnes que JB Pouy cite existent ou ont existé, et il transmet sa passion pour cet art et nous donne envie de les découvrir, au moins de connaître un peu le parcours de ces artistes qui ont beaucoup gravité autour de Andy Warhol.

Et l'intrigue, me direz-vous ? Eh bien, elle monte, elle monte, tranquillement, Vincent se fera tabasser par des mastards, résidera à l'hosto et renouera avec son fils, Gilbert, perdu de vue depuis le décès de sa femme et qui évolue dans le foot, un domaine que Vincent ne connaît ni n'apprécie et vice -versa en ce qui concerne le cinéma expérimental et Gilbert. Bon, perso, je vous ai mis un lien vers le cinéma, vers le foot, débrouillez-vous, je n'y connais rien et ces multimillionnaires en short ne me font pas vibrer. Tout juste réussissent-ils à me dégoûter... Je crois que même un polar dans ce milieu, je ne le lirai pas, à moins que JB Pouy ne s'y colle ?

 

rentrée 2013

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