Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Bestial

Publié le par Yv

Bestial, Anouk Shutterberg, Plon, 2022

"2007. Cinq pré-adolescentes disparaissent subitement en plein jour dans un quartier touristique de la capitale. Les "disparues du 9". Même profil : jolies et toutes âgées de douze ans. Malgré l'acharnement du commandant Ribault et de son équipe en charge de l'affaire, aucune piste sérieuse n'émerge. Mis à part, peut-être, ces mystérieux colis reçus par les familles de victimes dont le contenu laisse les policiers sans voix.

2019. L'affaire classée refait surface : cinq autres jeunes filles se sont volatilisées selon le même modus operandi. Le commandant Stéphane Jourdain et le capitaine Lucie Bunevial reprennent le dossier." (4ème de couverture)

Âmes sensibles s'abstenir. Vraiment. A part cela et une violence parfois insoutenable parce que, notamment, ce sont des jeunes filles qui en sont les victimes, ce thriller est inlâchable et deux jours m'ont suffit -avec des coupures quand même, je bosse un peu, le minimum quoi- pour tourner la page 424, la dernière. Ah si, un autre truc, l'ultime rebondissement, bon, je le sentais venir depuis un moment, donc de mon côté, il fait un peu pschitt, mais ça n'altère aucunement mon avis positif.

Anouk Shutterberg écrit bien et sait y faire pour tenir ses lecteurs au bout de sa plume. La tension est extrême et ne descend jamais, on lit presque en apnée -et deux jours, c'est long ! Son imagination est débordante et macabre, elle construit une intrigue dont on pense qu'elle part dans tous les sens, mais lorsque tout s'explique, toutes les pièces semées auparavant prennent leur place et l'on est scié devant tant de cynisme et de manque d'humanité de la part des criminels, mais l'on est rassuré, c'est de la fiction. Son duo de flics déjà rencontré dans Jeu de peaux, son premier roman, remet le couvert et est particulièrement malmené.

Cette lecture est passionnante, haletante et éprouvante -mais pourquoi aime-t-on se faire du mal docteur ?-, elle ne peut laisser indifférent et marque durablement les esprits. Anouk Shutterberg qui m'avait déjà bluffé avec son premier roman, confirme avec son deuxième qu'elle est une autrice de thriller avec laquelle il faut compter. Sûr que ses prochains romans seront attendus, espérés et largement diffusés.

Voir les commentaires

Les Vous

Publié le par Yv

Les Vous, Nicolas Pitz, Davide Morosinotto, Rue de Sèvres, 2022

Le rocher de la Main de Main de pierre qui surplombe le village de Montemorso s'effondre dans le lac et tue un pêcheur. Puis d’étranges phénomènes ont lieu dans les jours qui suivent, jusqu'à ce que Blue, une jeune fille entende des voix, celles d'un peuple invisible qui a trouvé refuge au village, les Vous. Puis les camarades de Blue entendent également leurs voix. Ensemble, ils décident de venir en aide aux Vous.

Un bel album de Nicolas Pitz qui nous habitue à cela, avec notamment La bobine d'Alfred et Sombres citrouilles. Cette fois-ci c'est le roman de Davide Morosinotto qu'il met en image. L'histoire est belle, avec ces extras-terrestres pacifiques qui cherchent de l'aide et à vivre tranquillement et qui, bien entendu, se heurtent à l'incompréhension et à l'hostilité de certains. Ce sont les jeunes gens du village qui vont se lier aux Vous, les accepter et tout faire pour que les autres villageois les acceptent.

Difficile de ne pas y avoir une ode à la différence et une histoire en faveur de la curiosité, de l'envie de connaître autrui pour s'enrichir. Aux moments où la France comme d'autres pays a tendance à sombrer dans un pessimisme et un communautarisme tout aussi délétères l'un que l'autre, ce livre est une bouffée d'optimisme bienvenue, qui montre que nos enfants pour peu qu'on leur laisse les moyens d'agir sont capables de grandes choses.

J'aime beaucoup le dessin de Nicolas Pitz, aux lignes claires, réaliste. J'aime aussi beaucoup les scènes de nuits sur un fond totalement noir, les silhouettes se dessinent à l'aide de traits fins et lumineux. Les dernières pages sont superbes, pour cela mais aussi pour la tournure que prend cette histoire.

Voir les commentaires

Rien dans mon enfance

Publié le par Yv

Rien dans mon enfance ne laissait présager bon sang que tout serait toujours si compliqué, Eric Pessan, L'œil ébloui, 2022

Anaphore : une figure de style par laquelle on répète un mot ou un groupe de mots en début d'une phrase, rendue populaire en 2012 par le candidat François Hollande : "Moi Président...". Eric Pessan choisit lui-aussi l'anaphore pour son livre de réflexions, celles-ci débutent par : "Rien dans mon enfance".

Grâce à ce procédé, l'auteur, sans être nostalgique ou passéiste du genre "c'était mieux avant", évoque son enfance dans une HLM de Bordeaux et les changements voire les bouleversements que le monde à subis ou opérés depuis cinquante ans. Et effectivement, force est de constater que rien dans notre enfance dans les années 60/70 ne nous a préparé à de telles secousses. L'Internet, les guerres incessantes partout dans le monde, le dérèglement climatique, l'extrême-droite aux deuxièmes tours des élections présidentielles, les communautarismes, les toujours-plus-riches et les toujours-plus-pauvres... Enfin, ce qui fait parfois que l'on marche sur la tête, mais aussi ce qui a progressé, avancé mais qui pose question : "Rien dans mon enfance n'annonçait que le progrès qui allongeait nos espérances de vie rallongeait également nos inquiétudes." (p.10)

C'est aussi le moment pour l'auteur de se questionner sur l'âge qui avance, la création littéraire, la littérature, les grandes idées humanistes, la culture, le travail, la productivité...

"Rien dans mon enfance ne m'a préparé à l'étonnement d'avoir un jour plus de cinquante ans."

"Rien dans mon enfance ne m'a carapacé pour que j'accepte sans être affecté d'écouter chaque matin dans le poste le décompte des noyades en Méditerranée ou dans la Manche."

"Rien dans mon enfance où l'on louait la force, la combativité et l'esprit de compétition ne m'a laissé entrevoir que j'irais puiser du côté de mes faiblesses pour devenir écrivain."

"Rien dans mon enfance -Chut, Il nous entend, tu comprends, quoi que tu fasses, Il le sait, Il voit tout, Il sait tout de toi- ne m'a fait croire à l'existence d'un dieu espion de nos actes et nos pensées."

"Rien dans mon enfance ne dessinait qu'il serait dans la norme de protester confortablement assis dans son salon ou sa chambre en tapant des # sur un clavier."

Voilà pour quelques citations. Rares sont celles qui ne m'ont pas parlé ou touché, je les ai annotées, cochées, relues. Décidément, ce qu'écrit Eric Pessan me va parfaitement, en plus d'être original dans la forme. Quant au fond, je l'ai dit, c'est divers, profond, beaucoup de doutes, de questionnements, de ceux qui nous obligent à nous-mêmes nous interroger si tant est que ce ne soit pas commencé. Très bien écrit, comme d'habitude, Eric Pessan est un écrivain qui construit une œuvre littéraire variée et riche et qui raconte ses histoires, dit ses réflexions et parfois hurle ses colères, ses emportements sur ce monde qui ne va pas bien.

Voir les commentaires

Il est où le patron ?

Publié le par Yv

Il est où le patron ? Chroniques de paysannes, Maud Bénézit et les paysannes en polaire, Marabout, 2021

Joséphine reprend seule la ferme caprine de Georges, Anouk est apicultrice et Coline exploite une ferme ovine avec son mari. Toutes les trois reçoivent à longueur de journée des remarques sexistes parfois maladroites voulues comme un trait d'humour, parfois plus ancrées dans les mentalités, jusqu'au plus perfides. Difficile pour les hommes de croire qu'une femme peut exploiter seule une entreprise agricole.

Des paysannes qui en ont marre de la question : il est où le patron ? lancée par diverses personnes, surtout des hommes, se regroupent et se disent que faire une bande dessinée sur elles serait une bonne idée. Elles font appel à Maud Bénézit et chacune raconte sa vie quotidienne. Puis la BD imprégnée de ces témoignanges prend forme.

J'aime beaucoup le ton général qui est à la bonne humeur et à la revendication pour l'égalité. Ce n'est pas pesant, et l'on prend conscience en tant qu'homme que certaines remarques peuvent être mal vécues, mêmes si elles ne se veulent pas méchantes. Le combat des femmes est long, durable et doit être sans cesse mené. Ne rien laisser passer, même si c'est compliqué.

J'aime aussi beaucoup le dessin, libre, sans contours de cases, très bleuté. Ça donne une aisance dans la lecture, et ça renforce le côté décalé, humoristique qui allège le propos sans l'altérer, au contraire, l'humour permet souvent de faire passer les messages plus facilement.

Très bel album qui prouve s'il était encore besoin que la bande dessinée peut être un vecteur formidable pour atteindre le plus grand nombre dans tous les genres.

Voir les commentaires

Nettoyage à sec

Publié le par Yv

Nettoyage à sec, Joris Mertens, Rue de Sèvres, 2022

François est livreur pour la blanchisserie Bianca : tous les jours, il parcourt les rues de la ville encombrée. On vient de lui adjoindre un nouveau collègue, neveu de la patronne, qui ne cesse de parler et conduit la camionnette sans faire attention. François est un solitaire, exception faite de quelques bières au bar et de rencontres avec Maryvonne kiosquière et de sa fille Romy. François joue au loto, les mêmes numéros depuis des années et lorsqu'il gagnera parce qu'il en est sûr, il offrira à Maryvonne et Romy une belle maison et une vie meilleure.

Mais voilà, la routine, le boulot, le nouveau collègue bavard et le hasard, merveilleux hasard qui pourrait bien changer sa vie.

A peine ouvert l'album, je me suis dit que je connaissais ce trait, ces couleurs, et ça a fait tilt, c'est Béatrice, la bande dessinée précédente de Joris Mertens qui m'avait déjà fait de l'effet. Outre l'histoire drôle, touchante et sombre, qui décrit un homme fatigué, blasé mais qui garde en lui encore une once d'espoir d'une vie meilleure pour lui et ses proches, c'est le dessin et les couleurs qui m'attirent. Joris Mertens peut dessiner une page entière de petites cases aux teintes neutres, puis la page tournée, les rouges et jaune chauds dans de grandes cases ou une succession de petites cases muettes explosent la rétine. Il pleut beaucoup dans la ville, les dessins sont hachurés des gouttes qui tombent, les phares des voitures et les enseignes se reflètent sur le sol trempé. C'est très beau ces quelques tâches colorées dans les jours sombres.

Joris Mertens dessine la camionnette des livreurs dans le Paris de l'époque -je dirais années 80 ou fin 70-, du dedans, de face, de profil, de derrière, du dessus et même à travers une vitre d'un salon de coiffure ; j'aime beaucoup, il ne se prive d'aucun angle pour dessiner la ville, ses habitants et les deux livreurs.

Excellent album qui fait le portrait d'un homme usé que l'espoir de gagner au loto et de pouvoir aider ses amies maintient en vie. Magnifique, superbe, ceci dit, sans tomber dans les superlatifs ou le dithyrambe car ces adjectifs sont mérités.

Voir les commentaires

Le poids de cet oiseau-là

Publié le par Yv

Le poids de cet oiseau-là, Aline Bei, Aldeia éditions, 2021 (traduit par Anne-Claire Ronsin)

C'est une femme qui s'exprime à différents âges de sa vie de ses huit à ses cinquante-deux ans. A chaque âge, un événement marquant voire traumatisant : dès 8 ans, c'est son amie Clara qui meurt et la vie jusqu'alors insouciante, change. A dix-huit ans, elle est violée et est enceinte de son violeur. Malgré tout, cette femme avance, vit, même si la relation avec son fils est difficile.

Aline Bei est une autrice brésilienne qui signe avec ce titre son premier roman, écrit en 2017.

Il y a quelques temps, lors d'un salon presque local -Le Printemps du livre de Montaigu-, je déambulais et me fis interpeller par une jeune femme sur le stand des éditions Aldeia, et, après une discussion et des arguments convaincants, je repartis avec ce livre en main.

Première chose à noter, visible, c'est la mise en page soignée et très particulière qui souligne l'aspect poétique, qui s'affranchit des règles de la majuscule en début de phrase ou aux noms propres. En fait, on a davantage l'impression de lire un long poème qu'un roman proprement dit, même si, selon le célèbre adage, ça se lit comme un roman. Le texte est ciselé, épuré, parfois dur et tapant au plus juste :

"les femmes

violées dans les fossés et

sous les ponts

elles ne sont pas dans les livres d'histoire.

les dictateurs oui

ils ont tous un article à leur nom

une longue biographie." (p.77/78)

Je pensais avoir du mal à entrer dans ce roman, la forme poétique m'est parfois nébuleuse, et ce fut l'inverse qui arriva, j'eus même de la difficulté à en sortir, tant l'écriture happe, fascine ainsi que cette femme qui traverse sa vie sans l'imprimer, sans la marquer. C'est un portrait magnifique d'une femme qui souffre de ne pas savoir aimer, de ne pas pouvoir, d'en être empêchée depuis la mort de son amie et le viol qu'elle a subi.

Un grand merci à vous, madame, qui m'avez abordé à Montaigu, sans vous, je serais passé à côté d'un livre marquant et touchant, sensible et fort. Juste pour le plaisir et pour faire envie, voici le début de ce livre avec la pagination originale :

"monsieur Luis est un vieux sage qui sent l'herbe.

            je suis sûre que son déodorant

est vert

et son corps doit avoir au moins cent ans tellement il a des rides tortueuses

partout sur sa peau, c'est un homme

tortue." (p.11)

Voir les commentaires

Optic Squad : mission New York

Publié le par Yv

Optic Squad : mission New York, Stéphane Bervas, Sylvain Runberg, Rue de Sèvres, 2022

Optic Squad, une unité d'élite dépendant de l'ONU qui lutte contre le crime organisé. Ses agents ont des nano-caméras greffées dans leur cornée pour filmer tout ce qu'ils voient. Ils ont un soutien tactique de tous les instants. Kathryn Horst, agente, est infiltrée dans un groupe révolutionnaire pour tenter de mettre à jour les crimes et malversations de deux sœurs haut placées, notamment l'une de ses responsables hiérarchiques.

Troisième mission pour l'équipe Optic Squad, la plus dangereuse sans doute, car il s'agit d'infiltrer un groupe préparé et surtout de contrecarrer les plans de femmes de pouvoir qui ont de gros moyens pour empêcher toute tentative de déstabilisation. De plus, la mission est top secrète, seuls quelques agents sont dans la confidence. Mission Seattle et Mission Los Angeles étaient mouvementées, pleines d'actions et de rebondissements, Mission New York est dans la même ligne. Ça canarde, ça vole, ça flotte, ça court partout. Et c'est très bien, même moi qui ne suis pas un farouche adepte de la SF -la série se passe en 2099-, je lis ça très vite et j'en redemande. On en apprend également un peu plus sur Kathryn Horst, l'héroïne de la série, l'agente super-douée.

Une très bonne bande dessinée pour se distraire et passer un bon moment plein d'adrénaline -enfin, pour les héros, parce qu'assis dans le canapé, l'adrénaline fuse moins.

Voir les commentaires

Affaires Spéciales : le dossier Io

Publié le par Yv

Affaires Spéciales : le dossier Io, Hugo Tosi, Hugo thriller, 2022

Un homme court nu dans l'arrière pays niçois, semblant échapper à ses ravisseurs. Il est retrouvé quelques jours plus tard, englué à un olivier, mort d'épuisement.

La capitaine de gendarmerie Marion Barthes, des Affaires Spéciales, cette unité qui dépend directement des plus hautes autorités et chargée des dossiers sensibles, est nommée sur l'enquête. Fille du pays, partie en mauvais termes, elle revient et ce retour ne sera pas de tout repos : il lui faudra affronter sa famille et les gendarmes locaux.

Deux autres meurtres aussi cruels ont lieu dans les jours suivants. Marion Barthes est sous pression, d'autant plus que les trois victimes avaient un lien avec l’Élysée via le colonel Bonelli, le conseiller en sécurité du Président.

Il semble qu'Hugo Tosi soit le pseudonyme d'un auteur qui connaît bien les lieux de pouvoir et qui bâtit là un roman inspiré de ses expériences. Bonelli ressemblerait-il à Benalla ? Certains maniganceurs s'appellent par des noms de dieux de la mythologie : Solis, Vénus, Pluton et... Jupiter...

Hormis cela, bien sûr que rien n'est réel. Tout sort de l'esprit de l'auteur. Qui pourrait croire qu'en haut-lieu, il y ait des nantis qui se rêvent encore plus nantis, qui veulent être calife à la place du calife, qui placent leurs amis à des postes stratégiques et si possibles rémunérateurs, contre des soutiens sans faille et pécuniaires... ? Ce polar mené tambour battant, les met en scène de façon peu glorieuse. L'avidité, la soif du pouvoir et le cynisme sont élevés à un point rarement atteint.

Mais on peut aussi lire ce roman haletant comme un simple bon thriller, l'un de ceux qui, une fois commencé est difficile à refermer, qui ne baisse jamais d'intensité au long des 360 pages. Il y a certes, les magouilles et turpitudes des puissants, mais aussi des meurtres, des bassesses entre flics et des manœuvres d'intimidation. Et l'auteur a pris un soin particulier à décrire son héroïne, Marion Barthes, qui revient au pays natal dans de mauvaises conditions, en pleine séparation d'avec son mari, flic lui-aussi et avec son fils adolescent-autiste qui révélera des facettes inattendues et surprenantes qui font parfois sourire. Parce que même tendu, ce roman laisse place à des moments plus légers, bienvenus pour ne pas sombrer dans un "tous pourris" que je n'aime pas vraiment et laisser un espoir que les choses peuvent encore changer (je suis à la fois naïf et optimiste).

J'ai beaucoup aimé, c'est le genre de roman que je prête volontiers sans rien en dire pour laisser la surprise totale. Et des surprises, des rebondissements, des virages, il y en a plein qui ne nous perdent pas, au contraire, ils maintiennent nos méninges en action, jusqu'au bout, sur fond de rock métal qui colle parfaitement au rythme.

Voir les commentaires

Et toi, comment vas-tu ?

Publié le par Yv

Et toi, comment vas-tu ?, Lise Gauvin, Des femmes-Antoinette Fouque, 2022

Vivianne vient au chevet de sa mère mourante. Ces cinq derniers jours, elles les passeront l'une à côté de l'autre, la mère Marianne, réagissant de moins en moins aux sollicitations de sa fille. Dans les moments de calme, Vivianne repense à sa jeunesse, à la vie de sa mère et de sa grand-mère Réjeanne. C'est aussi l'histoire d'Anne, l'aïeule, née en France au mitan du 17ème siècle, orpheline très tôt, qui décidera, encore jeune fille de quitter son pays pour le Québec, fonder sa propre famille et construire le pays. C'est elle l'origine de cette lignée de femmes ici racontée.

Replaçons dans l'ordre : Anne née vers 1651, Réjeanne née en 1892, Marianne en 1917 et Vivianne en 1940. Dans des chapitres qui alternent, Lise Gauvin les narre, le "tu" pour Réjeanne, le "elle" pour Marianne et Anne -qui finit avec le "je"- et le "vous" pour Vivianne, sauf dans la partie où elle est au chevet de sa mère. Le tout pour un roman qui est très construit, très fluide et très beau. Elles se racontent aux mêmes âges, cinq ans dix ans, quinze ans et puis ensuite femmes mariées et mères. Et nous de constater l'évolution, le changement des sociétés, des mentalités, des mœurs. C'est aussi l'histoire du pays, de Québec que décrit Lise Gauvin de sa construction à l'époque contemporaine. Le difficile combat des femmes pour leurs droits : "Décembre 1927. Les commémorations du soixantième anniversaire de la Confédération canadienne ont eu lieu au cours de l'été, radiodiffusées à travers tout le pays. A Ottawa, un groupe de cinq femmes demande au gouvernement de préciser si le mot "personnes" inscrit dans un des articles de la Constitution à propos des postes au Sénat, inclut ou  on les femmes. La Cour Suprême, à Ottawa, se prononce par la négative." (p.39)

Un roman qui montre bien qu'un pays, contrairement à ce qui a longtemps été dit, n'est pas construit que par les hommes. Cette lignée de femmes a dû batailler pour accéder à des droits. Le roman de Lise Gauvin n'est pas revendicatif, il montre. Il décrit surtout des femmes bienveillantes, des femmes pudiques et fortes. Tout en subtilité, en sensibilité l'autrice dresse de beaux portraits. Le texte est très beau, absolument pas dépressif, même si l'on veille une mourante dans certains passages, ce sont même peut-être les plus beaux, qui bénéficient d'une police de caractère particulière. Bref, passer outre ce livre serait une erreur tant il est fin, beau et délicat.

Voir les commentaires

1 2 > >>