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Les Marais sanglants de Guérande

Publié le par Yv

Les Marais sanglants de Guérande, Jean-Luc Bannalec, Presses de la cité, 2016 (traduit par Amélie de Maupeou)...

Alors qu'il arpente les marais salants de Guérande un soir de fin d'été, sur les conseils de Lilou Breval, une journaliste qui l'a prévenu que quelque chose d'illicite s'y tramait, le commissaire Georges Dupin, de la police de Concarneau, est pris pour cible d'une fusillade. Obligé de se réfugier dans un grenier à sel, il est découvert par la police de Guérande, et plus particulièrement par la commissaire Rose. Lilou Breval est injoignable ce qui inquiète le commissaire Dupin, d'autant plus qu'elle est une source sûre : l'illicite dont elle parlait serait dans de mystérieux barils bleus que les paludiers autant que les responsables des entreprises ou coopératives nient avoir vus. Dupin enquête, assisté du commissaire Rose, ou plutôt l'inverse puisque Guérande est en Loire-Atlantique, donc hors juridiction du commissaire de Concarneau.

Pour ceux qui prendraient cette série en cours, je rappelle, d'une part qu'ils peuvent se reporter à mes recensions concernant les deux tomes précédents (Un été à Pont-Aven et Étrange printemps aux Glénan) et d'autre part qu'elle est écrite par un auteur allemand tombé amoureux de la Bretagne, qui use donc d'un pseudonyme et qui est traduit par Amélie de Maupeou.

En fait quand je dis que JL Bannalec est tombé amoureux de la Bretagne, c'est un euphémisme tant parfois son emballement pour cette région et particulièrement le Golfe du Morbihan frôle la brochure publicitaire. J'aime beaucoup également la Bretagne, je me sens même y appartenir -même si je vis à Nantes et que nous ne sommes toujours pas raccrochés à la Bretagne, mais dans une espèce de région bizarre, hétéroclite, les Pays de la Loire qui peine et peinera sans doute longtemps à se forger une identité forte-, mais sur quelques pages, l'auteur fait plus dans le guide touristique, la description dithyrambique au risque de saouler le lecteur. Il faut qu'il arrête sinon, la Bretagne va être envahie de hordes d'Allemands et de Parisiens tous les étés... Plus sérieusement, ce qui est un peu agaçant, c'est que sur deux ou trois pages, il aligne chiffres de pluviométrie, d'ensoleillement,... histoire de bien montrer que le Golfe du Morbihan c'est la côte d'Azur bretonne, c'est long, assez mal fait, pas subtil. Tout comme dans d'autres domaines, certains dialogues, ou répliques attendus, pas finauds :

"- Oui, nous serions dans un polar, ce serait le moment où...

- Nous ne sommes pas dans un polar, Le Ber." (p.271)

De grosses ficelles donc pour un polar qui tourne en rond pendant toute sa première partie autour des paludiers indépendants de Guérande, de la coopérative qui en regroupe d'autres, de la société Le Sel qui veut tout racheter et tout contrôler (par contre, vous ressortirez de ce bouquin avec un exposé complet sur le sel de Guérande, le meilleur du monde, évidemment, mais là, il a raison JL Bannalec). Là aussi, où le temps ne s'écoule pas au même rythme que dans les villes, le sel n'étant récolté -et non produit- que grâce à l'action du vent et du soleil, le profit, les magouilles, les jalousies sont parvenues à entrer. Les commissaires Dupin et Rose n'avancent pas, mais la balade est belle, j'aime beaucoup Guérande, Le Croisic toute cette côte sauvage et puis aussi le Golfe du Morbihan ; la prochaine fois que j'y vais j'emporte ce livre, il me servira de guide, le commissaire Dupin a de bonnes adresses de restaurants.

Pendant qu'on se balade, l'enquête piétine et Dupin trépigne obligé qu'il est de seconder la commissaire Rose au demeurant fort efficace et au courant de tout. Puis, enfin, lorsque Dupin retrouve sa méthode : "Il passait chaque élément de l'enquête en revue et le combinait avec des informations nouvelles. Cette manière de laisser son esprit former librement des associations d'idées avait toujours porté ses fruits, et il défiait quiconque de trouver meilleure méthode pour arriver à un résultat cohérent. Il suffisait de persévérer, de fouiller chaque détail, partout, sans cesse." (p.285), tout s'emballe et le final prend une autre tournure, une autre dimension. Reste que ce polar est un poil pépère, que je le conseille parce qu'il est finalement plutôt très agréable mais si vous aimez l'adrénaline, vous faire peur en lisant, les trépidations, les rebondissements, les courses-poursuites, le sang qui gicle, les autopsies en direct, les descriptions de cadavres, le suspens haletant quitte à se faire du mal, eh bien ce polar n'est pas pour vous, ou alors si, pour vous reposer entre deux thrillers éprouvants.

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La brigade du rire

Publié le par Yv

La brigade du rire, Gérard Mordillat, Albin Michel, 2015....

Pierre Ramut est éditorialiste à Valeurs françaises, un journal néo-libéral, réactionnaire, toujours du côté du capitalisme voire même à lui demander d'aller encore plus loin. Pierre Ramut en est le fer de lance, ses éditos sont violents contre les ouvriers, les travailleurs français qui, selon lui, devraient revenir sur leurs acquis. Lorsque Kol, Dylan, L'enfant-Loup, Zac, Hurel et Rousseau copains d'enfance se retrouvent, trente ans ont passé, mais ils ont toujours leurs convictions de jeunes hommes révoltés et d'indignés ancrées en eux, et les éditos de Ramut les écœurent. Autour d'un repas arrosé, en compagnie de certaines de leurs compagnes Dorith, Muriel Suzanna,Victoria, ils décident d'enlever Ramut et de l'obliger à travailler comme un ouvrier, rythme, cadence et paye. La joyeuse bande se baptise La brigade du rire.

La belle équipe que voilà. Je ne sais pas si je les aurais suivi, sans doute trop modéré, même si selon Kol qui a sûrement raison, "se dire "modéré", c'est se trouver une bonne excuse pour ne rien faire." (p.363), mais j'aurais aimé les connaître. Ma seule angoisse dans ce bouquin fut de craindre qu'ils ne puissent aller au bout de leur action et qu'ils se fassent piquer, mais bien évidemment, je ne dirai rien là-dessus... Et de me prendre à rêver d'enfermer et d'obliger à travailler ceux qui ont de belles théories sur tout et ne connaissent rien de la vie à 1000 euros par mois, se permettent de critiquer les ouvriers et leurs avantages acquis sur lesquels ils ne veulent pas revenir pendant qu'eux-mêmes se payent des bagnoles ou des montres qui valent plus d'un an de salaire d'un smicard. Et de noter dans un coin de ma tête des noms de personnes à kidnapper et mettre face à la réalité, je crois même trouver des complices assez facilement. Ah, putain, ça fait du bien, au moins d'y penser...

Gérad Mordillat y va fort, il développe ses idées, ses convictions déjà superbement mises en mots dans Les vivants et les morts.

"Kol s'interrompit un instant au souvenir des saloperies de Ramut et de ses semblables éditorialistes, pseudo-philosophes, politologues, journalistes, experts en tout et n'importe quoi. Pour eux, l'affaire était entendue : la classe ouvrière n'était plus qu'une bande d'abrutis, incultes, illettrés, tout juste bons à lire les titres de journaux gratuits et à faire des mots-fléchés, hypnotisés par le foot à la télé. Mais surtout leur abrutissement, leur alcoolisme, leur dégénérescence en faisaient une armée de réserve pour l'extrême droite dont ils partageaient le machisme, le racisme, le nationalisme et l'antisémitisme." (p.363)

Et ça fait du bien car les romans mettent assez rarement en scène des personnages simples, des gens de "la France d'en bas" comme disait un politique il y a quelques années -une manière de snober (pour ne pas dire mépriser) cette France-là. La brigade du rire est attachante, tous ses membres avec leurs défauts, leurs vies parfois cabossées, leurs amour compliquées ou pas, leurs boulots quand ils en ont, le sont également individuellement. C'est cela qui est bien dans ce roman aussi, Gérard Mordillat s'intéresse à tous et à leurs proches, par exemple, Betty une ex-collègue et ex-amante de Kol, qui se promène dans ce roman sans croiser aucun des protagonistes mais qui est là jusqu'au final. Il construit son roman très habilement et ce qui pourrait paraître irréaliste est en fait crédible, ce n'est pas forcément une simple utopie (enfin utopie pour les kidnappeurs, parce que pour Ramut, c'est plutôt l'enfer).

C'est un très beau roman, qui donne envie de se révolter, de montrer à tous ceux qui théorisent que leur cynisme -ce qu'ils appellent pragmatisme- fait souffrir des hommes et des femmes. Mais ce roman est également drôle, bourré de références cinématographiques, littéraires, de blagues potaches. Il n'est absolument pas plombant, et c'est le sourire aux lèvres qu'on avale les 516 pages -il faut bien cela pour savoir comment tous évoluent. Comme quoi, la révolution -qui s'annonce- peut être joyeuse.

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Une vie entière

Publié le par Yv

Une vie entière, Robert Seethaler, Éd. Sabine Wespieser, 2015 (traduit par Élisabeth Landes)....

Egger naît en Autriche vers 1898. Orphelin dès quatre ans, il est recueilli par un vague parent qui vit en montagne et qui le bat régulièrement le rendant boiteux encore enfant. Egger se construit seul, dans ce paysage aride qu'il aime tant. Un matin de février 1933, il descend la montagne avec un homme agonisant sur le dos. Pour se reposer de son effort, il s'arrête à l'auberge du village et Marie la nouvelle serveuse le frôle de son corsage. Une décharge électrique pour Egger qui courtisera Marie dans les us de l'époque et demandera sa main. Marié, Egger travaillera pour la société qui construit le "premier Téléphérique du massif des Dômes".

Une vie, tel aurait pu être également le titre de ce roman ou Une vie simple, tant il raconte celle d'un homme sans éducation, qui s'est construit seul, un homme ordinaire. Egger traverse les deux tiers du vingtième siècle, un peu comme un spectateur. Non pas qu'il fuie le progrès ou les avancées technologiques et sociales, mais ils ne le concernent que peu, isolé dans sa montagne ou dans la vallée. La télé, il n'en a pas l'envie ni les moyens. Le téléphérique, il aide à son implantation, mais ne le prendra quasiment jamais préférant de loin les marches sur les sentiers. La voiture, n'en parlons même pas, tout au plus le car, et encore, juste pour voir du paysage.

Un très beau roman qui m'a fait penser à ceux de Mario Rigoni Stern, écrivain italien des petites choses et des grands espaces montagneux. L'écriture est simple, épurée, et procure beaucoup d'attachement aux personnages et aux lieux. L'émotion est au rendez-vous, dans toutes les pages. Pas de mots superflus, pas de grandes théories. Tout est sobriété, calme et ascétisme. Le silence domine et la montagne l'impose. Egger est taiseux et ça fait un bien fou, un roman loin des tumultes, des cris et de la fureur.

Pas grand chose à dire de plus sur ce court roman (157 pages) qui se lit lentement, qui imperceptiblement trace sa route dans l'esprit des lecteurs et y laisse des marques, une sorte de paix intérieure, de calme, et de respect pour Egger qui aura construit sa vie courageusement et honorablement. Un brave homme. Un type bien. Ce qui pour moi est un double compliment.

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Histoire de dame Pak

Publié le par Yv

Histoire de dame Pak, L'Asiathèque, 2016 (traduit par Marc Orange).....

Corée, première moitié du XVIIe siècle, Si-paek, le fils d'un notable est promis en mariage à la fille d'un ermite prénommée Pak. Le problème est que Pak est laide, difforme et que Si-paek malgré les encouragements de son père à regarder autre chose que l'extérieur, ne parvient pas à s'attacher à elle.

Histoire dame Pak est un roman écrit au XVIIIe d'un auteur inconnu. Plusieurs hypothèses sont avancées concernant cet anonymat, l'avant-propos du traducteur les énonce et parle de la genèse de ce roman ainsi que de ses traductions françaises. L'introduction de Li Ogg, l'un des fondateurs des études coréennes en France, s'attarde sur les roman coréens de l'époque et notamment Histoire de dame Pak pour en expliquer les subtilités. Sachez également que ce roman est truffé de notes de bas de pages très utiles pour comprendre la période, le pays, les mœurs les coutumes,... et enfin, cette version est bilingue, d'un côté le français et de l'autre le coréen, qui, coup de chance se lit à l'envers de notre langue : pour un béotien comme moi, c'est très beau tous ces idéogrammes, c'est même assez fascinant à regarder, mais cette partie retiendra évidemment toute l'attention d'un lecteur de la langue coréenne.

Le roman en lui-même maintenant : un petit bijou de la littérature coréenne qui fait la part belle aux femmes, à dame Pak en particulier, une sorte de roman féministe avant l'heure. Un conte, une fable emplie de magie, de surnaturel comme l'on peut en voir dans certains films asiatiques (Le secret des poignards volants, Tigres et dragons et sûrement d'autres que je ne connais pas). Il y a cette belle atmosphère créée par les descriptions des lieux, des saisons, de l'environnement, je les imagine très colorés (comme dans le premier film que j'ai cité). Il y a également de la lenteur, le temps ne s'écoulera pas moins vite si' l'on agit rapidement ; profiter des moments présents et ne pas précipiter les événements qui sont inscrits et qui se dérouleront quoi qu'il arrive. Dame Pak sait cela et elle agit pour protéger les siens et son pays sans contredire les événements, c'est sa force, elle est en lien avec des forces surnaturelles, elle devine les choses. Tout tourne autour d'elle dans une époque où pourtant la femme n'est pas considérée, voici par exemple ce que dit le kong (le beau-père de Pak) qui l'apprécie beaucoup : "Toi, toute femme que tu sois, tu es très intelligente, et si par hasard tu étais née homme, tu serais devenue un ministre éminent, cela aurait été extrêmement profitable." (p.36)

Ce conte est très accessible même si beaucoup de notions me sont inconnues : soit elles sont expliquées en bas de page, soit parfois j'ai pu m'en passer sans altérer ma compréhension du texte. Il faut saluer ici le formidable travail de Marc Orange, traducteur, qui a su mettre ce texte à la portée du lecteur lambda comme je le suis. Une très belle idée, car certes l'on peut vivre sans avoir lu Histoire de dame Pak, mais le lire est quand même un plus évident, un apport culturel, littéraire et même spirituel évident.

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Giboulées de soleil

Publié le par Yv

Giboulées de soleil, Lenka Horňáková-Civade, Alma éditeur, 2016....

Quatre femmes, tchèques liées par le sang. Marie d'abord, mère-célibataire dans les années d'avant la guerre, sa fille Magdalena vivra l'annexion nazie et sera la première d'une série de filles nées de père inconnu. Suivra Libuše, sa fille qui connaîtra les années communistes, les chars dans Prague. Puis Eva, fille de Libuše, née en 1969, qui verra la fin de l'hégémonie soviétique, le début d'une nouvelle vie. Chacune vit sa situation de bâtarde difficilement, le regard, les moqueries, la haine et la jalousie des autres pour leur liberté et leur beauté qui attirent et gênent.

Lenka Horňáková-Civade est née en Moravie, elle s'est installée en France au début des années 1990 et écrit ce premier roman en français, sa langue d'adoption. C'est un hommage aux femmes de son pays de naissance, aux femmes en général, qui bien que rarement mises en avant sont celles qui font bouger les hommes, celles qui portent l'espoir. On a coutume de dire en parlant de ce genre de roman que ce sont de beaux portraits de femmes ; c'est parfois vrai, parfois un brin usurpé, mais là, franchement, quels beaux portraits de femmes ! Fortes, solides dans les épreuves et elles en traversent, à elles quatre à peu près tout ce que peuvent vivre les femmes en règle générale : amour, désir, sensualité, mais aussi les coups, la haine, la jalousie, le viol ; les hommes n'aiment pas les femmes libres en Tchécoslovaquie à l'époque (et sûrement ailleurs aussi). L'auteure décrit plutôt la campagne que la ville, là où elle se sont réfugiées pour espérer une vie plus calme, mais les temps violents du vingtième siècle viendront troubler leur désir de tranquillité.

Marie, la mère, puis grand-mère et arrière grand-mère est forte. C'est le pilier de la lignée, celle qui tente de ne jamais déroger à son principe de liberté, malgré les difficultés et les regards méprisants. Magdalena et Libuše profiteront, au moins au début de leur vie, des leçons de leur mère et grand-mère. Libres elles sont, libres elles tenteront de rester, ce qui ne sera pas facile. Eva bénéficiera d'une période plus clémente, 20 ans en 1989, à la chute du Mur.

Ce roman est aussi un très bon moyen de se remettre en mémoire toutes ces périodes du siècle passé, vues par ceux qui les ont subies. C'est toujours intéressant de savoir comment l'on pouvait vivre quotidiennement sous les différents régimes, nazis ou communistes, les compromissions des uns pour avoir une vie meilleure, du pouvoir, les refus des autres de mettre le doigt dans un engrenage d'un mécanisme qui les broierait sans état d'âme.

Un très bon premier roman, que je conseille aux femmes et aux hommes (même si nous n'avons pas le beau rôle). Écriture vive, vivante, qui détaille les rapports humains, qui parfois d'une simple phrase en dit beaucoup plus qu'un long discours : "Je hais ma mère profondément à ce moment-là, d'autant plus qu'elle m'est indispensable (...) Je hais ma mère autant que je l'aime." (p.116). Elle est rapide, va droit au but : "Secouée par une contraction interminable, je cherche des yeux le visage de ma mère. Je veux qu'elle voie dans les miens la peur, la douleur, l'angoisse. Je ne peux pas lui dire. J'ai peur qu'elle ne m'écoute pas. En la regardant, j'espère qu'elle m'entendra. Dans ses yeux à elle, quelle horreur ! Je vois la peur, la douleur, l'angoisse. Je ferme les yeux. Il n'y a pas d'espoir. Je ne verrai pas la réconciliation, l'amour, la douceur. Pa s de place pour cela." (p.63)

Vraiment, vraiment, je vous conseille de voyage dans le temps et en République Tchèque. Lenka Horňáková-Civade est également peintre, je verrai avec plaisir son travail.

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L'aimant

Publié le par Yv

L'aimant, Richard Gaitet, Intervalles, 2016 (illustration de Riff Reb's).....

Gabriel Chanteloup jeune marin belge embarque à bord du Sirius. Pensant être abonné aux tâches subalternes, le voici promu à la radio du cargo, aide de Sagamore Belli, italo-breton qui sert également de programmateur musical. Gabriel se lie très vite avec Atticus Thompson avec lequel il partage une cabine. Le voyage qui devait être une simple traversée de l'Atlantique et un apprentissage devient rapidement une vraie aventure, car une crise terrible secoue la planète et Gabriel, personne ne sait pourquoi, est celui qui peut sauver le monde. Parviendra-t-il à éviter la catastrophe ?

Amateurs d'Aventures (avec un grand A), de délires, de fantastique, de personnages et de situations loufoques, burlesques, énormes, restez ici avec moi, que je vous narre succinctement cette histoire et que je vous appâte et vous fasse tomber définitivement dans les mailles du filet de Richard Gaitet. Après un premier roman sombre, introspectif, Les heures pâles, l'auteur m'avait bluffé avec un petit livre un peu barré avec deux fêtards en goguette à Mykonos, Découvrez Mykonos hors-saison, et le voici donc désormais en plein roman d'aventures, encore plus barré que Mykonos.

Petite explication utile : en 1897, Jules Verne écrit Le sphinx des glaces qui reprend une intrigue non résolue du seul roman d'Edgar Allan Poe, Aventures d'Arthur Gordon Pym, écrit 60 ans plus tôt. L'aimant poursuit cette histoire, il est bourré de références aux deux auteurs sus-nommés (ne serait-ce que la couverture, absolument magnifique, rouge basque et or, cartonnée ; les très belles illustrations de Riff Reb's donnent encore plus ce sentiment d'être dans ce genre de roman d'aventures "à l'ancienne" mais pas datées). Superbe présentation à mettre au crédit des éditions Intervalles, excellentes, comme d'habitude.

Comment dire tout mon enthousiasme sans être trop long ? Et bien, sans doute j'oublierai plein de choses que j'aimerais dire sur ce roman. J'ai pris un plaisir fou à le lire, même à me perdre parfois dans les délires de l'auteur pour mieux me retrouver ensuite dans son histoire. Car le mieux est de s'abandonner complètement au rythme, au monde créé par Richard Gaitet. On est en plein onirisme, fantastique, absurde : ah ce chapitre 22 de la première partie qui me rappelle ces histoires absurdes que j'aime tant et que l'on se racontait au fond des amphis de la fac... Ah ces envolées contre la société de consommation et notre rapport au dieu argent : "L'argent, c'est zéro, faut trouver autre chose pour mesurer les échanges entre les hommes -le troc, un truc, j'en sais rien, mais ça peut plus durer." (p.159/160). Ah cette écriture qui nous balade entre aventures style Poe/Verne et notre époque actuelle (j'ai pensé immanquablement à L'île du Point Némo de JM Blas de Roblès) : jeux sur les mots, sur les sons, la musicalité, les niveaux de langage, néologismes, ... La langue est vive, moderne, dynamique, pas de temps mort dans ces 330 pages d'aventures.

C'est un roman initiatique, empli d'épreuves, de rites de passages, ça commence gentiment par un quizz pour aborder d'autres thèmes plus lourds par la suite : la vie, l'amour, la mort, l'hérédité, la condition humaine, la société de consommation, l'anarchie, l'écologie, la politique, la cupidité, l'argent-roi qui mène le monde dans le mur, l'avidité, le besoin d'un retour aux valeurs humaines fondamentales, ... Les références y sont multiples, littéraires (j'en ai déjà parlé), livresques, cinématographiques, musicales ; Richard Gaitet est connaisseur, animateur de l'émission littéraire de l'excellente Radio Nova (la seule que j'écoute avec FIP), Nova book box. Malgré des thèmes parfois lourds, le ton est léger, enlevé, souvent drôle, comme par exemple ces quelques lignes-musicales (prises au hasard, parmi tant d'autres qui font sourire)

"Garçon agile, car il parvenait à mixer en tenant un sceptre au bout duquel figurait une croix d'ankh. Puis il coupa le son.

Et il remit le son.

Puis il coupa le son.

Et il remit le son. Puis il coupa le son." (p.236)

Pour résumer : amateurs d'Aventures (avec un grand A), de délires, de fantastique, de personnages et de situations loufoques, burlesques, énormes... Ah zut, j'ai déjà écrit ça. Bon tant pis, je garde une seconde couche n'est pas superflue pour rappeler d'aller se procurer et lire absolument L'aimant.

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Le plasticien

Publié le par Yv

Le plasticien, Michel Dresch, Cohen&Cohen, 2016....

Alexandre Kovacs un sculpteur dont le nom circule depuis quelques années dans le milieu de l'art contemporain et dont le travail est reconnu, est retrouvé mort dans son atelier parisien, le corps emmailloté d'esquisses et de dessins des travaux préparatoires à ses installations. Tout laisse croire à une vengeance d'artiste, ou à un acte de violence de sa maîtresse bafouée, malmenée. Icelle qui se prénomme Johana semble secouée par l'assassinat et cherche à comprendre ce qui a bien pu arriver à son amant avec qui elle vit depuis dix ans et qui a toujours eu une vie parallèle. Le commissaire Joubert, plus habitué aux affaires politiques qu'artistiques et son adjoint Lucas se joignent à la partie tranquillement mais sûrement.

Comme vous l'avez sûrement compris et déjà lu sur le blog, la collection Art Noir de chez Cohen&Cohen mêle adroitement polar et art. Cette fois-ci, Michel Dresch situe son histoire en plein milieu du monde de l'art contemporain. On y parle installations, rentabilité, vente, cote, ... et si l'artiste aspire à d'autres moyens d'expressions on lui fait savoir que ce qui se vend c'est ce qu'il fait actuellement, le plus facile, le plus accessible qui est également le travail dans lequel il met le moins de lui-même. Ce n'est pas très reluisant, l'auteur explique comment faire monter une cote artificiellement -et non pas la côte que l'on monte réellement, pouf pouf- , comment des galeristes se sont retrouvés ruinés lorsque leur stratagème n'a pas fonctionné et comment parfois, une bonne idée déclinée jusqu'à la caricature peut rapporter à l'artiste et au galeriste. Cela, je le savais un peu pour avoir visité une exposition d'un artiste local et assez reconnu qui peint toujours les mêmes thèmes, jolis certes, mais répétitifs, et chaque visiteur de s'exclamer sur la beauté, les couleurs, ... alors qu'au bout de cinq, six, sept,... petits formats j'avais la sensation d'avoir fait le tour de son œuvre ; mais bon, il vend !

Tout n'est pas glauque dans le monde de l'art, Michel Dresch parle aussi de la création, de la volonté de créer, de changer, notamment lorsque Kovacs revient à la peinture, et même si le sujet est plus abordé que traité, j'avoue qu'il ne me déplairait pas d'accrocher chez moi l'une des toiles décrites.

Et l'intrigue dans tout cela, eh bien, elle suit son cours tranquillement, un peu comme les méthodes du commissaire Joubert. On peut deviner assez vite le nom du (ou de la ou des) coupable voire même ses motifs d'action -ce que j'ai fait- et lire cette histoire jusqu'au bout avec grand plaisir, notamment grâce au contexte décrit plus haut, mais aussi grâce aux personnages créés par l'auteur : Kovacs, Johana la maîtresse, Axel l'ex-mari, Marie-Paule la nouvelle maîtresse, Lassus le galeriste, les autres peintres, les flics, mais surtout les cinq premiers nommés et les relations entre eux. Rien n'est clair au départ entre eux tous, le mystère s'épaissira même en cours de route, l'argent, l'amour, la création la jalousie, tous ces paramètres exaltent les sentiments et les ressentiments voire les rancœurs. Un travail de Michel Dresch bien mené, dans une écriture agréable, fluide. Bref, un très bon moment de lecture. En plus, comme d'habitude le livre, une fois fermé est d'un noir absolu puisque les tranches des pages sont de cette couleur ce qui lui confère un attrait certain.

Si ce n'est pas encore fait, je vous invite à découvrir cette collection Art Noir chez Cohen&Cohen, de belles surprises vous y attendent (et même citée plusieurs fois avec lien vers son site, je n'ai aucune action dans cette maison... malheureusement).

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Maudits soient les artistes

Publié le par Yv

Maudits soient les artistes, Maurice Gouiran, Jigal polar, 2016.....

Clovis Narigou, le journaliste récurrent des polars de Maurice Gouiran a besoin d'argent pour retaper la bergerie dans laquelle il vit, la Varune. Il accepte donc une série de trois papiers pour un magazine qui paie bien, l'un sur Alexandre Grothendieck, ce mathématicien génial qui finit sa vie en ermite en Ariège, l'autre sur le camp d'internement de Rieucros pendant la guerre et le dernier sur un couple de Marseillais qui entame une procédure pour récupérer des tableaux retrouvés chez un vieil homme de Munich qui cachait plus de 1500 toiles héritées de son père et spoliées pendant les années où l'Allemagne était dirigée par les nazis. Dans le même temps, Éric, le fils de Clovis vient passer quelques jours à la bergerie avec sa compagne et des couples d'amis avec enfants ; la tranquillité du lieu en pâtit pendant cette semaine de vacances.

Comment relier ces trois histoires ? Eh bien, Maurice Gouiran y parvient sans problème, il faut dire qu'Alexandre Grothendieck a passé plusieurs mois avec sa mère au camp de Rieucros. Ce camp fut conçu en 1939 pour interner les opposants politiques non français, puis très tôt uniquement les enfants et les femmes : républicaines espagnoles, anti-fascistes allemandes, anarchistes, communistes, ... Pour l'autre histoire, souvenez-vous, en 2012, la police de Munich découvre chez Cornelius Gurlitt un vieil homme, 1500 toiles de maîtres signalées comme perdues, dont il a hérité de son père Hildebrand Gurlitt. Icelui fut marchant d'art et participa à la vente d'art dégénéré (selon Hitler) qui devait rapporter des fonds au pays pour construire le grand musée d'art conforme aux goût du Führer.

C'est donc, comme à son habitude, en mêlant réalité et fiction, en inscrivant ses intrigues dans l'Histoire, dans des moments ou des lieux parfois oubliés que Maurice Gouiran construit son scénario. Et c'est vachement bien, le plaisir est triple, d'abord celui d'une enquête journalistique avec du suspens, des rebondissements, des personnages réels ou fictifs retors, contradictoires ; ensuite, c'est très instructif, on apprend plein de choses sur Rieucros, la spoliation des tableaux appartenant à des juifs, les Monument's men, Grothendieck ; enfin, on retrouve avec plaisir Clovis Narigou (anagramme de Gouiran, heureusement qu'il le dit, parce que je ne l'avais pas remarqué, même si je me doutais qu'il y avait sans doute pas mal de Maurice et Clovis). Et la Varune, sa bergerie, je rêve d'y aller passer du temps, beaucoup de temps... promis, je ne fais pas de bruit et je respecte la nature. En fait, je l'envie je me suis surpris plusieurs fois pourtant assez éloignées d'une lecture de l'auteur à rêver de ce lieu ou d'un autre ressemblant : calme, beauté des lieux, tranquillité, ...

Je disais plus haut que Maurice Gouiran construisait son roman "comme d'habitude", mais ce n'est pas tout à fait vrai : là où dans ses autres aventures, son refuge c'est la Varune, ça ne l'est pas ici envahie qu'elle est par les vacanciers amis de son fils et là où usuellement, il va se frotter à des gens pas très sympathiques, ce coup-ci, l'enquête est assez moderne : téléphone, mails, ... tout se règle sans action extra-ordinaire. Il fait donc l'inverse de ce que j'ai pu lire auparavant, et ça marche aussi bien, parce qu'encore une fois le fond est là, costaud, historique, documenté et fort bien restitué.

Donc, comme d'habitude, une enquête vivement menée, un personnage attachant avec qui je partagerais bien volontiers une mauresque (il me ferait découvrir ce breuvage dont il peut abuser parfois) qui évolue dans un décor de rêve. Un vrai excellent roman noir.

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Les euphorismes

Publié le par Yv

On ne meurt pas d'une overdose de rêve (volume bleu)

Un seul soleil, chacun son ombre (volume jaune)

On est toujours beau quand on est amoureux (volume rose)

Grégoire Lacroix, Éd. Max Milo, 2013.....

D'abord il y a Les Euphorismes de Grégoire, puis l'éditeur Max Milo a réorganisé l'ensemble en trois petits volumes traitant d'un thème différent, de 60 pages chacun. Les euphorismes, ce sont des pensées, des réflexions, des aphorismes, salués par beaucoup de personnes, Claude Lelouch a même cité Grégoire Lacroix lors de son ouverture de la dernière cérémonie des Césars : "A partir de certains "euphorismes" on pourrait construire tout un scénario".

"Merci pour votre livre, seul le mot épastouillant convient pour le décrire ; quelle fécondité" (Amélie Nothomb, qui remonte dans mon estime, peut-être un jour la lirais-je ?). "Une succession de petites pensées fabuleuses." (Gad Elmaleh, qui remonte dans mon estime, peut-être un jour réécouterais-je ses sketches ou verrais-je ses films ?). "C'est rudement bien" (Philippe Bouvard, qui ne remonte pas dans mon estime, trop bas...). "Vous lire reste un enchantement." (Jean Rochefort, qui ne peut pas remonter dans mon estime, trop haut déjà...)

Vous avez déjà rencontré Grégoire Lacroix sur le blog, avec Jazz Band, puis avec Le bictionnaire, et je récidive, c'est tellement bon de lire, relire, citer ses petites phrases vaches, drôles, tendres, philosophiques, ironiques, ... Il y en a pour tous les goûts, pour le mien assurément.

"Le manque à gagner de certains suffirait à faire vivre beaucoup de ceux qui n'ont plus rien à perdre."

"Paradoxe : il n'y a que les esprits tordus pour croire à des mondes parallèles."

"On peut s'inquiéter de la place toujours croissante que prend l'intelligence artificielle dans notre vie quotidienne. Mais rassurons-nous, la connerie, elle, sera toujours authentique."

"L'oisiveté est mère de tous les vices mais le travail n'en est pas pour autant le père de toutes les vertus."

"Les femmes ont un sixième sens malheureusement il est giratoire."

"Pourquoi l'homme tire-t-il tant de fierté de son sexe ? Un arbre se vante-t-il de la plus petite de ses brindilles ?"

Bon, je vous laisse même si je pourrais allonger la liste des extraits qui m'ont plus, avec une ultime précision : chaque petit volume ne coûte que 4,90 euros... ce serait dommage de se priver. Les couvertures des trois livres ci-dessous.

Les euphorismes
Les euphorismes
Les euphorismes

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