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coup de coeur

J'ai mille ans...

Publié le par Yv

J'ai mille ans..., Jean-Marie Quéméner, Récamier, 2023

"Amal est née au milieu de nulle part, dans un village d'orpailleurs et de contrebandiers au nord du Soudan, à deux pas de rien, dans la Maison rose, tout à la fois bordel et prison, habitée par des femmes magnifiques. Dont sa mère, splendide candace, majestueuse et protectrice.

L'exil comme seule issue, mère et fille quittent leur village, et se lancent dans un voyage peuplé de rencontres, d'amis, de dangers et de prédateurs. De rires et de pleurs. La Méditerranée puis l'Europe en ligne de mire. Le désert, ses nomades et ses guerriers, en mirage." (4ème de couverture)

C'est Amal qui raconte cette histoire, ce terrible voyage : "Je viens de naître. J'ai mille ans.[...] Je n'ouvre pas encore les yeux, mais je ferme déjà mon cœur. La poudre aurifère cristallise les sentiments. L'âge d'or est de fer et de pierre. Rien de très nouveau, seulement la très ancienne alchimie humaine : une pincée de misère, une pleine poignée d'hommes et le goutte-à-goutte de la solitude transforment les lingots jaunes en plomb et l'homme en animal. Je sais. J'ai mille ans." (p.9/11)

La première chose qui me frappe dans ce roman c'est la langue dont use JM Quéméner : très belle, poétique, descriptive, qui sait s'attarder sur ce qu'il y a de beau dans les paysages, les personnes pour contrebalancer le sordide, l'inhumain, le violent. Certaines phrases résonnent comme des adages, des aphorismes : "J'ai mille ans et j'ai vu des milliers d'amulettes, il y a celles qui vous protègent et celles qui avivent le souvenir. Les deuxièmes sont bien plus efficaces que les premières. Et bien plus dangereuses pour ceux qui s'en servent, puisqu'elles vous font courir à reculons vers le passé." (p.137)

Et dans toute cette beauté, il y a Amal et sa mère et quelques belles rencontres. Amal avec ses mille ans sait les risques et comprend que des hommes et des femmes les prennent, qui aspirent à une vie meilleure, à la liberté, à fuir les violences, la torture, les humiliations, la guerre et qui espèrent beaucoup de l'Europe et qui ne savent pas vraiment que nous ne les accueillerons pas décemment. JM Quéméner décrit le parcours de tous ceux qui quittent leur pays pour continuer à vivre, pour se mettre à l'abri. L'exil est une décision difficile à prendre et personne ne le choisit à la légère.

C'est un roman puissant et fort, qui par tant de beauté et d'humanité fait monter les larmes et la honte d'être dans un pays qui malgré son histoire, ne sait ni ne veut accueillir ceux qui fuient l'horreur. Amal et sa mère sublimées par la superbe écriture de l'auteur, sont tellement belles, fortes et dignes que l'on resterait bien plus longtemps avec elles. J'ai été totalement emporté, subjugué par ce roman, qui tord le cou aux théories fumeuses des imbéciles qui osent prétendre que ceux qui quittent leur pays le font par confort. Nul n'est capable de supporter tout ce que décrit JM Quéméner par envie de confort, c'est déjà insupportable pour la survie. Les réfugiés qui bravent autant de dangers devraient avoir toute notre admiration, notre empathie et notre aide plutôt que le mépris et l'indifférence.

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Untoten

Publié le par Yv

Untoten, Eric Pessan, L'attente, 2023

Une altercation dans un train entre une bande de jeunes gens et un cinquantenaire fatigué. Un incident sur la ligne. Le train s'arrête en pleine voie. Les gens descendent. Plus tard, l'homme est retrouvé affalé le long d'un hangar. Mort ? Sans doute. "Untote, dit le garçon penché vers lui. [...] tote, c'est la mort, untote, c'est le mort-vivant, ou plutôt, littéralement, le non-mort."(p.36), dans la langue allemande qu'étrangement parlent les réfugiés qui le trouvent.

Ce texte dans lequel l'auteur s'adresse à l'homme en le voussoyant est magnifiquement écrit. L'écriture d'Eric Pessan est comme toujours, fine, délicate, élégante, précise et belle. Mais qu'il va m'être difficile d'en parler, tant il est dense et m'a chamboulé.

Je l’ai lu comme un cinquantenaire, ce que je suis, ce que sont l’homme du train et l’auteur du livre, qui espère toujours en des lendemains qui chantent mais les voit s’éloigner tous les jours un peu plus. Dont toutes les valeurs, tout ce à quoi il croit, la liberté, l’égalité et la fraternité ont du mal à exister encore. Sommes-nous libres dans un état qui réprime violemment les manifestations ? Sommes-nous égaux lorsqu’il suffit d’être d’une couleur de peau foncée pour se faire davantage contrôler -et pire encore-, lorsque l’orientation sexuelle devient une source d’injures et de violence, lorsque le fait d’être une femme vous expose ? Sommes-nous hommes lorsqu’un homme malmené dans un train ne reçoit aucun soutien -et je ne sais pas ce que j’aurais fait dans une telle situation-, lorsque certains archi-milliardaires se gavent pendant que d’autres ne trouvent ni de quoi se loger ni de quoi se nourrir ?

Il flotte dans l'air depuis plusieurs mois une ambiance pas saine, glauque, entre un gouvernement sourd aux manifestations, une guerre à nos portes, des réfugiés mal accueillis, des idées d'extrême droite qui deviennent virales et la base de discussions normales, que même le gouvernement et le président reprennent à leur compte, la planète qui n'en peut plus et donc des bouleversements climatiques en tout genre. Bref, ça va plutôt mal, et cela Eric Pessan le ressent et le transmet admirablement dans son texte, dans ses textes en général. Il parle de ce qui met mal à l'aise, cette seconde où l'on peut relier délinquance et immigration lorsque l'on est importuné par des jeunes aux peaux foncées, et ce regret immédiat d'y avoir songé, parce que cela va à l'encontre de toutes ses valeurs, mais l'ambiance, le relais médiatique et politique quasi permanent des idées fascistes et racistes, tout cela imprime en nous malgré tout...

Mais revenons au livre, et à ce qui concerne les Untoten. Eric Pessan, en mettant en scène des réfugiés qui se trouvent étonnamment l'allemand en langue commune, explique les différences entre zombies et morts-vivants et pourquoi nous sommes des zombies et pas des morts-vivants. Le mort-vivant a un cerveau, il peut encore s'en servir, c'est d'ailleurs pour cela que pour l'anéantir il faut lui couper la tête. Le zombie est un homme auquel on a ôté -ou lavé- le cerveau. Il n’est qu’un corps qui obéit aux ordres, qui courbe le dos "...il travaille, il ne connaît pas la fatigue, il ne connaît pas la révolte, il est un robot de chairs et d’organes, il accomplit mécaniquement les besognes dans de lents gestes vacants, le regard saccagé. Il est la masse laborieuse qui ne fera pas grève, ne demandera pas de meilleures conditions de travail..."(p.51)

Malgré un sentiment d'impuissance qui naît de cette lecture, voire du pessimisme sur notre avenir, celui de notre société et de la planète, il en ressort qu'il faut continuer de lutter pour ses valeurs, qu'il ne faut pas se résoudre à accepter les idées nauséabondes de l'extrême-droite, qu'il faut persister, expliquer, lutter. Un livre qui remue et dans lequel la foi en l'humanité persiste malgré tout.

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La femme à l'étoile

Publié le par Yv

La femme à l'étoile, Anthony Pastor, Casterman, 2023

Montana, fin du XIXe siècle, Zachary fuit ses parents, sur le dos de son cheval Boots, dans la neige. Il cherche le village de Promesa, pour s'y retirer. Il finit par y arriver, épuisé, les maisons tiennent à peine debout, le village est désert. Désert ? Non, car Perla, une jeune femme s'y est réfugiée, elle est recherchée pour le meurtre de son mari. Elle accueille très mal Zachary, puis la méfiance fait place à une nécessaire collaboration contre leurs poursuivants.

Si le scénario peut ressembler à une histoire déjà lue, il est beaucoup plus fin qu'il n'y paraît. Zachary fuit la violence du père et Perla celle de son mari. Les violences intrafamiliales sont donc au cœur de l'album, dans une époque où elles sont tolérées voire encouragées, l'homme domine la femme et l'enfant et doit s'en faire obéir. Ça parle aussi de la liberté et du prix à payer pour la conquérir, de la société de l'époque -mais un parallèle peut être fait avec aujourd'hui- qui ne supporte pas les pas de coté, ceux qui ne suivent pas une supposée norme.

C'est aussi et avant tout un western avec les canons du genre : armes, cabanes en bois, chasseurs de prime, chevaux... Et c'est un quasi huis-clos puisque la plus grande partie de l'histoire se déroule à Promesa : Zachary et Perla se rapprochent pour faire face aux poursuivants.

Et ce qui m'a surpris dès l'ouverture de l'ouvrage et tout du long, c'est le dessin et les couleurs, ou plutôt la couleur, un lavis de vert du plus bel effet qui renforce la sensation de froid, la pression exercée sur les deux jeunes gens. Et lorsque la neige tombe abondamment, elle recouvre tout, et ne subsistent alors des arbres et des hommes que de petites taches plus sombres. C'est très beau.

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Colombian psycho

Publié le par Yv

Colombian psycho, Santiago Gamboa, Métailié, 2023 (traduit par François Gaudry)

Bogotá, Colombie, des membres humains sont retrouvés, enterrés en divers endroits d'une friche. Un peu par hasard, le propriétaire de ces membres est retrouvé, vivant, emprisonné pour uxoricide. Le procureur Edilson Jutsiñamuy est chargé de l'enquête, aidé par la journaliste Julieta Lemaza et son assistante, Johana, une ex-guérillera. De découvertes étranges en découvertes macabres, les deux jeunes femmes font la connaissance d'un romancier qui pourrait être menacé par ses romans qui ont une drôle de ressemblance avec l'affaire qui les occupe : Santiago Gamboa.

Sous la quasi ininterrompue pluie colombienne, l'équipe d'enquêteurs se retrouve confrontée à une histoire qui mêle les milices paramilitaires, particulièrement entraînées et efficaces.

Que dire de ce pavé, sinon que c'est un excellent roman ? Foisonnant, qui semble partir dans tous les sens, jouer avec tous les genres et s'en jouer, s'amuser avec les lecteurs et les captiver dans un jeu entre la réalité et la fiction. Que dire d'un auteur qui s'insère en tant que personnage mi-réel-mi-fictif dans sa propre fiction ? Mégalomanie ou envie de s'amuser, de casser les codes ? Évidemment dans le cas de Santiago Gamboa, je penche vers la seconde hypothèse, qui lui permet également de parler de son pays, des années de guérilla, de la corruption au plu haut du pouvoir, des arrangements des politiques avec la justice et avec des gens peu recommandables, pour parvenir à être élus, de milices qui exercent encore un pouvoir certain.

Santiago Gamboa est un conteur hors pair qui nous fait rencontrer un vice-procureur incorruptible et tenace sans une once de violence en lui, originaire d'un des peuples indigènes d'Amérique du sud, les Huitotos, des policiers efficaces, décalés, une journaliste pugnace, une détenue qui souffre d'un trouble dissociatif de l'identité, un détenu démembré et émasculé qui depuis  le féminicide qui l'a envoyé en prison, voue sa vie à Dieu, un gourou, des paramilitaires... Son roman est dense, énergique, sans temps mort malgré son épaisseur de presque 600 pages. Il manie l'humour avec un plaisir évident, l'ironie, le sarcasme, le décalage, l'alternance de belle formule avec du trivial, un sens de la formule qui fait mouche : "C'est fait, collègue, il est sous bonne garde. Il était tout peinard dans sa chambre, du moins avec deux compatriotes spectaculaires de sexe féminin en petite tenue, ou plutôt sans tenue du tout, qui se consacraient à la renommée des services d'escort et de la fraternité latino-américaine." (p.564)

Et son intrigue, alambiquée à souhait, qui nous mène de surprise en rebondissement et vice-versa, qui permet d'explorer la société colombienne, sa justice, tient en haleine le lecteur jusqu'au bout. Bref, du grand art que ce roman de Santiago Gamboa, qui cite abondamment d'autres auteurs, des sud-Américains, des Français... et dont j'ai déjà lu deux autres livres, très différents : Des hommes en noir, un thriller assez dur et Une maison à Bogotá.

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Trafic

Publié le par Yv

Trafic, Galien Sarde, Fables fertiles, 2023

Lorsqu'il croise Manon à Paris, Vincent n'a de cesse de la revoir. Il est bientôt exaucé et leur relation débute, prenant toute la place dans la vie de Vincent qui en néglige son travail. Renvoyé, il consacre son temps à Manon. Ils voyageront en Louisiane, sur les lieux d'un film que Manon a tourné quelques mois auparavant. Film mystérieux qui hante Vincent qui est parvenu à en lire une copie. Il sera aussi question d'un pactole.

Court roman extrêmement bien écrit. De superbes phrases, élégamment tournées, qui, m'ont beaucoup plu. Parfois courtes, souvent longues comme celle-ci : "A la sortie du terminal, ils louèrent une voiture dans une agence concurrencée par d'autres à bout portant, une Chrysler, à bord de laquelle ils traversèrent une bonne partie de la nouvelle ville, toute en hauteur, mirage gris-vert, avant de déposer leurs bagages dans un hôtel bien placé mais mollement sordide, interlope -un jeune homme caressait de manière aguicheuse celle qui pouvait être sa copine dans une petite pièce donnant sur l'escalier qui conduisait aux chambres, l'ascenseur ne fonctionnait pas, resté bloqué dans les années 70, tout comme les meubles et la décoration (inox, formica et velours), la climatisation, très mal." (p.70/71) Cette phrase a en elle pas mal de choses que l'on retrouve tout au long du livre. Je l'ai écrit plus haut, une certaine élégance, une beauté évidente, un rythme chaloupé et quelques jeux avec les mots, que j'aime bien : l'ascenseur et les meubles bloqués dans les années 70,  la concurrence "à bout portant" et l'hôtel "mollement sordide" et qui ont l'avantage d'être très visuels (pour ceux qui, comme moi visualisent leurs lectures).

J'ai aussi aimé l'intrigue, on sent qu'un drame se joue sans vraiment savoir lequel ni de quoi il retourne. Galien Sarde distille les indices à dose homéopathique, joue avec nos nerfs et notre patience. Il use de retours en arrière pour expliquer la situation des deux amants, de zones de flou pour maintenir la tension. Le tout est habilement et subtilement mené.

Dans ce roman très beau, l'histoire tient le lecteur de bout en bout, mais je dois dire que ce qui m'a totalement charmé et convaincu, notamment que Galien Sarde est un auteur très talentueux, c'est son écriture. Je vais peut-être faire vieux con -comme dirait l'autre, j'ai l'âge-, mais lire de si belles lignes, en un français irréprochable, bien que trituré, bouleversé, dansé, agrémenté de mots rares, de nos jours où le vocabulaire a tendance à se simplifier voire m'est parfois devenu totalement abscons -surtout s'il emprunte sans intérêt pour la qualité ou la finesse à d'autres langues-, fait un bien fou. Alors merci Galien et merci Fables fertiles, éditeur que je découvre.

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Le poulain

Publié le par Yv

Le poulain, Jessica Knossow, Denoël, 2023

2011, lorsque Emmanuelle, arrive à la Pitié-Salpêtrière pour son dernier semestre d'internat, elle veut absolument travailler avec le professeur Renavand, un ponte, de ceux qui peuvent faire des carrières. Elle le veut pour progresser mais aussi par ambition professionnelle. Emmanuelle s'investit à fond pour le rencontrer, fait garde sur garde. Son sérieux et sa compétence finissent par attirer l’œil de celui qu'elle nomme R., et elle devient enfin son poulain. Malgré cela, le parcours qu'il lui reste à faire est long et pénible, semé d’embûches.

Très tenté par ce roman et à la fois sur la réserve tant je ne suis pas attiré par le monde médical, je me suis fait totalement prendre et, heureusement qu'il est court, parce que je n'ai pas pu le lâcher. Tout d'abord et avant tout, j'ai beaucoup aimé l'écriture de Jessica Knossow, sèche, directe. Phrases courtes ou phrases longues très ponctuées, style rapide qui va au plus court : "Les urgences de la Pitié. Pleines. Pléonasme. Ici, la grande salle des urgences, on l'appelle la "Cour des miracles". A cause du monde, à cause du bruit. Mais les miracles, à l'hôpital, je n'en ai jamais vu. Ni ici ni ailleurs. Tous jouaient leur peau, tous voulaient survivre. Les patients à la maladie, les soignants à la nuit." (p.25) On est avec elle dans l'urgence, dans les journées à rallonge, les lieux parfois sordides, et elle nous y aide même avec un plan annoté de sa main (l'organigramme du service de chirurgie viscérale est drôle, dans l'image et dans la description)

Les lieux et l'état de l'hôpital en général sont au centre du livre : l'autrice parle des services qui perdent de l'argent, car les opérations ne sont pas rentables dixit M. Chiffre qui mène un audit. Le mot d'ordre est l'argent : travailler mieux pour moins cher. Optimiser, comme si la santé avait un prix... "Le pire, c'est que bientôt, on va trier les patients : rentable, pas rentable..." (p.94)  fait-elle dire à l'un des médecins. Et l'hôpital prend l'eau, soignants et soignés s'y noient. Et l'on a bien vu comment la crise COVID a exacerbé les difficultés et les manques de moyens. La santé est devenu un bien comme un autre.

Et puis il y a Emmanuelle, qui sacrifie tout à son ambition, qui veut absolument réussir, être reconnue de ses pairs. R. est celui qui le lui permettra. Une jeune femme forte qui doit s'imposer. Elle doute, elle a peur même lors de ses premières consultations "Pourtant j'avais la théorie avec moi, je connaissais par cœur les indications chirurgicales, les risques de complications, j'avais la tête pleine d'organigrammes, de diagrammes, de cases, de listes, de tableaux, de flèches, mais ces connaissances ne parvenaient pas à m'apaiser -et pour cause : les patients ne rentraient dans aucune case." (p.78)

Ce très beau roman, très équilibré, se lit d'une traite. Il m'a bluffé de bout en bout par sa concision et sa précision, j'allais écrire chirurgicale, son rythme. Il décrit les conditions de travail du personnel médical et donc d'accueil des patients, la dégradation d'icelles pour cause de rentabilité exigée en haut lieu et un très beau portrait de femme. Bref, un excellent roman pour lequel ma recension est sans doute un peu confuse tant j'ai l'impression de n'avoir dit que la moitié de ce que j'avais à en dire.

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La couleur des choses

Publié le par Yv

La couleur des choses, Martin Panchaud, çà et là, 2022

"Simon, un jeune Anglais de 14 ans un peu rondouillard, est harcelé par les jeunes de son quartier, qui lui donnent toutes sortes de corvées. Un jour qu'il fait les courses pour une diseuse de bonne aventure, celle-ci lui révèle quels vont être les gagnants de la prestigieuse course de chevaux du Royal Ascot. Simon mise alors secrètement toutes les économies de son père et gagne plus de 16 millions de livres. C'est alors que ses problèmes vont commencer..." (4ème de couverture)

Précisions liminaires : Martin Panchaud est suisse et cet album est paru d'abord en langue allemande en 2020 avant de trouver un éditeur français. Il vient d'obtenir au salon de la bande dessinée d’Angoulême, le Fauve d'or, prix du meilleur album.

Scénario original et drôlement bien mené, entre un jeune qui gagne une grosse somme, des harceleurs pas très futés, un père en fuite, une mère en mauvaise posture, une aide bienvenue d'un détective et des flics partout à la recherche de certains individus de ce beau monde. Plus une baleine bleue qui semble l'intrus totalement déconnecté de l'histoire, mais qui, comme le souligne l'auteur, aura son rôle, éminemment important. Tout cela pour une histoire que l'on suit avec avidité tout au long des 220 pages.

Mais ce qui fait et fera parler et qui retient avant tout et après coup, l'attention, c'est le graphisme. Ici, point de personnages dessinés, ce sont tous des points : par exemple, sur la couverture, il y a Simon en marron et d'autres qui tournent autour de lui. Tout est légendé, et après quelques secondes pour s'habituer, on ne se perd pas. Les environnements sont très carrés, vus du dessus, comme par exemple la course de chevaux, le champ de courses, mais aussi les maisons, les voitures... comme des plans d'architecte. Et puis encore plein d'inventions sur la playlist radio du voyage en voiture, sur la baleine bleue, l'impact des coups reçus au foie...

Qui n'aime que la BD franco-belge sera perdu et détestera sans doute, argumentant que ce n'est pas de la BD (je l'ai déjà lu je ne sais plus sur quel site). Qui aime se faire bousculer, changer ses habitudes de lecture, découvrir, s'ouvrir à toute forme d'expression pourra être décontenancé au départ et prendra un plaisir fou aux aventures de Simon. J'ai adoré cet album original, difficilement classable puisqu'il emprunte au drame, à la comédie, au polar. Bref, un album complet qui en outre, s'orne d'un très belle couverture. Il ne lui manque rien !

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Coups de coeur 2022

Publié le par Yv

Et comme tous les ans, avant les fêtes, je vous propose une liste de mes lectures préférés de l'année. Celle-ci peut servir pour ceux et celles qui n'auraient pas encore fait tous leurs cadeaux...

 

- Le contrat, Ella Balaert, Des femmes-Antoinette Fouque. Tout simplement parce que c'est Ella Balaert et que, comme toujours, son livre est très beau.

- Ferdaous, une voix en enfer, Nawal El Saadawi, Des femmes-Antoinette Fouque. Une force incroyable que ce texte !

- La vie suspendue, Baptiste Ledan, Intervalles. Un roman étrange dans une ville morne au secret bien gardé.

- Ceux qui brûlent, Nicolas Dehghani, Sarbacane. BD au dessin somptueux avec un duo d'enquêteurs très décalé

- La connaissance et l'extase, Eric Pessan, L'attente. Court, dense et puissant. Les réflexions d'un homme face à la bêtise humaine.

- Le poids de cet oiseau-là, Aline Bei, Aldeia. Poétique, très belle découverte

- Nettoyage à sec, Joris Mertens, Rue de Sèvres. BD somptueuse, très peu bavarde. Un héros ordinaire.

- Intolérable. Mémoire des extrêmes, Kamal Al-Solaylee, Perspective cavalière. La difficulté de vivre son homosexualité au Yémen et en Égypte.

- Tryptique en ré mineur, Sonia Ristić, Intervalles. Trois femmes à trois époques différentes pour un très beau roman.

- Les reflets du monde. En lutte, Fabien Toulmé, Delcourt. De la BD reportage excellente.

- L'évidence du vrai, Viviane Cerf, Des femmes-Antoinette Fouque. C'est Viviane Cerf, excellent comme toujours.

- L'archipel d'une vie, Andreï Makine, Seuil. Un dépaysement totale et une écriture magnifique.

- RIP. Fanette, Gaet's et Monier, Petit à petit. Pénultième tome. Vite la suite et fin...

13 titres, dont 3 chez Des femmes-Antoinette Fouque, 2 chez Intervalles et 1 pour une nouvelle maison Perspective cavalière. 4 BD. Je n'atteins pas encore la parité : 5 femmes et 9 -car un livre à 2- hommes.

Bonnes fêtes à tous

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RIP. Fanette

Publié le par Yv

RIP. Fanette. Mal dans la peau des autres,  (tome 5), Gaet's, Monier, Petit à petit, 2022

Fanette s'ennuie derrière le bar du rade minable dans lequel de pauvres types viennent boire leurs coups. Dans le lot des habitués, il y a l'équipe des nettoyeurs de maisons de morts. Derrick, Maurice, Albert, Eugène et Mike. Ce qu'aucun d'eux ne sait c'est que Fanette est flique et qu'elle les surveille. Mise là, à la suite d'une affaire qui a mal tourné, elle ronge son frein, s'emmerde dans les grandes largeurs. Jusqu'à ce que certains détails titillent sa curiosité.

Tome 5 de cette série, toujours excellente. Après les albums consacrés à Derrick, Maurice, Ahmed et Albert et avant Eugène (l'ultime tome, en 2023), c'est Fanette qui raconte sa vision des choses. La bague qui a disparu lors d'un nettoyage et qui cause bien des embêtements et des rebondissements voire met carrément le bordel dans la tranquille vie des (anti)-héros n'a toujours pas réapparu. Fanette n'est pas de l'équipe des nettoyeurs et sa vision des événements est extérieure, elle apporte son lot de détails que l'on colle pour reconstituer l'histoire. Mais que vient faire la police la-dedans ?

Scénario qui ne faiblit pas et dessin toujours au top, cette série est vraiment excellente, dure, noire, sans trop d'espoir en l'espèce humaine et en ses actes. Les mecs sont vils, veules, envieux, violents et vicieux. De la pure fiction, cela va sans dire.

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