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Les Armées

Publié le par Yv

Les Armées, Evelio Rosero, Métailié, 2008
San José, village colombien. La vie y est paisible et Ismael, vieux professeur à la retraite passe son temps, grimpé sur une échelle, à cueillir des oranges, dans son potager mais principalement à épier sa jolie voisine, Geraldina qui prend le soleil entièrement nue. Ni celle-ci ni son mari ne s'en offusquent. Seule Otilia, la femme d'Ismael en éprouve une grande honte. Mais un jour, tout ce petit bonheur éclate, lorsque des bandes armées attaquent le village. Des habitants sont assassinés, d'autres enlevés, d'autres encore s'enfuient.
Tout commence comme une belle chronique villageoise, paisible, agréable, et puis l'histoire bascule : il est difficile de ne pas se perdre entre toutes les bandes armées en action. Celles qui attaquent. Celles qui défendent. Sont-ce des militaires, des para-militaires, des narco-trafiquants, des guérilleros, ...? Et somme toute, peut importe. La chronique du village devient un enfer, les maisons des ruines et les habitants des fantômes qui préfèrent s'en aller ailleurs, sans malgré tout être sûrs de rester en vie.
Roman qui fait froid dans le dos lorsqu'on pense qu'il est écrit très récemment (paru en 2007 et traduit en 2008) et qui décrit la réalité des villages colombiens.
N'oublions pas qu'outre la très médiatique Ingrid Bétancourt libérée récemment, de nombreux otages sont actuellement aux mains des diverses factions armées colombiennes. Tous ne sont pas aussi connus, beaucoup sont colombiens, enlevés dans leurs villages ; les kidnappeurs demandent de grosses sommes d'argent que les familles sont bien incapables de payer, prolongeant ainsi leur calvaire.
Evelio Rosero parle aussi de l'instabilité politique de son pays, de son incapacité à empêcher ces exactions. Son constat est édifiant et terrible. Roman fort à découvrir.

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Le sommeil délivré

Publié le par Yv

Le sommeil délivré, Andrée Chedid, Flammarion, 1952
Samya, jeune femme égyptienne tue son mari de deux coups de revolver. Elle est handicapée, ne peut marcher et garde le lit depuis plusieurs années. Ainsi débute le roman. Ensuite, flash-back, Samya raconte son histoire de petite fille en Egypte, puis de très jeune femme -15 ans- mariée de force à un homme beaucoup plus vieux qu'elle, qui la délaisse et préfère de loin la gestion de son domaine.
Andrée Chedid raconte une vie tragique, un destin de femme brimée, obligée au silence et à l'obéissance aveugle aux hommes : père, frères ou mari. C'est terrible parce qu'on sent que Samya a de nombreuses envies, beaucoup de rêves et des capacités à les réaliser, mais rien ne pourra lui permettre de passer outre les choix de son père d'abord et de son mari ensuite. Ce roman écrit en 1952 a de cruels retentissements en ce début de XXIème siècle !
Dans une langue classique, qui décrit admirablement le pays, les odeurs et les personnages -notamment les femmes, parce que malgré ce que croient les hommes, ce sont elles qui font la vie des villages-, l'auteure livre un roman prenant, "pur et sobre", dans la lignée de ce que j'ai déjà lu d'elle, il y a longtemps : L'enfant multiple (très bon et très beau roman) et surtout : L'autre (absolument magnifique et gracieux) ; j'ai d'ailleurs maintenant très envie de les relire.
Andrée Chedid sait décrire les petites gens du Moyen-Orient, les situations tragiques (femmes brisées, guerres, attentats, ...). La lecture de ses livres me laisse toujours une impression de mélancolie, de "tristesses surannées" comme dit Bashung dans Tant de nuits (dans l'album Bleu Pétrole). Pas le côté plombant de certaines œuvres d'autres auteurs, mais cette petite musique à la fois belle et mélancolique qu'on a envie de retrouver. Un peu comme dans les chansons de Bashung pour reprendre ma citation musicale.

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L'homme que l'on prenait pour un autre

Publié le par Yv

L'homme que l'on prenait pour un autre, Joël Egloff, Buchet-Chastel, 2008
Le narrateur est un homme au physique commun. Tellement commun que tout le monde le prend pour un autre, une personne de sa connaissance, le présentateur de la météo, parfois quelqu'un de très proche. Ces quiproquos débouchent évidemment sur des situations diverses et burlesques.
A le lire, je me suis dit : "je vais résumer ce livre en une phrase : de l'art de ne rien dire en 200 pages, mais avec talent !" Et puis, réflexion faite, aux détours des situations loufoques, Egloff aborde sans qu'il n'y paraisse, la solitude, la vieillesse, l'usure du couple. Tout cela par touches délicates et fines. En outre, il use d'un genre que j'adore : l'absurde, les répétitions, les réflexions internes du narrateur poussées à l'extrême, la moindre futilité amenant une réflexion longue, profonde et inutile.
Malgré le manque de lien entre les chapitres -on pourrait croire plus à des nouvelles impliquant le même personnage qu'à un roman-, j'ai savouré cette lecture à sa juste valeur. Egloff a une écriture fluide, claire, non exempte d'une certaine poésie qui rend son histoire vraiment attrayante.

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Rituel

Publié le par Yv

Rituel, Mo Hayder, Presses de la cité, 2008, (414p)
Bristol, ouest de l'Angleterre, Flea Marley, plongeuse de la police remonte à la surface une main humaine, tranchée net. Quelques recherches menées conjointement avec l'inspecteur Jack Caffery, fraîchement muté de Londres, leur permettent de découvrir la seconde main. Les deux policiers recherchent alors activement le reste du corps.
Jack Caffery, à sa demande arrive à Bristol ; il est toujours en proie à ses démons - l'enlèvement et le meurtre de son frère par un pédophile, trente années auparavant qui a entraîné un sentiment de culpabilité et une soif de vengeance violente envers tous les pédophiles. Flea Marley se sent elle aussi coupable de la mort de ses parents, lors d'une plongée extrême. Eux deux forment une équipe qui va découvrir, parfois avec horreur, les rituels de certains pays d'Afrique, la sorcellerie, et les croyances importées en Angleterre.
Autant j'ai bien aimé le premier livre des aventures de Caffery -Birdman- autant là, je me suis ennuyé et j'ai même parfois souri, tellement les ficelles sont grosses. Ces deux enquêteurs, chacun autoproclamé coupable de la disparition de proches, pétris de doutes, de questionnements sont très -trop- archétypaux. Un flic abîmé par la vie et ne vivant que par son travail, ce n'est déjà pas très original, mais ça peut passer ; deux flics de ce genre, qui enquêtent sur la même affaire, ça fait un peu "too much". Si vous ajoutez à cela une histoire confuse, peu crédible, vous avez un polar vraiment très moyen. Pas infréquentable, mais loin d'être inoubliable. Moi qui me faisais une joie de retrouver Jack Caffery, me voilà follement déçu.

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Birdman

Publié le par Yv

Birdman, Mo Hayder, Presses de la cité, 2000 (502p)
Banlieue londonienne, cinq cadavres de femmes sont retrouvés, enterrés dans un terrain vague, tous terriblement mutilés. La police craint alors d'avoir à faire à un tueur en série particulièrement actif et pervers : "un maniaque sexuel de la pire espèce". L'inspecteur Jack Caffery, englué dans ses propres problèmes est chargé de l'enquête.
Ce roman policier commence comme n'importe quel autre déjà lu. Les cadavres, un tueur en série retors et un flic autant embêté par cette enquête que par sa vie qui ne prend pas la direction qu'il pourrait rêver. Et puis, soudainement, tout dérape, et là, on passe à un thriller efficace, glauque, aux descriptions assez détaillées pour qu'elles ne tombent pas sous tous les yeux.  La première partie, loin d'être désagréable laisse donc place à une seconde partie sombre, haletante, rouge sang. On suit l'enquête de Jack Caffery avec beaucoup d'intérêt, d'angoisse et d'impatience d'en connaître le dénouement. En même temps, je me suis pris à espérer pour lui un arrangement radical de sa vie.
La seconde aventure de Jack vient de paraître : Rituel ; je l'ai empruntée à la bibliothèque, et devinez quoi ? Je m'en vais de ce pas la commencer. A bientôt donc pour des nouvelles de Jack.

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Lâchez les chiens !

Publié le par Yv

Lâchez les chiens !, Maud Tabachnik, Flammarion, 1998
Sud-est de la France, un instituteur, juré dans un procès, est assassiné parce qu'il a, selon ses meurtriers, "encouragé les autres (jurés) à voter la réclusion". Dans cette région, l'extrême droite a pris le pouvoir et entend le garder, coûte que coûte, quitte pour cela à bâcler une enquête policière sur un meurtre impliquant certains de ses membres.
Un peu déçu par deux lâches abandons successifs de lecture, je me suis décidé à lire ce petit polar que j'ai acheté l'autre jour à Emmaüs -5 livres collection Librio pour 1€ , les autres étant 4 livres d'Andrée Chédid. C'est une petite lecture interlude, pas désagréable. Ce n'est pas non plus un grand polar : les retournements de situation sont un peu rapides et expéditifs, ce qui nuit à la crédibilité du livre. Il manque donc d'épaisseur dans le déroulement de l'enquête jusqu'à une fin un peu décevante. Ceci étant dit, le climat d'une ville du sud-est gangrenée par l’extrême droite est assez tendu et très plausible, notamment à l'époque de la parution du livre -1998 ! Pour cette raison la fréquentation de ce livre n'est pas inintéressante, mais elle doit être prise pour ce qu'elle est : un simple divertissement, ce qui n'est déjà pas si mal !

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Soie

Publié le par Yv

Soie, Alessandro Baricco, Ed. Albin Michel, 1997 (121p)
Hervé Joncour habite le sud de la France dans les années 1860. Depuis quelques années, il fait le commerce des vers à soie et ça marche plutôt bien. Mais une année, une maladie affecte les vers. Il est alors obligé d'aller en chercher au Japon et fait un voyage qui dure trois mois pour l'aller et autant pour le retour. Là-bas, il fait affaire avec Hara Kei. Une jeune fille de la suite de cet homme, aux yeux qui "n'avaient pas une forme orientale" et qui sont d'une "intensité déconcertante," fascine et attire Hervé Joncour.
L'auteur dit de ce livre : "ceci n'est pas un roman. Ni même un récit. C'est une histoire." J'ai même envie d'ajouter que c'est un conte, tellement en la lisant on a un sentiment d'irréalité. La lenteur inhérente peut-être à un siècle moins rapide que le nôtre -imaginez, trois mois de voyage de la France au Japon-, mais peut-être aussi au thème traité : les vers à soie qui prennent leur temps pour fabriquer une soie naturelle, met en avant toute la poésie du texte, des personnages et de l'ambiance générale du livre. Une histoire pas à la mode, donc indémodable, qui se lit rapidement avec un plaisir évident.

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Les onze

Publié le par Yv

Les onze, Pierre Michon, Ed. Verdier, 2009
Pierre Michon écrit sur un célèbre tableau, exposé au Louvre, bien protégé et représentant les onze membres du Comité de salut public en 1794, intitulé Les Onze et peint par le fameux François-Elie Corentin. Ce livre commence par la biographie du peintre, dont on peut voir le portrait à 20 ans -puisqu'on ne connait rien d'autre de son apparence que ce portrait- "sur le mur sud de la Kaisersaal, dans le cortège des noces de Frédéric Barberousse", peint par Giambattista Tiepolo "aux plafonds de Wurtzbourg". (Tiepolo décorait alors le palais d'un banquier allemand, le palais de Wurtzbourg). Ensuite, Pierre Michon déroule la vie de ce peintre, à Combleux sur les bords de la Loire, entouré de ses mère et grand-mère.
J'avais déjà été séduit par l'écriture de l'auteur dans Maîtres et serviteurs, et je replonge à nouveau avec délices dans ce style si particulier, ces belles phrases longues, intelligentes ; chaque mot est à sa place et important : en enlever un c'est rendre la phrase bancale et changer tout le sens. Ce qui dans ce cas serait un sacrilège tellement la langue de Michon est élégante, riche et érudite. Ce n'est pas un livre qui se lit entre deux portes : il demande de la concentration et malgré ces remarques, il reste ouvert à tout lecteur un tant soit peu demandeur de culture et de profondeur. Exercice brillant surtout lorsque l'on sait -je ne révèle rien qui empêche de profiter de cette lecture- que ni le tableau, ni le peintre n'ont existé. Ils ne sont que fiction dans un contexte historique et au milieu de personnages, eux, bien réels.
 

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Madame Bâ

Publié le par Yv

Madame Bâ, Erik Orsenna, Fayard/Stock, 2003
Marguerite Bâ est née au Mali en 1947, sur les bords du fleuve Sénégal. Son petit-fils, Michel a été happé par les sirènes du football et a disparu en France. Pour le retrouver, Madame Bâ doit remplir le formulaire officiel n° 13-0021 de demande de visa. Au fur et à mesure des rubriques de ce formulaire, Madame Bâ se raconte et raconte les siens et son pays.
Quel personnage cette Marguerite Bâ ! Elle raconte son Mali, ses coutumes, "l'Afrique d'aujourd'hui, sans fard ni complaisance". A peine 60 ans de vie dans ce pays et de nombreuses histoires à narrer.
Erik Orsenna, qui connait l'Afrique depuis quarante ans, s'est beaucoup documenté sur le Mali, de telle manière qu'on a parfois l'impression que c'est un Africain natif qui a écrit le livre. Ce qui peut d'ailleurs créer un léger malaise : est-il si bien informé, et raconte-t-il bien ce continent ? Pour vous rassurer, je vous invite à visiter son site et notamment le lien suivant sur ce roman : Madame Bâ.
Le livre est assez long (500 pages en version poche), mais cette longueur, je l'ai surtout ressentie par mon impatience à connaître la fin de l'histoire et ma volonté de ne pas rater une miette de la vie de Marguerite. C'est évidemment très bien écrit, très abordable et le regard de l'Afrique sur la riche France est original  et permet de comprendre l'attirance des jeunes Africains pour les pays du nord.
J'ai voyagé aux fins fonds de l'Afrique avec un guide enthousiaste et pédagogue et qui aime ce continent et ses habitants et qui nous le fait bien ressentir.

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