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Alice ou le choix des armes

Publié le par Yv

Alice ou le choix des armes, Stéphanie Chaillou, Alma, 2016..,

L'inspecteur Kerrelec enquête sur le meurtre de Samuel Tison. Mis sur la piste d'une ancienne collègue de la victime par une lettre anonyme, il la reçoit, plusieurs jours consécutifs et l'écoute parler de ses relations professionnelles avec Samuel Tison. Alice Delcourt, la jeune femme soupçonnée, par petites touches évoque assez rapidement le harcèlement moral auquel elle devait faire face -et ses collègues aussi-, mené par la victime.

Livre déconcertant, qui n'est pas, je le précise dès mon entame de chronique, un roman policier, bien qu'il se déroule en huis clos au commissariat. Déconcertant, parce qu'il débute très bien, dans un certain suspens, une tension puisqu'on ne sait pas trop où l'auteure et son héroïne veulent nous emmener, et que le rythme et le style de la romancière sont très prometteurs, et parce que ce qui m'a plu au départ a fini par me lasser. Heureusement que l'ouvrage ne fait que 136 pages, sinon, je crois que je ne serais pas allé au bout.

J'aime bien la construction en petits chapitres, un par jour d'audition. J'aime bien aussi le style fait de phrases hachées, qui collent au monologue d'Alice, qui sans doute, comme beaucoup d'entre nous, ne finit pas sa phrase avant d'en entamer une autre : "L'impression aussi que le mécanisme dont elle tentait de rendre compte, ce mécanisme ancré dans la réalité, avec ses étapes, ses effets, ses retentissements. Ce mécanisme, mené par Samuel Tison avec constance et détermination. L'impression donc, que ce mécanisme, pour eux, ne correspondait à rien, ne représentait rien." (p.51) Et puis parfois, ce procédé m'agace, parce que les phrases n'ont pas de sens -on dirait du C. Angot : "Il vivait qu'il régnait sur elle, sur eux, comme sur une basse-cour d'êtres vivants mais faibles et invertébrés." (p.87/88) Dans le même genre, j'ai aimé les répétitions du premier extrait. Stéphanie Chaillou en use pas mal, mais parfois, ça fait grincer des dents : "Les limites de ce qu'elle pouvait faire, de ce qu'il était possible d'assumer qu'elle fasse, qu'elle ferait, qu'elle avait fait aussi. Et elle n'était pas prête à faire n'importe quoi, me dit Alice Delcourt." (p.98/99) Là, je pense qu'elle atteint également les limites de cet autre procédé, le sens est altéré, et la phrase franchement très moche. Déconcertant donc parce que ce qui plaît au départ finit par fatiguer, l'auteure tire trop sur la corde. Déconcertant enfin, parce que je n'ai pas compris les fins de chapitres qui parlent du théâtre d'Alice, je ne dis pas qu'elles ne sont pas belles, mais elles arrivent de manière... déconcertante et ne m'ont rien apporté.

Néanmoins, je dois dire qu'à travers les questions de l'inspecteur et les réponses d'Alice, se révèle une femme qui ose dire ce qu'elle a subi. Le harcèlement moral n'est pas un sujet beaucoup traité dans le roman, je sais gré à Stéphanie Chaillou d'en parler, ce n'est pas facile, et malgré toutes mes remarques précédentes, c'est plutôt bien fait. De la même manière qu'Hugo Boris parlait des gardiens de la paix, dans son roman Police, de ceux qu'on ne voit pas, qui font le sale boulot, elle parle des petites gens, de nous les lecteurs, de ce qu'on peut vivre ou de ce qu'on entend autour de nous. Ce n'est pas une mode très partagée, les romanciers parlant souvent d'eux-mêmes ou de leurs congénères.

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Police

Publié le par Yv

Police, Hugo Boris, Grasset, 2016.....

Virginie est policière, gardien de la paix. Mariée et jeune mère d'un petit garçon. Son couple est en stand-by. Enceinte d'Aristide un collègue avec qui elle a eu une relation, elle a rendez-vous le lendemain pour avorter. Ce soir, elle fait partie d'une mission inhabituelle : conduire un étranger sans papier à l'aéroport, le confier à la Police de l'Air et des Frontières pour un retour dans son pays. Elle fait équipe avec Aristide et Érik. Cette mission, assez simple a priori, se déroulera en grande partie dans un huis clos étouffant qui fera naître chez chacun de grandes questions.

Pas très facile à résumer ce livre si l'on veut ménager le suspense, il me faut être succinct et susciter l'envie de le lire, car il le mérite. C'est ma première lecture d'Hugo Boris et je tombe sur ce court roman au rythme rapide, haché, et bien qu'il ne s'y passe quasiment rien en terme d'action sur les 100/120 premières pages, il est passionnant. La tension monte pour le lecteur mais aussi entre les trois flics dans la voiture, le clandestin tadjik restant étonnamment silencieux et impassible. Le texte est nerveux, vif, phrases courtes et/ou très ponctuées, vocabulaire simple, langage oral -pas mal de dialogues mais point trop. Il faut dire que la tension est plus que palpable entre Virginie et Aristide : ils ont couché ensemble, elle attend un enfant qu'elle ne veut pas garder, son mari ne sait rien ; lui, Aristide, un type un peu lourd, macho, réalise qu'il a laissé peut-être passer une occasion qui ne se représentera pas forcément : Virginie est une jolie femme, volontaire, courageuse, opiniâtre, une bonne policière, pas tout à fait libre mais presque.

Ces trois flics sont fatigués. Fatigués de ce qu'on leur demande de faire, de ne plus pouvoir couper entre vie privée et vie professionnelle. Fatigués des journées à rallonge. Flic, c'est un boulot qui colle à la peau. "En voiture, avant de démarrer, tant que l'anti-car-jacking ne s'est pas déclenché, il reste sur ses gardes. Même en jean, il est encore en tenue. Même au volant, avec les enfants qui chahutent à l'arrière, il est encore en patrouille. Dans les lieux publics, Pascale lui demande d'arrêter de dévisager les gens. C'est plus fort que lui, au point qu'on lui demande parfois : "On se connaît ?". Dans la rue, il insiste pour qu'elle tienne son sac côté immeuble. Dans les transports, pour qu'elle ne sorte pas son portable. Ils ont pour principe de ne pas se quitter fâchés. Parce qu'un jour, ce n'est peut-être pas lui qui l'appellera. C'est qu'il a épousé son travail d'abord, comme tous les flics du monde." (p.106)

Cette nuit sera celle des grands questionnements, des sentiments contradictoires qui les animent. Comment garder sa dignité en obéissant aveuglément aux ordres ? Quid de sa conscience ? De l'estime de soi ? Jusqu'où obéir ? Comment rester soi-même, ne pas avoir honte de ses actes ? Comment exister tout simplement ? Asomidin Tohirov, le clandestin sera le déclencheur involontaire de ce déferlement de questions. C'est lui, bien involontairement derechef, qui mettra les nerfs des trois flics à vif.

Admirablement mené, ce roman. Le style colle aux heurts et aux prises de bec des trois protagonistes, à leurs doutes, leurs questionnements. Il se lit rapidement puisqu'on ne le lâche pas une fois ouvert. Ce n'est pas un polar même si les personnages principaux sont des flics, c'est un roman très fort sur la difficile question qui conclut la quatrième de couverture : "Comment être soi, chaque jour, à chaque instant, dans le monde tel qu'il va ?"

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Le garçon

Publié le par Yv

Le garçon, Marcus Malte, Zulma, 2016…..

On fait connaissance avec le garçon alors âgé de quatorze ans, en 1908 et qu’il porte sur son dos sa mère, proche de la mort et qui veut voir la mer. Il vit avec elle dans une cabane, c’est le seul environnement qu’il connaisse, totalement isolé des hommes qu’il n’a jamais rencontrés que de loin. Lorsque la mère meurt, le garçon quitte la cabane et part sur les routes. Il fera des rencontres, la première dans un hameau à peine moins isolé que sa cabane et peuplé de deux ou trois familles, puis Brabek l’ogre des Carpates et Emma et son père Gustave chez qui il trouvera une famille. Mais bientôt, c’est 1914 et la grande boucherie qui s’annonce surtout lorsque l’on a comme le garçon, vingt ans.

Gros roman (535 pages) de cette rentrée littéraire qui ne devrait pas passer inaperçu, du moins je l’espère sincèrement. Parce que c’est Zulma. Parce que c’est Marcus Malte. Parce que ce roman est formidable. Il possède un souffle et une force rares. Il est écrit en phrases courtes, rapides, mais ne néglige pas pour autant les temps d’arrêt sur les descriptions des lieux, des personnages, des rapports entre eux. Il est tour à tour et parfois tout en même temps, roman naturaliste, puis roman initiatique, puis roman d’amour (très) érotisant, puis roman de guerre et même épistolaire mais dans un seul sens puisque le garçon est illettré. Certains pourraient croire en me lisant à une certaine confusion, mais que nenni, Marcus Malte maîtrise de bout en bout et se livre à un exercice brillant. La meilleure preuve, c’est que l’on ne voit pas vraiment passer les pages et que l’on aurait même envie que cette histoire se prolonge pour passer plus de temps avec le garçon devenu homme.

Beaucoup de références littéraires (Hugo en tête, mais aussi Verlaine, …), musicales (Mendelssohn et ses romances, Liszt, Chopin …), c’est parfois très lyrique, Marcus Malte se laissant aller à des envolées toujours arrêtées par la réalité même si celle-ci peut parfois se trouver emportée par ce lyrisme : "Mais sa beauté méritait-elle vraiment ces lauriers qu’il lui tressait ? Son haleine était-elle, ainsi qu’il le lui susurrait, aussi exquise que la plus exquise des brises du printemps ? L’éclat doré de ses iris aurait-il fait pâlir jusqu’aux rayons de l’astre solaire ? En réalité… En réalité, pourquoi pas ? N’est-ce pas le propre de l’amour que d’éblouir et d’émerveiller ? De rendre divin ce qui ne serait qu’humain ?" (p.207)

Marcus Malte crée un enfant tout neuf, une âme pure et vierge qui s’éveille à la vie des hommes pour le meilleur (la musique, la littérature, l’amitié, l’amour, …) et pour le pire (la guerre). Les pages sur l’amour sont troublantes, très belles, fortes en émotion et je vous le disais un peu plus haut, parfois torrides. Elles sont intimement liées à celles de la découverte des arts et de l’ouverture à ce que la vie offre de plus beau. Marcus Malte aurait pu s’arrêter là et l’on aurait eu un très beau roman d’amour. Mais le destin de son personnage est le plus fort et arrive le roman de la guerre, terrible, violent. Les mots s’enchaînent rapidement, les pages également. Elles laissent un peu groggy et essoufflé. Elles débutent par un chapitre court -une longue phrase de quatre pages et trois phrases très courtes- et assez drôle sur la forme moins sur le fond qui m’ont immédiatement fait penser au poème de Jacques Prévert Les belles familles. Ce n’est pas le seul passage plus léger du roman, mais c’est l’ultime.

Un roman bouleversant qui ne peut pas laisser indifférent. Je ne crois pas que l'on lira des critiques ou articles à lui consacrés qui seront mièvres ou tièdes. Des personnages inoubliables : un garçon innocent qui découvre l’épreuve du monde et une amoureuse passionnée prête à –presque- tout pour sauver son amour. Je n'hésite pas, je le classe en coup de cœur.

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Spada

Publié le par Yv

Spada, Bogdan Teodorescu, Éd. Agullo, 2016 (traduit par Jean-Louis Courriol)....,

Les rues de Bucarest ne sont plus très sûres pour les petits truands, un tueur, vite surnommé Le Poignard sévit et d'un seul coup de poignard les égorge. Sa cible : des repris de justice roms. Les médias se déchaînent et ce qui est un fait divers devient une affaire d'état, un problème à régler de toute urgence avant que les relations internationales même ne se dégradent. La vie politique roumaine est en ébullition, accords, désaccords, alliances de circonstances et coups bas seront les maitres mots pendant des semaines.

Les éditions Agullo sont toutes jeunes, nées en mai de cette année. Elles ont commencé avec deux romans noirs dont celui-ci, Spada. Beau livre, couverture soignée et très réussie -pensez-vous, même le bandeau que d'habitude je jette à peine le livre en ma possession, cette fois-ci, je l'ai gardé- et mise en page de belle qualité, l'objet est donc déjà un succès. Le contenu maintenant. Eh bien, il est à l'avenant de l'objet, réussi lui aussi. Bogdan Teodorescu n'écrit pas ce polar sous l'angle de l'enquêteur qui va chercher des indices, travailler sérieusement et méticuleusement pour trouver la moindre piste, non, pas du tout, il écrit son roman sous deux angles : ceux des dirigeants politiques et ceux des journalistes. Autant vous dire que ces deux mondes qui se croisent, se côtoient voire plus si affinités et souvent affinités il y a -ou s'il n'y a pas, on peut alors parler d'inimitié voire de haine qui lient tout autant les protagonistes- sont un véritable panier de crabes. C'est à celui qui pincera le plus fort, qui ira le plus loin pour obtenir pouvoir et reconnaissance. Un roman de politique-fiction sur base de tueur en série qui décrit des mondes où tout est permis même -et surtout- la trahison. Tous les coups sont bons pourvu qu'ils rapportent, même les plus sordides. Certains n'hésiteront pas à faire monter la haine entre Roumains et Tziganes, quitte à déclencher des heurts violents et la remontée des bas instincts de racisme, xénophobie et de communautarisme. Tout fait est montré, décrit, exagéré et tourne en boucle dans les journaux et télévision : "Avec lui, c'est toute la presse du jour qui accorde une large place aux incidents d'hier au centre de la capitale. Pour ne citer que quelques titres : Sang et violence à Bucarest ; La Roumanie en guerre civile : les Tziganes attaquent un supermarché dans le centre de la capitale ; La police est arrivée comme d'habitude pour compter les cadavres ; Comme au Moyen Âge, les employés d'un supermarché se défendent l'arme à la main contre des bandes d'agresseurs ; Explosion de violence au centre de Bucarest ; L'axe de la violence Constantsa-Movilà-Bucarest ; Maricel Iovista défend un supermarché contre les Tziganes. Et nous, qui nous défend ?" (p.190)

Bogdan Teodorescu montre les rôles de chacun, celui des politiques qui veulent être réélus ou qui veulent la place de l'autre et donc prêts aux alliances avec leurs ennemis d'hier, pas forcément pour le bien du pays, même si cette notion entre en jeu dans l'esprit de certains. Ceux du parti de l'Union Nationale qui profitent de chaque incident mettant en cause un Rom pour parler de patriotisme et de la Roumanie aux Roumains (remplacez Rom par Immigré -Maghrébin est encore mieux- La Roumanie aux Roumains par La France aux Français et Union Nationale par Front National et vous verrez que la montée des extrêmes se base partout sur les mêmes peurs et haines). Chaque homme politique est soucieux de sa place, de sa réélection éventuelle et de sa place dans les sondages, il cherche donc avant tout à éliminer les autres, puisque maintenant, aucun n'est élu sur un programme, des idées, une vision pour son pays mais uniquement en opposition à celui -ou ceux- qu'on ne peut plus voir. C'est sans doute un détail mais ça change tout : le seul but, ne pas décevoir pour se maintenir, et donc lorsque les événements se corsent eh bien chacun tire la couverture à soi.

Les journalistes ne sont pas en reste, cherchant le sensationnel, ce qui fera exploser les ventes et parler d'eux. Collusions, accointances ou même carrément collaborations voire chantages et/ou pots-de-vins sont donc courants pour ne pas dire plus. Ce sont eux qui jouent sur les peurs et les fantasmes du peuple.

Extrêmement bien maîtrisé et mené, Spada est un roman qui pose question sur notre monde actuel. Bogdan Teodorescu analyse et décortique le monde politico-médiatique -et vice-versa. Il a la bonne idée de ne pas verser dans le "tous pourris" qui n'aurait fait que rendre son livre exagéré et ridicule. Même s'il n'y a pas d'enquête à proprement parler, Spada est passionnant, il se lit avec enthousiasme et intérêt grandissant de page en page et même l'abondance de personnages ne nuit pas -trop- à la bonne compréhension du texte.

Un exercice brillant. Une maison d'édition à découvrir, que je retrouverai avec un énorme plaisir pour un autre titre dont je parlerai bientôt.

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Louis Mandrin, la mondialisation de la contrebande au siècle des Lumières

Publié le par Yv

Louis Mandrin, la mondialisation de la contrebande au siècle des Lumières, Michael Kwass, Vendémiaire, 2016 (traduit par Dominique Taffin-Jouhaud)...

Louis Mandrin (1725-1755), issu d'une famille aisée est obligé, jeune homme, de prendre la suite de son père décédé. Après des déboires importants, il devient contrebandier entre la France et la Savoie alors gouvernée par les Princes de la maison de Savoie, en lutte contre la Ferme, l'administration française chargée de récolter les taxes et impôts profitant surtout à certains. Dans la région, Louis Mandrin est encore aujourd'hui très connu. Il fut arrêté en 1755, puis après un procès expéditif, roué et pendu sur la place de Clercs de Valence.

Gros ouvrage d'un professeur d'histoire étasunien qui ne s'arrête pas seulement sur la vie du contrebandier, mais explique les règles en cours à l'époque et remonte même un peu avant, au XVII° siècle, là où les Européens ont commencé à consommer : "Ils remplirent leurs maisons de meubles en bois (lits, chaises, commodes et garde-robes), d'équipements décoratifs (ustensiles de cuisine, poteries, horloges, miroirs et rideaux). Ils achetèrent davantage de vêtements (manteaux, costumes, chemises, culottes, robes et bas) et firent l'acquisition d'accessoires inédits (parapluies, tabatières et montres à gousset). Ils burent et mangèrent davantage (pain blanc, sucre, eau-de-vie) et investirent dans des sorties et des objets culturels (livres, tableaux, pièces de théâtre)(...) La société n'était pas certes saturée de biens au point que nous puissions évoquer une "consommation de masse" car un large groupe de personnes désespérément pauvres et durablement mal nourries resta exclu de cette effervescence." (p.36/37). Puis ce furent le café, le chocolat et les tissus d'Inde qui firent sensation. Puis, les pays européens, pour financer les guerres nombreuses et coûteuses taxèrent ces produits et la consommation -finalement nos dirigeants actuels n'inventent rien. C'est là que les contrebandiers entrent en scène, Louis Mandrin en tête.

Extrêmement bien expliqué et détaillé, ce livre n'est pas un roman et ne se lit donc pas comme tel. Il demande un peu d'attention, mais est à la portée d'un lecteur lambda, la preuve, je l'ai lu. On en ressort fort de l'histoire de Mandrin, mais aussi plus riche de l'économie et de la politique de l'époque, qui se résume à toujours plus de taxes pour financer les dépenses de l'état, rien de nouveau donc. C'est assez troublant d'ailleurs de lire qu'il y a deux siècles et demi, on aurait presque pu prédire ce qui allait nous arriver aujourd'hui. Si l'histoire est un éternel recommencement, je ne saurais trop conseiller à nos élites de lire ce livre, car quelques années après, ce fut la Révolution qui balaya celles de l'époque -bon certes, pour en installer d'autres-, mais on sait comment certains finirent.

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Reconnaissances de dettes

Publié le par Yv

Reconnaissances de dettes, Fabrice Vigne, Le fond du tiroir, 2016.....

Un peu sur le modèle du Je me souviens de Georges Perec, Fabrice Vigne écrit un "Je dois à...". Une vingtaine d'années aura été nécessaire pour écrire, retoucher, faire lire, retoucher et retoucher encore puis finalement publier des chroniques personnelles, voire très personnelles, mais le personnel touche parfois à l'universel, au moins à un partage large, même si l'auteur est un type parfois étrange. Le livre est proposé en trois parties de cent paragraphes chacune : Reconnaissances de dettes, puis : Échéancier à tiroirs, nouvelles reconnaissances de dettes, et enfin : Pour solde de tout compte, dernières reconnaissances de dettes.

Le fond du tiroir est une mini maison d'édition pour ne pas dire micro voire même mini-micro, créée en 2008 par Fabrice Vigne himself, qui, à mon grand regret et au sien sûrement n'a jamais attiré si ce n'est les foules au moins assez d'acheteurs pour rentabiliser -quel vilain mot- les investissements utiles à la fabrication des bouquins. Le fond du tiroir met donc la clef sous la porte mais n'oublie pas avant de partir d'éditer un ultime ouvrage, celui qui, justement va chercher -à la faveur d'une demande estudiantine- dans les tiroirs des textes anciens lus, relus, retouchés, et reretouchés. A mon tour, bien modestement, je vais faire mon inventaire :

Je dois à Sylire d'avoir fait la connaissance de la plume de Fabrice Vigne et de l'avoir suivi en tant que lecteur dans son projet de maison d'édition.

Je dois à Fabrice Vigne d'avoir lu de bien belles pages publiées au fond du tiroir ou ailleurs.

Je dois au Fond du tiroir mes lectures les plus farfelues au moins sur la forme : j'ai monté moi-même mon livre : J'ai inauguré Ikea.

Je vais arrêter là ma tentative de coller au texte de Reconnaissances de dettes, je serai au mieux absolument pas original et au pire, ridicule.

C'est un livre très personnel et pourtant je me retrouve dans beaucoup de questionnements, d'angoisses, de situations, mais évidemment je n'ai pas le talent de l'auteur pour les écrire et sans doute pas le courage d'effectuer le travail de "recherche" en soi et sur soi et surtout pas celui de faire lire à mes proches et plus largement le récit de mes peurs, mes faiblesse voire mes hontes... Donc c'est un autre que moi qui s'y colle et tant mieux, je peux partager sans crainte.

Pour finir, je voulais dire surtout ma peine de voir s'arrêter la belle aventure du Fond du tiroir, mais également ma -grande- joie de tenir entre mes mains le numéro 1 des cinquante exemplaires de Reconnaissances de dettes, puisque j'en fus son premier souscripteur. Je voulais surtout vous dire combien, si vous n'avez pas eu le temps ou la curiosité ou même l'envie -je ne juge pas, chacun fait comme il veut et peut- d'aller sur le site de cette petite maison et de commander un -ou plusieurs- livres, vous êtes passés à côté de jolis ouvrages, originaux, toujours bien écrits, d'excellent qualité quoi... Mais peut-être si vous y allez maintenant, reste-t-il quelques exemplaires en vente ?

Cher Fabrice, au plaisir vous relire très prochainement, il fut très grand le mien de chroniquer vos œuvres fond-du-tiroiresques...

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La patrouille de l'aube

Publié le par Yv

La patrouille de l'aube, Don Winslow, (traduit par Franck Reichert), Livre de poche, 2011 (Le masque, 2010).....

La patrouille de l'aube, c'est une bande de copains, à San Diego, Californie, tous fondus de surf. Il y a là, un sauveteur en mer, un contremaitre de chantier, une serveuse dans un restaurant (Sunny Day), un flic (Johnny Banzai) et un détective privé (Boone Daniels). Tous attendent avec impatience la très grande vague, la déferlante prévue pour dans deux jours, Sunny en tête car elle pourrait alors être remarquée et faire carrière dans le surf. C'est le moment où Petra, avocate d'un cabinet d'assurance débarque pour proposer à Bonne de retrouver une strip-teaseuse témoin-clef dans une histoire d'arnaque à l'assurance (il y en a pour plusieurs millions de dollars). A contre cœur, mais bien obligé pour manque cruel de finance, Boone Daniels accepte ce travail qui le mènera loin, beaucoup plus loin qu'une simple recherche de personne.

Deux remarques liminaires :

- D'abord, ne lisez surtout pas la quatrième de couverture sur laquelle le suspense et les surprises sont totalement déflorés. Mais qui peut bien prendre le sadique plaisir à tout dévoiler ainsi ?

- Un grand merci à deux personnes : Anne Blondat en premier lieu qui, lorsqu'elle était attachée de presse chez Lattès m'a fait parvenir Savages de Don Winslow en me disant que c'était "une référence à ne pas manquer". Moi qui ne suis ni connaisseur ni amateur -l'un découlant sûrement de l'autre- de littérature étasunienne, je me suis pris alors une claque, comme je me l'étais prise quelques années avant avec, dans un autre genre, Jim Harrison. Ma copine Cécile (qui vient d'ouvrir un blog allez-y de ma part, vous verrez, elle est charmante : Sélectrice), avant son déménagement avait ouvert sa bibliothèque et j'y avais choisi ce titre.

Maintenant que les remerciements sont faits, eh bien, je me dois de vous dire, que Don Winslow, c'est vachement bien, même si comme moi, vous n'êtes pas amateur de surf -pensez-vous, je ne sais même pas nager. C'est un roman très parlé qui ose s'attarder sur des points historiques, économiques, sociétaux, sociaux, concernant le surf, la Californie, les États-Unis, ... On y apprend plein de choses et en plus on se fait plaisir, car c'est aussi un roman policier, avec enquête et intrigue qui tiennent très largement jusqu'au bout des presque 500 pages, tant il y a de rebondissements et surprises. Je ne vous en dirai pas plus pour laisser l'entièreté de la surprise, je ne suis pas le type sadique qui écrit les quatrièmes de couverture. En plus, Don Winslow a de l'humour qu'il distille ça et là :

"Vous êtes plus malin que vous n'en avez l'air, en réalité, déclara Petra à Boone.

- Vous ne placez pas la barre bien haut, répond Boone." (p.215)

Et surtout, il y a cette galerie de personnages, les principaux : Boone Daniels, Petra, Johnny Banzai, Sunny Day et tous les autres, ceux de la patrouille de l'aube bien sûr, mais aussi ceux qui gravitent autour, les surfeurs, les trafiquants en tous genres que traquent Johnny et Boone. Beaucoup de questions se posent autour de chacun d'eux, et particulièrement autour de Boone Daniels : pourquoi a-t-il arrêté son métier de flic ? Pourquoi est-il devenu détective mais ne travaille-t-il presque pas ? Et son histoire avec Suny Day va-t-elle durer ? Et Petra au milieu...

Un excellent roman policer, qui a eu une suite L'heure des gentlemen (je viens de relire mon article assez mitigé, je devrais le relire, histoire de retrouver toute l'équipe et de réviser -peut-être- mon jugement)

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Péril au fournil !

Publié le par Yv

Péril au fournil !, Céline Barré, Éd. de la Commune (auto-édition), 2016...,

Dans une France dirigée par un Président incapable, plus occupé de sa propre personne, de son bien-être voire de la satisfaction de tous ses désirs, Francis Ollanzi de son nom, qui prend des décisions qui fâchent, comme celle de regrouper des communes, Jocelyne Lamaseau boulangère de son état et habitante d'une de ces communes appelées à disparaître, se rebelle. Elle décide de mener une véritable révolution contre l'Élysée et compte bien sur le soutien de tous les habitants de Tresville-sur-Mer et des autres villes et villages de France bientôt disparus. Mais la révolution nationale passe aussi par des révolutions locales et personnelles, et c'est tout le village et chaque habitant qui se trouvent chamboulés.

Je vous ai dit tout le bien que je pensais du roman précédent de Céline Barré, Quel pétrin !, et combien il m'a plu grâce à la bonne humeur qu'il dégage et la galerie de personnages tous plus fous les uns que les autres. Bis repetita. On reprend les mêmes et on rebâtit une autre histoires, car et c'est un point positif, si les personnages et les lieux sont identiques, on peut lire ces deux romans indépendamment l'un de l'autre. Je vais passer très vite sur mes toutes petites réserves : quelques longueurs, des passages que je passe plus vite que d'autres car moins intéressants, pour vous parler de l'essentiel : le plaisir de retrouver la fine équipe de purs Français franchouillards. Ils sont excessifs, caricaturaux, se mettent dans des situations ubuesques, loufoques et c'est exactement pour cela qu'on les aime. Céline Barré l'est totalement -je ne crois pas que ce soit un pseudonyme, sinon, il est bien choisi... je pencherais plus vers l'aptonyme.

A propos d'aptonyme, l'auteure s'en sert beaucoup : Kevin Laverge, réalisateur de films porno, Jean-Michel Bowy, patron d'une boîte de nuit, ..., elle use aussi d'un procédé assez drôle qui est de calquer ses personnages secondaires et néanmoins célèbres sur certaines vraies célébrités : Francis Tatanne chanteur has-been, Patrick Truelle autre chanteur, Thierry Stan Koch (TSK) politique obsédé sexuel et ex-candidat à l'élection suprême... On reconnaît les vrais derrière leurs doubles du roman. Les situations dans lesquelles elle place ses personnages sont totalement improbables, décalées, et encore une fois, c'est cette exagération qui fonctionne : son roman est excessif et tant mieux. Même si parfois, on se dit qu'une révolte serait la bienvenue et que ses descriptions des hommes et femmes politiques ressemblent un peu sans doute à ceux qui nous gouvernent depuis des années. Tout est puisé dans la vie actuelle et passé au tamis de l'imagination et du délire de l'auteure. C'est une farce, féroce si l'on y cherche des points communs à la réalité.

Beaucoup d'humour dans ces pages, comme par exemple dans le "personnage" du GPS d'un car qui s'exprime ainsi : "Alors, grand fou, tu vas me prendre la première à droite sinon tu auras une fessée. Virage imminent ! Magne-toi Steve ! T'es un blaireau ou quoi ?" (p.198/199) Et Céline Barré de continuer ensuite avec l'étonnement de Jocelyne quant au langage de Tamara la voix du GPS.

J'ai passé un très bon moment à Tresville-sur-Mer, je ne doute pas qu'il en sera de même pour vous, il reste encore quelques jours de vacances, profitez-en.

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