Profanation

Profanation, Jussi Adler-Olsen, Albin Michel, 2012 (traduit par Caroline Berg)
Le dossier d'un double meurtre perpétré 20 ans plus tôt atterrit sur le bureau de Carl Morck. Le problème est que le coupable est sous les verrous. Alors pourquoi ce dossier est-il là, puisque le Département V ne s'occupe que des affaires non résolues ? En l'ouvrant, Carl et Assad s'aperçoivent qu'il met en cause trois hommes aujourd'hui très puissants au Danemark. Ont-ils voulu étouffer l'affaire ? Quel rôle a joué Kimmie, cette jeune femme de bonne famille devenue SDF qui se cache de tout le monde et particulièrement de ces trois hommes, ses trois anciens camarades ?
Deuxième enquête du Département V créé dans Miséricorde, ici chroniqué : j'ai dit tout le bien que je pensais de ce livre. Au risque de décevoir tous mes fans -euh, est-ce bien le terme approprié ?-, je ne ferai pas preuve d'originalité, puisque ce deuxième roman mettant en scène Assad et Carl est tout aussi bon. Certes, il n'y a plus la surprise de découvrir les personnages, mais il y a un certain plaisir à les retrouver quelques mois après leur premier dossier bouclé. Assad est toujours aussi surprenant et Carl toujours aussi peu enclin à bosser ; mais lorsqu'on lui met des bâtons dans les roues, lorsqu'on le met à pied parce qu'il s'intéresse de trop près aux trois hommes influents du pays, il renâcle et agit. Carl est un électron libre qui n'obéit à personne. Qu'on se le dise au royaume du Danemark ! Cependant, il aura fort à faire avec cette enquête qui le mènera dans un monde qu'il ne fréquente pas d'habitude, celui du fric, des héritiers, des écoles de prestige. En plus, comme sa précédente enquête a été appréciée, on lui adjoint une secrétaire, Rose, qui s'avère tout comme lui et Assad, ingérable, mais d'une efficacité redoutable :
"Alors c'est toi qui l'a récupérée, Carl ? Eh ben ma poule, si tu veux un bon conseil : évite de la faire boire. [...] ... pour résumer, elle est maladroite, ingérable dans le boulot et la plupart du temps elle fait carrément preuve de mauvaise volonté." (p.452)
Je me suis donc régalé à la lecture de ce roman policier nordique qui prend à la fois certains traits à ce genre comme les enquêtes longues, précises, le travail minutieux même s'il mène dans une impasse et qui n'oublie pas aussi de s'en éloigner un peu en faisant preuve d'humour. Carl est certes désabusé, revenu de tout, fatigué et peu énergique, mais il garde une ironie certaine sur sa vie, ses relations.
"Ils avaient passé une heure à table, et Mona Ibsen commençait à se dégeler un peu quand soudain il fut submergé par une telle vague de soulagement et de bien-être qu'il s'endormit comme une masse. La tête artistiquement disposée au milieu de son assiette entre le steak et les brocolis." (p.462)
Assad est totalement décalé, ne parle pas un danois impeccable ce qui provoque quelques quiproquos (Jussi Adler-Olsen a le bon goût d'en jouer sans en abuser), et son enthousiasme à lui tranche avec la relative apathie de Carl. Rose, qui vient d'arriver a l'air pas mal déjantée également. Un trio improbable, dépareillé mais efficace.
J. Adler-Olsen distille quelques informations sur la vie de ses personnages au fil des pages. Si on connaît celle de Carl, on imagine que celle d'Assad est très différente du peu qu'il en dit et une rencontre musclée dans le métro met la puce à l'oreille de Carl, mais nous n'en saurons pas beaucoup plus. Il parle aussi en filigrane de la société danoise, même si ses romans ne sont pas des polars sociaux comme peuvent l'être ceux d'Henning Mankell par exemple. Néanmoins, entre les lignes, on peut lire une critique ou un constat de ce pays : ses riches, ses pauvres, sa police qui manque de moyens mais à laquelle on demande de plus en plus, le racisme quotidien, ...
Autant vous dire que désormais je suis totalement ferré et que le troisième tome qui m'attend sagement tout en bas de ma très modeste pile de livres risque de monter de plusieurs crans.