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Pas d'inquiétude

Publié le par Yv

Pas d'inquiétude, Brigitte Giraud, Stock, 2011

"Mehdi est tombé malade quand nous avons emménagé dans la nouvelle maison. C'est moi qui avais relevé la boîte aux lettres ce jour-là, c'était un samedi matin. J'avais entre les mains l'enveloppe blanche petit format qui contenait des résultats d'analyses que nous ne saurions pas interpréter et qui allaient changer notre vie." (p.9)

C'est par ces mots que commence le roman de Brigitte Giraud. La suite, eh bien, elle est de la même qualité. Un texte magnifique qui décrit non pas la maladie de Mehdi, petit garçon de 11 ans, mais le déchirement de ses parents, leur confrontation à une situation qu'ils n'avaient pas envisagée. Et comme nous les comprenons, nous lecteurs et lectrices ! Comment envisager, lorsqu'aucun signe n'apparaît qu'un de nos enfants ait une maladie extrêmement grave ?

"Ce fut donc un début en douceur, sans la violence des mots, une auscultation tout en retenue, et en rentrant tournait dans ma tête la dernière phrase prononcée par le médecin. Plus je remâchais ce pas d’inquiétude, plus ma gorge se serrait. Pas d’inquiétude n’était pas compatible avec sans tarder, le médecin se contredisait, et en même temps je me rassurais, non, rien de plus normal, il voulait juste qu’un spécialiste prenne le relais, son sérieux était réconfortant, il valait mieux envisager les choses à temps." (p.16)

Ce texte est la vie quotidienne de cette famille, le père qui arrête son travail pour s'occuper de Mehdi, la mère engluée dans une situation professionnelle chronophage, difficile et culpabilisante et leur fille, Lisa, lycéenne qu'ils négligent par la force des choses, absorbés qu'ils sont par Mehdi, sa pathologie et tous les rendez-vous inhérents à celle-ci. C’est donc leur quotidien, l’usuel, la préparation des repas, la question de qui fait quoi, mais aussi les questionnements profonds, les réflexions sur l’utilité de se sacrifier pour accéder à la propriété d’une maison alors que tout allait bien dans leur appartement. Oh, certes, il était en banlieue, il n’était pas présentable aux amis, aux connaissances qu’ils n’invitaient plus, mais au moins à ce moment-là, Mehdi allait bien !

C’est aussi l’éloignement des êtres entre eux et l’éloignement des corps :

"Nous étions, ma femme et moi, devenus deux blocs distincts qui, le soir venu, affrontaient la nuit comme la dernière étape de la journée, l’ultime épreuve à franchir, avant de s’en remettre à l’oubli, deux masses de chair qui ne palpitaient plus mais espéraient se perdre dans l’opacité du sommeil. Nous n’étions plus des corps mais des amas de chair triste, d’étranges végétaux aux troncs calcinés par la foudre." (p.82)

Vous l’avez compris le contexte n’est pas drôle. Ni le texte. Néanmoins, il n’est pas plombant, insurmontable. Pudeur et retenue sont plutôt de mise. D'aucuns qui ont eu à lutter contre la maladie de leurs enfants trouveront peut-être que ce père passe son temps à geindre plutôt qu'à profiter des moments avec son fils. Mais je pense qu'il fait les deux : il joue et profite de Mehdi, mais seul, il ne peut s'empêcher de se questionner sur son avenir, sur leur futur familial, sur la vie avec un enfant malade et sur la vie sans lui.

L’écriture aux phrases longues, travaillées mais au vocabulaire simple est directe, franche sans pourtant jamais nommer la maladie et en ne dévoilant les uns et les autres que par petites touches successives.

Néanmoins, malgré tous mes compliments, je dois bien avouer que j’aurais préféré un roman plus court, plus ramassé. 264 pages, c’est un peu longuet ! Certes, les personnages avancent au long des lignes, mais il y a aussi beaucoup de répétitions de situations, de questionnements qui, évitées, auraient pu alléger un peu le livre.

Une très belle sélection pour le Prix du roman France Télévision 2011.

Antigone aussi l'a lu

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Les aliments santé et les clés de la nutrition

Publié le par Yv

Les aliments santé et les clés de la nutrition, Valérie Godefroy, Ed. One plus one, 2011

Dans le même genre d'idée que l'article d'hier consacré aux plantes qui guérissent et dans le même partenariat avec les éditions One plus one, je me suis plongé dans la lecture de ce bouquin. Même qualité : mise en page très soignée, très belles photos illustrant les articles, et classement alphabétique selon le nom des aliments, donc très pratique. Mais avant de passer au cas par cas, l'auteure, ingénieur agronome, fait une introduction assez drôle pour ce qui est du chapitre : "10 bonnes raisons d'acheter ce livre" et plus sérieuse et poussée  pour "Les bases de la nutrition". Beaucoup d'évidences pour ceux qui, comme moi sont déjà intéressés par le domaine, mais des rappels ou notions nouvelles pour ceux qui sont assez loin des préoccupations alimentaires. Certains points sont plus poussés, notamment le chapitre consacré aux nutriments. Valérie Godefroy passe en revue les bienfaits des glucides, lipides, protéines, bien sûr, mais aussi les antioxydants, les polyphénols, les probiotiques, les prébiotiques, les stérols végétaux. Pas de panique, les paragraphes sont courts et très compréhensibles et renseignent très bien de ce que sont ces éléments et de ce qu'ils apportent.

Ensuite, chaque page est dédiée à un aliment, avec les "Conseils pratiques de la nutritionniste", un "Le saviez-vous" qui apporte des précisions sur l'origine, ou différents aspects de l'aliment. Très bien fait, encore une fois très pratique et facilement consultable à tout moment.

J'avoue avoir été un peu moins intéressé par ce livre que par celui du Dr Goetz dans la même collection, mais c'est probablement parce que nous composons déjà une famille qui faisons attention à ce que nous mangeons et à la manière dont nous achetons. D'ailleurs, à ce propos, Valérie Godefroy fait quelques lignes sur l'agriculture bio (AB) desquelles il ressort qu'elle n'a pas tant de différence que cela avec l'agriculture conventionnelle (AC), mise à part les "teneurs plus élevées en nitrate que ceux de l'AB (75% de plus en moyenne), mais la toxicité de ces substances a été remise en cause, notamment par l'EPSA (European Food Safety Authority), et la grande majorité des produits de l'AC respectent de toute façon les seuils imposés de nitrates pour éviter toute nocivité" (p.39)

Bon, là évidemment, je ne suis pas d'accord parce que si l'agriculture bio est quand même moins nocive, les aliments sont aussi de meilleure qualité, fondent moins dans la poêle que ceux issus de l'agriculture intensive et surtout les méthodes de production sont saines et ne déversent pas dans nos terres, nos rivières et fleuves et dans l'air quantités industrielles de produits nocifs et dangereux. J’avoue même ne pas comprendre comment, encore de nos jours, on peut continuer cette discussion sauf à être défenseur des multinationales de l’agro-alimentaire (ce que Valérie Godefroy a priori n'est pas même si elle a effectué des missions pour la Fondation Bonduelle chargée de véhiculer de l'information nutritionnelle et de soutenir les travaux de recherche ainsi que les projets en lien avec la nutrition). Mais je ne suis pas un intégriste du bio, je privilégie le local : pourquoi faire voyager des carottes bio de la Sicile (vu sur un étal) alors que le maraîcher d’à côté en a qui n’ont parcouru que les 10 ou 20 kilomètres qui séparent son exploitation du marché ? 

Pour être complet, je me dois d'apporter ici une précision de Valérie Godefroy qui m'a écrit, par mail : "J'ai noté que vous critiquiez mon positionnement par rapport aux produits bio en disant que je prétendais qu'ils n'étaient pas meilleurs que les produits issus de l'agriculture conventionnelle... Or, mon chapitre sur le bio ne fait qu'affirmer que d'UN POINT DE VUE NUTRITIONNEL (et uniquement de ce point de vue), rien ne permet de prouver que les produits bio soient meilleurs pour la santé. Mais je ne nie absolument pas que d'un point de vue éthique, environnemental et même en termes de qualité gustative, ces produits puissent être meilleurs ! En effet, étant moi-même issue d'une école d'ingénieurs agronomes (AgroParisTech), je suis très sensible à tous les aspects environnementaux et je suis bien d'accord avec vous, s'agissant de l'intérêt que représentent les produits bio de ce point de vue !"

Ce petit point étant éclairci, je vais ranger ce livre tout près de celui du Dr Goetz histoire de pouvoir le ressortir et le feuilleter de temps en temps ; dans la rubrique des conseils de la nutritionniste, il y a des idées de préparation culinaires à cuisiner.

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Les plantes qui guérissent

Publié le par Yv

Les plantes qui guérissent, Dr Paul Goetz, Ed. One plus one, 2011

Lorsque Anaïs des éditions One plus one m'a proposé ce partenariat, j'ai hésité un peu, et puis, je me suis dit que comme nous nous intéressions, Madame Yv, les enfants Yv et moi-même (vous avez vu ce culte de la personnalité, tout tourne autour de moi, tel un patriarche de jadis. C'est beau de rêver. Au moins sur mon blog, je peux dire ce que je veux !) ; je disais donc, avant de m'auto-interrompre, que comme nous nous intéressions aux choses de la nature, aux plantes, aux aliments, à notre manière de consommer, ce livre pouvait nous donner des pistes ou des conseils. Et puis, sur la couverture les éditions le petit logo "Ça m'intéresse" est un gage de qualité : une revue que je feuillette régulièrement à la BM avec grand plaisir et beaucoup d'intérêt.

Il est très bien fichu ce livre : très clair, coloré et bien illustré. Bref, agréable à feuilleter et lire. Mise en page soignée, propre, un beau livre quoi !

Simple d'utilisation, puisque chaque maladie ou affection est classé selon l'ordre alphabétique et donc aisément trouvable. Ensuite, sur chaque page, il y a d'abord des "Conseils d'hygiène de vie", très pratiques, comme par exemple pour l'halitose. Et là, je vous vois bien qui vous demandez mais de quoi c'est-y-qui-m-cause ? L'halitose, késako ? Et bien, sous vos yeux ébahis, je m'en vais vous donner la réponse, l'halitose c'est tout simplement la mauvaise haleine ! Et ouais, balèse le Yv (Merci Dr Goetz). Bon, pour l'halitose, il faut donc se moucher souvent et éviter le café !

Pour chaque affection traitée, le Dr Goetz donne aussi les symptômes, ce qui permet de savoir si c'est bien ça qui nous travaille. Et puis, bien sûr, la page ne serait pas complète sans la rubrique "Comment se soigner", qui dresse une liste de plantes à prendre, en huiles essentielles, en tisanes (dans ce cas, le mode préparatoire est indiqué, bien vu) voire en comprimés. Par exemple, si je reviens à notre halitose :

"En cas d'halitose biliaire, prenez la tisane suivante :

- menthe

- romarin

- anis

- gingembre

- basilic.

A parts égales, laissez infuser 10 minutes. Vous pouvez y ajouter du curcuma en extrait fluide ou en teinture." (p.93)

Après ça, vous pourrez peut-être même passer aux choses sérieuses, parce qu'on retrouve le romarin et le gingembre dans le traitement contre la baisse de la libido ! A mon avis, l'halitose soignée est aussi un médicament pour lutter contre la baisse de la libido.

Très intéressant donc ce bouquin, même s'il n'est pas toujours évident de trouver facilement toutes les plantes recommandées en magasin. Mais ce que je trouve très bien en plus, c'est que le Dr Goetz précise que ce qu'il propose va en plus des traitements allopathiques, qu'en aucun cas les plantes soignent seules les grosses pathologies et qu'il est important de consulter son médecin en cas de maladie !

Un bouquin qui va rejoindre les rayons de ma bibliothèque, mais pas trop loin, très accessible pour l'avoir toujours sous la main au cas où.

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L'arcane sans nom

Publié le par Yv

L'arcane sans nom, Pierre Bordage, Ed. La Branche, 2011

Sahil est déserteur de l’armée afghane et réfugié, sans papiers, en France. Il vit dans un squat parmi une troupe de satanistes et n’est pas insensible aux charmes de l’une d’entre elle, Ten. Néanmoins, il n’est pas à son aise dans ce monde aux antipodes de sa vie d’avant. Sans papiers, sans le sou, il ne sait quoi faire. Un jour, Méphisto, un jeune sataniste le met en relation avec un homme qui, pour 15 000€ et des papiers, lui propose un marché : tuer une femme. Sahil accepte, mais au dernier moment réalise qu’il est tombé dans un piège et qu’il risque de le payer de sa vie. Refusant de tuer la femme, il doit donc s’enfuir, poursuivi par une bande de tueurs sans scrupules.  

Deuxième roman de la collection Vendredi 13, après Close-up dont je  vous ai déjà parlé. Même jaquette, même mise en page et police d’écriture très agréables. Des livres qu’on a plaisir à avoir dans les mains. L’idée du directeur de collection, Patrick Raynal : un jour particulier, le vendredi 13, 13 romanciers s’en emparent et rendent leur copie. Close-up m’a emballé, L’arcane sans nom, tout pareil, dans un genre très différent.

Là, ce n’est point l’écriture de Pierre Bordage qui m’a séduit –encore qu’elle n’ait rien à envier à bien d’autres-, elle est simple, directe, efficace, au service de l’histoire, de ses rebondissements et des personnages. La majeure partie du roman se passe à Paris, mais on revient de temps en temps, dans la tête de Sahil, en Afghanistan, dans les combats terribles entre les talibans et l’armée dite régulière, dans les actes abominables proférés par les deux parties qui bouleversent et hantent encore le jeune homme.

Le voilà bien mal embarqué Sahil : empêtré dans une histoire qui le dépasse, lui qui veut juste aller dans le nord du pays pour émigrer en Angleterre, pays nettement plus accueillant que le nôtre, en ce moment pour les réfugiés, ce qui n’est pas à notre honneur (parenthèse personnelle) ! Mal embarqué, certes, mais bien entouré, entre Ten, la jolie sataniste dont il est amoureux, mais qu’il n’ose pas toucher tellement elle est loin de la représentation de la femme qu’on lui a inculquée : "Il se demanda pourquoi il éprouvait ce violent sentiment de jalousie vis-à-vis d’une fille totalement dépourvue des vertus exigées d’une femme, pudeur, fidélité, honnêteté, loyauté…" (p.114) et Djidjo, la jeune fille rom, son ange gardien, la porte d’O Del :

"-Toi, tu me protèges ? […]

- Jofranka [la guérisseuse] dit que je suis la porte d’O Del.

- O Del ?

- Le bien. Elle dit que, si je reste près de toi, j’empêcherai O Beng, le mal, de t’emporter." (p.86)

C’est donc à un audacieux et réjouissant mélange des genres, des cultures, un melting-pot comme on disait dans le temps que nous invite l'auteur. Le choc des cultures pour Sahil, l’opposition entre son éducation et la vie occidentale. Ce roman ne laisse aucun temps mort, ni à Sahil ni aux lecteurs : c'est rapide, efficace, sans chichi.

Néanmoins, Pierre Bordage ne dédaigne pas faire des remarques sur la guerre en Afghanistan, sur notre manière de recevoir les réfugiés : ce ne sont pas des parenthèses personnelles de l'auteur intervenant en tant que tel dans son roman, il met plutôt ses réflexions dans les voix de ses héros. Il est vrai que le monde qu'il décrit, celui des laissés pour compte, des marginaux n'est pas vraiment engageant, ni leur présent ni leur avenir et que la France n’a pas à s’enorgueillir actuellement ni de ses conditions d’accueil ni de ses conditions de reconduite aux frontières.

Action, rebondissements, personnages attachants et bien décrits avec leurs bons côtés mais aussi leurs travers, lieux glauques et situations qui ne le sont pas beaucoup moins, plus le talent et l'efficacité de Pierre Bordage (dont j'avais beaucoup aimé le Porteurs d'âmes) font que je viens de finir un excellent polar et que décidément, cette collection Vendredi 13 m'a l'air bien prometteuse.

Merci Gilles Paris (Davina)

 

challenge-rentrée-littéraire-2011

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Retour à Killybegs

Publié le par Yv

Retour à Killybegs, Sorj Chalandon, Grasset, 2011

Tyrone Meehan est Irlandais et militant de l'IRA. Mais il est aussi un traître à la cause : celui qui n'a d'autre alternative que celle de travailler avec les Anglais, dès les années 1980, avant le processus de paix. Fin 2006, âgé de 81 ans, il revient dans la maison de son enfance, à Killybegs, y attendre la fin. C'est aussi le moment pour lui de se raconter, de dire ce que fut sa vie, de l'enfance battue à la trahison qui l'obsédera jusqu'à la fin.

Je n'ai pas lu le roman précédent de Sorj Chalandon, Mon traître, (en fait je découvre cet auteur, si je mets à part ses papiers dans Le Canard Enchaîné) qui raconte la même histoire, mais vue du côté d'Antoine, le Français, l'ami de Tyrone et l'ami de l'IRA. Là, le narrateur est Tyrone et on entre de plein fouet dans la véritable guerre entre l'Irlande et l'Angleterre (voir l'entretien de l'auteur ici qui explique tout cela)

C'est un livre qui vous prend dès les premiers mots et qui ne vous lâche pas avant la fin. Voici d'ailleurs les phrases qui entament ce roman :

"Quand mon père me battait il criait en anglais, comme s'il ne voulait pas mêler notre langue à ça. Il frappait bouche tordue, en hurlant des mots de soldat. Quand mon père me battait il n'était plus mon père, seulement Patraig Meehan. Gueule cassée, regard glace, Meehan vent mauvais qu'on évitait en changeant de trottoir. Quand mon père avait bu il cognait le sol, déchirait l'air, blessait les mots. Lorsqu'il entrait dans ma chambre, la nuit sursautait. Il n'allumait pas la bougie. Il soufflait en vieil animal et j'attendais ses poings." (p.13)

Ensuite, on plonge en plein cœur de la guerre menée par l'IRA, cette armée secrète qui a rêvé d'une Irlande indivisible et unie. Une armée hétéroclite. "Des soldats de l'ombre, des enfants sans pères, des femmes sans plus rien. Tristes et las, nous étions une humanité sombre. Avec la pauvreté, la dignité, la mort, ces compagnes de silence." (p.258)

L'histoire de Tyrone est indissociable de celle de son pays : il n'a vécu que par lui et pour lui, jusqu'au moment de sa trahison qu'il fait encore pour tenter de le sauver, lui et ses habitants. Les interrogations sont poussées, parfaitement posées. Cet homme est pétri d'humanité bien qu'il ait mené un combat particulièrement violent. Il est rongé par le remords, par les regrets. Un vrai personnage humain, plein de contradictions, de colères, de violences et de tendresses. Un personnage travaillé en profondeur, intense, dense.

Sorj Chalandon a une écriture simple et forte. Son roman est très dialogué, très documenté : je me souviens de Bobby Sands, mort d'avoir poursuivi une grève de la faim de 66 jours avec en face de lui, une Margaret Thatcher totalement sourde aux revendications des prisonniers irlandais ; plusieurs après lui sont morts également des mêmes conséquences, sans que la dite Mme Thatcher ne fasse un geste !

C'est un bouquin qui vous prend aux tripes, qui vous remue et duquel vous ressortez à la fois avec la sensation d'avoir lu un très grand livre, mais aussi avec une sorte de gêne, de révolte, un sentiment d'injustice envers Tyrone. Un roman qui permet de se remettre en mémoire un conflit pas si vieux que cela puisque le processus de paix date des années 90, qui se passait à nos portes.

Un conseil avant que vous n'ouvriez ce livre : prévoyez du temps, parce que vous risquez de ne pas vouloir le refermer de sitôt !

Une sélection du Prix du roman de France Télévision, enfin un de bon ! Que dis-je ? D'excellent !

D'autres lecteurs : Alain, Clara, Constance

Son entretien avec Interlignes est ici

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Geluck enfonce le clou

Publié le par Yv

Geluck enfonce le clou, Philippe Geluck, Casterman, 2011

Dans la veine de Geluck se lâche, Geluck enfonce le clou ! Toujours aussi réjouissant, Geluck montre sa face cachée, son penchant naturel vers la vacherie, la grossièreté et la méchanceté, parfois gratuite (enfin, pas tout à fait puisque le livre coûte 18€).

Il aborde des thèmes divers comme l'intégrisme, la religion ou plutôt même les religions, la maladie, la mort et les enfants des autres :

"Halte au terrorisme bambinesque ! Sous prétexte que c'est mignon et que ça dit "areuh", ça ne devrait pas être autorisé à nous pourrir ces moments bénis où nous échappons, le temps d'un film, d'un navarin de homard, d'un Paris-Marseille, au tohu-bohu de notre société trépidante. Et je ne critique pas ici les petiots eux-mêmes, mais plutôt leurs infâmes géniteurs qui, non contents de s'émerveiller de leurs braillardises, en rajoutent à coups de "Voyons Thomas, calme-toi ! Tout le monde te regarde !" (p.6)

Les textes sont soignés, bien écrits et l'on se rapproche du mauvais esprit de Pierre Desproges, de Cavanna, Siné et les autres. Sans son double, Le Chat, Geluck réussit également à faire un livre drôle. Peut-être plus directement méchant qu'avec son alter ego, même si celui-ci n'est pas toujours sympathique, mais il cache bien son jeu dans ses rondeurs et sa bonhomie.

Les dessins sont encore mieux que les textes : un petit exemple ? Oh oui ! Bon allez, c'est bien parce que c'est vous !

CLOU-JOHNNY.jpg

Là, c'est plutôt marrant, mais certains dessins sont grinçants, politiquement incorrects et font passer des messages beaucoup plus clairement et facilement que des textes. Tout pour plaire quoi ! Mais je ne cache pas ma subjectivité totale, je suis totalement partial, parce que je suis fan du Chat et donc de Geluck depuis, pfuiii,... ça ne me rajeunit pas (sans commentaire, SVP).

Merci Davina, de chez Gilles Paris.

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Rouler

Publié le par Yv

Rouler, Christian Oster, L'olivier, 2011

Un jour, un homme, le narrateur, Jean, monte dans sa voiture et prend la route vers le sud, vers Marseille. Il prend les petites routes, refuse les autoroutes. Il rencontre des gens, les prend parfois dans sa voiture. Se perd au hasard de promenades à pieds, et se retrouve à demander de l'aide à des habitants. Rouler est un road-movie sur les routes de la campagne française.

Une fois que j'ai fait le résumé, j'ai tout dit du livre de Christian Oster, je peux remballer !Je développe un peu quand même. On peut trouver de beaux passages, une écriture changeante en fonction de l'activité de Jean :

- plutôt des phrases courtes lorsqu'il s'agit de ses actes : "J'ai pris le volant un jour d'été, à treize heures trente. J'avais une bonne voiture et assez d'essence pour atteindre la rase campagne. C'est après que les questions se sont posées. Après le plein, j'entends. En même temps, c'était assez simple. Comme j'avais pris la direction du sud, je me suis contenté de poursuivre. Je voulais juste éviter Lyon, de sorte que je me suis retrouvé à la tombée de la nuit perdu quelque part dans le Massif central." (p.9)

- et des phrases nettement plus longues lorsqu'il s'agit de ses interrogations, de ses doutes : "Quant à Claire, je ne savais trop quoi en penser non plus. Agréable à regarder, sans doute, me disais-je, plus qu'à entendre, quand elle veut bien ouvrir la bouche, une sorte de franchise, également, qu'il m'a semblé déceler dans le coup d’œil qu'elle m'a jeté tout à l'heure, mais quelque chose aussi, me disais-je encore, qui échappe, ou qui s'échappe, et qu'on n'identifie pas, qui la pose comme exactement à côté d'elle-même, à la manière d'une sœur boudeuse, laquelle n'en penserait pas moins." (p.50/51)

Mais cette écriture qui fait que j'ai tenté de résister à la tentation ultime de refermer ce livre devient assez vite rengaine, litanie. Par exemple, la phrase qui suit directement celle que je viens de citer ; attention : respiration avant de lire ! Êtes-vous prêts ? Je cite : "Enfin, songeais-je, avec elle je pourrais peut-être passer une heure, à l'observer, surtout, si j'avais besoin de dépaysement, mais ai-je besoin de dépaysement, ne suis-je pas assez dépaysé, déjà, n'ai-je pas mon compte de dépaysement, ne souhaité-je pas tout simplement me retrouver avec moi-même, me disais-je, dès lors que je ne m'arrête plus nulle part, désormais, et que je ne m'inflige plus mon poids à l'état de repos." (p.51)

Je vous promets, je jure et je crache que je n'ai fait que restituer le texte exact, répétitif, pas forcément adroit. Ne serait-ce la longueur de la phrase on dirait presque du C. Angot. D'ailleurs, le parallèle n'est pas si idiot -là, se cache une sorte de compliment déguisé, à peine, à moi-même, saurez-vous le découvrir ?-, puisque j'ai entendu certains journalistes dithyrambiques sur ce livre de Christian Oster comme ils le sont sur ceux de sa camarade de plume (P. Clark, entre autres, pour ne pas la nommer sur France Inter). Mais que trouvent-ils à ces écrivains qui hésitent, qui font des phrases mal tournées et qui écrivent des livres ennuyeux et creux ? Parce que celui-ci, à part, un carnet des routes que Jean emprunte, je ne vois pas ce qu'il apporte. Les personnages sont vides, jamais vraiment déterminés. Ce ne sont qu'interrogations vaines sans réponses. Si par hasard, vous voyez ce livre, n'hésitez pas, prenez celui d'à côté, l'Atlas des routes du sud de la France (ça doit bien exister, non ?) : vous aurez le même itinéraire, mais les cartes en plus !

Deuxième sélection du Prix du roman de France Télévision : décidément, ça commence bien mal pour moi ! Ils ne vont peut-être pas me garder, et je ne verrai pas Michel Drucker ! NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON, c'est trop horrible !

D'autres avis : Constance, Jostein, Stef, L'ivrogne, Bernhard.

Peut-être un peu plus sur son entretien avec Interlignes 

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Cyr@no

Publié le par Yv

Cyr@no, Bessora, Ed. Belfond, 2011

"Si à sa naissance l'officier de l'état civil ne s'y était pas opposé, Roxane se serait appelée Cyrano, et sans doute alors tout aurait-il été plus simple pour elle dans le milieu du théâtre... Mais Roxane s'appelle Roxane, et elle doit faire avec, comme elle doit faire avec ses jambes de Teutonne, sa poitrine de nymphette, son « cul à chier » et son nez trop long. C'est d'autant plus difficile que, dans la vraie vie, elle s'est amourachée de Christian, un bellâtre blond légèrement bedonnant qui l'a aimée un soir pour la congédier le lendemain... par mail.
Heureusement, pour remédier à ses ratages, Roxane peut compter sur son double : Cyrano, l'autre elle-même, aimante, pleine de ressources mais aussi pleine de fiel Ensemble, elles concoctent un implacable stratagème pour séduire Christian et le transir d'amour pour elle(s). Elles créent Cyr@no, avatar de Roxane et Cyrano mêlées, créature virtuelle qui va incarner l'idéal féminin de l'insaisissable Christian..." (4ème de couverture)

Autant le dire tout de suite, si j'avais eu à choisir ce livre, jamais je ne l'aurais fait : d'abord parce que le thème ne me parle pas, ensuite parce que je déteste les mots, les noms de magasins, d'entreprises, de sociétés, ... et a fortiori de roman qui utilisent l'arobase pour remplacer le "a". Je trouve cela facile, ringard et nul. Sûrement fallacieux comme argument pour ne pas choisir un livre, mais on ne se refait pas, et il faut bien des critères aussi subjectifs soient-ils !

J'ai donc reçu ce livre dans le cadre du Prix du roman France Télévision dont je vous parlais récemment.

Malgré mes a priori, j'ai ouvert ce roman de Bessora et très vite, j'ai ressenti un malaise. Le vide. Aucun intérêt pour cette histoire de double, de jeune femme voulant devenir comédienne et reconquérir son Christian, comme il se doit. Les dialogues incessants entre Roxane et son double Cyrano alourdissent le propos, le style déjà pas léger-léger. Beaucoup de néologismes -je n'ai rien contre un de temps en temps, mais là Bessora fait fort !- et d'invectives entre les deux facettes du personnage qui fatiguent plus que ne captivent.

L'auteure fait bien des tentatives intéressantes d'écriture, notamment lorsque Cyrano parle, il s'exprime en une sorte de vieux françois :

"Hoho-hô ! Dieu me damne... Versifie, pintade, on t'écoute ! Eh bien ? Rien ne vient maraude ? Prends donc ma dictée... Hum... Christian, je sais que l'an dernier, un jour, le douze mai, pour sortir  le matin, tu changeas de coiffure. Oh... j'ai tellement pris pour clarté ta chevelure que, comme lorsqu'on a trop fixé le soleil, j'ai vu sur toute chose un rond vermeil. Hoho-hô !" (p.32)

Mais tout cela reste empesé et Roxane martèle des imbécillités, des évidences et des banalités. L'écriture sous des dehors modernes est ampoulée, on sent  le travail et on le lit.

Je ne suis pas allé au bout de ce roman, qui, vous l'aurez compris ne fera pas partie des mes favoris pour ce prix. Quoique... C'est le premier que je lis, les autres seront peut-être pires. Mais la barre est haute !

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Désolations

Publié le par Yv

 

Désolations, David Vann, Gallmeister, 2011

Gary et Irene vivent ensemble depuis 30 ans, mais leur couple n'est pas au beau fixe. Gary décide de construire une cabane sur Caribou Island, un îlot isolé pour y vivre, mais Irene n'envisage ni la vie là-bas, ni la vie sans Gary. De leur côté, leurs enfants, Mark et Rhoda peinent à entrer réellement dans la vie. Si Mark pêche et se défonce au cannabis avec sa copine Karen, Rhoda, assistante vétérinaire se pose des questions sur le couple qu'elle forme avec Jim, le dentiste du coin. Toutes ces interrogations sont exacerbées par le climat et le rythme inhérents à l'Alaska.

Vais-je oser ? Me mettrais-je à dos la quantité de lecteurs de David Vann depuis son formidable succès de Sukkwan Island ? Bon, je me lance : je n'ai pas aimé ! C'est lent, c'est long, c'est prévisible ! Ouf ! Voilà, c'est dit. Maintenant je pars en courant (je suis un grand sportif) de peur de recevoir des cailloux. .................................................................................................................................

Voilà, c'est bon ? Je peux revenir ? Vous avez bien vidé vos mains et jeté les projectiles qu'il vous restait ? Sûr ? pas un qui traîne encore ici ou là ?

J'argumente : j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce livre et pourtant j'avais un a priori très positif eu égard au roman précédent de l'auteur, qui malgré des longueurs, là aussi m'avait emballé. Las, je retrouve ici, en encore plus fort ce que je n'avais pas aimé dans l'autre. L'intrigue de départ est peu ou prou la même et le déroulement pareil. Le paysage est ressemblant : j'aime bien lorsque les auteurs se renouvellent, mais là ce n'est pas le cas.

J'ai été vraiment agacé par les les questionnements des personnages : toujours les mêmes tout au long des 300 pages ; ils n'évoluent quasiment pas, sauf dans les toutes dernières pages ; c'est redondant et longuet.

"Si Irene avait pu comprendre tout cela à temps, elle aurait peut-être quitté Gary à l'époque où cela était encore possible. Mais il lui avait fallu plusieurs décennies pour découvrir la vérité, pas seulement à cause de son travail et des enfants, mais parce que Gary était un excellent menteur, toujours enthousiaste à l'idée d'une nouvelle entreprise." (p.98)

Il a fallu des décennies à Irene pour comprendre, moi, en 100 pages j'avais compris qu'on tournait en rond. Pareil pour Rhoda et Jim qui se tournent l'un autour de l'autre : nous marions-nous ? Pourrais-je être infidèle ?

J'aime bien la lenteur et les paysages dans mes lectures, mais il faut que le style de l'auteur m'accroche, que j'aie du plaisir à lire ses phrases, l'enchaînement de ses mots. J'ai toujours du mal à parler style littéraire avec des ouvrages traduits, ce qui est de l'auteur, ce qui est de la traductrice (Laura Derajinski) et d'autant plus pour David Vann que son écriture n'a rien d'extraordinaire. Pas désagréable, certes non, mais point exceptionnelle non plus, avec même ça et là des phrases bizarres comme celle ci que j'ai repérée, celle du milieu  : "Elle était la plus belle femme qu'il fréquenterait jamais. Elle était certain (sic). Il n'y aurait jamais rien de mieux et il avait pourtant encore la moitié de son existence devant lui." (p.167)

Je suis un peu dur, sûrement, mais ma déception est la mesure de ce que j'attendais de ce livre. Je l'ai fini en diagonale, vite fait pour tenter de ne rien rater, mais pour ce qui est du raté, je pense que c'est David Vann qui a commencé !

D'autres lecteurs, très nombreux, je vous renvoie donc sur Babelio qui centralise.

Lu grâce au Matchs de la rentrée organisé par Price Minister (merci Rémi)

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