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Le trou du diable

Publié le par Yv

Le trou du diable, Agnès Dumont, Patrick Dupuis, Weyrich, 2022

Paul Ben Mimoun est flic à Louvain-la-Neuve et ami de Roger Staquet flic à la retraite. Tous deux ont déjà résolu des énigmes : Une mort pas très catholique et Neige sur Liège, avec l'aide de Clarisse Dupuis, une journaliste pour laquelle Paul a un sérieux penchant sans oser le lui dire.

En ouiquende chez sa mère avec Roger, Paul est sollicité pour aider une amie d'icelle dont le respectable professeur de piano vient d'être accusé du meurtre d'une jeune femme. "Erreur judiciaire" clame-telle. Paul et Roger commencent leurs recherches.

Nouvelle enquête du duo et parfois trio lorsque Clarisse se mêle de l'histoire. Entre Namur, Louvain-la-Neuve et Liège et pas mal d'autres noms de petites villes et villages que je ne connais pas : Nismes, Oignies, Couvin, Walcourt, Malonne, Viroinval..., le duo d'écrivains nous fait visiter la Wallonie. Et comme pour les tomes précédents, l'ensemble est très plaisant. Tout coule, tout s'imbrique de belle manière et l'ambiance est légère. Si l'on n'est pas franchement dans une comédie policière, ce n'est pas la grosse poilade mais on sourit souvent et surtout, le duo Dumont-Dupuis colle avec ses mots, ses tournures parfois rares -rendez-vous compte, il ose les imparfaits du subjonctifs- à ses deux personnages principaux. Roger Staquet est un flic retraité, à l'ancienne, plus proche d'un Maigret que d'un Inspecteur Harry et Paul Ben Mimoun, beaucoup plus jeune est élevé dans une tradition policière, décalé de son époque. Cela donne des réparties savoureuses entre les deux, des situations drôles et une émulation intellectuelle pour tenter de comprendre. Et puis, lorsque Clarisse est de la partie, ça change un peu, elle beaucoup plus rentre-dedans notamment vis-à-vis de Paul. Elle dynamise le duo.

L'enquête tient la route jusqu'au bout. Agnès Dumont et Patrick Dupuis l'ancrent dans le territoire wallon, et même si on ne le connaît pas on n'y est point perdu. C'est même assez agréable de s'y balader en si bonne compagnie. J'aime bien le détachement, l'humour léger et très présent de cette série qui je l'espère ne s'arrêtera pas là.

PS : rien à voir mais si un peu quand même, un nouveau site qui répertorie les sites de critiques de livres est né, il s'agit de Livresz, cliquez sur son nom et vous y êtes (Lyvres aussi y est...)

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Henry Miller un rêve parisien

Publié le par Yv

Henry Miller, un rêve parisien, François-Xavier Freland, Magellan et Cie, 2022

Henry Miller est né au mitan de la journée du 26 décembre 1891, à New York. Fils d'un tailleur, Heinrich, et de Louise, femme puritaine, psychorigide et autoritaire. Très vite, Henry s'ennuie, il flâne et lit beaucoup, ce qui n'est pas bien vu dans son milieu. C'est dans les livres qu'il découvre son attrait pour la France et Paris : Rimbaud et Rabelais le fascinent. En attendant, il trouve des boulots, s'y ennuie, se marie, divorce, fréquente June Mansfield et l'épouse. C'est elle qui le poussera à écrire et qui lui paiera le voyage jusqu'à Paris ainsi que lui donnera quelques sous pour y vivre. De 1930 à 1939, Henry Miller vivra à Paris, y croisera Brassaï, Céline, Cendrars... et surtout Anaïs Nin. Ils se rencontrent, s'aiment et s'encouragent tous les deux à l'écriture. En 1934, sort Tropic of cancer, son premier livre, traduit en français une dizaine d'annés plus tard.

François-Xavier Freland fait revivre Miller à Paris et Miller en gestation. C'est à Paris qu'il deviendra un écrivain. Ce n'est pas une biographie qui narre tous les faits et gestes de l'auteur, mais un portrait à un moment donné : les années 30 à Paris. La seconde partie, plus courte évoque les années suivantes et le rapport qu'entretenait l'écrivain avec la France et Paris : ses allers-retours, ses écrits...

L'essai est court et abondamment illustré d'extraits de livres ou de lettres de Miller et quelques autres qui ont écrit sur lui, comme ses proches : Anaïs Nin, Blaise Cendrars, Brassaï ou Alfred Perlès. Ceux-ci sont inclus dans le texte à la fois exigeant et accessible de FX Freland et s'y coulent parfaitement. L'exercice n'a pas dû être simple que de faire coller ces extraits dans sa propore prose, mais l'auteur lui-même belle plume, le fait sans que l'on sente la difficulté. Tout est fluide.

Sans faire l'impasse sur ses frasques, sur son amour des femmes, FX Freland ne s'arrête pas à cela. En son temps, certains l'ont traité de pornographe -il y a d'ailleurs eu un procès en France contre lui pour ce motif et son Tropic of cancer a été interdit aux USA jusqu'en 1961-, mais c'est évidemment très réducteur. On assiste à la naissance d'un écrivain qui influencera bon nombre d'autres, qui libérera l'écriture, un peu comme Céline l'a fait en France, permettant au langage oral une percée remarquée dans le roman. Plus largement, il sera cité par des chanteurs, des écrivains, des artistes de la beat generation, des hippies... et tellement d'autres.

De retour aux USA pendant la guerre, Miller n'aime pas ce qu'il y voit : "L'Amérique change à vitesse grand V. L'industrie de l'armement tourne à plein régime, le pays devient lentement La puissance. Les buildings s'imposent, écrasant les maisonnées. Le bonheur est vertical à en avoir la nausée." (p.136) Lui l'adepte d'une vie simple, anticonsumériste, écolo lorsque l'on ne parlait pas encore d'écologie devrait être (re)découvert par tous en ces temps où la planète va mal. Ce n'est pas la seule raison, mais c'en est une bonne.

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Lettre ouverte au banquier séquestré dans ma cave depuis plusieurs semaines

Publié le par Yv

Lettre ouverte au banquier séquestré dans ma cave depuis plusieurs semaines, Eric Pessan, Le Réalgar, 2016

Le titre de ce court ouvrage est suffisamment clair et explicite pour qu'il m'épargne un résumé.

Malgré le soin apporté aux repas, malgré les livres de Kafka, Pessoa (Le banquier anarchiste) ou Brecht et les siens laissés au banquier séquestré, celui-ci ne supporte pas son enfermement : "C'est à peine si vous relevez la tête lorsque je dépose le plateau repas sur la petite table que j'ai installée dans cette cave pour vous offrir un semblant de confort ; vous ne répondez pas plus à mes salutations qu'à mes questions ; rien sur votre visage hermétique ne trahit que vous entendez ou comprenez ce que je vous raconte." (p.3)

Alors le ravisseur-écrivain écrit cette lettre. Il y raconte sa fatigue de devoir sans cesse se battre pour obtenir un prêt, pour trouver un appartement pour sa fille, pour supporter l'état du monde qu'il lit dans les quotidiens, pour avaler le fait que 84 milliardaires possèdent autant que 3 milliards d'êtres humains... Et les riches de se pavaner, de continuer à polluer encore et encore sans vergogne, sans scrupules, de prendre des airs de supériorité insupportables, de mépriser les petits...

C'est lassant, minant et révoltant et nous nous sentons impuissants à changer le cours des choses : "Je ne sais plus comment agir pour entraver l'avancée vers un monde qui me répugne un peu plus chaque jour. J'écris des textes qui ne sont lus que par ceux qui pensent comme moi, je les écris quand même car, dans toute dictature, le silence est complice." (p.16/17) Eric Pessan est en colère contre les puissants qui nous enjoignent de faire des efforts, de se serrer un peu la ceinture pendant qu'eux se gavent toujours et encore, et encore une fois, je partage l'ensemble de ses mots, je suis de ceux qui lisent ses livres régulièrement -même si j'ai choisi celui-ci sur le titre et découvert le nom de l'auteur après l'achat, car il n'apparaît pas sur la couverture. Je suis tellement dégoûté que je ne lis plus la presse -sauf Le Canard Enchaîné, et l'application France Info, que je viens de désinstaller pour cause de phagocytage footballistique-, ne regarde plus la télévision et n'écoute plus la radio. J'ai besoin de me protéger. Malgré cela, je ressens cette fatigue, cette colère, la même que celle de l'auteur et j'ai envie parfois de faire un texte violent pour évacuer, mais mon talent est plutôt de les lire... Comment voulez-vous que je puisse écrire mieux que ce qui suit :

"La ligne de partage passe entre ceux qui collaborent -même de façon microscopique- au verrouillage du monde et ceux qui ne peuvent plus respirer, dormir ou espérer." (p.15)

Texte court, dans une collection Lettre ouverte chez Le Réalgar, dont pas mal de titres m'ont donné envie. Texte indispensable, ne serait-ce que pour partager la colère...

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La femme aux doigts d'or

Publié le par Yv

La femme aux doigts d'or, Jean-Christophe Portes, City, 2022

Hiver 1792, la Révolution entamée trois ans et demi plus tôt est aux portes d'un grand changement : faut-il un procès pour Louis XVI ? Doit-il être défendu ? Des questions qui exacerbent les divisions entre Girondins et Montagnards, les premiers voulant épargner l'ex-monarque et les seconds voulant le décapiter.

Victor Dauterive capitaine de gendarmerie est chargé d'escorter La Montansier, une célèbre actrice, en Belgique nouvellement occupée par les troupes françaises, pour des représentations patriotiques. Il tombe sous le charme d'une autre actrice, Julie Renard dont la domestique est retrouvée morte quelques jours après leur arrivée. Un mystérieux homme tout de noir vêtu a été remarqué. Malgré la demande de Julie Renard à Victor d'assurer sa sécurité, il doit quitter la Belgique quelques jours, à la demande de Danton. A son retour, l'actrice est repartie en France. Victor décide d'enquêter sur la mort de la domestique et va mettre à jour un complot d'une grande envergure.

Septième tome des aventures du jeune gendarme assez rapprochées puisque la première démarre en 1791. Toujours aussi passionnantes. Le contexte politique est toujours trouble et troublé, dense. Heureusement que Jean-Christophe Portes est pédagogue pour nous remettre en tête les rôles de chacun (il y a même une note explicative en fin de volume). Le roman historique est bon s'il sait s'adresser à tous, et c'est un pari très largement réussi par l'écrivain qui dose impeccablement, histoire et fiction, personnages réels et fictifs. Bref, un régal. Dans un volume un peu plus ramassé que les précédents (330 pages), il n'y a aucun temps mort, rien, tout est nickel.

Pour continuer dans les bons points, ce que j'aime bien dans cette série c'est que son héros Victor Dauterive évolue au fil de ses aventures, avec l'âge et les rencontres. Et dans ce tome, sans doute plus encore que dans les autres. Olympe de Gouges, sa bonne amie, très préoccupée par le futur procès de Louis le dernier et pas très en odeur de "citoyenneté" auprès des sans-culottes pour des écrits polémiques, s'efface au profit de Marie-Anne Pothron, une jeune femme enceinte que Victor a recueillie. Mais ne pourrait-il pas y avoir davantage entre les deux jeunes gens ? Ah, suspense... On sent un tournant dans la série. Septième tome, l'âge de raison pour Victor ?

Tout cela est excellent, JC Portes égratigne sensiblement certains révolutionnaires : "Plus la Révolution avançait, plus Dauterive se désolait du peu d'effet qu'elle produisait dans la classe privilégiée. Le procès du roi, la misère, la guerre aux frontières et les émeutes, tout cela s'agitait comme un tourbillon de poussière devant les vastes demeures des gens riches, sans jamais y pénétrer" (p.161), Victor s'embarque dans une enquête qui le mènera sur les traces de personnes sans scrupules prêtes à tout pour de l'argent, il devra une fois encore faire preuve d'intelligence et de ruse et faire confiance à ses amis, Marie-Anne, le député Charpier, Azur le flic, et Joseph un gamin qu'il a recueilli dès le premier tome. Il y laissera encore quelques illusions, s'étonnera toujours de la cupidité de certains. A tout juste vingt ans, il a déjà beaucoup vécu et donné, mais la valeur n'attend point le nombre des années, paraît-il...

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Un putain de salopard. Guajeraï

Publié le par Yv

Un putain de salopard. Guajeraï, Loisel et Pont, Rue de Sèvres, 2022

Max et Le Manchot sont dans la jungle amazonienne à la recherche de l'avion et du trésor qui y serait planqué. Baïa est seule, le capitaine Rego la cherche. Tous sont poursuivis par les hommes d'Hermann le chef du camp de travailleurs.  Il y a aussi les 3C, Charlotte et Christelle, les infirmières qui se retrouvent dans une situation compliquée et leur amie Corinne qui tente de les en sortir. Puis Magarida, la patronne de la taverne.

Tome 3 de la série, toujours aussi passionnante et dynamique. Courses-poursuites, chassés-croisés, rebondissements. Lorsque l'on croit comprendre les liens entre certains personnages, on doute aussitôt d'eux. Beaucoup de protagonistes sont retors, doubles voire triples, des hommes qui ont vécu des aventures folles et qui n'étaient pas forcément du bon côté. Sans scrupules, prêts à tout pour un peu d'argent.

Scénarisée par Régis Loisel, l'histoire monte encore d'un cran dans ce tome pour nous emporter totalement dans un tourbillon d'action et de surprises. Et le dessin d'Olivier Pont, virevoltant, coloré qui fait la part belle aux personnages mais sait aussi représenter de très belle manière la jungle amazonienne, renforce l'envie de passer du temps là-bas et de connaître le fin mot de l'histoire, mais il faudra attendre les tomes suivants.

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Le père que tu n'auras pas

Publié le par Yv

Le père que tu n'auras pas, Luc Leens, Quadrature, 2022

Les éditions belges Quadrature se dédient complètement à la nouvelle de langue française. Luc Leens est né à Mons, il est traducteur et nouvelliste. Comme le dit Armel Job dans la préface, l'art de la nouvelle c'est de raconter la vie, les souvenirs arrivent par bribes, par époques, les nouvelles aussi se suivent et ne se ressemblent pas. Douze nouvelles forment le recueil de Luc Leens. Douze nouvelles différentes dans les histoires qu'elles racontent, dans le format.

Aucune ne ressort du livre, c'est à dire qu'elles sont toutes très bonnes. Elles parlent de la filiation, de l'abandon, de l'amour, de la mort, de la transmission, des liens du sang, de la différence.

- Bacchus :  Bacchus est sommelier dans un grand restaurant et mis à contribution lorsqu'un inspecteur d'un guide est repéré.

- La peau d'une femme : Émilie est plombière, mal acceptée dans ce monde viril, mais elle a de la ressource.

- Le papillon : Élise s'installe dans un nouveau quartier et tente de faire connaissance avec sa voisine qui semble la fuir

- L'un contre l'autre : 53 ans de vie commune et la Covid qu'elle lui transmet. A l'enterrement, elle se pose beaucoup de questions.

- Le virus de Cooper : après la Covid, c'est le virus de Cooper qui sévit, très différent et s'en protéger est difficile

- La bague : trouver une bague hors de prix dans les affaires de sa défunte femme amène ce veuf à se poser des questions sur la fidélité d'icelle

- L'aveu d'Éva : Lorsqu'Élise répond à ce numéro inconnu, c'est Eva sa grand-mère qu'elle ne connaît pas qui lui parle des raisons de l'éloignement de sa mère

- Que je porte en moi : Thomas est nez pour un parfumeur. Arrivé dans un festival, il fait la rencontre d'une jeune fille qui porte une fragrance qui l'intrigue

- Le féminin de preux chevalier : Quelques semaines après la mort de sa mère, Élisabeth reçoit une lettre qui lui raconte l'enfance de celle-ci, dans un pensionnat catholique

- Le plus beau jour de sa mort : Une maman, quelques jours avant sa mort répond à sa fille et lui explique le plus beau jour de sa vie

- Le dernier mot : l'éloge funèbre d'une capitaine de gendarmerie piégée par un trafiquant de drogue

- Le père que tu n'auras pas : Isabelle est une femme superbe qui ne vit pas bien qu'on ne s'intéresse qu'à sa plastique et qu'on la fuie lorsqu'on s’aperçoit qu'elle est capable de raisonner, de réfléchir.

Beaucoup de femmes dans ces nouvelles, qui se posent des questions sur la maternité, qui veulent la parité, l'égalité, qui parfois subissent coups, brimades, habitudes machistes... Des femmes de tous les jours, les hommes itou. Les histoires de Luc Leens sont celles de nos voisins, de nos ami(e)s, de nos proches ou de gens que l'on côtoie, croise quotidiennement. Émotion, humour, tendresse, poésie, c'est tout cela que l'on trouve dans ce joli recueil

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Marc Édito : l'homme idéal

Publié le par Yv

Marc Édito : l'homme idéal, Piotr, Intervalles, 2022

Marc Édito, célèbre critique d'art pour Art Niouze est installé à New York, mais suite à un accident bête, il se sent obligé de rentrer à Paris. Marc est préoccupé par plusieurs choses : son prochain livre pour lequel il doit trouver un éditeur, sa fille Zaza qu'il ne voit que trop peu et son impuissance sauf pour une femme en burqa. Cette femme, Afaf est l'attachée de presse de Daesh, et Marc ne rêve plus que de la revoir, ce qui attire l'attention de l'organisation terroriste et des services de renseignements français. Et Marc a le don inné de se mettre dans des situations embarrassantes voire humiliantes.

Marc Édito est né dans les années 70 dans le journal L'écho des Savanes et il me souvient l'y avoir croisé. Je me rappelle ses lunettes et sa couleur verte plus que ses aventures. Trente ans après sa dernière apparition, le voici qui revient dans une bande dessinée au départ prévue en 2020 chez un autre éditeur qui a jeté l'éponge suite au soutien de Piotr Barsony à la journaliste Zineb El Rahzoui menacée par des islamistes. Ce sont les précieuses éditions Intervalles qui reprennent le flambeau et publient ici leur première BD.

Et je comprends dès le début que certains puissent être mal à l'aise avec Marc Édito -pas jusqu'à le censurer ou le menacer-, car il parle de tous les sujets : l'art bien sûr, la création, la critique, mais aussi le terrorisme, le port de la burqa qu'il érotise, l'impuissance, les diverses obsessions, le sexe, la paternité... Tout est prétexte à la futilité, à la déconnade, à la moquerie et finalement à une réflexion assez profonde sur ce qui nous gouverne et nous pourrit la vie : l'intégrisme religieux, les médias qui montent en épingle un fait divers, mettent sur un piedestal un quidam dès lors qu'il fait quelque chose de pas commun et qui le descendent dès qu'il fait un pas de côté ou se plante, la pudibonderie croissante...

La manière d'aborder tout cela avec un décalage et un humour évidents, un personnage un peu lourd qui ne voit jamais le mal autour de lui et qui se met dans des situations dans lesquelles il est le mal, un dessin très coloré certes, mais osé parfois, ne sera pas du goût de tout le monde. Personnellement, j'aime beaucoup, c'est parfois bête -et ça me fait rire-, Piotr ne respecte rien, détourne tout et ça j'adore. Rire de tout n'est pas toujours aisé, on prend le risque de se mettre à dos plusieurs parties de la population, parfois totalement opposées, mais qu'est-ce que c'est bon!

Alors, pour une bonne tranche de rigolade mais pas seulement, n'hésitez pas, lisez Marc Édito.

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Les disparus ne le sont jamais vraiment

Publié le par Yv

Meurtres en Bretagne. Les disparus ne le sont jamais vraiment, Stéphane Pajot, La geste, 2022

Mathieu Leduc, le journaliste-enquêteur favori de Stéphane Pajot retourne en enfance, auprès de Mâ, sa grand-mère, dans le village de Tréhorenteuc, en plein pays de Brocéliande, à écouter les histoires fantastiques et effrayantes qu'elle lui raconte. Veuve d'un as cycliste, acrobate, Mâ aime son pays et ses légendes auxquelles elle croit et fait croire. Le petit Mathieu est fasciné. Puis, Mâ meurt, Mathieu s'éloigne de Brocéliande et se dirige vers le pays nantais. Mais il y a toujours un coin qui lui rappelle Tréhorenteuc et Mâ.

Des années plus tard, des décès soudains le replongent dans son passé et dans les souvenirs de ses disparus, qui, en Bretagne, ne le sont jamais vraiment. Il enquête...

Stéphane Pajot est journaliste culture dans un quotidien du pays nantais, il connaît la ville, ses moindres recoins, ses personnages typiques, connus ou marquants, les anecdotes qui les entourent, les divers changements de la ville au cours des années qu'il traque avec sa collection de cartes postales et dévoile sur ses divers comptes sur les réseaux sociaux. Stéphane aime semer dans ces livres les traces de tel ou tel personnage, ses acrobaties -car il aime les acrobates, les freaks, les chanteurs de rues, les clodos flamboyants...- décrire tel monument ou installation qui n'existe plus. Quand on connaît ses livres, on se plaît à chercher où il a pu les cacher, et quand on ne les connaît pas, ce qui entre nous est une faute impardonnable, ils donnent des couleurs, une ambiance.

Pour ce roman, l'auteur quitte un peu Nantes pour la Bretagne profonde, celle de Brocéliande et de ses légendes. Mathieu Leduc a délégué à moins impliqué que lui les recherches qui vont assez vite flirter avec le fantastique, l'immatériel. Les âmes errantes des morts, les Dames Blanches... Et la forêt de Brocéliande, terre de légendes s'il en est -je m'y suis perdu une fois- et le typique village de Tréhorenteuc. 

Stéphane Pajot écrit là un roman noir, un roman d'ambiance, de ceux qui laissent une présence longtemps après l'avoir lu : la force de l'imagination et de la visualisation. J'aime beaucoup les romans de l'auteur. Il sait, à chaque fois, se renouveler tout en gardant une voix personnelle reconnaissable.

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Têtes d'enterrement

Publié le par Yv

Têtes d'enterrement, Gauthier de Fauconval, Le lion z'ailé de Waterloo, 2022

Albert a 93 ans et un cancer qui lui laisse encore 6 mois de vie maximum. Ses enfants, Marc, Claire et Charles, quinquagénaires, ont construit leurs vies bringuebalantes, entre le manque d'amour d'Albert, trop absent, des métiers peu enthousiasmants et des mariages qui boitent. Ils se sont faits à l'idée que leur père allait prochainement décéder. Aussi lorsqu'à une fête de fin d'année Albert leur annonce qu'il a décidé de ne pas mourir, la surprise précède de peu la stupeur, la déception et la colère. Et si cette annonce était la goutte d'eau de trop ?

Gauthier de Fauconval est comédien et Belge. Cela arrive à plein de gens bien. D'être comédien. D'être Belge. Et même les deux à la fois. Il ajoute avec ce premier roman la case écrivain. Et il s'en sort bien, malgré un passage trop long -mais je n'en dirai pas davantage pour ne rien dévoiler de l'histoire-, disons que j'ai lâché à un moment et puis j'ai repris le fil un peu plus loin jusqu'à la fin. Le ton est constamment entre humour, légèreté et gravité. Ce n'est jamais hilarant mais on sourit beaucoup et souvent, et le dans le dramatique, il y a toujours une once d'humour, de décalage, comme s'il ne fallait point prendre la vie trop au sérieux. De l'aigre-doux. Cette manière de ne pas trop se prendre au sérieux, que j'associe beaucoup à l'humour -mais pas seulement- belge.

Albert est touchant sur ses vieux jours, sans doute ne l'a-t'il pas été plus jeune. Ses enfants sont des gens fatigués qui subissent leurs vies, leurs conjoints qui ne peuvent pas concevoir que ce qui a été écrit -la mort prochaine d'Albert- puisse ne pas advenir, que leur père nonagénaire espère encore des années de vie alors qu'eux-mêmes vivotent péniblement. Ils ne sont pas méchants, ni antipathiques, ils sont usés.

Tout cela est bien décrit et Gauthier de Fauconval d'aborder des questions sur l'amour, sur la transmission, la qualité de vie : vaut-il mieux une vie courte et intense ou longue et un peu morne ? Sur la mort, la vie éternelle, la vieillesse, la peur du changement... "Et si nous échouions ? Si notre tentative de réinventer notre vie se soldait par un échec et que nous n'avions finalement rien réussi d'autre que d'amasser plus de frustration, plus de souffrances." (p.125) Un des mérites de ce roman est de décrire des personnages réalistes dans des situations qui le sont un peu moins, de creuser au plus profond d'iceux, de ne pas les juger malgré leurs défauts et de faire tout cela de manière très plaisante.

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