Je cherchais une rue, Charles Willeford, Rivages/Noir, 2011
Un homme raconte sa jeunesse dans les États-Unis de la grande crise de 29 et les années suivantes. Né dans une famille pas riche, mais loin d'être dans le besoin, il se retrouve vagabond à quatorze ans, suite au décès de sa mère, aux départs de son beau-père, des son oncle. Il part donc sur les routes et découvre toute la misère de l'époque.
Chronique qui sera assez courte, parce que je n'ai pas aimé ce livre. Ou plutôt, il m'a laissé indifférent, pour être franc, je ne peux même pas dire que je ne l'ai pas aimé, je n'en sais rien. On peut compatir à la descente de ce jeune garçon (l'auteur himself !), mais tout ce qu'il raconte a déjà été vu ou lu ailleurs, et ce n'est pas son angle de vue, sa manière d'écrire qui retiennent le lecteur. Tout est fade et insipide, sauf l'histoire bien sûr qui aurait mérité un traitement plus original ou plus fort.
Ou alors, c'est moi qui l'ai trouvé ainsi parce qu'avant j'avais aligné des lectures particulières, passionnantes voire impressionnantes (Anaisthêsia, La vie mode d'emploi, Danser au bord des abîmes, ...). Un peu comme lorsqu'on mange un piment, et qu'on ne peut retrouver le goût des aliments moins forts, classiques avant un petit moment, le temps que s'estompe la brûlure.
Je vais donc m'en retourner en cuisine, histoire de me retrouver si ce n'est un piment, au moins un truc qui pique !
Anaisthêsia, Antoine Chainas, Folio policier, 2011 (Galimard, 2009)
Désiré Saint-Pierre est un flic noir. Alibi de l'intégration, muté dans l'équipe chargée d'arrêter "la Tueuse aux bagues" qui sévit depuis plusieurs années. Mais Désiré revient tout juste d'un accident de voiture qui l'a rendu insensible à la douleur physique et psychologique et qui l'a défiguré. Il est désormais un autre homme. Un autre flic. Que la hiérarchie s'empresse de caser dans un petit bureau pour ne le ressortir qu'au besoin, notamment la très souhaitée arrestation de la tueuse, pour faire voir la tolérance de l'Administration envers les "minorités visibles" comme l'on dit -si vulgairement- maintenant.
Polar violent. Hémoglobine, viandes et os.
Polar rapide : phrases très courtes, rythme des actions soutenu.
Polar noir, sombre : héros désabusé, blasé, totalement déconnecté de la réalité.
Polar atypique : écriture qui intègre des textes officiels, telle la norme concernant la "housse biodégradable Hygéral 100 avec une fermeture en nylon et drap absorbant confirmé au décret 8728 du quatorze janvier quatre-vingt-sept, article vingt-neuf, agréée par le ministère de la Santé et de l'Action humanitaire" (p.10), celle qui renferme les cadavres.
Polar qui, mine de rien, fait un point plutôt pessimiste de la situation dans les banlieues, de l'intégration des noirs et autres personnes issues de l'immigration qui vivent dans les cités de ces banlieues.
Polar qui parle de la revanche souhaitée des femmes. "Tu comprends maintenant ce qu'est le pouvoir. Le vrai pouvoir, le seul. Celui qui libère les entraves. Celui qui inverse les valeurs. Celui qui porte l'avilissement ultime. Celui que vous [les hommes] laissez échapper chaque jour et celui que nous [les femmes] gagnons. Vous avez déjà perdu une bataille qui n'a jamais existé. Nous n'avons plus besoin de vous. Ni pour jouir, ni pour faire des enfants. Ni pour manger, ni pour survivre. Ni pour faire nos courses, ni pour payer les factures. Ni pour l'éducation, ni pour le dressage. Ni pour la joie, ni pour l'accomplissement. Vous êtes des animaux en voie de disparition. "Une denrée périssable"[...]" (p.154/155)
Polar qui parle des gens oubliés des médias et des conversations et de la littérature : les malades, les fous, les handicapés. On pourrait même parfois y voir la cour des miracles, tellement les descriptions d'Antoine Chainas sont noires.
Pas vraiment gai, mais un style, une écriture, un angle de vue, des héros hors normes et originaux. Antoine Chainas scrute les bas-fonds, les perversions de la société, ses tentatives ou velléités d'intégrer tout le monde quelles que soient ses origines. Antoine Chainas, dont j'ai déjà lu Aime-moi, Casanova fait montre d'une oeuvre à part, loin des clichés et des modes actuelles. Il construit des polars très singuliers, et va au bout de ses raisonnements, quitte à choquer.
La vie mode d'emploi, Georges Perec, Le livre de poche, 2010 (Hachette Littératures, 1978)
Prenez un immeuble parisien, sis au 11 de la rue Simon-Crubellier. Enlevez la façade et décrivez tout ce qui se voit de la rue : les lieux, les gens, les décors, ... Ajoutez anecdotes, histoires, relations entre locataires et propriétaires, entre habitants des étages "nobles" et résidents des chambres de bonnes, et vous obtenez alors ce roman absolument insolite et riche. A la seule condition, évidente, nécessaire et suffisante que l'auteur en soit Georges Perec soi-même !
A la suite de ma lecture de Ce qui stimule ma racontouze..., j'ai eu une envie irrépressible de lire La vie mode d'emploi. Je m'suis dit : "Bon, c'est un gros livre, il vaut mieux le lire pendant les vacances, prendre le temps." Et c'est ce que j'ai fait. Mais la question qui me vint à l'esprit plusieurs fois, lors de ma lecture c'est : "Mais pourquoi, n'ai-je point lu ce roman plus tôt ? Ce livre est un chef d'oeuvre, comment ai-je pu passer à côté si longtemps ?"
Dans une écriture extrêmement simple et accessible, Georges Perec écrit le roman des romans. Celui dans lequel, en marge des personnages et des lieux décrits, naissent des histoires, d'autres lieux, d'autres personnages a priori sans relation avec les habitants du 11 rue Simon-Crubellier, mais ici, tout est lié, ne serait-ce que par une combine parfois ténue, mais toujours visible.
Bartlebooth est le personnage principal, celui qui lie un peu les autres, celui dont l'histoire est le fil rouge du roman : "Pendant dix ans, de 1925 à 1935, Bartlebooth s'initierait à l'art de l'aquarelle.
Pendant vingt ans, de 1935 à 1955, il parcourrait le monde, peignant, à raison d'une aquarelle tous les quinze jours, cinq cents marines de même format (65x50, ou raisin) représentant des ports de mer. Chaque fois qu'une de ces marines serait achevée, elle serait envoyée à un artisan spécialisé (Gaspard Winckler) qui la collerait sur une mince plaque de bois et la découperait en un puzzle de sept cent cinquante pièces.
Pendant vingt ans, de 1955 à 1975, Bartlebooth, revenu en France, reconstituerait, dans l'ordre, les puzzles ainsi préparés, à raison, de nouveau, d'un puzzle tous les quinze jours. A mesure que les puzzles seraient rassemblés, les marines seraient "retexturées" de manière à ce qu'on puisse les décoller de leur support, transportées à l'endroit même où - vingt ans auparavant- elles avaient été peintes, et plongées dans une solution détersive d'où ne ressortirait qu'une feuille de papier Whatman, intacte et vierge." (p153/154)
Ça c'est pour Percival Bartlebooth, mais les autres résidents ont tous des histoires ou des aïeux qui ont eu des aventures, rares, rocambolesques, désopilantes, comiques ou tragiques. Malgré les multiples intervenants, le lecteur n'est pas perdu. Perec fait des petits chapitres, consacrés à un habitant ou à la famille, ou plutôt à l'appartement et à ceux qui l'occupent ou l'ont occupé. A chaque fois, il replace ses personnages de telle manière que le lecteur s'y retrouve aisément.
Ce roman est absolument génial, un puits de connaissance dans tous les domaines : histoire, chimie, mathématiques, littérature, peinture, musique, sport, etc, mais jamais pédant, toujours pédagogique et à la portée du lecteur. Un roman qui alterne le burlesque, le cocasse, le drôle, le triste, le sombre, le noir. Un roman dans lequel l'auteur s'essaye à tous les genres, poésie, roman picaresque, épopée, roman d'amour, ... Un roman fourre-tout, mais extrêmement maîtrisé et bien rangé. Un livre unique, d'un genre que je ne rencontrerai pas de sitôt, sauf à relire celui-ci, bien entendu !
Des passages sont vraiment fabuleux, comme celui dans lequel Georges Perec présente son personnage nommé Cinoc qui "exerçait un curieux métier. Comme il le disait lui-même, il était "tueur de mots" : il travaillait à la mise à jour des dictionnaires Larousse. Mais alors que d'autres rédacteurs étaient à la recherche de mots et de sens nouveaux, lui devait, pour leur faire de la place, éliminer tous les mots et tous les sens tombés en désuétude." (p.347) Suivent alors des listes de mots oubliés, de mots que Cinoc tente de sauver. Listes d'ailleurs dont l'auteur use et abuse, tout au long de son roman pour le plus grand plaisir du lecteur.
Les 579 pages (sans compter les annexes) de la version poche se lisent très vite, sans de temps mort, sans "ventre mou" au milieu du livre, bien que la plus grosse partie soit consacrée à des descriptions. Au contraire, j'aurais bien rajouté un ou deux étages à l'immeuble du 11 de la rue Simon-Crubellier.
Le Trésor de la guerre d'Espagne, Serge Pey, Zulma, 2011
Au travers d'anecdotes et d'histoires, vraies, nous dit l'éditeur, Serge Pey raconte un peu de la guerre d'Espagne. Le narrateur de ces nouvelles est souvent un enfant "pris dans la tourmente des guerres et des répressions. Partout on chasse, on traque et on tue l'enfant des révoltes, le fils des opprimés, qui doit pour survivre trouver les ruses de l'animal" (éditeur)
Remarquablement écrites, ces histoires sont tour à tour drôles, dramatiques ou poétiques. Deux sont particulièrement drôles -même si elles gardent aussi un côté dramatique :
- Le linge et l'étendoir, où la mère du narrateur communique avec les "rebelles" grâce à la manière dont elle étend son linge : "Ma mère m'avait appris le langage secret du linge séché. Elle était la maîtresse des voyelles de l'interrogation, des consonnes clandestines, et des conjugaisons réalisées avec des lacets de chaussures. Les grammaires de silence, les concordances d'espaces et non de temps, les conjonctions de coordination nouvelles, les accords de participe passé entre des auxiliaires qui n'avaient aucun secret pour elle, car elle était le secret." (p.20)
- Le cinéma : beaucoup plus amusante et anecdotique qui explique comment grâce aux projections de cinéma de plein air, le narrateur est devenu expert en lecture de français... à l'envers !
Les dramatiques, il y eut malheureusement de quoi les alimenter pendant cette guerre :
- Le morceau de bois, où comment on peut devenir enfant-bourreau si l'on n'a pas la force de caractère suffisante : "Le directeur avait mis au point sa méthode. A chaque nouvel enfant qu'il sélectionnait pour en faire un surveillant, il confiait un jeune chiot. L'enfant devait l'allaiter et le faire dormir avec lui. Puis après quelques mois, il le forçait à le torturer, et ensuite, il lui donnait l'ordre de le tuer. C'est ainsi qu'il préparait chaque enfant de la section des Grands à torturer les Petits qu'il voulait faire parler." (p.83)
- L'arrestation qui paraît être simplement le récit d'une arrestation puis d'une évasion, mais qui pousse le raisonnement assez loin et qui contient, à mon humble avis, les plus belles phrases du livre : "Ce wagon a transporté du bétail. Il sent le purin et la paille. Je me dis que nous sommes aussi du bétail et que c'est justement la différence entre le bétail et nous qui fonde l'espérance. Pas la survie. Le bétail lui non plus ne veut pas mourir comme la majorité des camarades de ce wagon. Mais la différence entre le bétail et nous est que nous ne nous échappons pas, mais que nous nous évadons.
Ce n'est pas le fait de parler ou d'articuler des mots qui établit notre différence, mais de mettre en alliance cette parole, avec quelque chose qu'elle ne connaît pas. Parler c'est espérer, sinon nos paroles sont des meuglements." (p.121/122)
Les nouvelles poétiques sont présentes également, notamment dans les histoires concernant les joueurs d'échecs (Le Morse, Échecs et beauté, La partie des profanes), mais celle qui m'a le plus touché est La bibliothèque blanche, où comment construire de la poésie avec les titres des ouvrages lus ou non lus ; un véritable amour du livre-objet, de ce qu'il renferme et de ce qu'il représente.
Il y a beaucoup d'autres nouvelles (17 en tout), courtes, assez différentes les unes des autres, autant dans le thème que dans l'écriture : certaines plus factuelles, plus descriptives et d'autres plus irrationnelles, rêvées.
Danser au bord des abîmes, Bettina, L'atelier des métamorphoses, 2008 (auto-édition, distribué par Lulu.com)
Une jeune femme, Mélinée Mauvert gagne sa vie en écrivant des éloges funèbres. Elle vit seule. Sa vie change du tout au tout lorsqu'elle rencontre XL, son futur compagnon. Parallèlement, son travail l'amène à enquêter sur un vieil homme proche de la mort, à rencontrer un SDF, des marginaux de son quartier, une professeure menacée et désespérée. Son quotidien prend dès lors une autre tournure qu'elle n'avait jamais imaginée.
Roman pour le moins foisonnant. De nombreux personnages -mais le lecteur n'est jamais perdu- qui vivent tous des histoires différentes. D'où plusieurs intrigues, au risque parfois d'en avoir trop : j'avoue que celle de Virginie, la professeure désespérée ne m'a pas vraiment convaincu et je trouve même qu'elle n'apporte rien au livre. Voilà pour ma réserve, assez minime puisque cette histoire est loin d'être la plus longue du roman.
Les rencontres avec les autres personnages permettent à Bettina d'aborder de nombreux thèmes : la différence, le chômage, les SDF, la solidarité, la mort, les sans-papiers. Point de thèses construites et finement relatés, mais des coups de gueule, des avis tranchés, clairs et précis qui détonnent des discours ambiants souvent tièdes.
Une des axes principaux est la guerre d'Algérie et l'occupation française. L'arrivée de la France dans ce pays dans les années 1830 est bien expliquée ainsi que les doutes des soldats défendant l'Algérie française 120 ans plus tard :
"La pacification a échoué. J'ai l'impression désagréable d'avoir été manipulé, de perdre la face, et d'avoir participé à une mascarade à laquelle nos dirigeants eux-mêmes ne croyaient pas. Nous n'avons fait que parquer ces pauvres gens, les séparer de leurs champs, et donc de leur gagne-pain. Nous leur avons laissé croire à des jours meilleurs parce qu'on nous en avait persuadés. Nous les avons contraints à devenir des délateurs pour nous sauver nous-mêmes." (p.98)
Ce n'est pas un roman historique, mais il permet de se remettre en mémoire des faits et des événements de l'époque.
C'est un roman dense qui se lit assez lentement pour ne rien en perdre. Mélinée est attachante, oscillant entre doutes et certitudes, bien que parfois agaçante à force de vouloir se mêler de tout. Elle est humaine, a les défauts et les qualités des gens que l'on rencontre au quotidien. Son quotidien d'ailleurs qu'elle raconte en détails dans ce livre, presque comme un journal.
Bien écrit, parfois dans un style classique, parfois dans une style oral. L'auteure brouille les pistes et joue de la langue et de ses niveaux d'écriture. Malgré quelques longueurs -toujours cette histoire de Virginie !-, ce livre recèle de très beaux passages et contient un "kekchose" qui retient le lecteur jusqu'au bout ne voulant pas le lâcher avant la fin, pas forcément imprévisible, mais assez gonflée parce que contraire à une certaine uniformisation.
Merci Bettina. Livre téléchargeable ou en commande sur Lulu.com. Un autre avis ici, et le blog de l'auteure, là.
La leçon d'écriture, Raymond Jean, Ed. de l'aube, 1999
Cinq nouvelles ayant rapport avec l'écriture, la lecture, les mots :
La romancière, ou comment, involontairement et tout en n'ayant rien écrit, une jeune femme devient "écrivain", reconnue par ses pairs et par le public, jusqu'à la parution de son premier livre, un best-seller, intitulé Neige, couvert de pages blanches.
Bleu noir ou la leçon d'écriture : un jeune homme voulant devenir écrivain, mais étant trop paresseux pour commencer son "oeuvre" trouve un jour le livre d'un auteur inconnu et décide de l'envoyer, sous son nom, à l'éditeur l'ayant publié 20 ans auparavant.
Marianne ou le nom des rues : comment une jeune maire voulant donner des noms aux rues de son village se retrouve au centre des querelles des conseillers municipaux.
Le mardi de Barbara : Barbara est une jeune prof en lycée professionnel, très investie politiquement et animatrice d'un atelier d'écriture. Se déplaçant auparavant à bicyclette, elle décide d'acheter une automobile l'obligeant à des sacrifices financiers.
Les nouvelles du jour : le narrateur nous dévoile une de ses journées-types au fil de ses lectures de la presse et particulièrement des faits divers.
Je dois bien avouer que je ne connaissais pas du tout Raymond Jean, auteur né en 1925 et récompensé par le premier Goncourt de la nouvelle en 1983. Il a tout de même une quarantaine de livres à son actif, les derniers étant édités chez Actes Sud.
J'ai donc découvert son écriture, classique, mettant en scène des jeunes gens bien dans leur époque. Epoque pas très différente de l'actuelle finalement, en dix années, à part l'absence de portables et d'Internet, peu de choses ont changé : nous sommes confrontés au chômage, à la vie dans les banlieues, aux fins de mois difficiles. Les journaux parlent des faits divers sanglants aux Etats-Unis, des faits de pédophilie au sein de l'église, ...
Très agréables à lire, construites comme des tranches de vie et non pas comme des nouvelles "à chute", ces histoires sont souriantes, pas franchement drôles, mais plaisantes. Raymond Jean montre une ironie certaine et une vraie connaissance, à la fois du monde littéraire et du monde médiatico-littéraire. Il est très réaliste quant à la notoriété -variable et de courte durée- que peut apporter l'écriture et se plait à se moquer de lui-même. Enfin, c'est comme cela que je l'ai compris et j'ai notamment vu une sorte d'autoportrait dans la nouvelle Bleu noir ou la leçon d'écriture, dans l'écrivain peu connu du grand public qui se refuse à croire que 20 ans après son roman puisse être refusé par son éditeur, mais qui tiendra sa revanche.
Elles se rendent pas compte, Boris Vian, Ed. Le terrain vague, 1953
Francis, un jeune homme de bonne famille de Washington tente d'aider une de ses amies, Gaya en proie aux affres de la drogue. Il va devoir lutter, en compagnie de Richard, son frère contre un gang d'homosexuels hommes et femmes, dirigé par Louise Walcott, lesbienne affichée.
Ce livre est présenté comme tous les polars noirs de Boris Vian : écrit par Vernon Sullivan et traduit par Boris Vian. De nombreuses éditions existent, notamment en poche et 10/18.
Envie de revenir à des lectures de ma "jeunesse" (je mets entre guillemets, pour faire croire que je suis encore très jeune, afin de m'attirer un public jeune lui aussi, dynamique, qui boostera mes statistiques. Bien joué, non ?). J'ai donc replongé avec délices dans ce vieux Boris Vian que je n'avais pas ouvert depuis des années. Il a un petit côté désuet par l'approche que fait l'auteur du monde homosexuel : les lesbiennes y sont décrites comme des femmes pas satisfaites par les hommes et lorsque Richard et Francis en honore une, celle-ci se révèle être une quasi nymphomane. Evidemment, Boris Vian y met de l'humour qui atténue ce qui serait peut-être difficile d'écrire aujourd'hui. Ceci étant, il n'est jamais homophobe même s'il n'est pas très tendre avec les homos, mais bon, dans ce livre les méchants sont homos, donc forcément pas très sympathiques !
Cette parenthèse fermée, j'ai retrouvé le monde des polars noirs américains des années 50 : le sexe, la drogue, les mecs virils qui tombent les filles : Boris Vian n'a rien à envier aux écrivains étasuniens de souche ! De l'action, du suspense, des bagarres, du fric à gogo.
Aujourd'hui, on lit beaucoup plus rapide, beaucoup plus violent et sexuel, mais dans les années 50, il faut savoir que les romans noirs, très durs de Boris Vian, tel J'irai cracher sur vos tombes ont été interdits à leur sortie. Bon ce n'est sans doute pas le cas de celui ci, beaucoup plus léger qui joue plutôt la carte de l'humour, tout en décrivant tout de même la jeunesse riche des Etats-Unis plongée dans l'alcool, la drogue et l'argent facile.
Une très bonne lecture : allez-y les jeunes ! Et les autres !
Le potentiel érotique de ma femme, David Foenkinos, Gallimard, 2004
"Après avoir collectionné, entre autres, les piques apéritif, les badges de campagne électoral, les peintures de bateaux à quai, les pieds de lapin, les cloches en savon, les bruits à cinq heures du matin, les dictons croates, les boules de rampe d'escalier, les premières pages de roman, les étiquettes de melon, les œufs d'oiseaux, les moments avec toi, les cordes de pendu, Hector est tombé amoureux et s'est marié. Alors, il s'est mis à collectionner sa femme." (4ème de couverture)
David Foenkinos -dont je lis là le premier livre, même s'il parait qu'il est un des écrivains dont on parle beaucoup en ce moment ; je me suis laissé dire que les femmes l'apprécient particulièrement... pour des raisons littéraires bien sûr !- David Foenkinos, disais-je avant de m'égarer dans des considérations autres que littéraires, fait preuve de beaucoup de légèreté et d'humour dans ce livre. Je me suis laissé emporté par cette histoire rocambolesque, absurde, loufoque, par ces personnages improbables, certes, mais pas si irréalistes que cela.
C'est donc drôle, léger et puis, au fil de la lecture je me suis demandé où l'auteur voulait nous emmener, pour conclure par ces deux mots : nulle part !
Voilà donc une histoire basée sur une bonne idée qui décolle bien et qui retombe vite tel un soufflé que l'on sort du four un petit peu trop vite -oui, je sais l'image est classique, usée, archi-usée, mais c'est la seule qui me soit venue à l'esprit après cette lecture, finalement assez vaine.
D. Foenkinos est trop détaché de ses personnages pour qu'on y croie nous-mêmes, et même s'il possède une plume bien agréable et un humour qui me plait bien, (il a des trouvailles excellentes, par exemple, lorsque qu'Hector emmène sa "future", Brigitte, chez ses parents et que celle-ci leur fait une bonne impression : "Brigitte, de son côté, notait les recettes de soupe, si bien que Mireille [la maman d'Hector] frôlait le suicide au bonheur" (p.60)) le résultat est au-dessous de mes espérances.
Une sorte d'humour à la voix off d'Amélie Poulain, qui ne tient pas la distance : on s'ennuie dans la fin du livre.
Je résume donc pour ceux qui ne lisent que les fins de billets : très bonne idée de départ + humour + écriture légère (dans le bon sens du terme) et agréable, mais livre qui "cale" avant la fin.
Bon, je retenterai ma chance avec David Foenkinos.
Monroe, Tom Tirabosco et Pierre Wazem, Ed. Casterman, 2005
Un Inuit trouve dans le ventre de la baleine qu'il vient de pêcher avec les hommes de son village, une chaussure de femme et une photo de Marilyn Monroe qui porte une paire identique aux pieds. La photo étant prise sous les lettres "HOLLYWOD", l'Esquimau décide de se rendre là-bas pour rapporter l'escarpin, car :"On ne peut pas marcher avec une seule chaussure" (p.8)
Très bel album avec des dessins réalistes, simples passant du blanc des neiges au sombre des nuits étasuniennes jusqu'au jaune-orangé des scènes sur un baleinier. L'histoire part d'une belle intention, puis peu à peu, l'Esquimau découvre la noirceur du monde, des gens qui le composent : en quelques jours, il est confronté à la modernité, à la société de consommation et à ce qu'elles engendrent de pire, alcool, convoitise, voleurs, ... Peu de place dans ce monde pour sa candeur, sa naïveté et sa volonté de rendre service.
C'est un album noir. Peu de texte, mais les dessins (Tom Tirabosco) sont très explicites. C'est un terrible constat sur la mort des petits peuples, la mondialisation culturelle et la perte des identités particulières.
Qu'en sera-t-il dans quelques années de ces différents peuples qui vivent encore selon leurs traditions ? Y-a-t-il encore une place dans ce monde uniforme pour des individualités ? L'histoire ne le dit pas mais pose les questions. Des bonnes questions.