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Hunter

Publié le par Yv

Hunter, Roy Braverman, Hugo thriller, 2018.....

Hunter est incarcéré depuis plus de dix ans pour une série de meurtres commis à Pilgrim's Rest, une vallée perdue des Appalaches. Cinq hommes assassinés et leurs femmes disparues. Hunter s'évade et revient dans la vallée pour se venger et trouver celui pour qui il a payé, car il se dit innocent. Mais il est suivi de près par Freeman, le père de l'une des femmes disparues qui l'enlève et veut lui faire avouer ses crimes et l'emplacement du corps de sa fille. Mais une série d'événements, et parmi eux la neige qui tombe en abondance et le froid extrême, vient chambouler les plans de tous les acteurs de ce polar.

Roy Braverman écrit là son premier thriller sous ce nom puisqu'il est plus connu sous un autre pseudonyme, celui de Ian Manook auteur de la trilogie avec Yeruldelgger, le flic mongol. J'ai tellement aimé cette série que j'hésitais un peu avant de me lancer dans une autre, enfin pas trop longtemps et tant mieux parce que Hunter -qui devrait aussi être une trilogie- est captivant, haletant. On est loin, très loin de la série précédente, tant géographiquement que pour l'écriture et l'intrigue. 

Le lecteur est placé en connaisseur de quasi -parce qu'une surprise n'est pas à exclure- toute la situation et en sait donc plus que les policiers et que chacun des protagonistes, sans que cela ne nuise à son plaisir de voir l'intrigue se dérouler. Habilement construit, le récit alterne les narrateurs et revient sur des faits à travers différents points de vue ce qui nous permet de mieux les comprendre et d'envisager la situation globale. Courts chapitres qui permettent de souffler dans cette histoire dure, violente et froide. Tout est hostile : le climat, les habitants du coin, le flic local, les agents du FBI qui tardent à arriver, bref une ambiance délétère pour qui viendrait paisiblement en ce lieu isolé. Ce presque huis clos est oppressant, tendu de bout en bout. Une tension qui ne retombe pas, pas même à la fin, cardiaques attention exigez la pose d'un pacemaker avant d'en commencer la lecture. Roman noir, très noir, d'un noir très sombre pourrais-je écrire si je ne craignais pas les pléonasmes. 

Entre deux traques, deux engueulades entre mecs et deux rebondissements -qui ne manquent pas-, Roy Braverman en profite pour placer des banderilles contre le système étasunien qui laisse des centaines de personnes innocentes en prison et dans les couloirs de la mort, contre l'extrême violence qui règne dans les lieux de détention, la privation de liberté certes, mais aussi la privation de l'humanité. Son propos est fort et virulent, à l'image de tout son livre qui pourra peut-être gêner les plus sensibles d'entre nous, mais j'ai souvenance que Yeruldelgger n'était pas un tendre non plus. Tout le talent de l'auteur réside dans le fait de nous faire oublier la Mongolie, ses us et coutumes et de nous plonger totalement dans un thriller étasunien. Tout change, les lieux, les paysages, les personnages mais aussi l'écriture de Roy Braverman, je ne saurais dire comment, il faudrait que je relise la série précédente, mais aucun doute possible on est bien aux Etats-Unis dans un coin perdu, rural et pas très accueillant.

Est-il besoin de préciser que j'attends la suite avec impatience ?

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Le merle bleu

Publié le par Yv

Le merle bleu, Vesna Maric, Intervalles, 2018 (traduit par Marie Poix-Tétu)...,

"Elles ont passé des heures à expliquer qu'habituellement nous avions tout : des lits, des draps, du linge de rechange brodé et même amidonné dans nos armoires ; des verres en cristal, des souvenirs, de la vaisselle en porcelaine, des passeports, des aspirateurs, des animaux domestiques, des goûts de luxe, des jours fériés, des odeurs, des bruits, et surtout, surtout, que nous nous aimions les uns les autres, que nous n'avions pas passé les cinquante dernières années à nous haïr en secret en attendant la première occasion de nous étriper au grand jour de la façon la plus sauvage qui fût. Elles voulaient expliquer que la guerre était une méprise, un stratagème inventé par des politiciens diaboliques, que ça n'avait rien à voir avec nous, les individus assis devant eux" 

Cet extrait du livre qui sert de 4ème de couverture est tellement parlant qu'il m'a semblé judicieux de le copier ici.  Ce livre est l'exil raconté par Vesna. Vesna est bosniaque, elle a fui son pays en 1992, pendant la guerre, elle avait seize ans. Elle a émigré aux Royaume-Uni. Vesna est jeune et un peu insouciante, du moins le paraît-elle. Elle plaisante, sort avec des amies malgré les snipers, les rues pas sûres du tout. Puis, la guerre se durcit et il faut partir. Ce sera l'Angleterre et le voyage est presque drôle, on ne ressent pas la tension qui devrait régner dans de telles circonstances, toutes ces femmes qui quittent leur pays pour un autre. Puis Vesna s'installe et se fait très bien à la vie anglaise, à la langue.

Vesna Maric donne une image très décalée de l'exil, pas du tout plombante, presque joyeuse, comme si la découverte d'un monde nouveau était plus forte que la perte de l'ancien, que le déracinement. Ça fait du bien de lire cela surtout lorsque c'est écrit par quelqu'un qui l'a vécu, on ne pourra pas lui reprocher de faire dans la gaudriole sur un sujet sérieux qu'elle ne connaîtrait pas. 

Je ne vais pas mentir en disant que j'ai aimé tous les chapitres du livre, des chapitres courts qui racontent la vie en ex-Yougoslavie pendant la guerre et après en Angleterre, mais même lorsqu'une ou deux fois, j'ai eu la volonté de le stopper, je n'ai jamais pu quelque chose m'y retenait, sans doute ce souhait de ne pas rater de beaux passages tel celui cité en début de recension. Alors, je l'ai posé souvent et souvent repris. Je l'ai lu comme une suite de chroniques de la vie d'une jeune femme. Et ça a marché.

Chez Intervalles, on fait rarement dans le banal, le conformisme, cette fois-ci encore, l'éditeur touche juste avec Vesna Maric. Une écriture, un point de vue qui méritent d'être découverts.

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Le salon de beauté

Publié le par Yv

Le salon de beauté, Melba Escobar, Denoël, 2018 (traduit par Margot Nguyen Béraud)..,

"La Maison de la Beauté est un luxueux institut de la Zona Rosa, l'un des quartiers animés de Bogotá, et Karen l'une de ses esthéticiennes les plus prisées. Mais son rôle dépasse largement l'art de la manucure et de la cire chaude. Ses clientes lui confient leurs secrets les plus intimes. Un petit massage avant l'épilation... et Karen apprend tout sur leurs implants mammaires, leurs week-ends à Miami, leurs divorces ou leurs amourettes.

Un après-midi pluvieux, une adolescente entre dans le salon -en uniforme d'écolière et sentant très fort l'alcool : Sabrina doit être impeccable pour une occasion très particulière. Le lendemain elle est retrouvée morte." (4ème de couverture)

Non point par l'odeur mais par le contexte fort original pour un polar, alléché, j'ai dit oui à ce partenariat avec les éditions Denoël. Et je reste sur ma faim. Si l'originalité est bien réelle quant à la localisation de l'intrigue  : un salon de beauté à Bogotá ; si elle est là également dans la manière de raconter cette histoire, en alternant les narratrices -peu d'hommes- dont seule l'une parle à la première personne, qui toutes ont à voir de plus ou moins loin avec le meurtre ou au moins avec une connaissance de la victime -parfois le fil n'est pas évident à remonter- ; si l'originalité est encore bien là pour un polar puisqu'il n'y a pas d'enquête à proprement parler, juste des femmes qui cherchent à savoir la vérité et qui nous l’apprennent par bribes ; si donc, comme je le disais l'originalité est évidente, elle n'a pas suffi pour me passionner pour ce roman. Selon El Tiempo, il est "à la fois roman social, récit urbain, roman d'apprentissage, thriller sur fond de corruption politique." Et c'est vrai qu'il prend à tous ces genres et qu'a priori, ça devrait me plaire sauf qu'à force d'être inclassable et de prendre à tous les genres, il peut finir par les rater. Je suis un peu dur car tout n'est pas raté, mais l'auteure aurait dû à mon sens se limiter pour qu'on puisse avoir le temps de s'intéresser à tous ses nombreux personnages, aux relations qu'ils entretiennent, au contexte socio-politique et/ou à l'intrigue, car finalement quel besoin de glisser un meurtre là-dedans si ce n'est pour surfer sur une vague de polar social ? Et c'est cette partie qui selon moi pêche, Melba, si je puis me permettre de vous appeler par votre prénom chère auteure (Ouh que je suis drôle, moi, un fou, je vous dis, avec ce genre de blague, bientôt, je monte un spectacle, au moins. Me croiriez-vous si je vous disais que je ne l'avais pas programmée ? Non ? Et pourtant c'est vrai, je crois que j'ai la fibre comique, même si ce genre de blagues provoque la tristesse ou la compassion chez mes proches)

Tout cela pour dire que loin d'être raté, c'est un roman qui traîne un peu en longueurs, en dialogues qui durent là où une description en quelques lignes eut été plus convaincante et qui aurait mérité d'être resserré, limité pour vraiment être efficace ; néanmoins, les alternances de narratrices, les ellipses qui obligent le lecteur à faire la liaison entre les informations sont intéressante et donnent à cette lecture un côté moderne et dynamique, preuve qu'il y a du bon en lui.

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Le rêve armoricain

Publié le par Yv

Le rêve armoricain, Stéphane Pajot, D'Orbestier, 2018.....

Qu'est-ce qui peut lier une série de décès inexpliqués lors d'un concert de La Folle Journée de Nantes en 2016, le meurtre d'une jeune femme vingt ans plus tôt, la disparition d'un acrobate, Willy Wolf, qui, en 1925 sauta du pont transbordeur de Nantes et ne remonta pas à la surface et la naissance des premiers transports en commun au début du 19° siècle ?

Vous le saurez en lisant le dernier-né du journaliste de Presse Océan, Stéphane Pajot, par ailleurs collectionneur averti de cartes postales et de photos anciennes (par exemple celle qui illustre ce roman et qui représente le fameux Willy Wolf lui appartient) et spécialiste émérite de Nantes, de ses coins et recoins oubliés, des faits divers qui s'y sont déroulés, des personnages emblématiques, typiques, artistes de rue, clochards, ... et auteur de nombreux livres sur la ville et de polars divers (allez voir à la lettre P de mon index, vous verrez une toute petite partie de sa production).

Dans Le rêve armoricain, Stéphane Pajot nous promène dans Nantes, remonte le temps avec un fil rouge ou même plusieurs, au moins deux personnages réels, Willy Wolf et William Turner. On passe, en plusieurs étapes de 2016 à 1826, apprend plein de choses sur les personnalités nantaises, sur la ville et ses évolutions.

La part belle est faite au journaliste Mathieu Leduc, qui en 2016, vingt ans après avoir été innocenté dans l'affaire du meurtre d'une jeune femme, couvre les décès tragiques et inexpliqués au concert de musique classique. L'auteur s'amuse à nous perdre, à nous faire douter. Il joue aussi avec les mots, avec des citations cachées dans son texte, telles : "marcha tel un robot dans les couloirs du métro" (Trust) et "par hasard et pas rasé" (S. Gainsbourg) et sûrement d'autres que je n'ai pas notées par méconnaissance ou tout simplement parce qu'elles sont si bien intégrées dans le texte qui m'a absorbé que je ne les ai pas vues.

Tout cela concourt à faire de ce court polar un roman original et ce qui définitivement le classe comme tel, c'est sa construction, un peu comme le très bon Selon les premiers éléments de l'enquête, qui s'appuie sur le travail de la presse quotidienne régionale, qui remonte le temps, je le disais plus haut, par un ou des fils rouges qui peuvent un moment perturber le lecteur qui ne verra les liens qu'en avançant. On pourrait, si l'on s'arrêtait à la structure, parler de nouvelles, ce qui ne serait pas une injure, mais l'auteur assez subtilement glisse des liens de continuité dans tous ses chapitres.

Tout coule extrêmement bien, dans un texte qui emprunte à beaucoup de styles, tour à tour très dialogué et oralisé, puis descriptif, puis un poil poétique, décalé avec ces fameuses citations. Le genre de livre qui fait du bien -même si l'on ne connaît pas Nantes- dont on ressort en se disant qu'on a lu un truc différent loin des productions courantes. Tout ce que j'aime. En plus, D'Orbestier -l'éditeur- a la bonne idée de faire sa collection Bleu cobalt en format poche pas chère. Plus rien ne vous retient.

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La revue dessinée

Publié le par Yv

La revue dessinée, Printemps 2018.....

Connaissez-vous La revue dessinée, revue d'informations en bandes dessinées ? Pour ma part, je l'ai découverte, il y a quelques semaines, chez l'un de mes frères, je l'ai feuilletée et évidemment en ai acheté un numéro, celui représenté ci-contre, le numéro du printemps (mars-avril-mai) 2018. Quatre numéros par an, plus de renseignements sur le site www.larevuedessinee.fr

Si comme moi les journaux d'actualité qu'ils soient télévisuels, radiophoniques ou papier vous agacent notamment parce qu'ils jouent sur le sensationnel, les émotions et oublient vite une information au profit d'une autre plus vendeuse, si donc comme moi, vous les fuyez et cherchez un moyen de vous tenir au courant des grands événements, de les comprendre, sans forcément vous cogner des sommes de spécialistes compétents certes, mais parfois abstrus, eh bien vous avez ici, sous vos yeux ébahis, l'un de ces moyens (que cette phrase fut longue !). Interviennent dans la revue, des bédéistes, des journalistes, sur des thèmes forts et parfois complexes : la Turquie d'Erdogan, le monde très particulier et fermé des abattoirs français, le Liban après toutes les années de guerre, l'agriculture et le label bio, les déserts médicaux, ... mais aussi des thèmes culturels et plus légers : Brigitte Fontaine, la Hoop-dance, le cinéma, ...

Beaucoup de bons points à cette revue : creuser certains sujets de manière pédagogique et instructive ; rendre les sujets même ceux qui nous intéressent a priori moins plus attractifs par le biais de la BD ; découvrir des auteurs, des dessinateurs, différents traits et/ou manières de dessiner. 

Bref, vous l'aurez compris, cette revue est à s'offrir, se faire offrir ou offrir. Tout renseignement sur le site indiqué plus haut. 

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Au-dessous du calvaire

Publié le par Yv

Au-dessous du calvaire, Hervé Jaouen, Presses de la cité, 2018 (première édition, 2005)...,

"Les Kermanac'h, cinq frères célibataires et leur sœur Naïg, exploitent en commun la ferme léguée par leurs parents. Pendant l'Occupation, tandis que la jeune Naïg vit son premier amour avec un soldat allemand, la fratrie se divise. D'un côté, il y a les pacifistes, de l'autre les partisans de la lutte armée dans des camps radicalement opposés : la Résistance et les milices nationalistes bretonnes que dirige le curé de la paroisse, collaborateur notoire." (4ème de couverture)

Avec habileté et en divers allers-retours dans le temps, Hervé Jaouen raconte le destin d'une fratrie dans les années de guerre. Bon, les sagas, ce n'est pas trop mon truc, mais lorsque c'est écrit par ce romancier, je prends. Malgré des longueurs évidentes, ce roman est intéressant à plus d'un titre. D'abord, comme à son habitude, Hervé Jaouen use d'une langue qui prend à tous les registres et qui est vive, jamais ennuyeuse ou pédante, jamais non plus racoleuse. Ensuite, à travers sa fratrie, il dresse le portrait de tous les gens de l'époque : ceux qui ont collaboré très activement, ceux qui ont résisté, ceux qui se sont contentés de vivre sans nuire aux uns ou aux autres et qui furent probablement la majorité des Français, celles qui ont aimé des Allemands et qui furent humiliées à la fin de la guerre.  D'autres personnages s'invitent dans son roman, tel le curé, Suzanne la maîtresse de Corentin, l'un des frères Kermanac'h,  la postière du village qui lit les courriers et informe la résistance, Momo le maquereau parisien venu se refaire la santé en Bretagne, et le plus marquant, un général allemand celtophile avéré, fin lettré, cruel, absolument détaché de la notion de vie humaine, décalé, drôle dans ses réparties tant elles sont dures, violentes et inattendues.

Et enfin, le plus présent dans ce roman, c'est la Bretagne, celle des Monts d'Arrée. Huelgoat et surtout Saint-Herbot. Les descriptions sont détaillées : paysages rudes et magnifiques, à tel point que l'envie d'y aller naît immanquablement, ainsi que celle de visiter la chapelle de Saint Herbot. Hervé Jaouen parle aussi d'histoire, et l'on apprend celle des milices nationalistes bretonnes, les bagadou stourm, mais aussi la vie difficile des Bretons de l'époque.

Comme d'habitude avec Hervé Jaouen, c'est l'assurance de passer d'excellents moments en Bretagne. 

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"Françaises, Français, Belges, Belges"

Publié le par Yv

"Françaises, Français, Belges, Belges", Pierre Desproges, Points, 2018.....

En 1982, à quelques jours d'intervalle, l'équipe du Tribunal des flagrants délires, sur France Inter, reçoit Daniel Cohn-Bendit (le 14 septembre) et Jean-Marie Le Pen (le 28 septembre). Pierre Desproges est le procureur de l'émission, celui qui accuse, et pour ces deux invités, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère (ce qui est sans doute une expression que ne comprendront que les plus âgés de mes lecteurs), raison pour laquelle, ces deux réquisitoires restent parmi les plus célèbres. Imaginez, de nos jours, un humoriste disant cela, dès le début de son sketch :

"Je n'ai rien contre les rouquins. Encore que je préfère les rouquins bretons qui puent la moule aux rouquins juifs allemands qui puent la bière. D'ailleurs, comme disait à peu près Himmler : "Qu'on puisse être à la fois juif et allemand, ça me dépasse." C'est vrai, faut savoir choisir son camp." Outre se fâcher avec les Bretons et les rouquins, il serait taxé d'antisémite, de collabo, surtout sur les réseaux sociaux où l'anonymat rend les insultes plus aisées... de tout ce qu'on veut, sauf d'humoriste. Desproges, en bon anar de droite -ou de gauche, ça dépend de qui il a en face de lui-, se plaît donc à méchamment brocarder les gauchistes (si si, à l'époque Daniel Cohn-Bendit en était) et encore plus les extrémistes de droite et à l'époque -comme maintenant et comme toujours, droit dans ses bottes à bouts pointus- JM Le Pen en était itou. Voici d'ailleurs comment il débute le réquisitoire à icelui consacré :

"Françaises, Français,

Belges, Belges, 

Extrémistes, extrémistes,

Mon président français de souche [Claude Villers],

Mon émigré préféré [Luis Rego],

Mesdames et messieurs les jurés,

Mademoiselle Le Pen, mademoiselle Le Pen,

Mademoiselle Le Pen, madame Le Pen [qu'on imagine toutes dans le public],

Public chéri, mon amour."

C'est court, mais déjà on sent que le texte sera fort et drôle. Il l'est incontestablement, c'est dans celui-ci qu'il fera sa démonstration aujourd'hui reconnue par tous : "On peut rire de tout mais pas avec tout le monde."

Bonne idée que de sortir en très court volume, pas cher, ces réquisitoires de Pierre Desproges, qui me font toujours autant rire. Et quelle langue, quelle écriture lorsqu'il part dans ses envolées lyriques ou lorsqu'il assène quelque propos tranchant ! (désolé, m'sieur Desproges, j'ai usé du point d'exclamation que vous dénonciez en ces termes : "ponctuation facile dont le dessin bital et monocouille ne peut qu'heurter la pudeur")  Oui, c'est dur, oui c'est parfois méchant, non ça ne passerait sans doute plus maintenant. Quel dommage qu'on ait perdu tant de liberté dans l'expression. Lisons et écoutons Pierre Desproges, tout Desproges, ça requinque notre humour et ça nous permet de ne pas trop désespérer des humoristes de maintenant...

PS : les deux textes sont suivis de citations de l'humoriste-auteur, du genre :

"Il y a plus d'humanité dans l’œil d'un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil."

"Réfléchissons : qu'est-ce qui différencie un Noir d'un Blanc à part la couleur de la peau et l'intelligence qui n'est pas la même chez Denise Fabre et Léopold Sédar Senghor ?"

"Dire que les Juifs ont de l'humour c'est aussi raciste que de dire que les Arabes sont des fainéants."

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Quichotte, autoportrait chevaleresque

Publié le par Yv

Quichotte, autoportrait chevaleresque, Eric Pessan, Fayard, 2018.....

"S'est-on jamais demandé ce que ferait Don Quichotte aujourd'hui ? 

Accablé par les nouvelles venues des quatre coins du monde, toutes plus terribles les unes que les autres, l'auteur de ce livre ne trouve de consolation que dans la littérature. Là se trouve l'ultime façon de résister au monde tel qu'il est. Là se trouvent les héros. Là se trouve le fabuleux chevalier à la triste figure, que l'auteur invite à revenir parmi nous. 

Notre triste époque ne fourmille-t-elle pas d'éplorés à protéger, de torts à redresser ?

Et si, mieux encore que la consolation, de la littérature venait le salut ?" (4ème de couverture)

Eric Pessan, écrivain prolifique et néanmoins auteur de romans excellents que je ne pourrais pas tous citer ici (allez voir  et encore ce ne sont que ceux que j'ai lus...) écrit, un jour où l'actualité le blesse encore plus que d'habitude, sur son écran d'ordi DON QUICHOTTE. Et de ce nom part cette idée de construire un roman qui entremêlerait une vie du héros de Cervantès toujours accompagné de Sancho Panza de nos jours et les réflexions de l'écrivain sur la vie, l'écriture, la littérature, l'économie, la géopolitique, le monde étrange dans lequel nous vivons qui marche sur la tête, qui ne reconnaît plus l'humanité, la fraternité, la liberté, sur les hommes qui  vivent aliénés par le travail, l'argent à gagner pour vivre, survivre ou amasser : "J'ai l'impression que ce livre doit être écrit ainsi, mêlant les aventures du Quichotte à mes questionnements d'écrivain. Et, surtout, j'en ai le désir. J'ai envie d'écrire, j'ai envie d'essayer, j'ai envie de tester cette structure, j'ai envie de me frotter au Quichotte, j'ai envie de faire vivre ma bibliothèque, j'ai envie de shooter dans ce qui m'étouffe, de prendre le réel entre deux mains et de le tordre jusqu'à en faire un nœud, comme les athlètes de cirque font d'une barre de fer. Et j'ai envie qu'il soit possible d'écrire juste parce que l'on en ressent le désir." (p.136)

Il est beaucoup question de littérature, des grands noms, de ceux qui ont écrit des livres importants, universels, qui ont donné le goût de la lecture à beaucoup et à Eric Pessan en particulier. Il est aussi question d'écriture, de ce travail dont beaucoup considèrent qu'il n'en est pas un, des efforts même corporels qu'il implique, des choix de vie sachant que peu d'écrivains vivent de leurs livres. Puis Eric Pessan parle aussi de ses indignations, de ses nausées lorsqu'il lit ou écoute ou regarde un journal d'actualité. Alors, il convoque Don Quichotte et Sancho Panza pour réparer les injustices, ce qui donne lieu à quelques passages épiques et drôles.

Certes, le livre n'est pas exempt de quelques longueurs et de répétitions dues à la manière dont l'auteur l'a écrit, sans relire la première partie avant d'aborder la seconde. Mais, malgré cela, je me suis régalé. D'abord parce que je partage beaucoup des points de vue, des indignations, des dégoûts et même des émotions et des sentiments de l'auteur. Ensuite, parce que ce livre n'a pas une forme qui permettrait de le ranger dans telle ou telle catégorie. Il est inclassable, perturbe donc un lecteur qui n'aimerait pas ne pas trouver de repères. J'adore ça quand un écrivain me trimbale loin des règles, des carcans et qu'il se joue des codes en abordant l'autobiographie, le roman d'aventures, la poésie, l'essai, le roman d'introspection, la farce, ... tout cela en un seul volume. Le texte coule aisément et l'on passe des aventures de Quichotte aux réflexions de l'auteur sans souci de compréhension ; les articulations se font naturellement comme si nous étions dans la tête d'Eric Pessan, ou dans la nôtre qui, parfois aussi saute d'une idée à une autre sans apparemment -mais il y en a- de lien. La seule difficulté éventuelle pourrait être dans le fait que ce-dit roman n'en est pas vraiment un tout en en étant un. Mais cette difficulté se transforme vite en découverte, puis en curiosité -ou vice-versa- et en réel plaisir de lecture.

Dire que je conseille ce livre serait un euphémisme, il faut le lire absolument, on cerne mieux après le travail d'un écrivain, un de ceux qui chaque jour se mettent à leur table de travail pour nous donner à nous lecteurs des moments inoubliables -ou pas-, du rire, de la joie, de l'émotion, ... Je pense avoir pris autant de joie à lire ce Quichotte, autoportrait chevaleresque qu'Eric Pessan à l'écrire.

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Coupable

Publié le par Yv

Coupable, Jacques-Olivier Bosco, Robert Laffont, 2018.....

Lise Lartéguy est lieutenante à la crim'. Lise est aussi une jeune femme très tourmentée, en proie à des crises d'une violence extrême qu'elle canalise avec La Méthode, celle que son père ex-flic lui a apprise : punir ceux qui commettent des crimes terribles mais échappent à la justice. Alors, certaines nuits, Lise enfourche sa moto, se faufile dans des lieux connus d'elle seule et des criminels qui s'y cachent et elle les corrige. Puis, sa vie reprend son cours. Lorsqu'une nuit, sa correction prend une mauvaise tournure et qu'elle reçoit une dose de drogue par l'une de ses victimes, elle part en vrille et ne sait plus ce qu'elle fait. Le lendemain, son parrain et protecteur, ami de son père, chef de la police, est retrouvé mort. Seule Lise, en voyant le cadavre, reconnaît sa méthode, et dès lors comprend qu'elle-même, en colère contre son parrain a pu le tuer. 

Retour de la lieutenante Lise Lartéguy après ses aventures vitaminées de Brutale. Lise est toujours en proie à ses actes de violence qu'elle réserve la nuit et à des êtres malfaisants, violeurs, tabasseurs voire les deux en même temps. Des mecs qui n'ont pas eu à subir les foudres de la justice ou si peu et qui ont laissé des victimes traumatisées à vie, des mecs qui persistent dans leurs actes horribles. Mais Lise est aussi flique et une pugnace qui ne craint ni le danger ni les pires des voyous. Ce second tome des aventures de Lise Lartéguy est comme le premier, dynamique, extrêmement rapide, vif. Pas une seule seconde d'ennui. La violence est parfois difficile à soutenir, mais elle sert le récit et Jacques-Olivier Bosco (JOB) raconte comment Lise en est arrivée à ces crises et comment elle tente de les intégrer à sa vie. Coupable complète donc Brutale de fort jolie manière. Lise est une jeune femme très attachée à ses proches, ses deux collègues, Brigitte et Paupiette, à son amoureuse, Solveig. C'est dans ces relations qu'elle puise sa force de continuer. 

Outre un rythme effréné, JOB nous régale avec des intrigues qui se mêlent, certaines venues du passé de Lise, et il sème des indices qui nous mettent sur la voie ; jamais le plaisir de lecture ne s'émousse. Dans ce roman, il laisse une plus grande part à la personnalité de Lise rendant son polar moins tendu -encore que...- mais tout aussi passionnant. 

J'aime lire JOB parce que ses polars sont efficaces, énergiques, balayent tout sur leur passage, même les envies de dormir ou d'allumer le téléviseur, ce qui est bien, ça l'est un peu moins lorsque je dois préparer le repas du soir (euh, ce soir c'est coquillettes au beurre !). Je ne citerai pas d'extrait, tout simplement parce que je n'ai pas eu le temps d'en prélever un, ça va trop vite. 

Je ne sais pas si Lise reviendra, j'ai l'impression que cette série est un diptyque, que JOB n'a pas voulu prolonger les aventures de son héroïne. Si néanmoins, prend à Lise l'envie de revenir raconter ses enquêtes, nul doute que je les lirai avec attention.

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