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Lettre ouverte aux onze millions de lits français qui dorment sans personne dedans

Publié le par Yv

Lettre ouverte aux onze millions de lits français qui dorment sans personne dedans, Bernard Bretonnière, Le Réalgar, 2022

"Un lit sur six, resterait, le plus souvent, inoccupé, quand la France compte un peu plus de soixante-sept millions d'habitants -vivant dans trente-sept millions de logements. Chambres d'amis sans amis, résidences secondaires sans résidents, couchages de dépannage sans pannes, etc.

Et pendant que ces lits dorment sans personne dedans, pendant que vous dormez seuls, chers lits français, jusqu'à trois cent mille personnes dorment dans les rues de votre beau pays." (p.3)

Partant de ce constat, Bernard Bretonnière propose aux Français qui ont des lits ou des chambres de libres d'héberger des sans-abris, des migrants. Lui-même, après des hésitations dues au discours ambiant sur l'insécurité, le risque de vol, d'agression, et toutes autres sortes de peurs, a franchi le pas et a osé accueillir chez lui un migrant congolais de 28 ans. Et depuis, ses lits ne désemplissent pas. Il se nourrit des rencontres, des échanges avec ceux qui vivent et dorment chez lui. Un seul incident, un homme qui a été entraîné dans un mauvais chemin -mais à l'extérieur, pas chez Bernard Bretonnière chez qui il est resté correct. "Trop beau pour y croire ? Bisounoursitude ? Angélisme boboïque ? Non : stricte vérité. Ainsi, ces deux lits, chez moi, ne connaissent plus le vide, ma maison ne connaît plus l'ennui ni la morosité, nous vivons tous ensemble tellement mieux, tellement plus. Aujourd'hui, et au quotidien, je ne peux plus me passer de leur présence ; elle m'est devenue nécessaire, parce que naturelle, et revigorante, et salutaire, et vitale." (p.12)

Lorsque la réalité n'est pas ce que d'aucuns veulent nous vendre dans les médias et leurs discours moisis. Lorsque la réalité, c'est la rencontre de l'autre. Lorsque la rencontre de l'autre c'est la richesse. Et lorsque Bernard Bretonnière finit par une petite pique bien sentie que personnellement j'adore, une pierre dans le jardin des bien-pensants sus-nommés : "Et, tout soudain, je pense à vous, lits chrétiens surmontés d'un crucifix : oublieriez-vous les Évangiles ? Celui de Matthieu par exemple : "J'étais un étranger et vous m'avez accueilli"... (p.16)

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Lettre ouverte au type haut comme trois pommes derrière la fille à talons

Publié le par Yv

Lettre ouverte au type haut comme trois pommes derrière la fille à talons, Arnaud Friedmann, Le Réalgar, 2018

Se promenant aux alentours de la gare de l'est, l'auteur croise une très belle jeune femme. Il voit également un homme, "à la verticalité contrariée" parce que dire nain pourrait être considéré comme une atteinte à l'intégrité dudit homme. Celui-ci tente d'aborder la femme, disons pour être correct, de manière inélégante. Elle l'ignore et continue sa route. Le nabot, pardon, l'homme "à la verticalité contrariée" ressent cela comme un affront.

Et l'auteur ne réagit pas, par crainte de se prendre un mauvais coup. Six mois plus tard, il écrit à cet homme qui ne le lira sûrement pas. Une lettre tellement bien écrite que c'est dommage que son destinataire l'ignore, mais c'est tant mieux pour nous qui avons la chance de pouvoir la lire. Il explique son inaction : "J'ai failli t'arrêter dans la rue. Te poser la main sur le bras -le truc à ne jamais faire, le contact physique qui m'aurait valu un aller simple vers le bitume, une suite de points de suture, des déceptions quotidiennes devant le miroir de ma salle de bain habitué à renvoyer l'image d'un nez dans l'axe ; pas même la reconnaissance de la fille qui aurait continué son chemin sans se retrourner." (p.12)

Le texte est beau, fait parfois sourire, nous ramène à nos hésitations à intervenir, car avouons-le, qui aurait réagi ? Qui aurait dit au nain de se taire ? L'agression verbale subie par cette jeune femme n'est sans doute pas la première ni la dernière qu'elle entendra dans sa vie et peut-être même dans sa journée. Comme Arnaud Friedmann, je me demande  : "Mec, franchement, est-ce que ça a déjà marché ?" (p.3). Comment certains pensent que leurs techniques de drague lourdes peuvent déboucher sur un rencard ? Et je pense à toutes les femmes, et je les plains, qui quotidiennement se prennent des remarques, des demandes, des sifflets... Arnaud Friedmann aussi, mais lui, il le dit vachement mieux que moi, dans cette collection Lettre ouverte.

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Lettre ouverte au vieux crétin incapable d'écraser une limace

Publié le par Yv

Lettre ouverte au vieux crétin incapable d'écraser une limace, Isabelle Flaten, Le Réalgar, 2022

"Indignez-vous, disait Stéphane Hessel. Dans ce monde d'injustices, de guerres et de menaces incessantes, la matière est abondante. Notre lexique s'enrichit chaque jour de nouvelles révoltes. Mais de la parole à l'acte se pose la question de l'engagement, cet abime parfois infranchissable. Il s'imagine alors en justicier des nobles causes, sûr et certain de répondre présent, l'arme à la main si nécessaire, quand l'urgence l'exigera. Dans ses rêves les plus fous, il passe à l'acte sans hésiter. Face à la réalité, l'histoire n'est plus la même." (site éditeur)

Les va-t-en-guerre, on en connaît tous. Ils s'indignent, vitupèrent, hurlent contre les bellicistes, contre les autocrates ou les tyrans qui étranglent ou massacrent leurs peuples ou les peuples voisins s'il y a quelque chose à gagner, parfois juste une breloque ou l'envie d'étendre un territoire... La bière à la main, les fesses sur le canapé, ces indignés le restent par la parole. L'engagement est tout autre. Qu'il soit idéalement à la défense des plus opprimés, parfois lointains, parfois plus proches : les Yougoslaves d'il y a quarante ans et les Ukrainiens ou les migrants qui passent par la Méditerranée, d'aujourd'hui. Ou qu'il soit encore plus proche, à nos portes : SDF, femmes battues, homos frappés, enfants en situation de danger... On en connaît tous des grandes gueules qui ne bougent pas. Et peut-on leur jeter la pierre ? L'engagement n'est pas aisé, et l'on peut se sentir impuissant, totalement dépassé par les événements.

Le texte d'Isabelle Flaten est virulent, violent. Elle invective les donneurs de leçons, ceux qui ont tout-fait-tout-vu et qui en fait ne font rien. On peut parfois se retrouver dedans tant les tâches sont nombreuses et difficiles. Le travers de ce texte est qu'il est dans ce qu'il dénonce. Il n'est qu'un texte, pas un engagement physique de l'autrice -qui le fait peut-être, elle ne le dit pas. Il pourrait être lu par des millions de lecteurs qu'il ne resterait qu'un texte. Néanmoins, il donne à réfléchir sur la notion d'engagement, et permet de confirmer l'envie que j'ai de m'éloigner le plus possible de ceux qui ont des solutions toutes faites et qui ne les appliquent jamais, même pas à eux.

C'est un texte de colère salutaire, qui comme les autres de cette collection est très bien écrit. Il parle de la fureur des hommes, de leur besoin de détruire qui naît avec eux : "Tu n'avais pas encore saisi que l'histoire était un éternel recommencement, qu'après le massacre venait toujours le repentir et qu'après l'orgie venait toujours la messe. Ta génération a débarqué au beau milieu de l'orgie, l'horreur était derrière depuis quelques temps déjà et devant tout s'annonçait rose, la paix avait été signée pour de bon, une paix, croyais-tu, ferme et définitive." (p.13)

Collection et éditeur à découvrir si ce n'est pas encore fait.

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Lettre ouverte à l'Intendant du Domaine

Publié le par Yv

Lettre ouverte à l'Intendant du Domaine, Pascal Adam, Le Réalgar, 2020

"Intendant du Domaine, je rends publique cette lettre afin que vous ne la puissiez ignorer, car c’est un fait qu’on s’adresse mieux à vous en s’adressant à d’autres, et que l’on ne vous devient vraiment audible qu’en étant si tordu que vous ; et probablement n’a-t-elle, cette lettre, d’autre réponse à attendre de votre part que sanglante, au mieux, quelque discrétion par ailleurs dont vous serez capable. Je ne pense pas, Intendant du Domaine, malgré les fonctions provisoires que vous occupez et que vous voulez croire supérieures encore à ce que réellement elles sont — dans le but inavoué, peut-être même inconnu de vous, d’assurer définitivement à votre orgueil la place de toute raison et d’interdire tout accès à votre personne des conseils de l’esprit —, je ne pense pas, dis-je, que vous ayez jamais travaillé vraiment et conséquemment pu savoir en vrai, au-delà de cette pauvre question pécuniaire qui semble parfois vous obséder, ce qu’est le travail ; et l’échange merveilleux en quoi d’abord il consiste." (p.4)

Si l'on s'en tient au sens premier du texte, on lit la lettre d'un soldat gradé qui s'oppose aux choix de l'Intendant et à sa collaboration avec l'ennemi. Je suis sans doute passé à côté de plein de choses, des références, des allusions... Néanmoins, j'ai trouvé ce texte très beau, qui parfois, juste par un mot décalé, donne un ton inattendu à la phrase, une élégance un peu surannée. Et malgré la sensation de passer à côté d'un truc, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce court texte, parce que l'écriture en est superbe. Parfois, je parviens à choper le sens caché du texte, mais je suis quand même un lecteur premier degré, et là, je n'ai pas pu m'en détacher, la faute sans doute à mon goût pour l'élégance de l'écriture de Pascal Adam.

Cette collection Lettre ouverte au Réalgar comporte déjà plusieurs titres dont certains ici chroniqués (Eric Pessan et Sylvie-E Saliceti) et d'autres à venir, parce que de si bons petits bouquins si peu chers (autour de 5€), ça s'achète en nombre.

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Lettre ouverte de R. Johnson aux négriers

Publié le par Yv

Lettre ouverte de R. Johnson aux négriers. Le nègre parle de l'or, Sylvie-E. Saliceti, Le Réalgar, 2021

Robert Johnson, le pionnier du blues qui aurait vendu son âme au diable pour savoir jouer de la guitare, premier du Club des 27, s'adresse dans cette lettre intense aux négriers, à ceux qui ont érigé la dominance des blancs sur les noirs, aux racistes de tout poil.

Le texte de Sylvie-E Saliceti est puissant, poétique, rempli parfois de références, de noms de la mythologie ou autres, que je ne connais pas ou très peu, mais ça ne m'a pas empêché de le ressentir au plus profond. J'en ai eu des frissons, parfois des palpitations, un peu comme quand un énervement ou une colère monte. Elle parle de négritude, de l'esclavage, de la condition des noirs : "Le nègre parle de liberté, comme l'homme du désert parle de l'eau, mû par quel mirage ? Il cherche le fleuve, là où ne scintillent que les marais dans le couchant. Je me demande si la condition d'esclave, comme la poussière, colle pour toujours à la semelle de nos chaussures ?" (p.13)

Elle parle aussi de repentance, doit-on des siècles après toujours porter le poids des actes de nos aïeux ? J'habite Nantes, port-négrier s'il en est, dois-je m'auto-flageller parce que les armateurs de la ville se sont enrichis grâce au commerce des esclaves ? Que la ville n'oublie pas son histoire, qu'elle y fasse face, c'est nécessaire. Mon rôle à moi, c'est d'accueillir et de me comporter avec tous les gens quelle que soit leur couleur, de la même manière. Et en plus, je ne suis pas raciste, j'aime manger éthiopien, coréen, japonais, créole... j'aime le couscous et le tajine et tellement d'autres plats d'origines diverses... (avis aux grincheux, c'est évidemment une plaisanterie, pas que j'aime les plats sus-nommés, mais qu'on puisse les associer au racisme, même si certains politiques ne s'en privent pas : "Je ne suis pas raciste, ma meilleure amie est tchadienne" dixit Nadine Morano, ou encore celui qui exhibe une photo de sa femme noire...)

Sans doute, pour paraphraser Eric Pessan dans une autre Lettre ouverte..., ce texte ne sera-t'il lu que par des gens qui pensent comme l'autrice. Dommage pour tous ceux qui ne l'ouvriront pas, ils passent à côté d'une écriture superbe, d'une force et d'une poésie présentes de bout en bout et du blues de Robert Johnson qui accompagne le tout. Et si certains, dont moi, sont mal-à-l'aise voire choqués par le mot nègre, voici un dernier extrait : "Nègre : je ne supprime pas le terme. Ce mot en créole désigne un homme, et vous voulez le décapiter ? Ce mot m'appartient. Je me l'arroge. Ce mot, il nous faut le reprendre. Il est le nôtre. Il est le vôtre. Il est né mille fois. [...] La négritude est cet envol de milliers d'oiseaux au-dessus du lac Tanganyika ou du lac Ontario -une liberté de poètes aux ailes damassées qui tissent le linge au long temps de la langue..." (p.11)

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Lettre ouverte à celle qui dévorait les hommes avec leur consentement

Publié le par Yv

Lettre ouverte à celle qui dévorait les hommes avec leur consentement, Jacky Essirard, Le Réalgar, 2019

Un homme écrit à la femme avec laquelle il a partagé des nuits et des journées d'amour, sans sortir de la chambre. Des moments où chacun se découvre au propre et au figuré. Il se plie aux désirs de cette femme qu'il aime.

C'est un très beau texte, poétique, sensuel, davantage une nouvelle qu'une lettre à une amante adressée. L'amour, la petite mort, la mort. Tout, il raconte tout. "Jamais rassasiés, nous explorions nos corps à la recherche de carrefours érotiques, d'angles inconnus, de portes magiques ouvrant sur le jardin des délices. Doigts et langues en action nous provoquions chez l'autre des vagues de chaleur, une respiration haletante. Toute la peau était en effervescence." (p.9)

Ode à l'amour physique, aux étreintes, à l'union des corps. Une autre belle découverte dans la collection Lettre ouverte du Réalgar dont je ne peux pas dire plus, pour ne rien dévoiler et pour laisser à chacun le plaisir de lire les mots de Jacky Essirard.

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Gisèle

Publié le par Yv

Gisèle, Denis Flageul, In8, 2022

Gisèle, après une vie de travail à l'abattoir est à la retraite. Soixante-quatre ans. Pavillon triste, dans une petite ville bretonne pas forcément plus joyeuse. Veuve, mari décédé du cancer. Seule. Son fils Jean-Marc ne vient presque plus. Lui, la trentaine, toujours pas rangé. Gisèle, elle, n'a pas oublié, lorqu'il était mineur, les multiples trajets jusqu'à la gendarmerie pour aller le chercher. Et là, ça recommence. Tout cela parce qu'un jour, après l'irruption et la fouille brève du grenier par Jean-Marc, deux types sont passés chez elle et l'ont menacée. Elle doit retrouver son fils et leur dire où il est.

Chez In8, on fait des romans, mais on fait aussi dans la nouvelle noire, la collection Polaroïd. Et dire que cette collection est excellente est un euphémisme. C'est dans celle-ci que j'ai déjà lu Denis Flageul, avec Pêche interdite. Changement de décor, même si la Bretagne reste présente.

Elle est attachante Gisèle. Une vie de labeur pour en arriver à une retraite morne. Pas de rêve. Pas les moyens. Plus de fils ou si peu. Des amis ? Même pas. Gisèle, elle clape pas dehors et elle aurait pas dû ouvrir, non pas à la rouquine carmélite, mais aux deux types qui vont l'entraîner dans une histoire noire avec flingue et poursuites. L'écriture de Denis Flageul est sèche, va au plus direct. Pas de temps mort, la vie de Gisèle augmente de rythme. Un court polar drôlement bien mené. Très réaliste, car il parle de gens qu'on croise, qu'on connaît, dans des situations -hors l'intrigue noire- quotidiennes, habituelles. J'aime ça lorsque le polar, le noir s'immisce dans la normalité, surtout lorsque c'est aussi bien fait que cela.

Et puis, il y a toute la partie où Gisèle prend conscience que sa vie est sinon ratée au moins pas vraiment idyllique et que c'est le lot de pas mal de petites gens. Sa belle-fille et son petit-fils aussi : "Elle se refusait à se figurer Karine et Julien dans quelques années. Mais en même temps elle ne pouvait pas s'empêcher d'y penser. Comme si elle savait qu'on s'engage toujours dans les mêmes ornières, qu'on est tous entraînés par le même torrent. Karine et Julien et avant Gisèle et Jean-Marc." (p.37)

Tout cela dans un petit livre avec en plus une bonne tête de chien sur la couverture, c'est tentant, n'est-il pas ?

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Le père que tu n'auras pas

Publié le par Yv

Le père que tu n'auras pas, Luc Leens, Quadrature, 2022

Les éditions belges Quadrature se dédient complètement à la nouvelle de langue française. Luc Leens est né à Mons, il est traducteur et nouvelliste. Comme le dit Armel Job dans la préface, l'art de la nouvelle c'est de raconter la vie, les souvenirs arrivent par bribes, par époques, les nouvelles aussi se suivent et ne se ressemblent pas. Douze nouvelles forment le recueil de Luc Leens. Douze nouvelles différentes dans les histoires qu'elles racontent, dans le format.

Aucune ne ressort du livre, c'est à dire qu'elles sont toutes très bonnes. Elles parlent de la filiation, de l'abandon, de l'amour, de la mort, de la transmission, des liens du sang, de la différence.

- Bacchus :  Bacchus est sommelier dans un grand restaurant et mis à contribution lorsqu'un inspecteur d'un guide est repéré.

- La peau d'une femme : Émilie est plombière, mal acceptée dans ce monde viril, mais elle a de la ressource.

- Le papillon : Élise s'installe dans un nouveau quartier et tente de faire connaissance avec sa voisine qui semble la fuir

- L'un contre l'autre : 53 ans de vie commune et la Covid qu'elle lui transmet. A l'enterrement, elle se pose beaucoup de questions.

- Le virus de Cooper : après la Covid, c'est le virus de Cooper qui sévit, très différent et s'en protéger est difficile

- La bague : trouver une bague hors de prix dans les affaires de sa défunte femme amène ce veuf à se poser des questions sur la fidélité d'icelle

- L'aveu d'Éva : Lorsqu'Élise répond à ce numéro inconnu, c'est Eva sa grand-mère qu'elle ne connaît pas qui lui parle des raisons de l'éloignement de sa mère

- Que je porte en moi : Thomas est nez pour un parfumeur. Arrivé dans un festival, il fait la rencontre d'une jeune fille qui porte une fragrance qui l'intrigue

- Le féminin de preux chevalier : Quelques semaines après la mort de sa mère, Élisabeth reçoit une lettre qui lui raconte l'enfance de celle-ci, dans un pensionnat catholique

- Le plus beau jour de sa mort : Une maman, quelques jours avant sa mort répond à sa fille et lui explique le plus beau jour de sa vie

- Le dernier mot : l'éloge funèbre d'une capitaine de gendarmerie piégée par un trafiquant de drogue

- Le père que tu n'auras pas : Isabelle est une femme superbe qui ne vit pas bien qu'on ne s'intéresse qu'à sa plastique et qu'on la fuie lorsqu'on s’aperçoit qu'elle est capable de raisonner, de réfléchir.

Beaucoup de femmes dans ces nouvelles, qui se posent des questions sur la maternité, qui veulent la parité, l'égalité, qui parfois subissent coups, brimades, habitudes machistes... Des femmes de tous les jours, les hommes itou. Les histoires de Luc Leens sont celles de nos voisins, de nos ami(e)s, de nos proches ou de gens que l'on côtoie, croise quotidiennement. Émotion, humour, tendresse, poésie, c'est tout cela que l'on trouve dans ce joli recueil

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Filles de l'Est, femmes à l'Ouest

Publié le par Yv

Filles de l’Est, femmes à l’Ouest, Albena Dimitrova, Lenka Horňáková-Civade, Katrina Kalda, Grażyna Plebanek, Sonia Ristić, Andrea Salajova, Marina Skalova, Irina Teodorescu, Intervalles, 2022 (sous la direction d’Élisabeth Lesne)

En 2019, à l'occasion de la commémoration des 30 ans de la chute du Mur de Berlin, des filles écrivaines, nées à l'Est dudit Mur se sont réunies et ont décidé de créer quelque chose ensemble. Des textes courts en français sauf ceux de Grażyna Plebanek, traduit du polonais par Cécile Bocianowski, qui parlent de leur naissance et leur jeunesse de l'autre côté du Mur. Ce recueil a été retardé pour cause de crise de COVID, et préparé pour paraître cette année. Les autrices, suite à la guerre de la Russie contre l'Ukraine, se sont réunies et chacune, a écrit un petit texte à ce sujet. Un Post-scriptum au livre.

Pour moi qui suis né au mitan des années 60, j'ai grandi avec l'idée inculquée à l'école et dans les divers médias de l'époque, que vivre à l'est du Mur de Berlin était chose compliquée. Qu'il fallait faire des heures de queue pour pouvoir acheter à manger -quand on avait de quoi-, qu'on partageait des appartements à plusieurs familles et qu'il fallait obéir aveuglément aux autorités... Et puis, ces filles racontent leur enfance plutôt heureuse voire insouciante même s'il fallait "Mimer la bienveillance envers l'autre au quotidien et en même temps se méfier de tous. Je ne me rendais pas compte à quel point vivre ainsi était épuisant." (A. Dimitrova, p.25). Dans les divers pays dans lesquels elles ont grandi : Tchécoslovaquie (actuelle Slovaquie), Bulgarie, Pologne, Roumanie, Estonie, Tchécoslovaquie (actuelle République Tchèque), Russie et Yougoslavie (actuelle Croatie), les femmes avaient des droits parfois bien plus étendus qu'à l'Ouest notamment sur l'avortement, la contraception mais aussi dans le travail où la parité était davantage respectée. A la chute du Mur, la capitalisme s'est engouffré dans ces nouveaux territoires à prospecter et envahir :"Aucun régime totalitaire n'a encore réussi l'exploit de maintenir sa population dans un état d'obéissance et d'addiction prolongée tel que celui que l'Occident a su créer par la consommation permanente transformée en moteur vital." (A. Dimitrova, p.33)

C'est intéressant de lire ces femmes, car leurs souvenirs vont à l'encontre de ce que nous apprenions et voyions, et elles soulèvent des questions importantes sur la place des femmes, leurs droits, sur les régimes totalitaires, le capitalisme débridé et la consommation à outrance...

Et puis, les derniers textes sur la guerre en Ukraine qui réveillent en elles des souvenirs, des peurs, des angoisses qu'elles croyaient enfouies : "Depuis le début de "l'opération spéciale", chaque nuit, je me traîne sans sommeil. J'ai peur qu'en dormant, les images de la Russie de Poutine reviennent se superposer en cauchemars et se confondent avec les images de mon enfance qui tétanisent encore mon corps." (A. Dimitrova, p.123)

"Nous sommes les additions des traumatismes que nous avons occultés, ainsi que de ceux que les générations précédentes, dans le silence souvent, nous ont transmis. Et il suffit parfois d'une seule image pour que tout ce que nous avons remisé dans les greniers de la mémoire resurgisse." (S. Ristić, p.148)

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