Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Cinq kopecks

Publié le par Yv

Cinq kopecks, Sarah Stricker, Piranha, 2016 (traduit par Pierre Deshusses)....

Anna, journaliste, recueille les confidences de sa mère sur son lit de mort, atteinte à quarante-neuf ans d'un cancer. "Ma mère était très laide", ainsi commence Anna. Il a donc fallu qu'elle compense et c'est dans les études qu'elle s'épanouira et qu'elle montrera des compétences hors norme et de l'acharnement. Entre un père tyrannique -qui a bien vécu pendant les années de guerre- qui veut absolument que son affaire devienne la chaîne de grands magasins référence en Allemagne et une mère ultra possessive, pas évident de se construire une place. La mère d'Anna deviendra médecin un peu après la chute du Mur, à peu près en même temps que son père s'installera à Berlin pour y monter des succursales. Il sera également question de sa vie amoureuse avec Arno notamment, le père d'Anna, mais pas seulement.

Roman dense écrit en petit sur 530 pages, prévoyez un peu de temps pour aller jusqu'au bout. Ce sera mon unique bémol : une certaine longueur,- pour ne pas dire une longueur certaine ; vue la densité, j'aurais opté pour 350 pages, ce qui est déjà pas mal- ressentie plusieurs fois avant de reprendre la lecture et de retrouver tout ce qui en fait le charme. Parce que ce roman est bourré de charme : l'écriture est très belle, dynamique, vive, moderne, travaillée, de belles phrases longues, comme la suivante, un vrai style littéraire affirmé : "Jamais Max ne pardonna vraiment cet incident à ma mère. Pendant toute leur scolarité, il ne lui adressa pas une seule fois la parole. C'est seulement quand ils se retrouvèrent à Berlin, lui parce qu'il voulait échapper au service militaire et à ses parents, elle parce qu'elle voulait échapper à une maison vide où, pendant un mois, elle avait fait comme si elle pouvait vivre sans eux, qu'il l'accompagna de temps en temps, tellement elle paraissait perdue dans cette ville qui n'allait vraiment pas avec elle et où tout ce que, partout ailleurs dans le monde, on aurait eu la décence de cacher, comme les drogues, la saleté, le bruit, les vices, devenait soudain bien, où tout était bien d'une façon générale, ou pas, ou de la merde, ou pas, mais toujours acceptable d'une façon ou d'une autre, surtout d'une façon ou d'une autre, tellement débarrassé de toute valeur, de toute douleur, de tout, que ma mère devait se donner beaucoup de mal pour foutre sa vie en l'air." (p.42)

Mais aussi des imparfaits du subjonctif en veux-tu en voilà qui n'alourdissent pas le texte ni ne le rendent difficile, au contraire, ça fait un joli contraste avec la modernité dont je parlais plus haut -à ce propos, je me permets de saluer le travail de traduction mené par Pierre Deshusses qui a dû se régaler lui aussi.

Ce texte est à la fois sensible, émouvant, très détaillé et drôle et sans doute drôle par l'abondance de détails : cette femme qui est en phase terminale raconte à sa fille ce qui pour n'importe qui serait futile mais aussi bien sûr les grands événements de sa vie, les grandes rencontres. C'est une sorte de discours dit à toute vitesse. On peut se sentir saoulé parfois, groggy par le flot, débordé, mais on peut aussi se laisser gagner par l'enthousiasme et l'exubérance d'Anna qui raconte sa mère, par l'innocence de sa mère, comme si à l'approche de sa mort, icelle voulait tout raconter, rapidement, ne rien omettre. Et même en cas de débordement, on y revient après une pause car ce texte attire, aimante son lecteur.

Un beau personnage de femme qui doit se construire en opposition à des parents à la présence et aux personnalités fortes et encombrantes, qui doit oublier et faire oublier sa laideur, qui doit faire preuve d'une force de caractère peu commune.

Excellent premier roman d'une auteure à suivre

Voir les commentaires

Ils ont construit leur maison

Publié le par Yv

Ils ont construit leur maison. 28 portraits de constructeurs écolos, Julie Barbeillon, Anne-Élisabeth Bertucci, Céline Cammarata, Éd. La Martinière et La maison écologique, 2016.....

En association avec le magazine La maison écologique, les éditions de la Martinière présentent cet ouvrage qui propose vingt-huit portraits de personnes qui se sont dit un jour : "Allez, je vais construire ma maison écolo." Dans toute la France, avec tous les matériaux, des constructions, des rénovations, ... il y en a pour tous les goûts. Du bois, de la pierre, de la paille, de la ouate de cellulose, du verre, du chanvre, ...

Je ne sais pas si un jour nous nous lancerons (dans l'auto-construction, sûrement pas, je connais mes limites) dans ce projet fou qui nous ferait tant plaisir, celui d'une maison à énergie positive, mais il est vrai que le chapitre "La maison moteur" a relancé mon envie. Fabrice Cardenti a construit le genre de maison qui nous plairait, lui en Ariège. Une maison autonome qui produit même de l'énergie pour recharger sa voiture électrique.

Les autres maison du livre sont très bien également, élégantes, allant d'un peu plus de 50 000 euros à plus de 300 000 euros, en fonction du lieu, de la superficie, des travaux à réaliser et des matériaux utilisés. Tous les constructeurs sont enthousiastes, positifs et donnent de bons conseils. Abondamment illustré de photos "avant-pendant-après", le livre est du genre facile d'accès, pratique et l'on se fait une idée rapidement des divers chantiers.

Un ouvrage extrêmement intéressant, à feuilleter ou à dévorer. Une enquête bien menée par les trois journalistes. En plus, en fin de volume, il y a un dossier intitulé Réaliser son rêve sans embûche avec des conseils ; un peu plus de quarante pages qui vont de l'idée encore embryonnaire au dépôt du permis de construire, des assurances indispensables et de la pose de la première pierre ou planche jusqu'à l'emménagement.

Une mine pour qui rêve d'autoconsruire et pour ceux qui aiment simplement voir de belles maisons, écologiques, économes, bien intégrés dans leur environnement.

Voir les commentaires

Morceaux de choix

Publié le par Yv

Morceaux de choix, Alan Carter, Bragelonne, 2016 (traduit par Jean Claude Mallé)..,

Hopetoun, petite ville du sud de l'Australie au bord de l'océan, c'est là qu'est retrouvée par une joggeuse une partie d'un corps déchiqueté par des requins. Cato Kwong, flic à la brigade du bétail depuis une sanction, pour cause de pénurie de personnel se retrouve chargé de cette enquête. Il sera assisté de Tess Maguire, une ex, un peu en difficultés en ce moment.

Pas loin de là, un ex-flic anglais Stuart Miller, pense retrouver la trace d'un homme qui, trente ans auparavant, a tué sa femme enceinte et son enfant et qui, en dommages collatéraux a traumatisé Stuart. Et si l'Australie était l'endroit dans lequel cette terrible histoire stoppait ?

Première enquête de Cato Kwong précise l'éditeur, je suppose donc qu'il y en aura d'autres. C'est toujours exaltant d'assister à la naissance d'un héros récurrent et de le voir évoluer ensuite de roman en roman. Bon, icelui, il va falloir qu'il s'étoffe un peu pour être crédible et vraiment à suivre. Le livre est long à démarrer, c'est lent malgré quelques bons passages ; il est difficile de s'intéresser à l'histoire, aux histoires qui se mêlent et aux personnages blasés, tristes et pas vraiment attirants. Des stéréotypes de flics de romans noirs pour ne pas dire des caricatures. On a l'impression que tous les malheurs du monde se concentrent à Hopetoun et que ce sont ces flics qui dégustent. Et puis, enfin, au moment où je ne l'attendais quasiment plus, un rebondissement (bon, page 138 quand même !) : et si c'était un début d'emballement du roman ?

Eh bien oui, à partir de là, il devient moins ennuyeux de suivre les aventures de Cato Kwong, même si je ne frôlerai jamais l'extase. C'est une intrigue classique, longue, qui n'a pas besoin de tous ces tours et détours, pas très bien écrite, les tentatives d'humour tombent à plat, les essais de langage familier pour les dialogues ne font pas mieux. Je me dis que l'auteur est trop prudent et qu'il hésité à y aller franco, instillant de ci de là quelque touches d'humour ou d'argot. Mais lâche-toi Alan, laisse-toi aller ("pète un coup t'es tout bleu" disait Jacques Higelin) et tu verras que Cato n'en sera que meilleur !

Néanmoins, malgré mes remarques désagréables, je laisse une chance à Cato et je serai heureux de le retrouver pour une nouvelle aventure, histoire de savoir s'il a avancé. Et puis, je garde le meilleur pour la fin : Alan Carter installe son histoire dans l'Australie profonde, celle qui voit les travailleurs étrangers arriver en masse avec les haines et les rivalités que cela crée : "Le groupe orange était pour l'essentiel composé d'Anglo-Saxons. Le jaune comptait des Maoris, des Philippins, des Indiens, des Chinois et des Africains -plus quelques rouquins genre Écossais qui semblaient ne faire allégeance qu'à eux-mêmes." (p.83). L'Australie, pays qui fait tant rêver en ce moment n'est pas épargnée par le racisme et le repli sur soi. Ce pan du roman est bien vu, même s'il est un peu léger, et c'est essentiellement pour cela que pour moi, Cato a une deuxième chance.

Voir les commentaires

La femme qui valait trois milliards

Publié le par Yv

La femme qui valait trois milliards, Boris Dokmak, La mécanique générale, 2016.... (Ring, 2015)

Bruges, 2023, le Lieutenant Borluut enquête sur la troublante découverte d'une momie, étrangement embaumée : Godelieve Hildenbrandt, la jeune femme momifiée l'a été selon un code vieux et rare, une "fiancée du Tophar" moderne.

Même année, Los Angeles, Albert Almayer, sorte de détective privé, qui carbure au maotai et à l'éthérine est ramené manu militari auprès de Rick Hilton, le père de la célèbre Paris Hilton disparue dix ans auparavant, qui le charge de reprendre l'enquête sur sa fille.

Les deux enquêtes se croisent, se recroisent... et si le Lieutenant Borluut et Almayer suivaient les mêmes pistes ?

Boris Dokmak est l'auteur de l'excellent Les Amazoniques que j'ai eu l'honneur de chroniquer ici. Je risque de ne pas me renouveler en parlant de ce nouveau roman tant il est foisonnant, dense et passionnant. Je ne sais lequel des deux a été écrit le premier puisque La mécanique générale est la maison d'édition de poche de Ring, mais peu importe, la bonne nouvelle, c'est que La femme qui valait trois milliards est disponible à moins de dix euros, comme quoi on n'est pas à une contradiction près.

Je ne sais pas trop par où commencer ma recension, le roman est tellement dense, volumineux, il aborde tellement de points divers et variés que je crains d'être très en-dessous de mon engouement véritable. Tenez-vous bien : 758 pages ! Les 500 premières sont très bien, sans temps mort même lorsque l'auteur approfondit des points philosophiques, anatomiques ; il le fait à fond, ne laisse rien au hasard, aborde également les techniques d'embaumement, l'autopsie. C'est absolument fou, démesuré, gigantesque. Ces pages mettent en place l'histoire, permettent de faire connaissance avec les personnages (curieusement, le Lieutenant Borluut, l'un des héros ne bénéficie pas d'une biographie très longue, contrairement à d'autres intervenants moins présents). Les 250 dernières pages sont captivantes et je préfère vous prévenir, il est impossible de les lâcher. Tout se coupe, se recoupe et s'explique, mais Boris Dokmak prend son temps pour nous raconter encore les détails, les tours et détours de son histoire.

De la littérature avec du souffle, du polar à l'américaine, façon années 50/60 et même si l'histoire se déroule en 2023, rien n'est vraiment du futur, mais cela permet de parler de personnages actuels comme s'ils n'étaient plus là ou avaient quitté leurs fonctions, par exemple Paris Hilton, héroïne -non, non, il n'y a pas d'allusion- de ce polar bien malgré elle. Drogue, sexe, alcool, fêtes grandioses et décadentes chez les riches jeunes gens désœuvrés, le privé blasé, le père arrogant et plein d'argent, tous les ingrédients sont là pour faire un polar étasunien, mais Boris Dokmak y insère également un flic belge, des méthodes européennes et son roman devient international, d'autant plus qu'Almayer et Borluut voyagent aux quatre coins de la planète.

Belle maîtrise de la langue française, entre phrases longues, construites, néologismes, notions techniques et philosophiques s'éloignant parfois de la réalité apportées simplement, dialogues très terre-à-terre, familiers, des envolées -parfois lyriques- mais aussi du "vécu" avec Paris Hilton même si j'imagine que pas mal de ses faits et gestes sont inventés -j'avoue mon inculture en la matière. Pas mal d'ailleurs cette idée de prendre un personnage public pour en faire autre chose que ce qu'elle veut bien montrer.

Un polar inoubliable. La quintessence du polar, un truc encore jamais lu et franchement enthousiasmant. Voulez-vous une preuve ? Oui ? Ah la la, vous ne me croyez pas sur écrit... c'est pas bien. Eh bien, ma preuve irréfutable, évidente et imparable : j'ai lu ces 758 pages en quelques jours, totalement scotché ! Moi, lire 758 pages, sans renâcler, la dernière fois que ça m'est arrivé, pfff... j'ai la mémoire qui flanche tellement c'est loin.

Voir les commentaires

L'assassin qui rêvait d'une place au paradis

Publié le par Yv

L'assassin qui rêvait d'une place au paradis, Jonas Jonasson, Presses de la cité, 2016 (traduit par Laurence Mennerich)...

Lorsque Johan Anderson, plus connu sous son surnom de Dédé-le-Meurtrier sort de prison, il va s'installer dans une pension qui fut peu de temps auparavant un lupanar connu sous le nom du Club Amore. La Pension La-Pointe-de-Terre, tenue par Per Persson propose des chambres au confort discutable mais pas chères. Dédé est bien décidé à ne pas retourner en prison, aussi honore-t-il quelques contrats pour la pègre, des bras ou des jambes brisées en représailles, et il se fait payer pour sévices rendus. Per Persson, rejoint depuis peu par Johanna, une pasteure défroquée parce qu'elle ne croit pas en Dieu, flairent le bon moyen de se faire de l'argent, ils organisent une entreprise chargée de collecter les fonds contre le travail de Dédé, mais s'accoquiner avec le diable n'est pas compatible avec la conversion de Dédé à Jésus, peu de temps après les débuts fracassants de cette entreprise.

C'est ma première rencontre avec Jonas Jonasson tant connu un peu partout pour Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire ou L'analphabète qui savait compter. Et je dois dire que dès les premières lignes, j'ai vu une parenté évidente avec l'excellent auteur finlandais Arto Paasilinna et que j'ai pris le même plaisir à le lire, au début au moins... parce qu'à un certain moment, j'ai quand même trouvé qu'il allongeait un peu la sauce sans lui apporter de saveur supplémentaire : les quatre-vingts premières pages sont drôles, enlevées, puis ça se dégrade parce que ça tire en longueur (environ quatre-vingts pages itou), et puis, ça repart pour ne plus s'arrêter, jusqu'à la fin, la page 380. Tout est absolument loufoque, pas crédible et l'on sourit beaucoup, voire même on peut rire à des dialogues fous ou des descriptions décalées. Le procédé dont use Jonas Jonasson est connu : il joue avec les niveaux de langage, les dialogues sont plutôt dans le familier, l'argotique et les descriptions plutôt dans le soutenu et même plus elles parlent de trivialités, plus elles sont bien écrites, le décalage est donc complet et ça fonctionne parfaitement.

"- J'ai rencontré Jésus ! C'est trop dur à piger, ça ? Et du coup, vous m'avez mis dans la merde !

Le pasteur interrompit l'embryon de querelle qu'ils n'avaient pas le temps de développer. Elle ne réfuta pas le résumé que venait de brosser Dédé, même si elle trouvait qu'il aurait pu employer un autre langage." (p.123)

En filigrane et quasiment tout au long du livre quand même, Jonas Jonasson critique la religion qui longtemps fut en Suède religion d'état, qui ne l'est plus depuis seulement l'année 2000. Il se moque, parodie l'église et son besoin d'argent, les églises de tout genre qui peuvent ouvrir et se revendiquer comme telles, ce qu'en France, on appellerait sectes.

Ce n'est sans doute pas le roman du siècle, certes non, mais je ne doute pas qu'il trouve un écho auprès des lecteurs et je le comprends bien, j'avoue moi-même avoir passé un très bon moment en Suède. Ne boudons pas notre plaisir, un roman drôle qui nous fait oublier quelques instants le quotidien, ça mérite largement le détour, comme une bonne comédie au cinéma.

Voir les commentaires

La mort dans les veines

Publié le par Yv

La mort dans les veines, Samuel Sutra, L'atelier Mosesu, 2015....

Luc Mandoline est thanatopracteur libéral. Il travaille à son compte et ne néglige pas de temps à autre une enquête vers laquelle le corps qu'il prépare le mène. Luc est l'Embaumeur. Connu pour sa double activité, la légale et l'autre plus confidentielle. Lorsque la belle Adèle lui demande d'enquêter sur la mort de son père, Franck Morel, chercheur à l'Institut Pasteur, spécialiste des virus, il hésite parce que le défunt à disparu et que lui ne sait travailler qu'à partir d'un corps qu'il a vu et visité de l'intérieur. Mais Adèle a des arguments : 3000 euros en espèces et Luc traverse une période compliquée.

L'Embaumeur est un personnage de roman dont un auteur peut s'approprier les codes et les inclure dans son histoire. Il suffit de respecter les consignes biographiques de Luc Mandoline édictées par Sébastien Mousse. Je l'ai déjà rencontré sous la plume de Stéphane Pajot, Deadline à Ouessant et il existe au moins neuf autres tomes de ses aventures. Aventure inédite que celle-ci puisque cadavre à explorer il n'y a pas et que Luc habitué à voyager reste dans Paris. Samuel Sutra détourne donc les codes de l'Embaumeur pour lui écrire cette histoire oscillant entre polar et espionnage. Rythmée aux sons d'Alain Bashung et aux mots de Gérard Manset qui a écrit Visage d'un dieu Inca -que je n'ai pas encore lu, mais je sens une forte envie de le faire maintenant-, un portrait de Bashung à la mode Manset, ce roman est donc forcément excellent.

Luc n'est pas un enquêteur officiel ni même formé aux méthodes traditionnelles, sa technique est souvent directe, foncer droit devant, dans la gueule du loup quitte à recevoir des coups, ce qui ne manque pas d'arriver. Néanmoins, il peut faire preuve de réflexion et monter des plans plus élaborés qui ne récolteront pas toujours un plus franc succès que la méthode auparavant décrite.

Samuel Sutra dont je commence à bien connaître la bibliographie, est un écrivain qui sait jouer avec différents styles d'écriture : argotique, audiardienne dans sa série des Tonton ou ambiance boite de jazz-détective étasunien dans Kind of black. Là, c'est encore différent, très contemporain, n'hésitant pas à faire un bon mot, à user d'images plus ou moins évocatrices : "Non, décidément, si un jour il devait arrêter volontairement son tour de manège, il opterait pour quelque chose d'autre. Pas les médocs. Non, ça, on n'était pas sûr de ce qui se passait non plus. Peut-être la tour Saint-Jacques. Refaire les expériences de Pascal. Confirmer ses travaux sur la pesanteur et, au passage, ceux de Mike Brant sur l'absence de rebond à l'arrivée. Voilà, concilier confort et apport scientifique. Ce serait une belle fin." (p.39/40)

Marie Vindy, dans la préface parle d'un style "du bon style, qui se la raconte si bien que nous voilà partis à tourner les pages avec délice, avec gourmandise même." (p.8) Et de parler de Léo Malet et de Tardi. Parfait. Que puis-je dire après cela ? Rien, ou si, juste vous conseiller très fort cette nouvelle aventure de Luc Mandoline, un héros à découvrir.

Voir les commentaires

L'art de la controverse

Publié le par Yv

L'art de la controverse, Park Hyoung-su, L'Asiathèque, 2016 (traduit par François Blocquaux et Lee Ki-jung)....

Six nouvelles écrites par un auteur sud-coréen, né en 1972 qui enseigne la création littéraire. Extrêmement original, le recueil débute par la nouvelle qui lui donne son nom.

- L'art de la controverse : une bonne controverse consiste à terrasser son adversaire en trouvant le bon argument, celui qui le mettra à terre et dont il ne se relèvera pas. Mais jusqu'où aller ?

- Par ici, par là : ça fait quarante années que Yang prend le chemin qui mène à son champ et qui contourne un moulin par ici. Jamais encore, il n'a pris l'autre, celui qui le contourne par là. Sauf ce matin-là...

- Lapins mode d'emploi : comment un couple de lapins peut être à l'origine d'une querelle conjugale et d'une transformation radicale de l'épouse dévouée.

- Krabi : un homme revient à différents moments de sa vie au même endroit, croise les mêmes gens. A Krabi.

- Le chauffeur de taxi et l'économiste : les événements de notre vie sont-ils dus au hasard ou le destin existe-t-il ? Sont-ils régis par une loi impérieuse ou choisit-on son avenir ?

- Menace sur le territoire : Beomsu prend le train pour aller retrouver sa fiancée. N'aimant pas être dérangé, il réserve son siège et celui d'à-côté. Mais c'est sans compter avec des passagers n'ayant pas réservé. Le combat pour garder son espace prend des formes parfois très rudes.

Park Hyoung-su est un auteur à part. Original et totalement décalé. Je ne me souviens pas avoir lu de nouvelles aussi étranges, bizarres depuis un petit moment. Ses histoires peuvent partir de faits assez banals et très vite dériver vers de l'étonnant, de l'extravagant, du farfelu, du fantasque voire du fantastique. Et malgré cela ou fort de cela, il parvient à faire jaillir des questionnements bien réels sur la vie de couple, la solitude, la fatalité, le choix qui détermine une vie ou la succession d'événements subis, la fatuité, la grandeur d'âme, la recherche de la puissance, du pouvoir, de la domination, la réussite à tout prix même et surtout au détriment des autres, le prix d'une vie, la condition humaine pourquoi certains réussissent et d'autres tentent de survivre, ...

Park Hyoung-su construit ses histoires et tirant un fil jusqu'au bout, jusqu'à l'absurde, jusqu'à l'irréalité, jusqu'à ce qu'on peut qualifier de fantastique. Le lecteur se retrouve très vite dans un monde loufoque, ubuesque, décalé à la limite du surréalisme (on pourrait penser parfois qu'il use de certaines techniques d'écriture du mouvement surréaliste l'emmenant loin, très loin et nous avec), délirant, burlesque, ...

Un auteur qui surprend et comme cette année est l'année France-Corée, ce pays sera l'invité d'honneur du Salon du livre de Paris (rebaptisé Livre Paris) et qui se déroule en ce moment même -courez-y vite-, une bonne idée pour découvrir sa littérature.

Voir les commentaires

Ça coince ! (31)

Publié le par Yv

Pluie des ombres, Daniel Quiros, L'Aube Noire, 2015 (traduit par Roland Faye)..

"Costa Rica. Le corps d'un jeune homme est retrouvé mutilé, au bord d'une route à quelques mètres d'une école. La police en fait peu de cas car c'est un Nica, un immigré du Nicaragua, et il y a de la drogue dans le ventre du cadavre... Ce devait être encore un narcotrafiquant. Sauf que. Sauf que Don Chepe connaissait le garçon, et qu'il n'était certainement pas un dealer. Épaulé de son fidèle Gato, l'ex-guérillero devenu détective à ses heures se lance à la poursuite des coupables." (4ème de couverture)

Pas grand chose à dire sur ce polar, je l'ai lu jusqu'au bout, mais je suis passé totalement au travers. Évidemment, ça parle du racisme, de la difficulté d'aborder et d'intégrer l'autre s'il est différent, mais malgré cela, je n'ai pas réussi à vraiment m'intéresser à l'histoire. En fait, je crois que ce sont les deux personnages principaux qui m'ont dérouté.

D'autres comme Claude Le Nocher ont aimé.

 

 

Le gardien de nos frères, Ariane Bois, Belfond, 2016.

"En 1939, Simon Mandel a 16 ans. Entré dans la Résistance, il sera blessé au maquis. En 1945, la guerre lui a tout pris et notamment Elie, son petit frère, disparu dans des conditions mystérieuses. Dans une France désorganisée et exsangue, Simon embrasse une nouvelle cause, celle des Dépisteurs. Ces jeunes juifs, anciens scouts et combattants, ont pour mission de retrouver des enfants dont les parents ne sont pas revenus des camps. Silloner le pays à la recherche des siens est sans doute le seul espoir pour Simon de retrouver Elie." (4ème de couverture)

Je précise que ce livre m'a été envoyé comme ça au hasard, et le hasard fait parfois mal les choses. L'écriture se veut un rien lyrique, elle ne fait qu'enchaîner les platitudes : "Simon erre dans un pays blanc, ondoyant, une mer sans son ni lumière... Il flotte en âme libre dans un brouillard cotonneux." (p.27), style lourd et alambiqué. C'est lent, long, très long, page 30, j'ai l'impression d'en avoir lu 100, alors imaginez après 100 pages... et même 384 pages si l'on parvient à la dernière de ce roman...

Voir les commentaires

Nom d'un chien

Publié le par Yv

Nom d'un chien, André Alexis, Denoël, 2016 (traduit par Santiago Artozqui)...

Apollon et Hermès, légèrement ivres font un pari : donner l'intelligence humaine à des chiens et voir s'ils peuvent vivre heureux. C'est un groupe de quinze chiens qui passe la nuit dans une clinique vétérinaire qui se réveille avec conscience et langage. Les destins de ces quinze seront divers, entre ceux qui ne veulent pas céder à ces nouvelles capacités, d'autres qui comptent bien en jouer et d'autres qui observent ce que ce changement va apporter à leurs vies. Le groupe se sépare, restera dans les différents quartiers de Toronto.

Une histoire étrange mais pas totalement inédite, dans la droite ligne de Rudyard Kipling ou George Orwell. Elle est plutôt fine, complète : les quinze chiens permettent un panorama large des différentes interprétations de l'intelligence humano-canine, mais elle ne me convainc pas totalement. Pas mal de poncifs, de propos attendus, prévisibles et un peu décevants. Néanmoins, l'exercice est intéressant et la lecture itou. André Alexis donne dans la parodie de la société humaine, dans la satire animale ; il n'oublie pas évidemment d'aborder les grands thèmes : la vie, l'amour, la mort et ajoute ceux qui sont inhérents à son idée de roman : l'intelligence permet-elle de vivre mieux, plus heureux ? Et qu'est-ce qu'être heureux ? Le savoir est-il un but ? Un moyen ? Et la croyance en un dieu suprême, d'où vient-elle ? "Il croyait que le dieu qu'elle décrivait était possible, de la même manière qu'il croyait qu'une chienne perpétuellement en chaleur était une chose possible. Un maître de tous les maîtres, c'était une idée, mais une idée qui ne le concernait pas..." (p.68/69) Et quid de la sagesse ? et encore plein d'autres que j'oublie. Son roman qui pouvait s'annoncer comme drôle et décalé est surtout plus profond qu'il n'y paraît et cruel. Pas sûr que les défenseurs de la cause animale le lisent et encore moins sûr qui l'apprécient.

L'esclavage également est abordé, ou plutôt la soumission et l'exploitation des plus faibles par les plus forts, les rapports sont faussés lorsqu'un humain ne réagit pas comme il le devrait : "Ça ne ressemble pas au maître habituel. Un maître qui ne demande rien n'est pas un maître. Et s'il n'est pas un maître, cela te causera de la douleur. Un jour, tu souffriras. Il vaut toujours mieux savoir à qui on a affaire, tu ne crois pas ?" (p.103).

Question écriture, rien à dire, ni en bien ni en mal, le style est plaisant et n'a rien d'extravagant. C'est un peu mon reproche général, le bouquin n'a rien d'extravagant, j'aurais aimé plus de folie, de décalage, d'humour noir (le roman est vendu comme "hilarant et dérangeant" en 4ème de couverture), mais finalement, il traîne un peu en longueur en s'attardant sur chaque canidé devenu intelligent. Une petite déception qui pourra cependant trouver son public.

Note finale : je n'ai pas fait de confusion entre les noms de l'auteur et du traducteur, André Alexis est canadien et parle anglais, Santiago Artozqui parle aussi anglais et le traduit même en français.

Voir les commentaires

1 2 > >>