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Le cas Annunziato

Publié le par Yv

Le cas Annunziato, Yan Gauchard, Minuit, 2016

Alors qu'il visite le musée national San Marco de Florence, Fabrizio Annunziato, traducteur de son état, est accidentellement enfermé dans la cellule numéro 5, anciennement celle du moine Fra Giovanni da Fiesole, plus connu sous le nom de Fran Angelico ou Le Beato.

C'est dans cet espace réduit que par divers concours de circonstances, ou bienheureux ou malheureux aléas, que le traducteur va passer quelques jours en profitant pour méditer et tenter de finir cette traduction à laquelle il ne parvient pas à s'intéresser.

Petite précision pas nécessaire mais culturelle si comme moi, vous n'êtes point calés sur la peinture italienne. Fra Angelico fut un religieux dominicain et un peintre important du Quattrocento qui fit ses armes dans divers lieux religieux et décora le couvent de San Marco notamment d'une célèbre Annonciation. D'où sûrement le nom du héros de ce livre, Annunziato.

Une fois cela dit, ce qui m'a d'emblée plu dans ce roman, c'est l'écriture, le style de Yan Gauchard. Dès l'entame, je sus que ça allait me ravir et la suite me l'a confirmé. J'aime ces tournures travaillées pour obtenir un bel effet, qui ne ressemblent pas à du langage parlé, sauf parfois lorsqu'elles mettent de l'humour : "Le hasard [...] aurait placé le traducteur trentenaire cellule numéro 3 face à l'éblouissante fresque de L'Annonciation, histoire fantasque où l'ange Gabriel visite Marie et lui apprend que, une petite graine dans son ventre mais de grâce, patience, il faut attendre quelques mois, allongez-vous surtout, du repos, du repos avant tout, les travaux des champs ou de l'étable, c'est fini pour vous." (p.17)

Ce sont aussi des descriptions de personnages décalées, qui personnellement, m'enchantent par des détails : "Toc toc, encore ; la porte, toujours. Cette fois, c'est un homme, tout en ovales, à la parure vestimentaire soignée : costume noir impeccable, chemise blanche discrètement amidonnée, mocassins noirs lustrés comme neufs, et comble du raffinement : un nœud papillon audacieusement vermillon, parfaitement positionné." (p.107) J'aime ce "audacieusement vermillon" et le style qui colle parfaitement au type qui entre dans la pièce, raffiné, distingué et un rien désuet.

L'histoire quant à elle est très lente puisqu'il ne s'y passe pas grand chose et est simultanément riche en trouvailles pour faire rester Fabrizio plusieurs jours dans une cellule de moine, en rebondissements une fois sorti qui parlent de l'Italie de 2002 sous le règne de Berlusconi. Et il y a le cheminement de Fabrizio Annunziato, sa surprenante passivité devant ce qu'il vit. Il subit, mais volontairement et y prend goût. Bref, ce premier roman du journaliste Yan Gauchard m'était complètement inconnu, il m'a fallu une visite à la bibliothèque pour le découvrir. On ne dira jamais assez de bien des bibliothèques.

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L'évidence du vrai

Publié le par Yv

L'évidence du vrai, Viviane Cerf, Des femmes-Antoinette Fouque, 2022

Paris, dans le futur : les températures sont tellement élevées qu'on ne peut plus sortir de jour, sous peine de brûler. Les habitants travaillent et vivent, enfin, vivotent ou survivent de nuit. L'air est irrespirable, la faune et la flore ont disparu. La vie n'est que rivalité qui peut vite tourner à une disgrâce et une mort certaine. L'informatique contrôle tout. Des riches qui eux, vivent à l'ancienne, dans le confort dirigent le monde. Mais il y a une Résistance. Souterraine.

C'est dans cette ville éternellement grise, polluée que se croisent Lia l'informaticienne chargée de la sécurité de l’Élysée, Guillaume physicien qui cherche à assainir l'air, Philippe juge d'instruction et Hector homme ambitieux qui par tous les moyens veut arriver au plus haut.

Devrais-je créer une catégorie coup de cœur de coup de cœur ? Si oui, ce livre en fait assurément partie. S'il prend les codes des livres de SF : une élite corrompue qui dirige des hommes fatigués, réduits à travailler toujours plus et vivre moins, et une Résistance active qui tente par tous les moyens de se rendre visible, il le fait par l’intermédiaire de personnages finement décrits, profonds et une écriture tellement belle, à laquelle on ne s'attend pas forcément dans un roman d'anticipation mais que, lorsqu'on a déjà lu Viviane Cerf (La dame aux nénuphars, Amen), on retrouve avec plaisir, joie et gourmandise. J'aime sa manière de construire ses phrases, ses chapitres. Finesse, délicatesse, jeu avec les niveaux de langage, du plus oral au plus poétique. Il y a des pages qui emportent totalement, en fait le livre entier emporte totalement au point de ralentir sa lecture et d'avoir envie d'y passer plus de temps et de -presque- regretter qu'il ne compte que 400 pages !

Et il y a l'histoire et les personnages créé par l'autrice. D'évidents rapprochements avec notre époque, Hector, l'ambitieux prêt à tout, sorte d'Alexandre Benalla, Lia une lanceuse d'alerte qui rien ne destinait à cela...  et des phrases dures et tellement réalistes : "Ils savent que les politiques qu'ils mènent vont conduire à l'appauvrissement de la très grande majorité de la population, et ils les poursuivent, ils savent que les politiques qu'ils mènent vont conduire à rendre l'air irrespirable et ils les poursuivent, ils savent que les politiques qu'ils mènent vont conduire à faire baisser très significativement l'espérance et le confort de vie, et ils les poursuivent." (p.368/369) Bien vu également, le moment de basculement d'un personnage, jusqu'ici assez servile parce que privilégié, qui interroge son existence d'obéissance. Et s'interroger dans ce monde où tout moment de vie, voire les pensées les plus intimes sont surveillées, est dangereux. un homme ou une femme qui réfléchit n'est plus aussi malléable et corvéable.

Viviane Cerf réussit une brillante alliance entre une histoire et des personnages puissants et une écriture somptueuse. Ses deux premiers livres m'avaient intrigué, plu voire emballé, je suis encore au-delà avec ce titre et j'espère qu'enfin cette jeune autrice fera parler d'elle. Elle a une personnalité, une écriture et une voix originales qui emportent forcément l'adhésion. La mienne à coup sûr.

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Le fric ou l'éternité

Publié le par Yv

Le fric ou l'éternité, Paul Chazen Jigal polar, 2022

C'est un peu par hasard que Socrate est devenu tueur à gages. Et lorsqu'il rencontre Nino, après les soirées arrosées et les estomacs remplis de pâtes aux accompagnements aussi divers qu'alléchants, icelui lui cause de La Famille. Qui aurait besoin de ses services. Rémunérés, grassement et missions préparées. Aucune improvisation. Mais tueur, n'est pas un métier comme un autre et la gamberge peut venir tourmenter quelque peu.

Très court roman de Paul Chazen, son premier. Un tueur arrivé là par hasard qui se pose des questions sur son avenir et sur ses actes, ce n'est pas courant : "J'étais sûr de rien, ça c'est sûr. Je ne savais même pas comment je pourrais faire un truc pareil... J'avais même pas l'idée de ce que ça voulait dire, tuer un mec. Putain, flinguer un type, ça s'improvise pas, quand même..." (p.39)

Et ça marche bien, aucun temps mort, des rencontres pas banales, comme quoi le hasard n'existe peut-être pas et le destin met sur sa route les personnes qu'il faut au moment où il faut... Un langage oral, le narrateur, c'est Socrate qui raconte ses rencontres, ses doutes... Une bande-son pas mal -notée à la fin, bonne idée- et des titres de chapitres longs et énigmatiques "A une certaine distance, la dépouille du scarabée ressemble au scarabée lui-même" (p.23). Des références et des emprunts à différents genres. C'est très bien fait et cette lecture se fait vite d'une part parce que le livre est court et d'autre part, et c'est la raison la plus forte, parce que l'on a très envie d'en connaître l'issue. Happy or not happy end ?

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Paris se lève

Publié le par Yv

Paris se lève, Armand Delpierre, Plon, 2022

Pierre-Louis Madec dit PLM est muté de Brest à Paris, dans le commissariat de La Défense. Le lieutenant est plus ou moins bien accueilli par ses collègues, mais le meurtre d'une sexagénaire et le viol d'une jeune femme accaparent l'équipe entière et PLM entre dans le bain sans temps d'adaptation. On est en janvier 2015, la menace semble être partout, et bientôt deux frères attaquent Charlie Hebdo au nom de leur religion et la France est sous le choc. Il faut néanmoins continuer les enquêtes dans une ambiance lourde et une surcharge de travail considérable pour les forces de l'ordre.

Ah, quel dommage que ce roman policier soit si gros, si délayé, si bavard ! Quel dommage parce qu'il est bourré de qualités, mais Armand Delpierre se perd et me perd dans des détails superflus qui ne servent ni l'action, ni les personnages ni le contexte si anxiogène. Presque 500 pages pour un roman qui eût été excellent avec une cure d'amaigrissement.

Une fois cela dit, abordons les points positifs et il y en a plein. L'auteur a le bon goût de ne pas faire de ses flics des antihéros stéréotypés, ils sont réalistes, et se fondraient aisément dans notre entourage. Ils ont leurs problèmes mais n'en sont point accablés, ils cherchent à travailler le mieux possible et font souvent l'impossible. Et l'on sent dans leurs histoires, dans les enquêtes qu'ils mènent, dans les victimes et les témoins qu'ils rencontrent que l'auteur s'est documenté et qu'il a voulu coller au plus près de la réalité.

Il y a aussi le contexte, celui des attentats contre Charlie Hebdo et de la traque des frères Kouachi qui alimenta les journaux, des Français -même ceux qui n'aiment pas particulièrement le journal visé- qui ont réagi en masse.

Les intrigues tiennent la route et même si nous, lecteurs, avons un peu d'avance sur les policiers, le plaisir n'en est pas gâché. Bref, du très bon et du moins bon dans ce premier roman, très largement fréquentable.

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Chaplin contre John Edgar Hoover

Publié le par Yv

Chaplin contre John Edgar Hoover, Laurent Seksik, David François, Rue de Sèvres, 2022

1929, après des succès incroyables, une renommée mondiale, Charlie Chaplin n'a plus goût à faire des films. La Dépression de cette année-là, les millions de pauvres et de chômeurs ne l'incitent pas à la bonne humeur.

Puis, l'envie revient, grâce à Paulette Goddard qui jouera dans Les temps modernes et Le dictateur. Mais Chaplin s'est fait un ennemi puissant John Edgar Hoover qui essaie de l'attaquer sur son penchant pour les jeunes femmes et sur ses sympathies communistes supposées.

Dernier tome du triptyque de David François au dessin et Laurent Seksik au scénario, après, Chaplin en Amérique et Chaplin prince d'Hollywood, qui montre les attaques dont fut victime Charles Chaplin, certes, mais aussi, ses doutes et son envie de toujours se surpasser. Chaplin eut une vie mouvementée, de sa naissance dans une famille très pauvre à sa réussite. Il aima les femmes, jeunes, ce qui déplaisait. Il fut aussi interdit de rentrer aux États-Unis pendant vingt ans entre 1952 et 1972, Hoover était parvenu à ses fins.

Comme pour les deux volumes précédents, l'album est très bon. Il installe les contextes de l'entre-deux guerre, puis la guerre et le maccarthysme et y fait évoluer Chaplin et ses amis. Le dessin virevolte toujours, même si Chaplin fait des films lourds et durs, aux messages profonds. Voilà qui clôt de belle manière ce triptyque consacré à l'un des plus grands si ce n'est le plus grand du cinéma international. Charlot se regarde encore et toujours et pour l'avoir testé récemment avec des enfants, ça marche comme avec nous à leur âge.

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L'Arsène Lupin des galetas

Publié le par Yv

L'Arsène Lupin des galetas. La vie fantastique de Raoul Saccorotti cambrioleur anar en gants blancs, Phil Casoar, Ed. du Cerf, 2022

Grenoble années 30, un mystérieux cambrioleur qui ne visite que les galetas traverse la ville de part en part, monte les étages de nombreux immeuble et fait main basse sur divers objets parfois précieux, d'autres fois moins. La police ne parvient pas à arrêter celui que la presse appellera bientôt L'Arsène Lupin des galetas.

Arsène, c'est Raoul Saccorotti, réfugié italien du début de la décennie, anarchiste, antifasciste, rusé, élégant et généreux, car il redistribue ce qu'il vole aux pauvres et notamment à ses compatriotes émigrés en France : "Au pied de la Bastille de Grenoble commence la montée Chalemont qui grimpe abruptement vers l'ancien couvent de Sainte-Marie-d'en-Haut. Ce raidillon était alors flanqué de bicoques délabrées, dont les fenêtres garnies de linge à sécher donnaient un petit air de Naples à ce coin perdu de Grenoble. Derrière les façades lépreuses, des familles pauvres venues pour la plupart de la ville de Corato, au Sud de l'Italie, s’entassaient dans des taudis aux murs patinés de crasse. Dans la cour, les ménagères frottaient leur lessive dans une bassine sur une planche à linge. De gros rats couraient dans les rigoles du tout-à-l'égout qui serpentait en pleine air à travers courettes et allées nauséabondes. En haut de la montée, le couvent, dont les religieuses avaient été expulsées en 1905, abritait des familles italiennes logées par la ville, avec pour seul point d'eau la fontaine de la cour." (p.62)

Une vie pas banale que celle de Raoul Saccorotti. De sa naissance à sa mort, il vécut mille vies, plus qu'il n'en faut pour faire une série de films à succès. Et là, chacun dirait que les scénaristes ont des idées folles. Phil Casoar a fait un travail de dingue pour rassembler les documents (lettres, photos; articles de presse...), rencontrer des témoins, et condenser tout cela dans un livre -épais certes- passionnant. Et c'est la vie d'un homme "qui épouse les chaos du siècle" : "des bas-fonds de Gênes aux cimes des Alpes, des ruelles de Ménilmontant aux ramblas de Barcelone, des cachots de prison aux camps d'internement, sans oublier la colonie de confinement des îles Tremiti" (4ème de couverture) et sans oublier non plus les rues et les greniers de Grenoble, début de l'enquête de l'auteur. C'est passionnant, on lit aussi les bouleversements du siècle et les peurs, les haines resurgir lorsque la tension monte dans la société.

Il a de la classe Raoul. On est admiratif, on regrette presque de ne pas l'avoir connu. Phil Casoar fait vivre son héros comme personne. Une biographie originale pour un homme qui ne l'était pas moins.

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Keith Haring. Le street art ou la vie

Publié le par Yv

Keith Haring. Le street art ou la vie, Paolo Parisi, Hugo BD, 2022 (traduit par Laurent Laget)

Keith Haring naît à Kutztown en Pennsylvanie, en 1958. Il est initié au dessin par son père, très tôt. Pas très féru d'école, il quitte la Pennsylvanie pour New York à 20 ans et découvre la ville de Basquiat, Warhol... Une ville en pleine cure d'austérité pour tenter d'éviter la faillite, et une ville où la création est omniprésente. Les années 80, les années Reagan sont riches en contestations et le street art commence à fleurir. Mais ce sont aussi les années sida, maladie de laquelle Keith Haring décède en 1990.

On connaît tous les dessins de Keith Haring, ses bonshommes aux simples contours et très colorés qui dansent et son radiant baby, sa signature. Ça paraît facile, simple et très mercantile tant on les voit sur tous les supports. Cet album biographique reprend tout depuis le début, et laisse la parole à l'artiste qui s'est exprimé sur les murs et sur divers supports toujours dans l'idée que l'art soit le plus accessible possible au plus grand nombre. Pour lui, les produits dérivés, T-shirts, tasses, ... ne sont que des moyens de transmettre son art le plus largement possible.

Ce roman graphique de Paolo Parisi est explosif de couleurs : uniquement du rose, du jaune, du bleu, du noir et du blanc. Il montre les artistes au travail, la vie dans le New York des années 80, dans le monde homosexuel et la difficulté de s'exprimer sur les murs dans  l'Amérique puritaine et réactionnaire de Reagan. Très bien fait, comme le précédent sur Banksy ; une série intelligente pour tous qui permet de mieux connaître les artistes du street art.

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Looking for Banksy

Publié le par Yv

Looking for Banksy. La légende du street art, Francesco Matteuzzi, Marco Maraggi, Hugo BD, 2022 (traduit par Laurent Laget)

Claire filme Adam qui tague un mur de Londres lorsque les policiers arrivent et les arrêtent tous les deux. Ils écopent de travaux d'intérêt général : nettoyer les graffitis des murs de la ville.

Ils mettent à profit ce temps pour peaufiner l'envie de Claire de créer une chaîne sur le street art et parlent de l'un des plus célèbres artistes du genre, Banksy.

Très bien ce roman graphique qui fait remonter le street art à l'art rupestre -même s'il n'y avait pas de rue- car cet art "est un dialogue avec l'environnement immédiat. Autrement dit, l’œuvre est créée spécialement pour le lieu où elle est placée." (p.13)

Puis les auteurs expliquent la démarche de Banksy depuis sa première œuvre à Bristol en 1999. Et évoquent les diverses et nombreuses recherches pour savoir qui se cache sous ce nom. Est-ce un homme ? Une femme ? Un collectif ? Les auteurs inclinant vers cette dernière option, sans vouloir le savoir, de peur de démystification et de déception. On connaît tous une œuvre de Banksy, sans forcément connaître son parcours et en cela, la BD est intéressante, car elle replace les œuvres dans les contextes socio-politiques et leur redonnent leur sens initial.

Très bon album qui parle d'art, ce n'est pas si fréquent, et qui est à la portée de tous.

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Qui est l'extrémiste ?

Publié le par Yv

Qui est l'extrémiste ?, Pierre-André Taguieff, Intervalles, 2022

"La notion d'extrémisme est une notion confuse. Censée permettre l'élaboration d'une classification ou d'une cartographie des forces politiques, elle fonctionne surtout comme une forme de diabolisation de l'adversaire. Ceux qui recourent à ce terme polémique négligent souvent de définir précisément ce qu'ils considèrent comme l'expression du Mal absolu. Pour éviter les amalgames, il faut donc commencer par dissocier, dans le discours politique, les réflexes idéologiques des menaces objectives.

Les individus, les groupes ou les mouvements qu'on qualifie d'extrémistes font le plus souvent l'objet d'enquêtes idéologiquement orientées, dénuées de valeur scientifique. La volonté de stigmatiser et de dénoncer chasse alors celle de décrire, d'expliquer et de comprendre." (4ème de couverture)

J’arrive totalement vierge dans cet essai, je ne connais pas l’auteur, qui, renseignements pris, ne fait pas l’unanimité, s’est déjà retrouvé affublé de pas mal de petits noms et a suscité quelques polémiques. J’ai pris ce livre parce que l’extrémisme d’une manière générale m’intéresse, allant comme beaucoup de gauchistes taper sur l'extrême droite, mais il est vrai que depuis quelques années je me pose la question de ce qu'on peut mettre dans ces deux mots : il me semble que le RN tout repoussoir, repoussant et émétique qu'il soit n'est quand même pas tout à fait la même chose que certains groupes qui n'hésitent pas à faire le salut nazi et prônent la disparition de tous ceux qui ne sont pas blancs chrétiens hétérosexuels. Voilà donc un livre qui va venir alimenter ma réflexion.

Je ne suis pas en accord avec tout ce qu'écrit l'auteur, tapant beaucoup sur la gauche, dans un discours que l'on entend pas mal en ce moment : "le RN n'est pas vraiment d'extrême droite alors que LFI est d'extrême gauche". Néanmoins, sans avoir ni ses connaissances, ni ses capacités, en simple lecteur, j’ai trouvé ce livre intéressant parce qu'il m'oblige à réfléchir, à sortir des schémas tout tracés, de la pensée quasi-unique qu'on entend dans tous les médias. Et déjà des questions essentielles :

- Qu’est ce que l’extrême droite ou gauche ?

- Qui décide de placer untel ou untel à l’extrême, ou est la frontière entre la droite et l’extrême droite ?

L'extrémiste est défini comme quelqu'un qui peut recourir à la violence pour imposer ses idées. Est-ce que les partis politiques qu'on place chez nous aux extrêmes sont prêts à le faire ou se coulent-ils dans le moule de la démocratie, laissant aux électeurs le soin de choisir ?

Pierre-André Taguieff parle aussi beaucoup des mots que l’on entend désormais beaucoup : ultra droite, droite modérée, islam modéré, extrême droite, droite extrême, fachosphère, néonazisme, néofascisme… Ils englobent souvent des tas de choses et de pensées, mais permettent surtout de classer, de mettre des étiquettes, d'aller au plus pressé et de faire appel à une certaine paresse intellectuelle. Puis, il évoque aussi tous les extrémismes (religieux -pas mal de chapitres sur l'islam-, politiques...), et chacun doit se poser la question s’il ne l’est pas dans certains domaines.

Encore une fois, je ne suis pas en accord avec tout ce qu'écrit l'auteur -mon côté gauchiste sûrement-, mais revenir au sens des mots, à leur poids, à leurs représentations me paraît essentiel. Purger des médias des expressions qui ne signifient plus rien, dans lesquelles il faut sans cesse rajouter des superlatifs, et tant pis si le RN -pas plus que LFI- ne peut plus être qualifié de parti extrémiste, ce qu'il faut ce sont des débats d'idées et non pas des invectives.

Avec cet essai PA Taguieff pourrait soulever d'autres petits noms à son égard, il n'est pas tendre avec certains collègues, son livre est dérangeant et pose de nombreuses questions qui, je le crois, vont me titiller quelques temps.

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