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Double tranchant

Publié le par Yv

Double Tranchant, Fabrice Vigne et Jean-Pierre Blanpain, Éd. Le fond du tiroir, 2012

"Je fabrique des couteaux. La première chose que mon maître m'enseigna : "Une lame n'a pas toujours deux tranchants, mais elle a toujours deux faces." Il m'a fallu une seconde pour comprendre ce qu'il voulait dire, et cinquante ans pour le vérifier." (4ème de couverture)

Et Fabrice Vigne de raconter le quotidien d'un maître coutelier, de ses débuts dans l'atelier de son maître jusqu'à la fin de son activité, lorsque les artisans vivent mal de leur art. Cet homme raconte l'histoire du couteau à sa manière, comment le premier singe qui aiguisa une pierre pour la rendre tranchante inventa le premier couteau et devint un homme : "L'homme naquit en même temps que son couteau. Alors, l'homme, conscient d'être plus dangereux grâce à son corps perfectionné, osa s'attaquer au renne, au bœuf musqué, ou au mammouth, il les chassa et revint vainqueur de la chasse, il découpa leur viande, il découpa leur cuir, il découpa leurs chairs et leurs os. Le premier homme dans un monde de singes était un prédateur et tranchait dans le vif." (p.5)

Et l'homme de continuer sa réflexion sur l'usage du couteau à travers les âges et de lier l'histoire de l'homme à celle de son outil premier. Tant dans le bien qu'il a pu faire avec cet instrument que dans ses dérives meurtrières forcément, le second tranchant de la lame. Très beau texte, encore une fois, de Fabrice Vigne qui tourne autour de l'homme et de son attachement au couteau. Nos pères -le mien au moins- avaient un couteau dans leur poche. Moi-même, l'un de mes premiers achats fut pour cet instrument et je vois bien encore l'attrait de l'objet dans les yeux des garçons de la maison : c'est peut-être un caractère essentiellement masculin, un gène que l'on tient de nos ancêtres hommes-singes-chasseurs ; mesdames, contredisez-moi si je me trompe ! Peut-être me direz-vos surtout que nous autres garçons ne sommes pas encore sortis de cette époque mi-homme-mi-singe, mais là, je vous arrête tout de suite, parce que ce n'est pas du tout l'objet du livre, non mais dites donc ! Et en plus c'est moi qui commande sur mon blog (enfin.., quand Madame Yv n'en prend pas les commandes) !

E le texte d'être richement illustré par Jean-Pierre Blanpain : les dessins de tourner autour du thème du livre bien entendu, des épisodes historiques ou légendaires ou des scènes de la vie quotidienne qui se sont déroulés -ou se déroulent encore-  avec des couteaux. Des dessins sur fonds noirs ou blancs dans lesquels ne figurent que ces deux couleurs et du rouge par touches plus ou moins larges. Magnifiques !

Un livre superbe. C'est vraiment du beau travail tant dans l'écriture que dans les dessins que dans la mise en page. Un livre qu'il faut avoir dans sa bibliothèque. Un livre que vous aimerez feuilleter, lire et montrer. Et que vous ne regretterez pas d'avoir acheté et/ou offert.

En vente sur le site du Fond du tiroir (clic)

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Les six compagnons à Scotland Yard

Publié le par Yv

Les six compagnons à Scotland Yard, Paul-Jacques Bonzon, Hachette, 1968 (2010 pour la présente édition)

Les six compagnons, Gnafron, Le Tondu, Bistèque, Corget, Mady, Tidou et son chien Kafi reviennent d'un pique nique aux abords de l'aéroport de Lyon lorsqu'ils découvrent une voiture accidentée avec une personne à l'intérieur. Vite, ils lui viennent en aide, arrêtent une voiture qui va chercher des secours. L'homme est sauvé. Sur les lieux, Kafi trouve une montre anglaise qui ne peut pas être au blessé, anglais lui-aussi parce qu'il en a déjà une. La bande de "gones" commence alors son enquête qui la mènera jusqu'à Londres.

Et là, certains d'entre vous se demandent si je ne suis pas retombé en enfance. Qu'ils se rassurent, je crois n'en être jamais réellement sorti et ce livre est là pour me le rappeler. Depuis une année, je co-écris sur un blog collectif, les huit plumes, né de notre participation au jury du Prix de l'Express en 2011. Pour fêter le premier anniversaire de notre collaboration l'un des nôtres, Éric pour ne pas le nommer, a eu l'idée d'un jeu. Ma récompense fut donc ce livre, le tome 4 de la série. Pour expliquer cet envoi, sur la route des vacances, nous nous sommes arrêtés à Lyon, ville que nous ne connaissions pas et Éric fut notre éminent guide. Lorsque nous fûmes à la Croix Rousse, je lui fis part de ma connaissance de ce lieu par Les Six compagnons, lecture de ma jeunesse. Et voilà donc comment, quelques semaines plus tard, grâce à un jeu et à son créateur qui a de la suite dans les idées, je me suis retrouvé dans Lyon puis à Londres.

Ce préambule fait, ma première surprise fut de voir que la série que je lisais en bibliothèque verte est désormais rose. Un coup dur ! Excusez du peu, mais moi, je lisais de la verte , la rose c'était pour les filles ou les petits ! Non mais ! A part ça, eh bien, c'est comme il y a ... ans (je laisse le suspense sur mon âge, c'est pour élargir mon public : ramener et/ou garder les jeunes et ne pas faire fuir les (plus) vieux !). J'ai descendu les pentes de la Croix Rousse à vélo (les descendre, c'est facile, j'y arrive, c'est les remonter qui me pose un problème) avec toute la bande et Kafi qui court derrière. D'ailleurs, Kafi, c'est le seul de toute l'équipe qui était encore très présent à ma mémoire, les autres j'avais un peu oublié leurs noms ou leurs caractéristiques physiques. Tout est resté comme avant, l'amitié, la gentillesse, la joie de vivre des enfants et leur enthousiasme. Peut-être un rien désuet pour des enfants d'aujourd'hui qui préfèrent les mangas ? Mais ils ne savent pas ce qu'ils ratent. Les Six compagnons, quand même ! Tiens d'ailleurs, j'en ai deux à la maison qui sont dans le bon âge, je vais laisser traîner ce livre sur la table de salon, ça ne m'étonnerait pas qu'ils le feuillettent et le lisent. Peut-être même que les plus grands... 

Un très beau retour en enfance (si tant est, comme je le dis plus haut, que j'en sois sorti) que je dois à Éric, le Lyonnais. Sois-en mille fois remercié, parce que de moi-même, je n'aurais sans doute pas accompli cet acte de régression littéraire, qui m'a oh combien ravi.

PS : un livre que je classe, bien évidemment, dans la communauté "Culure Polar".

 

thrillers

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Tous ensemble, mais sans plus

Publié le par Yv

Tous ensemble, mais sans plus, Georges Flipo, Éd. Anne Carrière, 2012

"Quatorze nouvelles qui parlent, avec une joyeuse férocité, du bonheur de vivre ensemble -le bonheur dont, faut-il le dire, nul ne se hasarderait à contester l'existence. On retrouve, dans ce nouveau recueil, l'humour acide et le ton alerte qui avaient fait le succès du précédent." (4ème de couverture)

Et oui, le précédent recueil de nouvelles de Georges Flipo, Qui comme Ulysse était excellent. Celui-ci sera-t-il à la hauteur ? Vous le saurez en lisant ma chronique (si vous ne le savez pas déjà, car c'est un livre déjà très apprécié : Aifelle, Kathel, Keisha, Liliba, Cathulu, ...). Sans plus attendre, car je vous vois déjà ronger vos ongles d'impatience, je peux vous dire que je vais être dans le ton des billets précédents. Élogieux. Mais comment fait-il ce Georges Flipo pour réussir à nous enchanter à chaque fois ? 

Il commence par ces mots (dans Le club Vie Intense) : "Immuables. Les dîners chez les Pontignac étaient immuables jusque dans leur grain de folie. Chaque deuxième samedi du mois, Monsieur et Madame recevaient une vingtaine d'amis, tous gens de bonne compagnie, notables de Nantes dans la cinquantaine avancée, et les répartissaient en trois tables, en imposant la dissociation des couples puisqu'on était à l'âge où le verbe se libère plus volontiers en l'absence du conjoint. Les recettes de Darawalee, leur domestique thaïlandaise, étaient très appréciées et s'entouraient de mystères qui ajoutaient une pincée de piment à leur saveur -c'est délicieux, chère amie, ces pak-choï au crabe, comment votre petite prépare-t-elle cela ? Ah, tout simplement avec du crabe et des pak-choï, oui, bien sûr." (p.11) Et l'on sent tout de suite que le ton sera ironique et moqueur. C'est vrai, certes, mais pas que... Car l'auteur crée des personnages auquel il, et nous lecteurs avec lui, nous attachons. A certains beaucoup moins, ceux qui ont le pouvoir aussi minime soit-il. Mais malgré tout, ils ne sont pas totalement antipathiques, plutôt maladroits, et pris dans un système qui les empêche d'agir plus humainement. Et là, je pense particulièrement à la nouvelle Tous ensemble, mais sans plus qui raconte l'entretien de Raoul Noir pour un poste important dans une entreprise de parfums. Ou alors, ils sont "plus bêtes que méchants", comme on dit par chez nous, notamment les collègues de l'entreprise de Sabrina (dans Changement de look) qui l'obligent à rentrer chez elle ré-habillée par une spécialiste du relookage, sans penser aux conséquences éventuelles.

Il est beaucoup question de différence sociale, de différence culturelle, de différence d'instruction, d'éducation et même de différence de niveau de langue comme Jacek qui redoute le quiproquo dû à son français approximatif (La maîtrise de la langue). Toutes difficilement surmontables. Ce n'est pas du pessimisme. C'est malheureusement une réalité : que peuvent avoir à se dire un dirigeant de petite entreprise, lecteur de philosophie et aspirant à un repos au calme, une sorte de retraite solitaire et un amateur de sudoku et de jeux télévisés, qui plus est, bavard (Le monsieur de l'autre lit) ? Un mariage est-il possible voire souhaitable entre une jeune fille de bonne famille et un jeune homme (qui s'aiment) à la réussite avérée certes, mais issu d'un milieu modeste et qui malgré des efforts garde en lui des pans de son éducation (Les choses du marais) ? Oublie-t-on ses amours de jeunesse lorsqu'on a "réussi" (Gracieusette)?

D'autres sont plus optimistes et jouent avec ces codes : Le naturalisme chez Zola (ou comment passer un oral de littérature), Sainte Pauline des Tandas (comment le tango rapproche les gens pour peu que l'on ait un peu de coeur. 

Quatorze nouvelles très bien écrites, tour à tour tendres, drôles, dures, réalistes, parfois tout en même temps, pas forcément avec des chutes tragiques ou comiques. Parfois, juste des tranches de vies. J'ai une tendresse particulière pour celles qui justement finissent sans chute et qui font s'interroger tout le monde, lecteurs et personnages et peut-être même auteur : La vache et le tigre, Changement de look ou L'heure du bain. Ah, celle-ci je l'aime beaucoup. Bourrée de tendresse sans être gnangnan. Parler de l'amour des personnes âgées en finesse mais très directement n'est pas aisé. "Hélène n'avait pas de telles préventions. Elle imaginait toute cette vie sexuelle endormie qui s'éveillerait, maladroitement sans doute, mais avec tant de sincérité. Revivre à deux, finir à deux. Elle n'avait aucun souvenir de sa dernière nuit d'amour avec son mari. Cette nuit-là, savait-elle que c'était la dernière ? Désormais, elle vivrait chaque nuit à deux comme si ce devait être l'ultime et mémorable." (p.266)

Souvent lorsqu'on ouvre un livre de nouvelles, on en lit une puis deux et ensuite on ouvre un autre livre, puis on reprend le recueil de nouvelles pour une ou deux, et ainsi de suite. M'est avis, que comme moi, vous ouvrirez ce bouquin et n'en prendrez un autre que lorsque vous l'aurez fini.

 

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Le Chat Erectus

Publié le par Yv

Le Chat Erectus, Philippe Geluck, Casterman, 2012

"Mine(t) de rien, deux ans se sont écoulés depuis la sortie du dernier Le Chat (deux longues années heureusement entrecoupées par un remarquable Geluck enfonce le clou, mais deux ans quand même !)

Que les geluckophiles de réjouissent : Le Chat 2012 est un très grand cru, les années semblent (encore) bonifier les deux compères. Le matou mutin et matois est de retour avec tambour, trompette ET gourdin dans son 17e opus sobrement intitulé Le Chat Erectus." (note éditeur)

Est-il encore besoin que je parle ici de ma passion pour les chats en général et pour Le Chat en particulier ? Je crois avoir déjà dit dans un article concernant un précédent album, que, avant qu'il ne paraisse en livre, je découpais les strips que le journal régional publiait (Ouest-France, pour ne pas le nommer), je les collais sur des feuilles vierges et volantes et apposais ensuite ces feuilles sur les murs des toilettes pour lier l'utile à l'agréable (chacun est libre ici de juger ce qui lui est proprement utile et/ou agréable). J'étais jeune ! Et accro ! Maintenant que ma jeunesse s'enfuit, comme le disait un chanteur-auteur avec un très beau prénom, je suis toujours accro, mais P. Geluck publie et je n'ai donc plus de découpage/collage à faire, et puis, je ne lis plus la presse et Ouest-France ne publie plus Le Chat.

Me voici donc avec le dernier volume des aventures de Le Chat, toujours aussi drôles, absurdes, décalées, primaires, énième degré : un vrai album d'humour quoi ! En prime, quelques dessins d'actualité avec Benoit XVI, N. Sarkozy ou DSK en guest stars.

Une planche, que vous pouvez aussi voir sur le site de Casterman, pour vous allécher (les babines, évidemment) 

planche Le ChatPour vraiment finir, sachez que Le Chat paraît aussi en coffret Luxe avec Le Chat Erectus + Le Chat Sapiens (album XVII bis) + La semaine du Chat (2 DVD).

Merci Gilles Paris.

 

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Cool

Publié le par Yv

Cool, Don Winslow, Seuil, 2012 (traduction assurée par Freddy Michalski)

"Cool raconte les débuts des héros déchirants rencontrés dans Savages. Ben le biochimiste, Chon le mercenaire des guerres au Moyen-Orient, et Ophélie, dite O. La bimbo blonde et si aimante. Le cerveau, les muscles et la beauté. Inséparables, irrésistibles. En lançant leur fort lucrative entreprise de production/commercialisation d'un précieux cannabis cultivé hors sol, ils n'anticipent ni la violence des dealers qui tiennent la Californie du Sud ni le cynisme impitoyable des agents corrompus de la DEA. L'affrontement va les éclairer sur leurs origines : vingt ans plus tôt, leurs parents eux aussi ont vécu de la drogue, et l'héritage est sanglant." (4ème de couverture)

Préquelle (j'apprends ici le mot = -pour les ignorants comme moi- une oeuvre réalisée après une oeuvre de référence mais dont l'action se déroule précédemment d'un point de vue scénaristique, d'après Wikipédia) de Savages, du même auteur. Je ne sais s'il faut y voir un argument commercial : Cool sort en même temps que la version filmée de Savages, par Oliver Stone. Toujours est-il, et je vais déflorer ici le suspense, que si Savages est un roman qui m'a scotché, pris par surprise (retournez voir mon billet, si vous en doutez) Cool, malgré le manque de surprise, puisque je connaissais déjà l'ambiance et l'écriture de l'auteur m'a ré-embarqué dans un monde qui m'est pourtant a priori totalement étranger et que ne me fascine pas vraiment : la Californie, le sexe, l'argent, la drogue, la violence extrême. Formidablement raconté et écrit. Certes, on peut détester cette manière d'écrire, mais elle va droit au plexus et au but. Pas de fioriture, du brut. Même genre de premier chapitre, très court, expéditif et qui annonce la couleur : "Fuck you", pour Savages et "Fuck me" pour Cool (p.9). Pas élégant, mais efficace. La suite est du même acabit. Ben, Chon et O. vivent sans vraiment se poser de questions comme des jeunes friqués et en proie à toutes les envies. Ils se marrent et nous avec : 

"Elle lui montre une belle Asiatique du Sud aux cheveux noirs et soyeux qui mettent en valeur sa robe de plage blanche.

- Elle.

- Éliminée, répond Chon. Pas mon type.

- Et c'est quoi ton type ? demande O, frustrée

- Bronzée, répond Chon, mince, le visage doux, de grands yeux marron, avec de longs cils.

O se tourne vers Ben.

- Ben, Chon veut baiser Bambi." (p.14)

La déconnade et l'insouciance cessent bien vite face aux altercations et à la véritable guerre que le trio devra mener face aux dealers qui veulent tout le marché de la drogue.

Parallèlement, Don Winslow dresse le portrait d'une autre jeunesse californienne, dans les années 70 : les hippies qui deviendront les parents de Ben, Chon et O. C'est vraiment très bien fait, et l'on se perd en conjectures : untel est le père de Ben, une telle la mère de O. Le parcours des parents pouvant expliquer celui des enfants, dans un trafic identique mais pas avec les mêmes ambitions. Comme quoi la jeunesse n'invente rien, elle reproduit même si les objectifs finaux ne sont point les mêmes. Et les plus "désintéressés" ne sont pas forcément ceux auxquels on pense de prime abord.

Un conseil si vous voulez lire ce préquelle (maintenant que je connais le mot, je ne m'en prive pas), ne soyez pas trop à cheval sur la ponctuation, les règles concernant les majuscules, ne craignez point les acronymes, les initiales : le texte en est truffé qui lui donnent d'ailleurs un ton résolument moderne, un brin déstructuré qui change des lectures habituelles.

J'avais adoré Savages, je réitère pour Cool. Merci à Babelio et à l'éditeur  (Seuil) pour ce partenariat très réussi. 

 

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Bizarre

Publié le par Yv

Bizarre. Il y a longtemps que je n'avais pas été voir les statistiques de mon blog et depuis 3 jours le nombre de visites ayant doublé -tout arrive-, je me suis fendu d'une petite enquête. Alors, je vous le dis tout net, je n'ai pas d'explication à cette brusque montée de la fréquentation qui peut tout aussi bien retomber demain ou dans deux jours (mais pourvu que ça dure comme dirait l'autre). Mais, je trouve une chose étonnante : Raymond Queneau est-il au programme des cours cette année, et particulièrement son livre On est toujours trop bon avec les femmes ? Car à ma grande surprise mon billet qui lui est consacré est plébiscité par les visiteurs alors qu'il date de plus de trois ans et que c'est loin d'être le plus connu de cet auteur génial.

Et puis, en allant fureter un peu plus, je suis tombé sur une perle : ma chronique de L'Ange du matin, traduite en islandais : ici. C'est surprenant de trouver sa prose et les codes de son blog dans une autre langue. En plus, ne parlant pas l'islandais très couramment, je ne peux pas juger de la qualité de la traduction. J'imagine que l'auteur étant de cette nationalité, quelque compatriote a voulu se renseigner et il est venu bien loin de chez lui pour trouver (j'espère) réponse à sas interrogations. 

Ensuite, j'ai bien sûr des recherches du style "roman pornographique", mais je l'ai bien cherché, "Spinoza encule Hegel", mais là, c'est la faute à JB Pouy !

Et pour finir l'énigmatique :

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L'Ange du matin

Publié le par Yv

L'Ange du matin , Arni Thorarinsson, Métailié, 2012 (traduction assurée par Éric Boury)

Einar, journaliste islandais trouve une postière agonisante dans les rues d'Akureyri, ville du nord du Pays. Elle meurt des suites de ses blessures. Elle était malentendante. De retour à Reykjavik pour écrire un article sur l'un des "nouveaux vikings", ceux qui ont endetté le pays et l'ont fait courir à la faillite, Einar décide d'enquêter sur ce meurtre et bientôt également, sur la disparition d'une fillette.

D'Arni Thorarinsson, j'avais aimé le précédent roman mettant en scène Einar, Le septième fils.  Là, je ne m'y retrouve pas. Les histoires sont très lentes à démarrer ; enfin vers la page 100, l'action débute pour... retomber aussitôt dans des discours, des discussions autour de la faillite du pays, des responsables, des payeurs, ... C'est bien, mais une fois que le constat est fait, l'auteur tourne un peu en rond  en des cercles plus ou moins larges. L'action n'est jamais là qui pourrait mettre un peu d'intérêt, de rythme dans cette enquête. Ajoutons que je me suis perdu dans les noms propres des nombreux personnages : à chaque fois que je lisais un prénom, j'étais obligé de m'arrêter deux secondes pour le remettre sur le bon intervenant. Ajoutons encore que j'avais du mal à me repérer entre Reykjavik et Akureyri, car l'auteur ne dit pas vraiment distinctement où est située l'action (je sais n'avoir pas le sens de l'orientation -mon côté féminin-, mais je croyais être capable de me repérer dans un bouquin. Eh bien non. Je tombe de haut !).  Ça discute, ça ronronne, ça n'avance pas. Les enquêtent piétinent, stagnent. D'habitude, c'est ce qui, selon moi, fait la force des polars nordiques, on suit les moindres pistes, fussent-elles fausses. Dans ce roman, on ne suit pas de piste, on assiste à de longues discussions entre journalistes sur la crise, sur leur métier, la déontologie, la crise de la presse et la restructuration du journal, qui va mal. La fin s'anime un peu tout de même et relève le niveau du livre par un retournement habile et original, mais il est un peu tard (de 14 juillet)  pour moi. Dommage !

Tant pis, c'est assez rare que ce genre de déception m'arrive chez Métailé. Je vous conseille, pour lire un excellent polar de cet éditeur, de vous plonger immédiatement dans Le dernier Lapon (clic) dont j'ai dit le plus grand bien. Vous m'en direz des nouvelles !

 

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Dans l'oeil du schizo

Publié le par Yv

Dans l'oeil du schizo, Hervé Jaouen, Presses de la cité, 2012

Jean-Luc Gouézec vit une belle vie de diplômé d'école de commerce. Issu d'un milieu favorisé, bourgeois, qu'il a tendance à rejeter assez violemment. Marié à Delphine, issue elle d'un milieu populaire. Deux enfants. Il perd son boulot, suite à une arnaque dont il est victime et tout s'écroule. La paranoïa latente se développe rapidement. Delphine craint pour sa vie et celles de ses enfants. Elle pense à le faire interner, mais trop tard, Jean-Luc est totalement parti dans un autre monde, une autre personnalité, sa paranoïa se double d'une schizophrénie sévère qui l'amène à partir et à laisser autour de lui cadavres et désolation.

Amateurs de polars ou thrillers, restez quelques secondes avec moi ! Amateurs de belle langue, de beaux paysages et de portraits très parlants rejoignez-nous ! Parce qu'il y a tout cela dans ce livre. D'abord, Hervé Jaouen, nous raconte l'histoire de cet homme, depuis sa rencontre avec Delphine jusqu'à la perte de son travail qui le propulse dans un monde parallèle. Avant déjà, il fait montre d'un caractère entier : "Le week-end suivant, les fiancés se déplacèrent à Vannes où les parents de Jean-Luc les reçurent à déjeuner dans leur hôtel particulier du centre-ville. Ils répondaient trait pour trait à l'image que Delphine s'en était faite à partir des réflexions lapidaires et peu amènes de Jean-Luc - "Des vieux cons qui ont toujours voulu péter plus haut que leur cul... Ils nous ont eu sur le tard. Moi d'abord, mes sœurs après, ric-rac sous le couperet de la ménopause et du cancer de la prostate...", chichiteux et perclus de conventions, directifs et péremptoires, courtisans et snobinards adeptes du naming de chef-lieu de canton." (p.31)

L'auteur sait faire monter la tension et l'inéluctable se profile vite, même si on a très envie de le retenir pour profiter un peu plus. Notamment les lettres que Jean-Luc écrit à divers personnes haut placées, comme celle-ci écrite au Président de la République :

"Monsieur le Président, vous possédez un Kärcher, moi aussi ! Faisons équipe ! Descendons ensemble, sans peur et sans reproche, dans la fosse aux grizzlis !

Et que sous les tirs croisés de nos jets purificateurs jaillisse du magma purulent ce cri que je pousse en vain : JUSTICE ! JUSTICE ! JUSTICE !

Créons notre entreprise de détartrage sociétal ! Formons un duo d'assainissement ! Nettoyons ensemble les silences excrémentiels !" (p.91)

Ensuite, dans la seconde partie du livre, l'auteur décrit une véritable chasse à l'homme, une poursuite de l'ennemi public n°1. Nous, lecteurs savons où il se trouve puisque nous sommes en partie dans sa tête, et c'est pas beau à voir. Parfois, on tremble en se demandant si Hervé Jaouen n'a pas lui-même vécu le même genre d'hallucinations que Jean-Luc Gouézec pour les décrire si bien. Un suspense habile, maîtrisé et mené à un rythme rapide de bout en bout.

Venons-en maintenant à l'écriture d'Hervé Jaouen. Vous avez pu vous rendre compte dans les extraits cités qu'il savait manier la langue. Il sait aussi en user pour décrire les paysages de la Bretagne, des monts d'Arrée : heureusement, ça repose entre deux hallucinations et pulsions meurtrières de Jean-Luc. Et puis, ce que j'aime chez cet auteur c'est aussi son talent pour brosser en quelques phrases un portrait bien senti. Quasiment aucun des intervenants dans ses histoires n'échappe à une description :

"Isolda était devenue ce qu'elle était en naissant : une celtisante quintessenciée, jeune fille aux yeux gris-bleu et aux cheveux châtain foncé, pas très grande mais joliment briochée, de rondeurs et de carnation. Dès son premier cri, ses parents l'avaient langée dans le Gwenn ha Du -le drapeau breton- et jusqu'à son présent au moulin de Meil Gouspérou sa vie n'avait été qu'une remontée en ligne droite vers des sources que ses parents avaient dû quitter pour prendre l'ascenseur social." (p.195)

Tous les personnages qu'ils soient tueurs, futures victimes ou témoins bénéficient d'une attention particulière de l'auteur et donc du lecteur, ce qui augmente encore la tension, car lorsqu'on connaît un peu mieux une probable future victime, on a moins envie qu'elle succombe des sévices d'un schizophrène.

Encore un excellent bouquin de Hervé Jaouen qui va finir par avoir un vrai fan en ma personne. M. Jaouen, j'adore votre écriture, votre manière d'y mêler différents niveaux de langue de la plus châtiée à la plus vulgaire, d'y insérer des néologismes et aussi d'accoler des termes qu'on ne voit pas souvent ensemble. Tout ce que j'aime en littérature. Si en plus, il y a une histoire qui tient la route et en haleine, je suis au comble du bonheur.

Merci merci Laura et H. Jaouen pour la dédicace.

région

 

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Les Immortelles

Publié le par Yv

Les immortelles, Makenzy Orcel, Zulma, 2012 (Mémoire d'encrier, 2010)

Contre le plaisir de son corps, une prostituée de la Grand-Rue à Port-au-Prince demande à l'un de ses clients, un écrivain, d'écrire l'histoire des prostituées disparues dans un des séismes que le pays a subi. L'une d'elles se prénommait Shakira, fille d'une vendeuse de bibles, passionnée par Jacques Stephen Alexis, le grand écrivain haïtien, éprise de liberté et que la narratrice principale garde sous sa protection. Shakira devient la prostituée la plus convoitée de la Grand-Rue jusqu'au tremblement de terre.

Texte puissant à divers intervenants : l'écrivain, la prostituée qui raconte, Shakira qui ne peut aimer sa mère et justement, sa mère. Makenzy Orcel réussit le tour de force de parler crûment de sexe, d'amour, de mort, de pauvreté, de liberté avec une poésie incroyable. Son roman est à la fois violent et tendre, cruel et beau. En fait, ce bouquin m'a tellement remué que je crains de ne dire que des banalités. J'ai peur que mon billet ne soit pas à la hauteur de ce que j'ai ressenti et des qualités d'écriture de l'auteur.

Makenzy Orcel ne fait pas dans la pute heureuse et épanouie. Celles de la Grand-Rue, quand bien même elles auraient choisi ce travail, subissent toutes la journée les clients, la saleté, les voyous, la misère, le sordide. Des femmes qui livrent leurs corps totalement et qui malgré tout tentent de garder une part de secret :"En fait, mon nom importe peu. Mon nom c'est la seule intimité qui me reste. Les clients eux s'en foutent pas mal. Ils paient. Je les fais jouir. Et ils s'en vont comme si de rien n'était. C'est tout." (p.19)

Le texte est fort : "Les clients. Rien que des fils de pute qui augmentent le prix encore et encore s'il le faut pour te posséder, te prendre davantage dans tous les sens, te demander d'aboyer comme une chienne, d'être une chienne. Pour avoir tout. Et laisser après la charogne aux chiens. Qui pensent qu'avec leur argent ils peuvent même arriver à saisir l'immense infini qu'est le cœur d'une femme." (p.65) L'auteur ne fait pas de périphrases ou de longues digressions. Le style est direct : phrases courtes, mots de vocabulaires simples voire familiers. Il va au plus court. Malgré cela -ou grâce à cela-, ce texte est poétique : "La poésie n'est pas censée comprendre. Seulement sentir. Sentir jusqu'à pleurer ou vomir." (p.25) L'auteur reprend des phrases ou des formules dans divers chapitres, un peu comme le refrain d'une chanson ou d'un poème et ce qui aurait pu être répétition est rappel et insistance sur ces propos, qui permettent également de toujours savoir à qui l'on a à faire en tant que narratrice. La forme aide aussi à croire à ce que j'appelle la poésie du texte. Les paragraphes font une demi-page pour la plupart, aérés. Et comme toujours chez Zulma, le livre-objet est irréprochable.

En plus de tout cela, j'ai pu apprendre qui était Jacques Stephen Alexis (que je n'ai jamais lu) et Grisélidis Réal la dédicataire du livre, une prostituée-écrivain (deux dossiers : ici et ). Ne me reste plus maintenant qu'à lire l'un et l'autre pour parfaire ma culture.

J'espère sincèrement vous avoir donné envie de lire ce petit livre de Makenzy Orcel, j'ai sûrement omis plein de choses que je voulais en dire, mais que vous trouverez vous-mêmes dès que vous aurez lâché le livre que vous lisez actuellement au profit des Immortelles :"La Grand-Rue n'est plus ce qu'elle était. Mais nous, on ne mourra jamais. Nous, les putains de la Grand-Rue. Nous sommes les immortelles." (p.43)

 

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