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Fannie et Freddie

Publié le par Yv

Fannie et Freddie, Marcus Malte, Zulma, 2014..., 

Fannie, dite Minerve parce que son buste entier pivote lorsqu'elle répond à quelqu'un, pour compenser la perte de vision due à un œil de verre, est en chasse. Elle se rend dans un parking, se gare face à un coupé Mercedes, joue la femme en difficulté devant une roue crevée. Lorsque le propriétaire du coupé s'avance elle lui demande de l'aide et lorsqu'il se penche, le shoke avec poing électrique de 900 000 volts et l'installe dans le coffre de sa vieille Toyota. 

Un huis-clos sur fond de vengeance. La tension monte crescendo, pour nous lecteur, parce qu'on ne connaît pas le motif de l'enlèvement ni les relations entre Fannie et Freddie, l'homme agressé. Ce n'est que petit à petit que Fannie s'explique, que Freddie (ne) comprend (pas) les raisons de son geste.

Une nouvelle ou un court roman d'à peine 90 pages qui se déroule aux Etats-Unis, dans une ville sinistrée par la fermeture de l'aciérie locale. Pourtant cette usine et les gens qui y ont travaillé ont construit le pays, oubliés maintenant, victimes pour beaucoup du capitalisme outrancier et de la spéculation. "Elle dit : Je te parle de ceux qui ont l'argent et le pouvoir. Les tout-puissants. Les tout-permis. Ceux qui ont atteint les sommets de ce qu'on appelle la réussite. Ceux qui sont au-dessus de tout. Mais comment. Comment ils ont fait pour arriver là-haut, si haut ?... En écrasant les autres. C’est comme ça qu'ils font. Ils les piétinent. Ils leur marchent sur la tête, ils leur passent sur le corps. Et les cadavres s'accumulent sous eux. Des tas et des tas, sur lesquels ils continuent de grimper. Grimper, grimper, grimper. Tu peux être sûr que plus ils s'approchent du ciel, plus ils ont de morts sous leurs godasses." (p.59/60) Un roman noir social, en plein dans l'actualité de la crise et de la vie difficile pour les plus pauvres qui continuent à s'appauvrir alors que les riches n’ont jamais été aussi riches. Un roman rapide, aux phrases courtes qui va à l'essentiel sans oublier les personnages, fictifs mais sans doute très réels pas dans leur jusqu'au-boutisme, mais dans leurs difficultés à surmonter l'échec d'une vie ou au contraire dans leur manque d'empathie envers les plus faibles voire même leur mépris.

Ce roman est suivi d'une nouvelle d'une soixantaine de pages, intitulée Ceux qui construisent les bateaux ne le prennent pas. Les deux textes se répondent, ont un contexte similaire, même si ce dernier se déroule à La Seyne-sur-Mer, ville natale de Marcus Malte. La Seyne-sur-Mer était connue pour ses chantiers navals abandonnés depuis des années. Depuis, cette ville populaire -c'est rare dans le coin- des bords de la Méditerranée a du mal à se reconstruire. Le souvenir des chantiers est très vivace, on y travaillait de père en fils ; les fils d'aujourd'hui sont au chômage. C'est là que travaille Ingmar Perhsson, flic, qui depuis vingt-sept ans cherche à comprendre la mort de son seul ami, Paul, tué d'un coup de P 38, à l'âge de 14 ans. Il déambule en ville, tente de comprendre et de s'occuper pour que son mal-être ne le submerge pas. Un texte dans la lignée du précédent avec un héros de polar type, blasé, mal dans sa peau, solitaire. 

Dans ces deux textes, Marcus Malte nous balade dans des villes ouvrières à la reconstruction ardue qui laissera beaucoup de gens sur le côté. Pas gai, bien sûr, mais franchement bien vu, et l'écriture de l'auteur nous emmène jusqu'au bout de ses deux histoires sans qu'on ait vu passer le temps.

Et Oncle Paul, Noukette qu'en pensent-ils ?

 

rentrée 2014

polars 2015

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L'homme à la bulle de savon

Publié le par Yv

L'homme à la bulle de savon, Sylvie Matton, Ed. Don Quichotte, 2014...,

Patrick découvre le tableau de Rembrandt, L'enfant à la bulle de savon, à treize ans au musée de Draguignan. C'est pour lui une véritable rencontre et cet enfant peint deviendra le confident du jeune garçon malheureux dans une famille qui subit l'alcoolisme et la violence du père. Quinze ans plus tard, il décide de le voler, à la faveur de la fête du 13 juillet 1999. Puis il le garde chez lui, en prend soin, lui parle, se confie. Quinze années plus tard encore, en mars 2014, Patrick décide de rendre le tableau  qui lui a apporté tout ce qu'il pouvait. 

Ce roman n'en est pas un puisque c'est une histoire vraie dont on a beaucoup parlé dans le sud-est de la France, région dans laquelle toute cette histoire s'est déroulée mais que personnellement je découvre grâce à ce livre. Sylvie Matton ne pouvait que s'en emparer tant elle est elle-même imprégnée de Rembrandt, elle a écrit Moi, la putain de Rembrandt en 1998 et était l'épouse de Charles Matton, réalisateur -entre autres- du film Rembrandt, sorti tout juste quelques semaines après le vol du tableau (elle a cosigné le scénario).

Livre construit en deux parties, la première de l'enfance jusqu'au vol et la seconde du vol jusqu'à la restitution programmée du tableau. La première partie s'étend sur Patrick, le voleur et sa famille. Père violent, deux sœurs plus âgées, une mère battue. Patrick est un solitaire qui peut s'enfermer de lui-même dans un placard pour ne pas entendre ni voir la violence dans la maison. Le père est ancien combattant de la guerre d'Algérie, ancien de l'OAS qui n'hésite pas à décrire les tortures auxquelles il a participé. Alcoolique, les seuls moments de tranquillité des siens sont quand il est au travail ou quand il s'endort après une cuite de plus. Aussi lorsque sa mère l'emmène au musée de Draguignan, Patrick se sent attiré par le petit tableau de Rembrandt ; il entre dans le tableau autant que l'inverse Cet enfant avec la bulle deviendra son confident, une sorte d'ami imaginaire qui sera présent souvent sur son épaule. Sylvie Matton insiste sur la difficile relation père/fils, sur les dialogues entre Patrick et l'Enfant. Quand son père mourra, Patrick malgré tout ressentira un vide profond qui lui fera franchir le pas du vol.

La seconde partie est la paranoïa qui s'installe chez Patrick puisqu'il doit conserver un tableau de maître chez lui, mais dans le même temps, il s'épanouit, fait du sport s'extériorise, se marie et alors la paranoïa augmente puisqu'il doit cacher à sa femme l'existence du tableau ainsi qu'à son fils qui naîtra quelques temps plus tard.

L'écriture de Sylvie Matton est plaisante, limpide, très documentée sur la vie de Rembrandt et de son voleur. Elle n'est néanmoins pas exempte de quelques longueurs et il faut s'habituer à d'incessants allers-retours entre la vie présente de Patrick, son passé et le parallèle (assez judicieux) avec la vie du peintre dans la première partie. La seconde partie est davantage axée sur les effets de la possession d'une telle toile chez soi, sur le présent de la vie du voleur. La fin de la première partie m'a un peu perdu, mais le début de la seconde m'a retrouvé enthousiaste, plus intéressé par cet aspect de l'histoire de Patrick avec le tableau. C'est mieux ainsi, au moins, je reste sur une belle impression.

 

rentrée 2014  

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Snapshots-Nouvelles voix du Caine Prize

Publié le par Yv

Snapshots-Nouvelles voix du Caine Prize, Collectif, Zulma, 2014 (traduction de Sika Fakambi)...,

Le Caine Prize est créé en 1999 et récompense chaque année une œuvre de création littéraire africaine ; il est le Prix le plus important du continent. Ce recueil présente des candidats au fameux Prix et des lauréats, avec dans l'ordre d'apparition : Noviolet Bulawayo zimbabwéenne, Constance Myburgh qui vit en Afrique du Sud, Chinelo Okparanta et Tope Follarin Nigérian ou d'origine nigériane, Olufemi Terry né en Sierra Leone, Rotimi Babatunde, né à Lagos. 

Recueil de nouvelles donc qui met en avant la variété de la littérature africaine et qui est un bon moyen de la découvrir si on ne la connaît pas.

- Snapshots de Noviolet Bulawayo : un récit à la deuxième personne de la vie d'une petite fille zimbabwéenne, qui obéit sagement à sa mère et à son père. L'inflation terrible que subit le pays met, du jour au lendemain, les gens les plus pauvres dans une précarité encore pire. C'est une belle histoire, pas forcément gaie, mais pleine d'inventions langagières qui donnent un ton léger même lorsque l'auteure critique sévèrement la société de son pays, lorsqu'elle raconte le décalage entre les élites et le peuple, ou la difficulté d'être une fille -qui n'accède pas aux études contrairement aux garçons même si elle en a les capacités et pas son frère- ou une femme -qui subitement peut tout perdre, mari, maison, enfants : "A la télé, le beau monsieur blanc avec ses cheveux de femme (celui qui n'arrive pas à dire Zimbabwe et dit à la place Zeembaymbey) vient tout le temps et dit, Pays du tire-moonde, le Zeembaymbey é contraiiin d'aaadopteer démesuuur drahs-tique à faim de main tenir emplasson pouvouaar, é c'est si toi hein... deuveuront copéré. Tu l'écoutes et tu te demandes, c'est quoi au juste le pouvouaar ? Ce serait pas avec ça qu'on frappe les gens ? Et c'est quoi le tire-moonde ? Ca existe quelque part, le pousse moonde ?" (p.16) 

- Hunter Emmanuel de Constance Myburgh : Hunter Emmanuel est un ex-flic qui vit de petits boulots. Ce matin-là, il est bucheron lorsqu'il découvre, dans un arbre une jambe de femme. Il fera en sorte de retrouver celle à qui elle appartient pour comprendre comment sa jambe s'est retrouvée retenue aux branches. Hunter Emmanuel est un enquêteur classique, fatigué, blasé, seul mais opiniâtre, à la sauce africaine. Une nouvelle policière originale et plaisante qui met le doigt sur des dysfonctionnements de la société : déforestation, pauvreté qui oblige à des actes insensés.

- America de Chinelo Okparanta : une jeune femme rêve d'Amérique. Elle veut rejoindre son amie déjà émigrée pour faire des études sur l'environnement et revenir pratiquer au Nigeria, pour notamment empêcher les marées noires à répétition dues au pétrole exploité sans souci de la nature, mais dans un souci de bénéfices maximum. Belle nouvelle qui, encore une fois parle de la difficulté de vivre dans une société toujours régie par les traditions et les croyances : difficile de vivre son homosexualité au Nigéria : "Les unités mobiles de la police étaient à l'affût de ce genre de choses -des hommes avec des hommes ou des femmes avec des femmes. Et les condamnations étaient sévères. Prison, amende, lapidation ou fouet, ça dépendait de l'endroit où on se trouvait au Nigéria quand on se faisait prendre. Et à tous les coups, ça faisait les gros titres. L'humiliation publique." (p.82)

- Miracle de Tope Follarin : une nouvelle plus légère qui se déroule au Texas (l'auteur y a grandi) sur les prédicateurs, les faiseurs de miracles, la religion vue comme un pilier de la vie. Le tout est de croire pour que le miracle existe. Plus légère, la chute (les trois ultimes mots) est très drôle, mais elle peut donner à réfléchir sur le sens de la croyance et sur l'acceptation de l'autre.

- Jours de baston de Olufemi Terry : on suit un jeune garçon spécialiste des combats à un ou deux bâtons, à un contre un, un contre deux ou deux contre deux. Une nouvelle violente tant par sa description des combats que par le sort des enfants des rues qui, pour se nourrir fouillent les décharges ou volent. La violence est leur quotidien, ils l'érigent en maître étalon du respect qu'ils portent à autrui ou qu'autrui leur porte. Une écriture puissante et forte, efficace. 

- La république de Bombay de Rotimi Babatunde : Sergent de Couleur Bombay revient dans sa ville natale du Nigéria après avoir combattu sur le Front Oublié de Birmanie ; intégré dans l'armée anglaise, il a fait partie des offensives qu'icelle a menés contre les Japonais qui marchaient vers l'Inde, sur le territoire birman, en 1945. Sergent de Couleur Bombay qui tient son nom de sa participation au conflit s'installe dans l'ancienne prison de sa ville et y fonde la République de Bombay dont il sera l'unique Président, citoyen, votant. Une nouvelle réjouissante avec un personnage haut en couleurs qui me fait furieusement penser à un roman que j'ai lu et qui traitait du même sujet, mais dont j'ai oublié le titre. Pas grave, c'est une nouvelle qui, tout en parlant de sujets sérieux, sait être légère et parfois drôle.

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Ça coince ! (25)

Publié le par Yv

Identique, Scott Turow, Lattès, 2014 (traduit par Antoine Chainas).

"Après avoir passé vingt-cinq ans en prison pour le meurtre de son ancienne petite amie, Cass Gianis est enfin libéré. Entre-temps, son jumeau Paul est devenu une brillante personnalité politique. Mais le frère de la victime reste convaincu que tout n'a pas été révélé au grand jour dans cette affaire et charge une ex-enquêtrice du FBI de découvrir enfin la vérité." (4ème de couverture)

Mais qu'est-ce qui m'a pris de prendre ce bouquin ? Le résumé sans doute, l'éditeur et le traducteur dont j'aime bien les romans ? Dès le début, je me suis perdu dans les noms des personnages, les liens entre eux (et pourtant ils sont clairement indiqués en première page, à la manière d'une pièce de théâtre pour les plus importants d'entre eux). Oui, mais non content de créer plein de personnages principaux, l'auteur en ajoute d'autres et à chaque fois les introduit avec des détails sur leur vie. C'est souvent inutile, fastidieux et long, très long. Il rajoute ainsi une foultitude de faits  qui ne concernent pas l'enquête, qui au contraire l'alourdissent et me font perdre le fil. Dès les premières pages, j'ai passé des paragraphes, alors je ne me sentais pas d'en lire presque 400... Allez, je ferme sans regrets. 

 

 

 

 

L'oubli, Frederika Amalia Finkelstein, Gallimard l'Arpenteur, 2014.

Une jeune femme qui n'a pas connu la guerre, bien ancrée dans son époque veut oublier la Shoah, mot qui l'agace et qu'elle entend prononcer souvent dans sa famille. Et pourtant tant de choses la ramènent à cette époque, l'histoire de sa famille d'abord.

Livre découvert grâce au club de lecture de la librairie Lise&moi. Je n'ai rien compris à ce bouquin. Je ne sais absolument pas où l'auteure veut nous emmener, ni ce qu'elle veut démonter. Confusion et incompréhension furent les mots-clefs de mon impression de lecture. Je ne saurais en dire plus parce que je manque d'arguments, ayant abandonné avant la fin ce livre totalement abstrus. Langage moderne, fille dans son époque, je dois être trop vieux...

 

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L'alphabet du polar

Publié le par Yv

L'alphabet du polar, Jean-Bernard Pouy, Marc Villard, José Correa, Éd. In8, 2014.....

Vingt-six lettres dans l'alphabet. Vingt-six courtes histoires, également réparties entre les deux écrivains JB Pouy et M. Villard et illustrées par J. Correa. Les mots ? Amphétamines. Balance. Copropriétaires. Daïquiri. Évasion. Flic. Gériatrie. Hold-up. Immigrés. Jivaro. Kafka. Lame. Maniaque. Nibards. Outing. Panique. Quéquette. Rafle. Satanique. Taxi. Uchronie. Vivisection. Warhol. Xylophone. Yakusa. Zone.

Beau livre, format 17x24 illustré dans des tons noirs, gris, blancs et ce qu'on nomme aujourd'hui taupe. Dessins qui tournent évidemment autour du polar mais aussi autour du jazz, notamment pour Hold-up et Xylophone, parmi mes préférés avec Flic, Outing, Uchronie, Warhol et Yakusa. José Correa s'est approprié chaque histoire : une histoire/un dessin qui colle parfaitement, qui en quelques traits la résume, affirme l'ambiance ou y met le point final. J'aime beaucoup. Les illustrations et la mise en page, sur papier blanc ou sur des variations du "taupe", donnent à cet ouvrage un aspect beau livre, de ceux que l'on lit, que l'on a plaisir à montrer -à prêter un peu moins.

Les deux auteurs, JB Pouy et Marc Villard sont des spécialistes ès polar. Encore une fois, ils montrent que l'atmosphère polar est dans la vie quotidienne, qu'il n'y a pas besoin de créer des personnages hors normes pour écrire des nouvelles ou des romans policiers. Une assemblée de copropriétaires, quelques mots doux échangés, et le petit truc qui fait que ça part en vrille. La nuit, la ville, le métro, le club de jazz sont des contextes évidents pour le genre, mais la maison de retraite (pour l'excellent nouvelle Gériatrie), le zoo peuvent l'être aussi. La preuve ici. 

Des vingt-six nouvelles, aucune n'est à jeter, à chaque fois, la chute fait mouche, même si parfois on peut s'en douter, elle arrive pile au bon moment. Les auteurs savent être légers, drôles, inattendus, sombres, noirs, tristes, moqueurs, ironiques, tendres, parfois plusieurs qualificatifs en même temps. En deux-trois pages, ils réussissent à planter un décor, des personnages crédibles et faire naître des images fortement inspirées des dessins de J. Correa mais il est vrai qu'ils excellent tous deux dans les nouvelles -et dans le romans aussi bien sûr. Ils abordent beaucoup de thèmes : l'immigration, la vieillesse mais non pas la renonciation à la vie, la prostitution, la vengeance, la violence gratuite, la mort, la musique, ... De ces vingt-six histoires, une m'a particulièrement plu -c'est vraiment pour citer un extrait, pour vous allécher, vous mes lecteurs (si si, il paraît qu'il y en a), car les vingt-cinq autres sont excellentes itou- ; ce n'est pas la plus poignante, ni la plus noire, c'est probablement la plus légère, qui m'a touché notamment par son style -signée JB Pouy-, Outing :

"Les de Bournion-Gallibert formaient une belle et digne famille respectée de tous et du moins admirée par les plus passéistes et réactionnaires de leurs amis et connaissances. [...] Cela dit chez les de Bournion-Gallibert, tout n'était pas nimbé de rose. Pour l'anniversaire de la grand-mère, qui allait fêter ses nonante, tout le monde serait réuni, y compris le cadet absent qui avait prévenu qu'il serait là, et bien là, et un peu là, et qu'il en profiterait pour faire à tous une révélation qui mettrait en péril le bel équilibre familial, voire qui saperait durablement les certitudes de ce beau monde béat." (p.89/90)

Voilà, je vous laisse avec cette digne famille vendéenne que l'auteur se plaît à égratigner. J'espère que vous irez à sa rencontre et à celle de tous les personnages de JB Pouy, M. Villard et J. Correa. A lire ou à offrir aux amateurs de polar ou non -c'est une belle entrée dans le genre pour ceux qui hésitent à ouvrir un roman-, aux petits lecteurs qui pourront lire à leur rythme et aux autres qui pourront le dévorer et le redévorer.

Claude en parle aussi.

 

 

polars 2015

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Un voyage à Arras

Publié le par Yv

Un voyage à Arras, Vie et mort d'Isaac Rosenberg, Shaun Levin, Éd. Christophe Lucquin, 2014 (traduit par Etienne Gomez)...

Isaac Rosenberg était peintre, poète, juif et pauvre. Il vivait à Londres, à cheval entre le dix-neuvième et le vingtième siècle (1890/1918). Ses aspirations artistiques furent contrariées par les nécessités de la vie. Il partit faire la guerre en France et mourut dans la Somme le 1er avril 1918. Peu connu, on s'accorde à dire que ses croquis et ses poèmes sont "considérés comme ce que l'Angleterre a produit de plus singulier et de plus visionnaire de toute la Première Guerre mondiale." (4ème de couverture)

Ce livre édité par Christophe Lucquin est le regroupement de deux textes de l’auteur écrits en 2008 et parus à Londres. Le premier intitulé Esquisses est assez hermétique. J'ai eu du mal à y entrer, parce que je n'ai pas les connaissances suffisantes et nécessaires de la communauté juive-anglaise du début du XX° siècle. Malgré de très -trop ?- nombreuses notes de fin de volume, très détaillées, je ne réussis pas à tout retenir et je passe du découragement à lire un passage abscons au plaisir de me ressaisir dans un autre. Beaucoup d'allers-retours dans le temps, beaucoup d'intervenants. Moi, qui ne suis pas amateur de la biographie, et qui donc aime bien lorsque l'auteur explose le genre (lisez Baudelaire de Felipe Polleri chez le même éditeur), j'avoue que là, j'ai rêvé d'une biographie linéaire, qui aurait suivi l'artiste de sa naissance à sa mort. 

La seconde partie, intitulée Méditation, est plus courte et me sied nettement plus. Shaun Levin arrive en France pour visiter la tombe d'Isaac Rosenberg et au même moment il apprend que son ami rompt avec lui. Les deux histoires se répondent : celle tragique d'Isaac Rosenberg dans ses derniers jours dans les tranchées de la Somme et celle de Shaun, seul, dans un pays dont il ne parle pas la langue et qu'il ne connaît pas, encore plus seul depuis qu'il sait que son couple n'est plus. Je ne suis pas fan des récits dans lesquels l'auteur intervient sans cesse -sauf si je sais dès le départ que c'est le genre-, mais là, Shaun Levin le fait très bien, sobrement. Il parvient, tout en nuances à faire un parallèle entre Isaac et lui. Tout en poésie, en douceur. Ah que j'aurais préféré cette seconde partie plus longue et cette première plus courte ! Dans Méditation, l'auteur explique également la raison pour laquelle il a entrepris des recherches sur Isaac Rosenberg. Cette partie du livre est vraiment très belle, elle peut justifier à elle seule la lecture de Un voyage à Arras et ceci d'autant plus que j'écris sur Esquisses est très personnel, ce n'est que mon impression et d'autres y trouveront leur compte, sans doute plus cultivés que moi. 

Toujours est-il que c'est encore un texte qui ne laisse pas indifférent, comme toujours chez cet éditeur que j'aime beaucoup. En plus, j'aime également ses maquettes : papier et couverture blanche avec un point bleu, qui varie en fonction du contenu du livre ; ici, ce point bleu devient un casque : simple, efficace.

 

 

rentrée 2014

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Les contes de mémé lubrique

Publié le par Yv

Les contes de mémé lubrique, Etienne Liebig, La Musardine, 2014....

Etienne Liebig est connu pour ses pastiches érotiques de polars ou de textes de la littérature française, comme les Exercices de style de Raymond Queneau. Cette fois-ci ce sont les contes de notre enfance qu'il revisite avec un angle de vue très adulte et très différent de celui qu'on connaît. Quoique... 

J'entends déjà ici quelques uns crier au scandale et dire que c'est honteux de pervertir de belles histoires comme celles-ci, que décidément on ne respecte plus rien. Alors à ceux-ci, je veux dire, que d'abord, ils ne sont pas obligés de le lire et qu'ensuite, il n'y a rien de plus sexuel que les contes de fées. Il me souvient d'un temps ou j'étais au lycée, en première, et, nous étudiions les contes de fées à présenter à l'oral du bac de français. Jeune homme naïf -bon, c'était un autre temps, nous étions au mitan des années 1980- j'appris avec stupeur que selon certaines études, ces petites histoires de princes et de princesses étaient en fait très sexuées. Je ne vous fais pas la liste des points passés au crible de cette étude, mais un m'a marqué : lorsque le Prince pour délivrer La Belle au Bois-Dormant tourne la clef dans la serrure, eh bien, me croiriez-vous si je vous dis que la clef symbolise le sexe mâle et la serrure son pendant -quoique là, je crois que rien n'est pendant- femelle ? Depuis, je n'ouvre plus ma porte de la même façon...

Pouf, pouf, revenons à nos contes lubriques ; ah que j'ai ri en lisant sous la plume d'Étienne Liebig, des versions chaudes de ces histoires que l'on lit aux enfants. Rien que les titres sont déjà tout un programme : Aladdin et la crampe merveilleuse, Le Petit Chas peu rond rouge -je vous laisse le plaisir de l'explication de ce nom-, Barbe-Bleue et Bite en Bois, pour n'en citer que trois parmi les treize. Le livre commence par Aladdin, car bien sûr la lampe et son génie sont propices à de multiples demandes, et finit par Ali-Baba et les Quarante branleuses, car le "sésame ouvre-toi" n'est pas dénué de désirs divers surtout lorsque la cachette s'ouvre sur des milliers de godemichés de toutes tailles et toutes matières...

Pour apprécier cette lecture, il vaut mieux lire un ou deux contes, puis prendre un autre livre et en relire un ou deux un autre jour. Ou alors, un le soir avant de s'endormir, mais attention aux effets secondaires, notamment sur l'absence de désir... de dormir. 

Ce qui est bien c'est qu'Etienne Liebig, bien qu'il insère dans les histoires des idées, des situations originales, garde le style conte, l'écriture ou les tournures de phrases désuètes, les décors et tout ce qui fait que l'on sait qu'on est dans tel ou tel conte : La Belle au bois dormant, mais au cul bien réveillé, ou Cendrillon, la pouffe à deux ovaires

C'est léger, drôle et pour une fois dans une lecture érotique, l'auteur fait preuve d'invention dans le vocabulaire, on est plus dans Frédéric Dard que dans un roman pornographique "classique". Je ne peux ici citer toutes les expressions qui m'ont ravi, mais le verbe "gougnotter" en fait partie et tant mieux, car il est fort souvent usité. Un recueil pour se détendre, qui, bien sûr ne doit pas être mis entre de petites mains -ne le confondez pas avec le livre des vrais contes, vous risqueriez des questions embarrassantes.

 

rentrée 2014

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Encore des nouilles

Publié le par Yv

Encore des nouilles, Pierre Desproges, Ed. Les échappés, 2014.....

En 1984, et pour une saison, parfois au grand dam de ses lecteurs bourgeois de Province et d'ailleurs, Pierre Desproges écrivit une chronique culinaire dans Cuisine et vins de France. Ce sont ces chroniques qui sont ici illustrées par Cabu, Catherine, Charb, Luz, Riss, Tignous et Wolinski, et éditées par les éditions Les échappées, autrement dit, Charlie Hebdo auquel collabora également le susdit accusé Desproges ! 

Bon, alors, l'autre jour, je vais à ma librairie préférée pour commander Les chiens de l'aube et un livre d'Isabelle Filliozat -Il me cherche, version 6/11 ans, pour ne rien vous cacher-, je baguenaude autour des tables, je regarde les présentoirs, et lorsque la cliente précédente a fini je m'avance près de la caisse discuter un peu avec la libraire et passer ma commande. Ceci fait, je me retourne, et, mais qu'est-ce donc ? Un livre de Pierre Desproges ? Que je n'ai pas ? Mon sang de fan desprogien ne fait pas deux ni trois mais un seul tour et je m'empare dudit bouquin, que je paye évidemment avant de quitter les lieux pour savourer la plume de l'auteur.

On a beau dire, un livre, c'est quand même mieux qu'un e-book, comme un bon cassoulet, c'est mieux qu'une boîte. Là, j'aurais pu mettre un point d'exclamation, mais j'hésite lorsque je lis ce que pensait P. Desproges de cette ponctuation :"C'est pourquoi je fous tout à coup des points d'exclamation partout alors que, généralement, j'évite ce genre de ponctuation facile dont le dessin bital et monocouille ne peut que heurter la pudeur." (p.77) D'abord celui-ci il sent bon -pas le dessin monocouille hein, non le livre bien sûr-, comme certaines BD, ça doit être dû aux dessins, et puis sentir bon quand on parle de bouffe, c'est mieux, ça met en appétit. Ensuite, le bouquin est beau, la couverture, mais aussi la tranche -toujours la bouffe-, car entre chaque chronique est insérée une citation de P. Desproges imprimée sur feuilles de couleurs différentes, donc quand on regarde la tranche du livre, on y voit un arc-en-ciel. Et enfin, j'aurais la possibilité de le mettre dans ma bibliothèque, de le reprendre quand je veux, de le montrer même avec ses dessins drôles qui illustrent parfaitement les textes et de lire à voix haute des extraits pour faire rire la galerie, car nul doute qu'elle rira la galerie, sinon, eh bien elle ne reviendra pas, c'est pas que je sois autoritaire, mais ne pas aimer Pierre Desproges quand même, ça ne se fait pas. Pas chez moi.

Desproges a dit des horreurs, des trucs qu'on ne pourrait plus dire aujourd'hui, sur tout le monde, on le taxerait aujourd'hui d'antisémite, de raciste, de sexiste ou phallocrate voire carrément de misanthrope, de mec de droite, de mec de gauche tant il aimait taper sur les un(e)s et sur les autres, d'anti cancer, d'anti connerie, d'anti tout en fait, mais il était d'abord quelqu'un qui aimait et respectait la langue française, prêt à tout pour un bon mot, une belle tournure : "Aussi incongrue qu'une rosée des sables à Verkhoïansk, cette morne pluie de Nord tombait aussi sur le port d'Ibiza. Après des mois de soleil blanc, emportant aux égouts le sable salé dont la fine poussière enrobait les figuiers. A la terrasse du Mar y Sol où la jeunesse dorée d'argent, dorée de peau, s'encamomille au crépuscule, trois Scandinaves longues de cuisses grelottaient sidérées, chair-de-poulées de fesses dans la ficelle à cul qui tient lieu d'uniforme sous ces climats dépouillés. Et de vent, point." (p. 23/24) 

Peut-être pas récent comme humour, mais pas daté ! Et comme je le disais récemment (ici), je préfère taper dans les vieux pots pour rire un bon coup.

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L'été des meurtriers

Publié le par Yv

L'été des meurtriers, Oliver Bottini, L'Aube, 2014 (traduit par Didier Debord)...

Louise Boni, commissaire à Fribourg revient au travail après une interruption de quatre mois pour soigner son alcoolisme. En fait, elle a passé ce temps dans un temple bouddhiste en France dans lequel elle avait enquêté sur des disparitions d'enfants (voir Meurtre sous le signe du zen). A peine revenue, un incendie ravage une grange et la cave remplie d'armes dessous la grange explose provoquant la mort d'un pompier. La piste que suit le groupe d'enquêteurs auquel Louise est intégrée est celle d'un trafic d'armes ; elle les mènera en Serbie et au Béloutchistan, sur les traces de la guerre en ex-Yougoslavie et sur celles des terroristes actuels.

J'avais aimé la première aventure de Louise Boni, Meurtre sous le signe du zen. Je retrouve une grande partie des ingrédients qui m'ont plu. Cette fois-ci Louise revient sobre, mais elle lutte quotidiennement contre l'envie de boire, c'est un combat difficile surtout lorsque les conditions de travail sont dures. Elle a perdu ses quelques kilos en trop. Elle doit aussi faire le point sur sa vie amoureuse : doit-elle et peut-elle garder son amant de minuit, un jeune homme ? Doit-elle et peut-elle faire le premier pas vers Richard Landen rencontré dans le premier tome, marié  à une Japonaise rentrée dans son pays ? J'ai l'impression que certains personnages qui étaient dans le roman précédent reviennent dans celui-ci sans vraiment d'explication, je ne me rends pas compte si c'est gênant ou pas puisque j'ai lu les deux, dans le premier l'impression d'entrer dans une vie déjà commencée, sans vraiment qu'on m'explique ne m'avait pas embêté, j'imagine que ceux qui commenceront par L'été des meurtriers auront la même sensation. 

Par contre, je me suis embrouillé dans les sigles des différents intervenants dans l'enquête : la police locale, la police judiciaire, la police fédérale, les différents services, en plus Oliver Bottini après les avoir nommés une fois ne les cite plus que par leurs sigles : un glossaire en fin ou en début de volume eut été une excellente idée, je m'y serais référé plus d'une fois. On dit l'administration française compliquée, son homologue allemande n'a pas l'air plus claire. 

Cette fois-ci le contexte est la guerre en ex-Yougoslavie et l'armement des extrémistes pakistanais et du Béloutchistan. C'est parfois un peu abscons, très difficile de suivre le cheminement de l'auteur malgré des explications : "Des conflits éclataient régulièrement entre le gouvernement et les partis, les tribus, les régions islamistes. La présence au Béloutchistan et un peu partout d'agents secrets américains à la recherche de talibans et de membres d'Al-Qaïda n'arrangeait pas les choses. Les Jinnah étaient respectueux de la tradition. Pas des extrémistes, mais des fondamentalistes." (p. 250). Il y a aussi pas mal de passages longs, très évitables, répétitifs : franchement, ce bouquin qui fait presque 450 pages aurait pu être réduit nettement, et là il eut été parfait. 

Pour toutes ces raisons, j'ai moins aimé cette seconde aventure de Louise. Néanmoins, je conseille de se pencher sur son cas, car le personnage est intéressant. Oliver Bottini l'a rendue attachante, fragile et forte, ancrée dans son époque, une femme qui ne revendique pas d'être l'égale d'un homme mais qui l'est de fait parce qu'elle le prouve tous les jours, qui a du mal à faire face à ses démons, alcool, relations amoureuses, familiales, amicales. Faites comme moi, lisez Meurtre sous le signe du zen, puis L'été des meurtriers (en passant quelques pages, tant pis), car je sens que Louise n'a pas dit son dernier mot et qu'Oliver Bottini a encore lui aussi des choses à dire ou à écrire sur la société contemporaine. Pourvu qu'il soit plus synthétique.

 

 

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