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Morts sur la Sambre

Publié le par Yv

Morts sur la Sambre, Francis Groff, Weyrich, 2019

Stanislas Barberian, bibliophile passionné partage sa vie entre Paris où il tient une boutique de livres anciens et Bruxelles ou vit sa compagne, libraire, Martine. Lors d'une transaction avec le procureur du roi, Oscar Lambermont, autour d'une édition Hetzel de Jules Verne, la discussion et la promenade digestive mènent les deux hommes le long de la Sambre, à l'endroit même où, la veille, un juge d'instruction s'est accidentellement noyé. Accidentellement ? Thèse remise en cause lorsque Stanislas trouve un objet troublant. Bien que le commissaire en charge de l'affaire voie d'un mauvais œil l'irruption d'un civil dans son enquête, Stanislas s'y retrouve mêlé chaque jour davantage.

Très sympathique cette enquête et la naissance de ce personnage atypique appelé à revenir dans d'autres aventures. Roman policier qui sait prendre son temps et décrire lieux et personnages qui ont la part belle. Stanislas s'intéresse d'abord aux gens qu'il rencontre et c'est cela qui lui permet de les faire parler ; il sait les écouter. Et Francis Groff de nous plonger dans le monde glauque des hommes de pouvoir lorsqu'ils ne se refusent rien et profitent de tout et de tous. Ce n'est pas très glorieux, on pourrait croire à une caricature si l'on n'avait jamais entendu parler d'affaires sordides de ce genre.

Très agréable à suivre, ce roman se lit avec plaisir et l'auteur parsème son texte d'humour, de petites piques contre les Français -qui l'ont bien mérité. Édité dans la jaune vif collection Noir Corbeau des éditions belges Weyrich, c'est un roman à conseiller à tous.

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Soleil de cendres

Publié le par Yv

Soleil de cendres, Astrid Monet, Agullo, 2020

Marika a longtemps habité à Berlin. Elle a vécu avec Thomas, dramaturge avec lequel elle au eu un enfant Solal. Pour raisons familiales, Marika est retournée en France avec Solal âgé de quelques mois et n'est jamais retournée à Berlin. Sept ans plus tard, elle décide de présenter le père et le fils et retourne donc en Allemagne. Les souvenirs reviennent, pas toujours les plus joyeux. Puis, un séisme coupe la ville en deux, Marika est séparée de Solal resté avec Thomas. La jeune femme n'aura de cesse de retrouver son fils.

Astrid Monet connaît bien Berlin puisqu'elle y a vécu une douzaine d'années. Son roman s'y déroule entièrement, mais dans un Berlin défiguré par un séisme et un nuages de cendres qui se dépose dans le moindre recoin de la ville et sur ses habitants. Pas mal de thèmes sont abordés dans ce roman, deux sont prégnants : l'amour filial, l'attachement d'une mère pour son fils et vice-versa et le dérèglement climatique, ce dernier -avec ses conséquences- jouant le contexte pendant que le premier s'exprime à travers les personnages. Ceux-ci, qu'ils soient principaux comme Marika et Solal ou secondaires sont très réalistes et attachants. Ils ont leurs fêlures, leurs forces et leurs faiblesses, leurs doutes. Astrid Monet décrivant en avance ce qui nous attend sans doute : des températures caniculaires quasi insupportables, un manque d'eau, des conditions de vie difficiles et un avenir pas enthousiasmant, ses personnages ne sont pas très optimistes. Ils se questionnent beaucoup sur leurs actes, sur leurs relations, sur le mal qu'on se fait parfois sans intention. C'est l'apocalypse mais les humains veulent toujours y croire.

Le roman est oppressant tant par le monde qu'il décrit que par l'écriture d'Astrid Monet, intense : tout est dit en un minimum de mots et d'effets. C'est un concentré, pas besoin de lire un roman-catastrophe de cinq ou six cents pages lorsqu'une autrice -j'ai tendance à dire auteure, mais beaucoup d'éditrices et d'autrices disent autrice, comme Agullo, alors, je respecte- peut vous le faire en 200 pages sans superflu ni manque. Phrases plutôt courtes -mais pas toujours-, rythme enlevé, un peu de dialogue pour alléger, Astrid Monet a su construire et écrire un roman d'une densité et d'une force incroyables. Noir, évidemment, la cendre est omniprésente, mais des lueurs parviennent à la transpercer, on les sent, on les lit entre les lignes.

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Du feu sous la cendre

Publié le par Yv

Du feu sous la cendre, Don Winslow, Harper Collins, 2020 (Belfond, 2002, traduit par Oristelle Bonis)

Jack Wade est l'expert incendie de la compagnie d'assurance La Californienne d'Incendies, celui que l'on envoie sur les feux les plus tordus, ceux pour lesquels le doute entre accident et crime est plus que raisonnable. Aussi lorsqu'une maison emblématique de la côte brûle et qu'à l'intérieur, il y a le corps de la femme d'un homme d'affaires en délicatesse avec icelle, Jack est-il envoyé sur les lieux. Méthodique, pointilleux, il ne se doute pas qu'il met le doigt dans l'engrenage d'une machination de haute volée.

Voilà un thriller ultra documenté, presque trop tant les descriptions des feux, des causes, des investigations pour en découvrir les origines, l'avancée et les conséquences sont détaillées. Loin d'être spécialiste, j'ai appris beaucoup de choses et j'en ai oublié beaucoup également. Les pages consacrées au feu, aux assurances sont un peu longues, mais jamais ennuyeuses ; il y a des écrivains qui parviennent à nous intéresser à des sujets techniques poussés et d'autres dont les livres nous tombent des mains. Don Winslow fait assurément partie de la première catégorie. Les premières pages décrivant Jack Wade faisant ses observations dans la maison sont passionnantes :

"Qui, dans le patois des assureurs, s'appelle "le bien".

Du moins, avant que le sinistre se produise.

Après le sinistre, le bien est rebaptisé "dommage".

Quand le bien devient dommage -quand ce qui risquait d'arriver est arrivé-, Jack intervient." (p. 20)

Et c'est une des forces de l'auteur que de nous passionner avec ce genre de faits. Imaginez que dès qu'il se lance dans son intrigue, hors des propos techniques, il monte encore d'un cran. C'est peu de dire que son roman est formidable, magistral. Tout s'enchaîne fluidement, aidé par un style simple, clair et terriblement efficace, qui sans omettre de baguenauder sur la côte et dans les paysages de Los Angeles, va droit au but. Lorsqu'on pense que l'enquête va se dérouler sans accrocs, hop, un rebondissement survient, puis un retournement de situation, et un autre, si bien que l'on n'ose plus imaginer une fin, laissant le soin à Don Winslow de nous emmener là où il veut.

J'ai découvert cet écrivain il y a quelques années avec Savages, je l'ai relu plusieurs fois (L'heure des gentlemen, Cool, La patrouille de l'aube), l'un des rares auteurs étasuniens qui a eu cet honneur, et j'espère le relire encore et encore... A chaque fois, je me régale, et pourtant, ce sont tous des bouquins qui font 500 pages et plus.

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Le Mont des légendes

Publié le par Yv

Le Mont des légendes, Valérie Lys, Palémon, 2020

Un moine de la congrégation de Jérusalem du Mont Saint Michel, est retrouvé mort dans le clocher de l'abbaye, une lance médiévale lui transperçant le crâne. A la demande du directeur du site, c'est le commissaire Delcourt qui est chargé de l'enquête. Il s'est déplacé avec ses deux meilleurs flics, le commissaire Adrien Velcro et sa fidèle collaboratrice, Déborah.

Il faudra au trio faire connaissance avec le lieu et les personnes qui l'habitent à l'année ainsi qu'avec les légendes qui l'entourent.

Changement d'ambiance pour Velcro et Déborah après une enquête légère dans Un amour de statue. Atmosphère pesante, lourde, il faut préciser que le passé de l'un des enquêteurs est en cause... Le trio de flics est bien décrit, et l'on avance un peu dans leurs vies, surtout Velcro et Déborah qui sont les enquêteurs habituels de Valérie Lys, Delcourt étant leur chef. Attirance intellectuelle et sans doute physique -mais Velcro est marié-, et profond respect tant humain que professionnel les uns envers les autres. L'enquête ne piétine point trop et une fois que les légendes sont éloignées, parce que simples légendes, une fois que les fausses pistes sont écartées, il ne reste qu'à trouver le lien entre les indices et la lumière sera, foi de Velcro !

Une très belle balade au Mont Saint Michel dont Valérie Lys nous conte l'histoire par le menu. Il fut par exemple prison, Barbès et Blanqui entre autres y furent pensionnaires, les cachots et les cellules sont encore présentes. "J'essayai de m'imaginer l'ambiance qui pouvait régner dans ce lieu lorsqu'il était rempli de justiciables de tout poil, quelle que soit l'époque, du prisonnier du Moyen-Âge en passant par le chevalier de la Guerre de Cent Ans, de l'exilé du roi de l'Ancien Régime jusqu'au prisonnier plus récent du XIXe siècle s'insurgeant contre Louis Philippe et complotant des insurrections.

- On l'a appelée la "Bastille des Mers" pendant la révolution." (p.165)

L'autrice parle aussi de son érection au 8ème siècle : en 708, Aubert, évêque d'Avranches en reçut l'ordre de l'archange Saint Michel par trois fois, les deux premières il crut sûrement à un canular.

Lorsque je visite ce genre de lieux très touristiques -en général hors saison-, je rêve toujours d'aller dans les endroits les plus secrets, les moins visités, les plus discrets et c'est là que Valérie Lys nous emmène. Je lui emboîte bien volontiers le pas.

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Crime à Black Dudley

Publié le par Yv

Crime à Black Dudley, Margery Allingham, Harper Collins, 2020 (Le masque, 1994, traduit par José Noiret)

Wyatt Petrie, jeune aristocrate, organise un week-end dans son château de Black Dudley. Lors d'un jeu rituel, autour d'une dague ancestrale, l'oncle de Petrie, vieil homme infirme est mortellement poignardé. Le docteur George Abbershaw, secrètement amoureux de la jeune Meggie, mais trop timide pour le lui avouer décide de mener l'enquête. C'est alors qu'Albert Campion, un étrange invité que personne ne connaît, jeune homme excentrique, se met lui aussi en tête de comprendre quels jeux se jouent dans la demeure qui s'avère rapidement être un une prison dont nul ne peut sortir.

Margery Allingham (1904-1966) fut une des grandes voix anglaises de la littérature policière du siècle dernier, au même titre qu'Agatha Christie. Même ambiance, même sens du suspense et de la déduction. Ce qui change ici, c'est que c'est le docteur Abbershaw qui mène l'enquête et que Albert Campion, qui est le personnage récurrent de l'auteure -qui apparaît ici pour la première fois-, est un trublion. Inclassable, on ne sait point s'il est malfaiteur, enquêteur, redresseur de torts, il joue sur tous les tableaux et surtout sur celui de l'humour, de la fausse naïveté, du décalage.

Mise à part une petite confusion possible dans les diverses identités des uns et des autres -surtout les méchants-, ce roman se lit avec plaisir et l'on y retrouve tout ce que l'on aime chez la maîtresse du genre, la contemporaine de Margery Allingham, Agatha Christie. Et lorsque l'on croit que c'est fini, un petit rebondissement rajoute quelques pages au roman pour une fin inattendue.

Le charme de la littérature policière anglaise du siècle passé.

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La malédiction égyptienne

Publié le par Yv

La malédiction égyptienne, Hervé Michel, City, 2020

Marseille, tout début des années 1800, le jeune commissaire Gustave Rodier est chargé de sécuriser la prochaine exposition présentant les trésors rapportés de la campagne d’Égypte avec en vedette le sarcophage d'Amon-Ré. Deux hommes ayant participé à la découverte du tombeau du grand prêtre meurent d'une étrange manière, comme consumés de l'intérieur. Le commissaire Rodier assisté du Marquis et de La Poigne descendent donc de Paris pour mener l'enquête, assez mal accueillis par les policiers locaux.

C'est ma deuxième rencontre avec Hervé Michel, après la bonne surprise de Le regard du diable. Cette fois encore c'est le premier empire qui est le contexte historique mais le lieu et le héros changent. Et les trois compères de cet opus n'épargnent pas leurs efforts pour tenter de démasquer le coupable qui se fait appeler le roi des mendiants et qui se cache dans les souterrains de Marseille. Voilà donc un roman qui virevolte, qui met en scène des personnages principaux et secondaires bien sympathiques et qui recèle quelques mystères. Certains d'entre eux s'éventent un peu vite, notamment l'identité du roi des mendiants ainsi que le secret du commissaire Rodier, néanmoins, la lecture est agréable jusqu'au bout et j'ai eu plus de satisfaction à me voir confirmer la véracité de mes intuitions que de déception à avoir deviné trop tôt, plutôt un indice de la qualité de ce roman policier.

Je ne vais pas m'emballer et vous dire que c'est le polar historique du siècle, mais je n'irai pas vous dire non plus de le fuir. C'est un roman qui pourrait bien vous faire passer d'excellents moments de détente estivale. Et ça, ça n'a pas de prix, enfin, juste celui du livre...

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La marque du père

Publié le par Yv

La marque du père, Emelie Schepp, Harper Collins, 2020

Sam Witell est travailleur social et s'occupe de personnes démunies. Sa femme Félicia est dépressive et leur fils Jonathan attend avec impatience les moments passés avec son père. Un soir, à la fin d'une course express en épicerie, Jonathan l'appelle et lui dit qu'un inconnu est entré dans la maison. Sam rentre en urgence et trouve sa femme morte, allongée sur le sol. Jonathan a disparu. C'est la procureure Jana Berzelius qui dirige les opérations avec en première ligne pour enquêter les policiers Henrik Levin et Mia Bolander.

Quatrième tome de la série Jana Berzelius et premier pour moi. Les bandeaux et l'appellation de "nouvelle star du polar suédois" qui doivent attirer des lecteurs mais qui personnellement me feraient plutôt fuir, annoncent des promesses tenues. J'ai beaucoup aimé et ai eu du mal à sortir du livre pour diverses taches beaucoup moins captivantes. L'originalité du roman est qu'outre Jana Berzelius qui est la figure centrale, deux autres personnages ont des rôles principaux et bénéficient d'un traitement approfondi : les deux enquêteurs. Là où beaucoup de polars font la part belle à un héros et oublient un peu les autres, Emelie Schepp construit une équipe. Jana a une vie particulière, une enfance difficile et violente lorsque les deux flics sont davantage dans la norme ; l'un est marié avec des enfants, tente de concilier vie de famille et travail et y parvient avec l'aide de sa femme et l'autre entame une relation avec un homme plus âgé et riche. Quant à Jana, elle se débat avec les démons de son enfance, surtout lorsque ceux-ci ont visage humain et la contraignent à certains comportements et actes. Elle débute timidement une relation avec son collègue Per et se limite à quelques échanges avec son père adoptif, ancien procureur, personnage trouble au cœur de l'enfance violente de Jana.

Le roman va vite bien que l'enquête piétine. L'intrigue principale est habilement alternée avec une secondaire qui concerne uniquement Jana et qui semble sans issue, ce qui donne un rythme et une ambiance prenants. C'est terriblement addictif, angoissant et ainsi que la suite, je lirais très volontiers les tomes précédents...

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Cafard noir

Publié le par Yv

Cafard noir, seize leçons d'enveloppement personnel, sous la direction de Stéphane Rose, Intervalles, 2020

Seize nouvelles par seize auteurs qui ont en commun de prendre le contre-pied des injonctions au bonheur. Les livres de développement personnel, de méthodes pour trouver un sens à sa vie, plus ou moins ésotériques, pullulent et envahissent les rayons des librairies. Dans ce recueil, on serait davantage dans comment rater son développement personnel, comment vivre avec ses difficultés ou les autres qui parfois renvoient une mauvaise image ?

Seize nouvelles souvent drôles, parce que décalées de la tendance actuelle dont elles se moquent avec des personnages dépressifs, suicidaires, en pleine séparation lorsqu'ils ont eu la chance de connaître l'amour... Dit comme cela, ça ne paraît pas tentant pour un été joyeux. Et pourtant les nouvelles sont emplies d'humour si ce n'est tout du long, alors dans la chute. Mes petites préférences :

- Le fabuleux destin de Sidonie Chouquette (de Marcel Caramel) : Sidonie est une optimiste forcenée et il lui faudra beaucoup, vraiment beaucoup de mésaventures pour fendiller cet optimisme.

- Rocinha (de Eugénie Daragon) : une favella et ses habitants tentent de vivre malgré  la violence permanente.

- Piñata (de Laurette Polmanss) : ah les anniversaires d'enfants où maintenant les parents sont invités, un vrai cauchemar pour cette maman célibataire.

- Au beau fixe (de Myriam Berliner) : Sophie n'a pas besoin de livres "feel good" pour alimenter son insatiable optimiste, même lorsque tout va mal, elle a espoir.

Un peu de mauvais esprit, de l'ironie, du sarcasme, de la moquerie de la tendance au beau corps dans un bel esprit, un peu de méchanceté qui fait sourire et du bien. Tout cela dans des nouvelles courtes, très différentes les unes des autres. Il y en a marre des injonctions à être svelte, sportif, élégant, beau et performant (pas très envie d'user du point médian, mais on peut tout féminiser), les auteurs présents dans l'ouvrage rient de tout cela et nous aussi. De la "feel bad" littérature.

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