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La moisson des innocents

Publié le par Yv

La moisson des innocents, Dan Waddell, Babel noir, 2016 (Le Rouergue, 2014), traduit par Jean-René Dastugue.....

A quelques jours d'intervalle, deux jeunes hommes disparaissent, l'un empoisonné et l'autre brûlé dans sa voiture. Leur point commun ? Vingt-deux ans auparavant, alors âgés de 9 et 10 ans, ils furent jugés pour avoir sauvagement assassiné un vieil homme dans leur ville du nord de l'Angleterre. Ce vieil homme, héros local, ancien mineur en avait sauvé d'autres lors d'un accident dans la mine. Cette affaire avait fait grand bruit, et les deux enfants furent libérés quelques années après leur incarcération, puis intégrés dans un programme de protection avec changement de noms et de vies. L'inspecteur principal Grant Foster se demande comment les assassins ont pu se procurer leurs nouvelles identités et adresses.

Troisième tome de la série Les enquêtes du généalogiste, qui cette fois-ci porte mal son nom tant Nigel Barnes, le généalogiste est sinon totalement absent du moins pas vraiment au travail d'enquêteur. C'est sans doute la raison qui m'a fait lire à deux ou trois reprises que ce volume était moins bien que les autres. Que nenni ! Certes, la recherche généalogique y est moins développée que dans les autres, mais on en apprend plus sur Nigel Barnes, sur son passé, et Grant Foster, l'inspecteur principal, qui est de fait, le personnage principal de cette série l'est ici encore plus. Moi, ça ne me gêne pas, je l'aime bien Foster, abimé, cabossé, un flic solitaire et seul, qui révèle là-aussi une partie de son passé, de ses débuts de flic. Finalement, seule Heather Jenkins, l'adjointe de Foster et la petite amie de Nigel Barnes perd un peu de son importance. Je trouve pas mal de cohérence dans cette suite, et rien ne dit que si quatrième tome -voire plus- il y a, il ne sera pas centré sur Heather ou de nouveau sur Nigel ; une continuité assez logique qui se ressent également par le fait que l'éditeur choisit toujours le même traducteur, Jean-René Dastugue, donc une continuité également dans la narration.

Un bon polar, plus classique que les deux premiers. Encore une fois, Dan Waddel nous sort une intrigue qu'il complique à souhait grâce à un grand nombre de personnages, principaux et secondaires qui ont tous leur importance, et cette fois-ci on compte un peu moins sur les ascendants des uns et des autres pour nous embrouiller encore plus. Comme d'habitude, c'est très bien mené, totalement maîtrisé. Une enquête solide qui par l'intermédiaire de Grant Foster permet de se poser des questions sur la justice, notamment celle des mineurs, mais aussi sur la réinsertion, le pardon des familles des victimes, la loyauté, les conséquences d'un meurtre sur l'entourage large de la victime mais aussi sur celui du ou des meurtriers.

Excellente série, que je ne saurais trop vous conseiller de commencer par le début avant qu'elle ne compte beaucoup de volumes et que le retard soit trop lourd à rattraper. En plus, les trois volumes existent en poche chez Babel.

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Manifeste schizo-rationaliste ou petit guide de survie à l'usage de l'athée misanthrope

Publié le par Yv

Manifeste schizo-rationaliste ou petit guide de survie à l'usage de l'athée misanthrope, Sven Andersen, Ed. Le monde libertaire, 2016..,

"Ce manifeste est dédié à ceux qui pensent que, pour vivre heureux, il n'est pas indispensable d'être entouré par une ribambelle de fâcheux. Cette misanthropie se double d'un ferme refus de tout obscurantisme, des religions et des superstitions. Son nom : le schizo-rationalisme. Le Grand Système libéral s'attache à empêcher schizo-rationaliste de s'épanouir, armé de ses idoles rances que sont la famille, le travail, la fraternité de pacotille et le consumérisme béat. L'esprit de sérieux et l'aveuglement face à la mort seront aussi les cibles du schizo-rationalisme, tout comme le natalisme, le bougisme, la particratie, le mariage, la vulgarité conviviale et la dictature numérique." (site éditeur)

Les éditions du monde libertaire sont l'oeuvre de la Fédération Anarchiste et je vous laisse le soin d'aller lire sa carte d'identité sur le site. Présenté comme cela, vous vous doutez un brin du contenu de ce livre notamment sur les notions de travail, de propriété, d'exploitation et du partage des richesses. Quant en plus, le livre est sous-titré, Petit guide à l'usage de l'athée misanthrope, je suis obligé de l'ouvrir pour lire ce que l'on dit de moi... Et finalement, je suis à la fois rassuré et déçu, mon athéisme est tolérant et ma misanthropie légère même si parfois, je tangue dangereusement vers le schizo-rationalisme dans mes moments d'agacement.

Que de belles phrases écrites par Sven Andersen-qui comme son nom l'indique est... belge- : "En réalité, le travail tue, le travail rend con, dépressif, suicidaire (...), il est vecteur de pathologies psychiques ou physiques (...), il est le terrain de jeu favori des harcèlements de tout type, il est à l'origine de divorces et de frustrations diverses, bref il est infiniment nuisible." (p.54) J'adhère, d'autant plus qu'il illustre son propos. Alors, évidemment, on sait que pour vivre, nourrir sa famille, il faut travailler et gagner de l'argent. Mais justement, c'est tout le système que l'auteur critique et veut changer. Il a des propos durs sur la natalité, mais aussi durs qu'ils soient ils posent la question de l'inévitable surpopulation des prochaines années : 9 milliards d'humains, puis, 10, 11...

Si je ne souscris pas à toutes les théories évoquées, je les lis bien volontiers pour ce qu'elles apportent au débat. Celles concernant l'avilissement de l'homme par l'homme, le travail, la consommation, la recherche du bonheur dans la propriété et la course à l'avoir plus qu'à l'être me parlent et sont à rapprocher du livre de Paul Lafargue, Le droit à la paresse. Je jubile dans divers passages concernant le travail et les relations obligées avec les collègues : "Bref, il [le schizo-rationaliste] est contraint de devenir le roi des hypocrites, un grand comédien simulateur, qui feint de prendre du plaisir avec ses collègues, ses patrons et/ou les clients, notamment lors de ces sommets de la tartuferie d'entreprise qu'on nomme les dîners du personnel, plus insupportables que les examens invasifs d'un proctologue, les activités infantilisantes de team-building (...), les pots d'anniversaire, de départ ou d'arrivée.(...) Le terme de "Touriste d'entreprise" nous convient bien, nous sommes même prêts à créer un Institut des Touristes d'Entreprises, dont les membres seraient tenus de respecter une Dé-hontologie (pour cesser d'avoir honte de conchier le travail) des plus strictes." (p.57). Moi qui me suis souvent fait traiter de touriste au travail -à ma grande joie dois-je avouer ici-même- j'en suis membre, sûr !

J'exulte à des phrases-aphorismes dignes de Pierre Desproges ou de Jean Yanne : "La religion est assurément l'opium du peuple mais elle est encore plus certainement le cyanure de la liberté de penser." (p.77/78)

Le schizo-rationaliste est un schizoïde-rationaliste, un être sans désir qui préfère passer son temps seul, l'inverse du grégaire ; son côté rationaliste en sus fera de lui un "être imperméable aux jugements d'autrui, à leurs modes et aux impératifs collectivistes et familiaristes." (p.26) Et parmi toutes ces vacheries, une tendresse assumée -que je partage : "Les chats partageront cet amour du calme et de la solitude, méritant rien que pour ça d'avoir été divinisé (sic) (une exception à notre théophobie) par une civilisation disparue." (p.70) Le "sic", pour cette coquille, une parmi pas mal d'autres...

Ah, j'allais oublier des points importants : cet essai est court (103 pages), pas cher (5€) et surtout facile à lire parce que le ton est plutôt amusant, les exemples parfois très drôles, même si le propos se veut sérieux mais point trop quand même : "Toute ressemblance avec la volonté d'avoir écrit un livre sérieux ne serait que pure coïncidence et n'engage nullement son auteur, car tout est insignifiant en ce bas monde..." (p.102)

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Depuis le temps de vos pères

Publié le par Yv

Depuis le temps de vos pères, Dan Waddell, Babel noir, 2013 (Le Rouergue, 2012), traduit par Jean-René Dastugue.....

Katie Drake, actrice qui n'a plus d'engagements depuis quelques années est retrouvée morte, dans le jardin de sa maison londonienne. Sa fille, Naomi, 14 ans est introuvable. Grant Foster, inspecteur à la criminelle, à peine remis de sa dernière enquête qui a failli lui coûter la vie s'investit totalement dans la recherche de la jeune fille. Seul un cheveu est récolté sur la scène de crime, qui d'après les analyses ADN appartient à un parent de la victime. Foster demande alors à sa collègue Heather Jenkins de prendre contact avec Nigel Barnes, le généalogiste qui les a déjà aidés auparavant.

Sous titré, Les enquêtes du généalogiste, ce volume est le deuxième de la série qui en compte pour le moment trois. La première, Code 1879, m'a laissé un souvenir assez bon pour que je me penche sur la suite. 400 pages sans temps mort, qui nous plongent dans le passé de l'église des mormons, pas glorieux qu'ils voudraient bien gommer totalement pour passer pour des anges -si vous me permettez cette facilité. Très bien mené, et malgré la multitude d'intervenants, des noms qui parfois se ressemblent, je ne me suis jamais senti perdu, parce que Dan Waddell revient régulièrement nous rappeler qui est qui.

Grant Foster est un flic solitaire, un peu "vieille Angleterre", et si parfois, on peut oublier que l'histoire se déroule outre-Manche, un détail essentiel -que dis-je, LE détail- nous y ramène : Grant Foster boit du thé ! Bon, pour faire bonne mesure, chez lui, il boit aussi du bon vin, hérité de son père : il vide la cave de la maison qu'il habite seul et dont il a hérité. Amoché par son enquête précédente (Code 1879), il a du mal à se mouvoir sans douleurs et ses chefs aimeraient que ce dinosaure aux méthodes un peu personnelles soit moins présent, genre 9h-17h, ce qui, pour un flic tel que lui est inenvisageable.

Heather Jenkins et Nigel Barnes ont vécu un rapprochement sérieux dans le tome précédent, et ils ont l'air un peu en froid dans celui-ci, ce qui n'empêchera par une étroite collaboration qui les mènera jusqu'à Salt Lake City, fief des mormons, et Mecque des généalogistes, puisque iceux ont fiché plusieurs millions de personnes, ils en arrivent même à baptiser des morts, ce qui est à la fois crétin et absolument irrespectueux ; crétin, parce qu'une fois qu'on est mort, eh bien, on est mort et qu'on se fout un peu des bêtises terrestres et religieuses et enfin, de quel droit baptiser des morts, qui de leur vivant n'avait rien demandé ?

Bon, revenons à notre enquête, prenante de bout en bout et diablement -désolé les mormons, je n'ai pas pu m'en empêcher- maîtrisée. Très originale cette série qui fait de la généalogie le moyen de résoudre des énigmes, en plus, elle n'oublie pas les codes du genre : flic solitaire, idylle, noirceur -car il faut bien dire que l'on ne rit que très peu-, et contexte fort et bien expliqué. Si ce n'est pas encore fait, le mieux, c'est de débuter par le premier tome...

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Tarzan, Seigneur de la jungle

Publié le par Yv

Tarzan, Seigneur de la jungle, Edgar Rice Burroughs, Éd. Archipoche, 2016 (écrit en 1912 et traduit par Marc Baudoux)...,

1888, Lord John Clayton accompagné de lady Alice sa jeune femme est chargé de mener une enquête dans une colonie britannique d'Afrique Occidentale sur les mauvais traitements de certains officiers d'un puissance amie sur les sujets noirs de l'empire. Mais à la suite d'une mutinerie sur le bateau qui les mène à destination, ils sont débarqués sur la côte avec des vivres et leurs bagages. Lord Clayton tant bien que mal réussit à construire une cabane pour les protéger des animaux sauvages et des intempéries. Lady Alice met au monde quelques mois plus tard un garçon. Un an plus tard, elle meurt et un grand singe tue Lord Clayton pendant qu'une femelle, Kala, enlève le bébé humain et s'en occupe comme s'il était le sien. Elle le nomme Tarzan.

Pour la sortie d'un nouveau film Tarzan, j'ai reçu la proposition de lire l'œuvre originale écrite par Edgar Rice Burroughs en 1912 et traduite par Marc Baudoux dans les années 1980. J'ai vu bien sûr plusieurs adaptations cinématographiques, celles avec Johnny Weissmuller amusants souvenirs d'enfance), celle avec l'assez -c'est une litote- mauvais Christophe Lambert mais le film n'était pas si mal. Mais je n'avais jamais lu Tarzan, à part des vieilles adaptations BD, ces vieux albums format livre de poche, souvent noir et blanc, que l'on lisait et relisait avec des histoires à épisodes...

Roman d'aventures par excellence et d'anticipation, il souffre un peu de clichés et d'invraisemblance, mais en se laissant faire et en jouant le jeu, l'histoire que l'on connaît déjà passe parfaitement. Je me suis même senti parfois l'envie de tourner les pages un peu plus vite pour savoir ce qui allait se passer, car, si l'on connaît l'intrigue, elle est aussi polluée par les films librement adaptés du roman. Évidemment, certains passages sont datés : les hommes noirs sont forcément esclaves ou cannibales, mais Edgar Rice Burroughs n'est pas si manichéen que cela. Tous les hommes blancs ne sont pas bons, certains veulent de plus en plus de terres et obligent les noirs à fuir leurs villages avançant ainsi dans la forêt et occupant à leur tour le territoires des animaux. C'est un roman de la nature, de la vie sauvage et du respect des différentes espèces entre elles et de la flore par tous.

C'est aussi un roman d'apprentissage, Tarzan se découvrant homme alors qu'ils se croyait singe anthropoïde et à l'aide des affaires laissées par ses parents, s'ouvrant à la lecture et à l'écriture. Roman d'amour itou, puisque découvrant Jane Porter il est tout de suite atteint d'une étrange sensation, elle-même n'étant pas insensible à la beauté et la force du "bon sauvage".

Franchement distrayant, j'ai aimé replonger dans mes jeunes années, le côté désuet rajoute du charme à ce roman. Si vous avez à lire un Tarzan, finalement, mon conseil, lisez l'original !

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Les deux coups de minuit

Publié le par Yv

Les deux coups de minuit, Samuel Sutra, Flamant noir, 2016.....

Mis sur un coup facile et lucratif par sa bonne -la bonniche, hein, parce que Donatienne, elle est pas vraiment bonne adjectivement parlant- Donatienne, ex-baronne reconvertie dans l'alcoolisme à (très) haute dose et par le baron Edouard de Gayrlasse, ex de Donatienne en grosse difficulté financière, Tonton se rend donc avec son équipe de bras cassés au Royal Monceau, court-circuiter une vente d'armes entre Salvadoriens et ramasser un demi-million d'euros. Le coup réussit presque sans anicroche, et la belle équipe le fête comme il se doit en la demeure de Tonton. Lorsqu'ils émergent de leur comas éthylique, cette dite-demeure est dévastée, retournée de fond en comble, le pognon évaporé. Tonton se serait-il fait doubler ? Qui est l'inconscient qui a osé ?

Ah les aventures de Tonton, c'est tout un poème. J'en suis à 4 (1, 2, 3, et 4 celui que je chronique aujourd'hui) et à chaque fois, je plonge, je me régale, je me réjouis et je rigole au point d'inquiéter pléonastiquement mes voisins proches, ceux qui ne me connaissent pas, mais ceux qui me côtoient habituellement itou. Parce que les aventures de Tonton, c'est avant tout un langage, une écriture entre Frédéric Dard et Alphonse Boudard mâtinée de beaucoup d'Audiard. Un pur plaisir donc. On voit et on entend les protagonistes parler et mimiquer. Par exemple, lorsque suite à son réveil difficile Tonton n'a passé qu'une nuisette qui ne cache pas grand chose de son bazar et que Gérard son second lui demande de s'habiller :

"Disons que depuis tout à l'heure, tu te balades à moitié à poil sans que ça ait l'air de te gêner. Je sais que t'es chez toi, je conteste pas, mais te balader en nuisette avec le matos en vitrine, j'suis désolé, je te le dis comme je le pense, je trouve que ça fait pute ! (...) ... passé un certain âge, les hommes mêmes jeunes ont tendance à se trimballer avec les sacoches au niveau des genoux. C'est la nature, la gravitude a besoin d'attirer les trucs lourds au niveau du plancher et vu leur calibre, tes balloches font partie du lot." (p63/64)

Il y a bien aussi ce chapitre très osé que je ne dévoilerai par aucune citation, disons succinctement qu'un homme et une femme se retrouvent inopinément -si si j'ose- seuls dans une chambre et que la suite est très prometteuse et surtout particulièrement drôle à condition de ne point trop visualiser, sous peine de malaise.

L'intrigue se tient, Tonton est momentanément dépassé, et contre toute attente tant ses acolytes sont habituellement défaillants et pour certains très cons, bien secondé. Il lui faudra néanmoins subir quelques sarcasmes et passer outre une certaine honte à s'être fait blouser si aisément pour mener à bien sa contre attaque. Je vous le dis depuis que j'ai débuté la série de Samuel Sutra, Tonton, c'est le meilleur. Le cador des malfrats. Et l'auteur a toute mon estime et mon admiration pour avoir su le créer de cette manière si enlevée et drôle mais aussi pour savoir le faire durer avec autant de bonheur. Et Nathalie l'éditrice, la cheffe de Flamant noir -j'ai ouï dire que certains des romanciers qu'elle publie l'appelait la taulière- a toute ma sympathie pour son flair dans le choix de ses auteurs et parce qu'elle réédite toutes les aventures de Tonton : Les deux coups de minuit est une nouveauté, mais les deux premiers tomes sont à paraître. J'ai hâte.

Vous ne savez pas quoi lire sur la plage ou à la montagne ou à la campagne ou à la maison ou ailleurs ? Lisez Les aventures de Tonton. Toutes, vous verrez, on ne s'en lasse pas. Au contraire. Pour moi, c'est coup de coeur à tous les coups.

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Van Gogh et ses juges

Publié le par Yv

Van Gogh et ses juges, Marie Devois, Cohen&Cohen, 2014...,

Un tueur en série s'attaque aux juges parisiens. Déjà cinq morts, égorgés, et bientôt un sixième, puis un autre en province. A chaque fois, en guise de signature, un petit paquet est posé sur la victime, qui contient des éclats de peinture. Le commandant Fred Andersen, chef de groupe à la crim' est désemparé. Rien, aucun indice, aucune trace, aucun témoin. Comme si le tueur apparaissait et disparaissait où et quand il veut, totalement invisible, même lorsqu'il sévit en plein jour à Paris. Incompréhensible. L'enquête s'annonce laborieuse et longue et plus elle piétine plus le doute s'installe dans les têtes des flics.

Je remonte dans la production de Marie Devois. après l'excellent Gauguin mort ou vif, publié dans la même très belle collection (Art noir) en 2016, nous voici deux ans plus tôt avec un roman qui tourne autour de la peinture de Vincent Van Gogh. Pas une œuvre en particulier, mais plutôt toutes ses toiles et leurs parcours depuis la mort du peintre, les spéculations, les faux, les escroqueries, ... Il n'y a pas vraiment de héros dans ce roman -même si Fred Andersen et Maëlle Aubier commissaire à l'Office Central de lutte contre le trafic de Biens Culturels sont un peu plus présents-, plutôt des hommes et des femmes qui travaillent dur, qui épluchent les pedigrees des gens qu'ils rencontrent même lorsqu'ils ne sont que simples et vagues témoins, chaque petite avancée est bonne à prendre lorsqu'il n'y a rien à se mettre sous la dent : "Le groupe d'Andersen avait punaisé sur toutes les surfaces disponibles les tirages obtenus et leur avait attribué un numéro. Des dizaines de clichés. Des centaines de visages, de silhouettes, que les hommes comparaient. S'ils repéraient le même visage, la même silhouette sur des photos de séries différentes, ils auraient enfin l'impression de faire un pas. Un grand pas." (p.59). On se demande pendant très longtemps quel indice, quel événement, quelle erreur du tueur, quelle illumination ou intuition d'un flic viendra tout déclencher, mais rien... Rien ne vient et même si nous, lecteur au bout d'un moment en savons plus que les flics, car le tueur de juges vient nous faire des confidences, eh bien on souffre pour eux et on se demande bien comment ils vont se dépatouiller de cette histoire.

Pas mal d'intervenants, d'entrées dans ce polar sans que jamais l'on ne soit perdu. L'intrigue est suffisamment tordue pour qu'on y croie, des circonvolutions autour des œuvres de Van Gogh, une incursion dans les méandres de la vente et de l'exposition des tableaux de maîtres que Marie Devois parvient sans peine à nous expliquer et à nous faire comprendre, et la tâche n'est pas aisée, car ce monde n'est pas toujours reluisant, certains aimeraient bien qu'il reste totalement abscons, ce qui leur permettrait de pérenniser leurs louches affaires. L'auteure maîtrise totalement son sujet et comme dans l'autre roman policer que j'ai lu d'elle, elle le construit de manière à nous apporter des informations en sus de son intrigue et à nous perdre pour mieux nous embobiner et nous surprendre. Vraiment très bien fait.

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Kyrielle blues

Publié le par Yv

Kyrielle blues, Véronique Biefnot et Francis Dannemark, Castor Astral, 2016....

Nina, quarantenaire bordelaise se rend à Hazebrouk, chez un notaire pour la lecture du testament de son père, Teddy, un pianiste de jazz réputé, qui s'est retiré depuis quelques années dans cette ville du Nord, dans la maison de ses parents. Arrivée là-bas, c'est Antoine de Laval, quarantenaire lui-aussi qui la reçoit, un ami de Teddy chez qui Antoine prenait des cours de piano. Le testament qui débute par une énumération d'une kyrielle -d'où le titre- d'objets révèle aussi des surprises qui vont chambouler Nina et Antoine.

Véronique Biefnot et Francis Dannemark s'unissent une nouvelle fois pour écrire un roman. Pour leur dernier, La route des coquelicots, j'avais émis quelques réserves, cette fois-ci je serai plus positif. Les deux auteurs savent construire de belles histoires avec des bons sentiments sans qu'elles soient gnangnan -j'hésitais à user de ce mot qui me semblait très connoté et je suis rassuré, même JK Huysmans l'a utilisé (dans Marthe, histoire d'une fille), ouf l'honneur est sauf (merci wiktionnaire).

Ils mettent en scène deux personnages seuls et inhibés qui inconsciemment rêvent d'une autre vie, ce sera pour eux une transformation que de se confronter à la réalité, aux secrets de famille bien enfouis, à un monde totalement différent du leur. On présente rarement dans les romans des notaires férus et dingues de jazz, d'autant plus qu'Antoine s'est docilement et doucement coulé dans les traces de son père, notaire lui-aussi. Disons que c'est une profession qui ne fait pas rêver. Amateur mais non connaisseur de jazz j'avoue avoir envie d'écouter tous les titres évoqués par le duo d'auteurs (il faut que je trouve la play-list du roman), ils rythment le livre, c'est comme du jazz, donc, pas survolté mais drôlement bien, un truc qui se lit -ou s'écoute- en cherchant la surprise ou tout simplement en se laissant porter... C'est ce que j'ai fait et je ne m'en plains pas, l'intrigue n'est pas hyper originale, on peut même deviner les liens qui se dessinent entre tous les personnages -mais on est ravi de les voir se lier ainsi, différemment on serait déçu-, mais ils sont tellement sympathiques et le tout baigne dans une ambiance tellement belle et saine qu'il est difficile de faire la fine bouche. Un peu de poésie : "Kyrielle... Mon père adorait ce mot. Un jour, mon fils lui a demandé ce que ça signifiait. Il lui a raconté que c'était le prénom d'une jeune elfe très jolie qui vivait au fond du jardin, dans le tronc creux d'un vieil arbre, et dont il était amoureux quand il avait son âge..." (p.61/62), de la tendresse pour tous les protagonistes qui la méritent sûrement, de la bonne musique,... Le tout est très joliment mis en valeur par les illustrations de Véronique Biefnot, noires et bleues, de différents bleus profonds, très belles, elles apportent indéniablement un plus à l'ouvrage.

L'été est là, et vous n'avez pas envie de vous plomber avec un bouquin lourd, n'hésitez pas, Kyrielle blues est là...

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Ça coince ! (33)

Publié le par Yv

La grande panne, Hadrien Klent, Le tripode, 2016..

"Une explosion dans une mine de graphite italienne provoque l'apparition d'un immense nuage qui menace de s'enflammer au contact des lignes à haute tension. Pour éviter la catastrophe, une coupure électrique générale est décidée dans toute l'Italie, plongeant le pays dans le chaos. Le nuage se déplace vers le nord, et la France décide à son tour de procéder à un black-out sur son propre réseau. Le gouvernement part s'installer sur l'île de Sein, en Bretagne, pour superviser la panne qui s'annonce." (4ème de couverture)

Très bien sur le papier, je suis très tenté, mais je déchante vite, pour diverses raisons. D'abord, le texte est très dialogué, trop à mon goût, d'autant plus que ces paroles échangées n'ont rien d'exceptionnel et tournent même à vide, n'apportant rien à l'histoire, l'alourdissant même par des formules un peu faciles et légères. Ensuite, il y a beaucoup de personnages qui déboulent tous en même temps, trop pour mon petit cerveau étriqué, et même la liste du début de roman, pour utile qu'elle soit, ne m'aide pas plus que cela. Enfin, la mise en place des la situation, des différents lieux et des différentes histoires est longue,très longue. Je m'embrouille et je m'ennuie. Je passe mon tour.

Pour être complet je dois dire que j'ai lu quelques articles sur ce roman, plus positifs que le mien, certains même, ceux de Keisha et de Gwen m'ont incité à la découverte...

De force, Karine Giebel, Belfond, 2016.,

Un soir, promenant son chien, Maud, la fille du professeur Reynier, patron d'une clinique sur les hauteurs de Nice est agressée. De peu, elle échappe au viol, grâce à Luc un joggeur qui court dans le coin et qui met en fuite l'agresseur. Luc est garde du corps, ça tombe bien, le père de Maud l'engage pour protéger sa fille car elle a reçu des menaces, et à travers elle, lui bien sûr, l'homme à la belle situation, très en vue. Luc accepte et se rapproche ainsi de Maud qui ne le laisse pas insensible, et vice-versa.

J'ai lu pas mal d'articles sur les romans de Karine Giebel, tous assez élogieux, je m'attendais donc à découvrir un polar efficace et, si ce n'est original au moins captivant. Las, je tombe sur un ouvrage empli de clichés, de stéréotypes et dès la page 50 on sait qui a fait le coup et pourquoi -et encore, je dis page 50, mais je suis un peu lent... Je vous le dis ? Non, non n'insistez pas, on ne sait jamais, certains pourraient aimer et me reprocher d'avoir dévoiler le pot-aux-roses.

Personnages caricaturaux, situations déjà vues ou lues. Absolument rien d'original, ni dans le fond ni dans la forme. 515 pages de pures banalités, il faut s'accrocher un peu, moi, perso, ça me gave dès que j'ai trouvé la solution, alors, franchement, hors de question de me fader la totalité de l'ouvrage. Je lis vite, en diagonale, pour arriver à la solution, qui oh miracle est totalement différente de ce que j'avais pensé... Euh, en fait non, c'est tout comme j'avais prévu. Déception de bout en bout !

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La fractale des raviolis

Publié le par Yv

La fractale des raviolis, Pierre Raufast, Alma, 2014 (Folio, 2015)....,

Lorsque cette femme surprend son mari Marc avec une autre femme, elle décide tout simplement de mettre fin à leurs dix années de mariage en le tuant. En l'empoisonnant avec un plat que sa mère réussissait parfaitement et que jusqu'ici la belle-fille avait toujours refusé de faire : des raviolis. Plus facile à dire qu'à réaliser. Cette tentative est alors le début d'une série d'histoires toutes plus folles les unes que les autres qui ont toutes un rapport entre elles, ténu parfois.

"Les fractales sont définies de manière paradoxale, à l'image des poupées russes qui renferment une figurine identique à l'échelle près : « les objets fractals peuvent être envisagés comme des structures gigognes en tout point – et pas seulement en un certain nombre de points, les attracteurs de la structure gigogne classique. Cette conception hologigogne (gigogne en tout point) des fractales implique cette définition tautologique : un objet fractal est un objet dont chaque élément est aussi un objet fractal" (merci Wikipédia qui cite également Philippe Boulanger et Alain Cohen, dans leur fabuleux livre -non, je déconne, je ne l'ai pas lu-, Le trésor des paradoxes.

Voilà, c'est la seule notion un peu compliquée que vous aurez concernant ce livre, le reste n'est que pur plaisir, même si je comprends bien que le plaisir puisse aussi être associé à la complexité des mathématiques... pour certains esprits déviants -bon, désolé, les matheux, je n'ai pas pu m'empêcher. Fractale parce que le livre est construit ainsi, des histoires qui se suivent, se parlent et sont liées entre elles ; dès qu'on en finit une, une autre débute d'un détail, d'une phrase de la précédente. Réjouissance et sourire à tous les étages. Les histoires s'enchaînent, on peut perdre un peu le fil entre elles toutes, mais ce n'est pas bien grave, on finit toujours par retomber sur ses pieds . Ce qui est évident c'est que Pierre Raufast est d'une inventivité folle et ne s'interdit aucun genre de littérature, on flirte avec la SF, le fantastique, le polar, les angoisses de la page blanche d'un écrivain, ...

La lecture commence sous les meilleurs auspices, en effet, qui pourrait résister à ces premières phrases ?

""Je suis désolé, ma chérie, je l'ai sautée par inadvertance."

Je comprends qu'un homme puisse sauter une femme par dépit, par vengeance, par pitié, par compassion, par désœuvrement, par curiosité, par habitude, par excitation, par intérêt, par gourmandise, par nécessité, par charité, et même parfois par amour. Par inadvertance, ça non.(...)

Definition d'"inadvertance" : défaut accidentel d'attention, manque d'application (à quelque chose que l'on fait).

Faut-il le dire ? Quand j'ouvris cette porte, ce que je vis n'avait rien d'un manque d'application. (...) En tout cas, le porc qui vit à mes côtés ne m'a pas sautée avec autant d'inadvertance depuis longtemps..."(p.14/15)

Pas moi, et je continuai donc ma découverte de ce livre tant vu sur les blogs (Babelio recense pas mal de chroniques), et la surprise et l'excitation de la lecture et de la découverte des inventions de l'auteur ne se tarissant pas j'arrivai à la fin dans le même état qu'au début : ravi et enchanté. Un livre anti-coup de blues, anti-morosité même s'il n'est pas à proprement parler comique, il fait sourire, mais c'est surtout cette succession d'idées folles et de personnages farfelus qui fait de l'effet.

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