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L'affaire Léon Sadorski

Publié le par Yv

L'affaire Léon Sadorski, Romain Slocombe, Points, 2017 (Robert Laffont, 2016)....,

1942, l'inspecteur principal adjoint Léon Sadorski travaille au RG  dans Paris occupée par les Allemands. En pleine chasse aux juifs, Sadorski, flic zélé n'hésite pas à empocher des pots-de-vin pour éviter l'arrestation à ceux qui peuvent le payer. A ceux qui ne peuvent pas, il ajoute la mention "communiste" pour être sûr qu'ils passeront par les mains de la Gestapo. Mais un jour Sadorski est arrêté par les nazis et emmené à Berlin. Il y est maltraité, interrogé et revient cinq semaines plus tard obligé de collaborer de manière encore plus active. Malgré cela, Sadorski s'entête à retrouver les meurtriers d'une jeune femme, même si pour cela il doit déranger certaines personnes haut placées et bien vues par les occupants.

Premier volet de la série Sadorski et en lice pour le Prix du meilleur polar Points. Pas mal du tout, même si il faut s'enquiller les presque 500 pages et que parfois c'est un peu long. Néanmoins,  Romain Slocombe, que j'avais découvert avec l'excellentissime Monsieur le Commandant, dans lequel Sadorski faisait une apparition, mène son roman de main de maître et à un rythme qui ne peine jamais. Ses personnages, réels pour certains, sont fort bien dessinés, forts et très visuels. Les situations qu'il décrit sont fortes elles aussi, très détaillées, elles fourmillent de détails, de noms de célébrités ayant collaboré activement, de faits et d'anecdotes rappelés ici. De fait, ce polar est bien plus que cela, c'est un roman d'une époque particulièrement difficile, des gens de ces années-là qui n'hésitaient pas à dénoncer, à trahir ; la société française n'en sort pas grandie, mais il faut sans doute cesser de penser que tous les Français ont été des résistants. Je ne juge pas, ni le romancier, qu'aurions-nous fait dans les mêmes conditions ?

Sadorski est un sale type, mais un enquêteur doué et acharné, c'est aussi là tout le sel de ce roman : comment faire d'un mec ignoble le héros d'une série de roman policiers ? Je m'emporte et j'oublie en route ce que je dire : voulais dire, mais en fait, avant de citer les premières phrases et de vous inciter à lire ce livre -qui devient l'un de mes favoris du Prix-, je prends à mon compte l'extrait de la critique de Bernard Poirette (RTL) notée en 4ème de couverture : "C'est bien plus qu'une enquête policière pendant l'occupation. C'est un vrai roman historique, puissant, passionnant, ultra-documenté."

Donc, comme promis, le début du roman :

"Tous les matins, Mme Léon Sadorski, Yvette de son prénom, émerge des brumes du sommeil animée d'une envie immodérée de faire l'amour. La température de son corps s'élève d'un petit degré, son sexe s’humidifie rapidement, elle se blottit contre l'inspecteur principal adjoint Sadorski en poussant un léger soupir. Son époux, en règle générale, répond à ses avances, mais, ce matin du 1er avril 1942, des préoccupations d'ordre moins frivole se présentent à son esprit à peine le réveil-matin a-t-il sonné." (p.19)

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Les petites victoires

Publié le par Yv

Les petites victoires, Yvon Roy, Rue de Sèvres, 2017.....

Marc et Chloé s'aiment et bientôt font un bébé. Quelques mois plus tard, ils s'aperçoivent qu'Olivier, leur fils ne réagit pas comme les autres bébés de leur entourage. Le verdict tombe : autiste. Le couple ne tient pas. Marc, dessinateur et l'esprit un peu fantasque décide de tester des méthodes personnelles qu'il invente chaque jour pour communiquer avec son fils et le faire progresser. Les petites réussites l'encouragent et Olivier avance. C'est tout ce chemin que dessine et scénarise Yvon Roy, c'est son histoire qu'il raconte grâce à son art, la BD.

Excellente. Yvon Roy est Canadien et sans doute ce pays est-il plus ouvert aux méthodes particulières pour élever les enfants différents. Je ne connais pas très bien l'autisme mais j'ai entendu dire plusieurs fois qu'il y avait autant de formes de cette particularité que d'autistes, d'où des méthodes qui peuvent s'appliquer à certains et pas à d'autres, des demandes individuelles auxquelles il peut être parfois difficile de répondre. Dès lors, les parents sont désemparés. Yvon Roy montre dans son album comment lui a tenté des choses et comment il fut soutenu par les différents intervenants : jardin d'enfants, école spécialisée, assistante sociale, ... jamais on ne lui a dit qu'il faisait mal, au contraire, les petits progrès constatés encourageaient tout le monde. 

Avec un dessin volontairement centré sur les être, car il n'est question que d'humain, mais aussi avec des rêves, des histoires folles et délirantes que le papa raconte à son fils, cette BD se lit très bien. Noir et blanc impeccable, classique dans la forme, on progresse avec l'envie qu'Olivier devienne un enfant curieux et éveillé, qu'il puisse sortir de son isolement et profiter de ce et ceux qui l'entourent. Envie exaucée, ce n'est pas dévoiler une intrigue que de le dire en conclusion. Un très bel album à mettre entre toutes les mains, pour montrer la différence, mais aussi que la persévérance et les efforts paient. Un espoir pour tous les parents et enfants autistes qui, pour diverses raisons, ne s'en sortent pas aussi bien. 

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Journées perdues

Publié le par Yv

Journées perdues, Frédéric Schiffter, Séguier, 2017...,

Frédéric Schiffter vit à Biarritz. philosophe, il a longtemps enseigné et a publié pas mal d'essais sur la philosophie et des livres de chroniques. Journées perdues est plutôt dans la seconde case mais avec beaucoup de réflexions autour de son thème de prédilection. A moins que ce thème ne soit simplement lui-même, ou bien ses journées à contempler et faire la sieste... Il est question de tout cela dans cet ouvrage qui est son journal des années 2015 et 2016.

Inégal comme souvent ce genre de livres qui recueillent les pensées du jour, les réflexions et les remarques sur tout sujet. J'ai été emballé dès le départ, et puis mon enthousiasme est retombé au fil des pages. Deux ans, c'est long, j'aurais préféré moitié moins ou dix-huit mois. L'humour et la légèreté qui ouvrent le livre ne le referment pas, il est devenu plus grave, mais il est vrai que les deux années évoquées furent malheureusement riches en actes meurtriers perpétrés par des extrémistes religieux. Frédéric Schiffter en parle beaucoup, d'une manière peu entendue ailleurs : "Une fois de plus, et sans doute pas la dernière, la France a été attaquée par ce que Wilhelm Reich appelait des "petits hommes " atteints de "peste émotionnelle". Ces jeunes pestiférés portent en bandoulière des bombes mais en eux un mélange explosif de hontes : honte de leurs pères, honte de leur situation sociale, honte de leur origine d'ex-colonisés, honte de leur frustration sexuelle, honte de leur religion même -ayant conscience que l'Islam est antinomique avec toute forme de glamour. Comme la voie de la délinquance ne leur a pas donné satisfaction, il leur restait l'option de la vengeance terroriste. Sans cette peste émotionnelle qui les ronge, les sergents recruteurs du djihad n'auraient aucune emprise sur eux. Quand le ressentiment aspire à la grandeur héroïque, ou au martyre, l'ère des carnages commence." (p.79)

Il est aussi beaucoup question de philosophie, et là, je décroche un peu, ce n'est pas le sujet que je préfère, sûrement par manque de culture, je ne vais donc pas en faire plus dessus, sauf citer sa définition du nihiliste qu'on lui reproche parfois d'être : "Je ne dis pas que rien n'existe mais que rien (nihil) n'a d'être, c'est-à-dire de permanence ou de solidité ontologique parce que tout ce qui existe est voué au hasard, au temps, à la mort." (p.103).

J'évoque plus volontiers, la paresse, la flemme, le farniente -ça me parle plus- élevé à un art : "Ce que les embesognés appellent paresser n'est qu'une séance de repos bien mérité avant d'entreprendre la moindre tâche." (p.17) Ce philosophe balnéaire tel qu'il se nomme lui-même aime ne rien faire -et je partage sa passion- non pas par fainéantise mais par goût de la tranquillité, du calme, d'un rythme différent. Il aime aussi les repas entre amis, la littérature, les arts en général. 

Le livre de Frédéric Schiffter est à la fois futile et profond, inutile et indispensable. Drôle aussi : "Dimanche, la Schiffterina reçoit un "SMS" de Khadidja, notre femme de ménage, qui lui fait part de sa décision de démissionner. Motif : "Votre mari est toujours dévêtu à la maison et cela m'empêche de travailler." Réponse de la Schiffterina : "Je vous comprends. Ça me fait le même effet." (p.66)  Il est l'oeuvre d'un auteur que j'imagine dandy, snob, mais prenez ces termes dans un sens positif, décalé, intemporel, un petit côté désuet qui sied parfaitement à un intellectuel qui, même en prenant position sur des faits actuels se met toujours de côté et exprime une opinion à part, soutenue par ses connaissances et ses lectures des philosophes et des romanciers classiques. 

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On ne meurt pas la bouche pleine

Publié le par Yv

On ne meurt pas la bouche pleine, Odile Bouhier, Thierry Marx, Sang neuf, 2017....

Deux cadavres à Tokyo, deux membres liés aux yakusas, à la très puissante famille Santoka.

Un mort en France, un riche homme d'affaires japonais et sa femme qui développe un cancer fulgurant, d'une rapidité encore jamais vue. A priori, rien ne relie ces affaires, sauf que le commandant Simmeo y trouve très vite des similitudes et des points de concordance. Pas vraiment en odeur de sainteté auprès de ses chefs, ce flic, qui a fait toute sa carrière au 36 quai des orfèvres, ne se sent pas de le quitter pour le nouveau siège de la police, se met à nouveau la direction à dos en enquêtant en solo sur ces meurtres.

Un peu brouillon par moment : des paragraphes pas vraiment nécessaires qui alourdissent le poids du livre sans rien lui apporter, des pistes évoquées qui ne vont pas jusqu'au bout, des portes ouvertes non refermées, enfin des maladresses un poil agaçantes qui émoussent un peu le plaisir de lecture ce qui est fort dommage, car malgré cela, ce roman se lit très vite et les plongées au Japon et dans les coulisses de la nouvelle cuisine ne sont pas étrangères à l'intérêt qu'il suscite. En plus, il faut dire que j'aime beaucoup Odile Bouhier que je connais notamment grâce à sa très bonne trilogie avec Victor Kolvair (ici, ici, et ici). Thierry Marx est lui, plutôt connu pour sa cuisine qualifiée de moléculaire. Les deux ont mis leurs savoirs et leurs talents au service de Simmeo et de sa recherche de la vérité, alliant intrigue policière proprement dite et cuisine, et le tout fonctionne. C'est parfois un peu technique, mais ça passe surtout si plutôt que de technicité on parle d'inventivité et de culture générale qui augmente grâce à ce polar culinaire. Maintenant, j'hésite, je goûterais bien la cuisine de Thierry Marx -mais il faut que vous m'invitiez cher Thierry, je n'ai pas les moyens, ou alors, que vous veniez à la maison nous préparer un repas (en plus, j'ai une nouvelle cuisine)-, mais évidemment, j'ai des craintes,  il y a quand même des morts dans son roman !  

L'autre aspect vraiment bien de ce roman, c'est le Japon et tout ce qu'on apprend sur sa culture, sur les yakusas et les samouraïs, notamment lorsque Simmeo visite le musée du samouraï, ça me rappelle l'exposition sur ce thème l'an dernier au Château de Nantes avec des armures, des sabres, des casques, ... je comprends aisément la fascination.

Pour résumer, malgré mes réserves, j'ai bien aimé ce polar, le dépaysement, l'originalité de l'intrigue et du contexte, Simmeo le flic français un rien blasé qui boit pas mal de Champagne Perrier-Jouët Belle époque, j'ai vu le prix ce n'est pas non plus dans mes moyens, mais si je le dis plusieurs fois, ça fait placement de produit, il y a moyen de faire un petit kekchose M. Perrier-Jouët, même pas forcément un Belle époque ? Perrier-Jouët, Perrier-Jouët, Perrier-Jouët, ...

Si avec tous ces appels du pied très discrets, je ne mange pas Marx ni ne boit Perrier-Jouët, je n'y comprends plus rien. Allez bon appétit mais avant un petit apéro champagne , non non, je ne redirai pas le nom de Perrier-Jouët ? Ah si, tant pis... ou tant mieux si mon appel est entendu...

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La Seine est pleine de revolvers

Publié le par Yv

La Seine est pleine de revolvers, Jean-Pierre Ferrière, French Pulp, 2017..,

Lorsque Marion et Fanny se retrouvent seize ans après le collège, elles reprennent leur amitié comme si elle n'avait jamais cessé. Leur crainte que leurs maris ne s'entendent pas est bien vite apaisée, car Vincent et Edouard deviennent eux-mêmes les meilleurs amis du monde. Et c'est donc à quatre qu'ils passent les ouiquendes et les vacances. S'ajoutent bientôt Bruno, le jeune frère de Fanny et son épouse Pauline. 

Lorsque Vincent espère un héritage conséquent, les choses se gâtent, Bruno et Pauline ne résisteront pas et bientôt Marion et Fanny envisagent de tuer leurs maris suffisamment coupables à leurs yeux, mais avoir l'idée est une chose, passer à l'acte nécessite quelque préparation.

Très inégal ce roman policier qui me laisse dubitatif. Pas emballé, mais néanmoins il reste fréquentable. Bon d'abord, oublions les coquilles qui émaillent le texte et qui évidemment ne le servent pas. Ensuite, sur les 370 pages, élaguons, coupons un bon tiers inutile sauf à ennuyer le lecteur par des redites, des détails dont il se moque éperdument et qui ne servent ni le rythme -au contraire- ni l'intrigue -au contraire itou, ils perturbent la lecture et alourdissent et le livre et la compréhension et peuvent faire perdre le fil. 

Si l'on oublie tout cela, eh bien ma fois, le roman se lit avec plaisir. Les personnages ne sont pas si stéréotypés que prévu et certain(e)s se révèlent même glaçant(e)s. Les femmes n'ont pas le beau rôle, les hommes point trop non plus occupés qu'ils sont à faire des projets, délaissant donc leurs épouses. L'argent, ah l'argent, c'est lui qui fera tout exploser, les rêves qu'il permettrait de réaliser réveillent les rancœurs, les jalousies, les frustrations. Tout n'est pas tout blanc ou tout noir, l'auteur ménage ses effets et insère ici ou là des rebondissements, des personnages ou des intrigues secondaires qui rajoutent une pointe de suspense. C'est bien vu, on sent le romancier habitué à construire des histoires rocambolesques, folles et tortueuses. Dommage que tout cela soit noyé dans un bouillon trop dilué. Plus court, le texte aurait gagné en punch et en vivacité et m'aurait semblé nettement meilleur, d'un autre acabit.

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Lagos lady

Publié le par Yv

Lagos lady, Leye Adenle, Points, 2017 (première édition, Métailié, 2016, traduit par David Fauquemberg)....,

Guy Collins, journaliste britannique pour une start-up, est envoyé par son patron à Lagos, Nigéria, pour enquêter sur les prochaines élections présidentielles et les risques élevés de fraude. Un soir, une jeune femme est tuée, les seins tranchés, Guy, sur les lieux est emmené par la police pour être entendu et suspecté. Il est tiré de ce mauvais pas par la sublime Amaka, ange-gardien des prostituées de Lagos qui compte sur lui pour faire un reportage sur ses protégées.

Nouveau titre dans la sélection du Prix du meilleur polar Points, et très bon choix. Si je relate quelques longueurs en fin de volume, qui ralentissent un peu le rythme, c'est vraiment pour dire du mal, c'est mon côté râleur, parce que ces courts passages sont vite oubliés tant ce polar est bon. Rythme et ambiances tendus, c'est vraiment un roman noir, très noir. En plus de nous embarquer sur une enquête passionnante, Leye Adenle parle de son pays, de la corruption, de la pauvreté, des riches -parfois pas Nigérians- qui contrôlent le pays et font en sorte d'en profiter. Le constat est violent, amer et cruel, toutes ces filles jeunes voire très jeunes, contraintes à la prostitution et ces hommes violents et impitoyables avec elles : "Certaines épongeaient les dettes de leur famille. Pas une ne dépensait cet argent pour des choses aussi frivoles que des vêtements de marque ou des vacances. Toutes vendaient leur corps pour une bonne raison, aussi dérangeant que cela puisse paraître." (p.267/268). Je ne sais pas si l'association d'Amaka existe réellement, qui tente de sortir ces jeunes femmes de la rue, mais elle est plus que nécessaire, vitale. Leye Adenle n'est pas tendre avec les élites de son pays qui trempent dans toutes les combines possibles pourvu qu'elles rapportent : drogue, prostitution, meurtres rituels, ...

La femme nigérianne est totalement bafouée. Lorsqu'elle est mariée, elle est allègrement trompée. Lorsqu'elle ne l'est pas, elle sert de jouet sexuel aux hommes. C'est tout cela que nous fait découvrir le romancier nigérian, en plus des conditions de vie difficiles de beaucoup de ses compatriotes, opposées à ceux qui croulent sous les dollars, la violence quotidienne qui vient parfois de ceux censés protéger, les policiers, ... Vivre au Nigéria ne doit pas être reposant. Ce polar, par son rythme, les images qu'il fait naître, les personnages forts et ambigus le montre bien. Car en plus d'être un polar disons social ou sociétal, il repose sur une intrigue alambiquée, qui ne se dévoile vraiment qu'à la fin, chaque intervenant laissant planer un doute quant à son implication réelle dans tel ou tel camp. De fait, on ne sait jamais -sauf pour Guy Collins- si untel est un malfrat, voire un tortionnaire, ou un type bien qui cherche à protéger les prostituées et à aider Amaka -elle-même nous fait douter parfois...

Un exercice totalement maîtrisé par Leye Adenle -même si parfois, les noms et surnoms m'embrouillent un peu-, un premier roman bluffant, terriblement excitant tant on se refuse à le poser avant de l'avoir fini.

Pour le moment, c'est avec Snjor, pour moi, le meilleur de la sélection.

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Ça coince ! (40)

Publié le par Yv

Avant tout, se poser les bonnes questions, Ginevra Lamberti, Le serpent à plumes, 2017 (traduit par Irène Rondadini et Pierre Bisiou).,

"Gaia est Gaia. Gaia habite une sublime vallée italienne où les vieilles femmes persécutent les limaces. Puis Gaia rejoint Venise où les petits chefs des centres d'appels persécutent les étudiantes en langues rares dans son genre. Gaia a un père facétieux quoique fragile. Gaia a une mère patiente mais pas que. Gaia aime les chats et vit en colocation. Gaia n'est peut-être pas hypocondriaque mais est certaine plusieurs fois par semaine d'être victime d'un infarctus, notamment. En somme, Gaia c'est toi ou si ce n'est toi c'est donc ton frère, ta sœur, ta fille ou ta voisine, cette personne humaine magnifique, drôle et d'une énergie rare, cette délicieuse joie." (4ème de couverture)

J'ai retranscrit à dessein cette quatrième de couverture, car une fois n'est pas coutume, elle résume plutôt que le fond, la forme de ce texte. Mal fichu (j'ai du mal avec l'ultime phrase, et avec les autres aussi) et se voulant léger et drôle et ne m'apparaissant que léger. Le problème avec l'humour c'est qu'il doit être partagé, et là, je n'adhère pas. Ginevra Lamberti use et abuse des répétitions, comme dans le résumé avec le prénom de son héroïne. C'est bien lorsque ça fonctionne et surtout que ça ne dure pas, le problème étant que ça dure dans ce roman. Long et bavard en plus d'être mal ficelé, ce bouquin n'est pas une réussite, si j'ajoute que les personnages sont survolés, pas travaillés en profondeur, vous aurez une idée plus précise de la vacuité du texte.

 

L'héritier, Joost de Vries, Plon, 2017 (traduit par Emmanuèle Sandron).,

"Quand il apprend le décès de son mentor Josip Brik, le philosophe spécialiste du métadiscours sur Hitler, Friso de Vos est anéanti. Profitant de sa détresse, un certain Philip de vries, inconnu total, occupe alors le devant de la scène, multiplie les apparitions télévisées et devient alors le successeur de Brik au yeux du monde entier. Refusant de se laisser reléguer au second plan, Friso se rend à Vienne pour un colloque, bien décidé à montrer qu'il est le seul vrai connaisseur de l'œuvre de Brik et son unique dauphin. Mais quand on le confond avec l'imposteur, Friso décide de se prêter au jeu." (4ème de couverture)

Tout paraît bien pourtant. Mais  je n'avance pas, ne comprends pas où l'auteur veut en venir, m'ennuie et ne ressens absolument rien pour les personnages ni aucun attrait pour les situations. Ce n'est pas que ce soit un mauvais livre si tant est qu'on puisse dire d'un livre qu'il est mauvais plutôt que d'en dire qu'il ne nous plaît pas, non, c'est juste que je peine à y trouver une once d'intérêt. Fort bien écrit -et donc traduit-, élégant, ça ne suffit pas à emporter mon adhésion.

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L'humour juif expliqué à ma mère

Publié le par Yv

L'humour juif expliqué à ma mère, Franck Médioni, Chiflet et Cie, 2017...

Préfacé par Boris Cyrulnik en personne, cet ouvrage, en sept chapitres prétend expliquer ce qu'est l'humour juif. Vaste programme. Hubert Bonnisseur de la Bath (OSS 117) ne dit-il pas que "L'humour juif, c'est quand ce n'est pas drôle et que ça ne parle pas de saucisses." ?

Franck Médioni démarre chaque partie avec un texte de son cru, s'adressant à sa mère, juive bien sûr, et aborde toutes les idées reçues ou pas sur les mères juives ultra possessives, sur les juifs et le pouvoir, les juifs et l'argent... Puis, viennent les citations, parfois juste des aphorismes des plus grands dans le genre : Woody Allen (et celle-ci une des rares que j'ai retenue de lui, il y a bien longtemps et que j'ai retrouvée avec plaisir dans ce livre : "Non seulement Dieu n'existe pas, mais essayez de trouver un plombier pendant un week-end."), Tristan Bernard, Pierre Dac... parfois ce sont des extraits de livres, ceux de Philippe Roth, de Franz Kafka, de Romain Gary... 

L'ensemble est assez inégal parce que l'humour, eh bien ça ne fonctionne pas à tous les coups. Le côté mère juive étouffante qui revient à toutes les pages est lassant et même plus drôle -en fait c'est drôle lorsque c'est Marthe Villalonga qui la joue face à son fils Guy Bedos (Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis), après elle, c'est nettement moins bon-, je sais que le comique de répétition est une sorte d'humour, mais bon, parfois ça fatigue, du moins ça me fatigue. Et puis cette notion d'humour lié à une communauté, ça me gave un peu. En fait, le mieux dans ce livre ce sont les citations qu'elles soient de petites phrases, des blagues ou des extraits de livres, souvent drôles mais bien plus que cela : "L'homme a créé des dieux ; l'inverse reste à prouver." (Serge Gainsbourg), "Dieu a offert aux hommes un cerveau et un pénis, mais pas suffisamment de sang pour que les deux fonctionnent en même temps." (Robin Williams), "Groucho Marx à un club WASP interdit aux juifs : - Ma fille étant chrétienne par sa mère, pourrait-elle se baigner dans la piscine jusqu'à la taille ?", "Il ne faut pas avoir peur du bonheur, c'est juste un bon moment à passer." (Romain Gary), ou encore celle-ci, macabre, du même Romain Gary : "Du savon ? Pourquoi du savon ? Non ! Il y a vingt-deux ans que je ne touche plus du savon, on ne sait jamais qui est dedans !" (La danse de Gengis Cohn).

Ce livre est à feuilleter, les phrases à retenir sûrement, mais ça j'ai du mal ; allez pour finir, d'autres citations qui vous donneront l'envie de vous parfaire en humour juif :

"Les murs de mon appartement sont si minces qu'à chaque fois que mes voisins font l'amour, j'ai un orgasme." (Linda Herskovic). Peu de femmes citées, sans doute n'ont-elles pas d'humour, ou alors elles sont trop occupées avec leurs fils, c'est sans doute la seule place qu'on leur laisse  ?

"Mieux vaut qu'il pleuve aujourd'hui qu'un jour où il fait beau." (Pierre Dac)

"Je ne crois pas en l'au-delà, mais j'emporte toujours un caleçon de rechange." (Woody Allen, sans doute le plus cité dans ce recueil -et celui qui me plaît le plus- avec Groucho Marx, et franchement, c'est une bonne idée)

Allez, cette fois-ci c'est fini, mais le bouquin est gros et plein de belles phrases pour rire et faire rire. Et je m'aperçois que je n'ai pas été très drôle pour parler d'humour, mais comme je n'ai pas parlé de saucisses, j'ai peut-être fait de l'humour sans le savoir...

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La reine noire

Publié le par Yv

La reine noire, Pascal Martin, Jigal polar, 2017.....

Lorsque Wotjeck, vêtu de noir des pieds à la tête, obligé de porter une paire de lunettes noires pour protéger ses fragiles yeux, roulant très vite dans une BMW noire, revient à Chanterelle le village de son enfance qu'il a quitté  il y a très longtemps, plus rien n'est comme avant. La reine noire, la grande cheminée de la raffinerie de sucre est toujours debout mais ne sert plus à rien, Spätz, l’actuel maire du village a fermé l'usine autrefois. L'accoutrement de Wotjeck et son argent font jaser, mais ce qu'ignorent les habitants c'est que Wotjeck est un tueur à gage, l'un des tous meilleurs. 

Michel Durand, le fils de l'ex-directeur de l'usine, revient lui aussi à Chanterelle, au même moment. Il se fait passer pour un psychiatre, il est flic à Interpol. Depuis leur arrivée, d'étranges événements se déroulent au village provoquant l'exaspération des habitants.

Excellent. Coup de cœur. Voilà, tout est dit. Courez acheter ce roman et ouvrez-le dans un endroit où vous êtes confortablement installés, car vous ne le lâcherez que fini, soit 250 pages plus loin. Vous en voulez plus ? OK, je me fends d'un billet.

Je commence par l'ambiance générale, le contexte. Un village désertifié, appauvri par la fermeture de l'usine qui employait tout le monde. Un paysage désolé, qui pourrait être beau mais qui n'est que désespoir. Et puis, le déclencheur, l'arrivée de Wotjeck et de Durand, deux hommes qui se connaissent de leur enfance, n'ont pas eu la même vie, et continuent à vivre très différemment. Dès qu'ils franchissent les frontières du village, les vieilles rancœurs, les peurs, les veuleries, les jalousies, les trahisons remontent et chacun rejoue son rôle, celui du pleutre, du soumis ou au contraire celui du rebelle -ils sont peu à jouer ce rôle, Marjolaine, la jeune serveuse l'endosse le plus facilement. Les hommes passent leur temps à jouer aux cartes dans le café, à refaire le monde, les femmes étrangement peu présentes ou alors avec des caractères bien trempés, telle la fameuse Marjolaine ou bien la mère Lacroix et sa fille Marie-Madeleine simple d'esprit maltraitée par sa mère qui peut à chaque seconde exploser dans un festival de mots colorés et fleuris (à la fois drôle et violent). 

Les personnages maintenant. On est loin, très loin des stéréotypes du genre policier. Outre les femmes dont j'ai parlé plus haut, Wotjeck et Durand ne sont pas forcément là où on les attend, et leur enfance, leurs relations d'enfance s'immiscent dans cette nouvelle rencontre. Tous ceux qu'on rencontre ont un grain, une fêlure qui ne demande qu'à s'aggraver et Wojteck et Durand feront péter des câbles à certains, parfois involontairement, d'autres fois moins. 

Roman noir plus que polar, il n'est néanmoins pas dépourvu d'étincelle de vie, de lumière et d'espoir. Pas du tout plombant au contraire, le rythme est assez vif et fluide. Pascal Martin mène et maîtrise son sujet de bout en bout, il nous balade, nous emmène exactement là où il veut et nous, eh bien on se laisse faire avec un plaisir non dissimulé et même revendiqué. J'ai passé un très grand moment,  je découvre cet auteur qui n'en est pourtant pas à son premier essai. Très belle pioche des éditions Jigal ! Le début ? Allez, voici les premières lignes :

"La BMW noire filait sur la route à grande vitesse. L'homme au volant portait des lunettes noires, rondes. Des manchons, des sortes de ventouses en cuir, s'échappaient des montants et venaient se plaquer sur ses tempes. On ne voyait pas ses yeux. Il était entièrement vêtu de noir, chemise, imper et pantalon." (p.5)

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