Johnny Deep

Johnny Deep, Alejandro Moreno Jashés, LC Editions, 2012
Recueil de trois nouvelles ou mini-romans aux titres étonnants et aux contenus qui ne le sont pas moins. Dans l'ordre :
Johnny Deep : un homme, très seul, écrit à Johnny Deep et lui demande de l'aider à revenir dans son pays. Un texte surprenant dans lequel le nom et le prénom de l'acteur sont cités à quasiment toutes les phrases. Le narrateur lui donne des conseils sur ses choix cinématographiques, lui dit toute l'envie que sa vie lui inspire : son argent, sa vie d'acteur, ses amours avec "Mlle V." : "Quand tu as un problème, je te parie que tu appelles Mlle V., vous vous mettez d'accord et, entre ton tournage et son concert, vous vous retrouvez au restaurant ; et à ses côtés, tu retrouves la sérénité, telle une ampoule que l'on vient d'éteindre." (p.16). On perçoit aussi nettement, la jalousie, la rancœur et presque de la haine à la fin lorsqu'il comprend que sa demande ne pourra pas aboutir.
Le vagin de Laura Ingalls : une femme fascinée par le personnage de Laura Ingalls (dans La petite maison dans la prairie, pour les plus jeunes d'entre nous, encore que avec les multiples rediffusions, personne n'a pu y échapper) décide de la séquestrer. Encore plus barré que le texte précédent, ou comment une jeune femme contemporaine, vivante, veut et peut rencontrer un personnage d'une fiction vieille de 30 ou 40 ans. C'est un texte étrange, un peu fou au langage cru et direct.
Berlin n'est pas à toi : un homme parle ou écrit à son amant qui l'a quitté pour aller vivre à Berlin. Une sorte de journal entrecoupé de réflexions de tout genre sur la vie à Berlin (un guide touristique est le livre de chevet du narrateur), sur leur vie de couple, sur des détails de la vie quotidienne.
Je suis un peu circonspect sur ces textes. Jusque là, LC Editions m'avait réservé de très bonnes surprises, et là, je n'entre pas totalement dans le propos. J'avoue m'être posé plusieurs fois la question de l'utilité d'un tel livre et dans l'instant qui suivait immédiatement ce questionnement, je tombais sur un passage formidable, une fulgurance de l'auteur, comme par exemple, un chapitre qui raconte le passage sous le portique détecteurs de métaux d'un aéroport aux Etats-Unis : très drôle et exagéré, mais qui pointe vraiment le délire paranoïaque qu'a engendré entre autres, le 11 septembre (p.75/77 dans la deuxième nouvelle). Et sitôt après le questionnement suivant, je tombe sur un passage très bien écrit et excellent (dans Berlin n'est pas à toi) dans lequel l'auteur débute chaque paragraphe par un fait historique concernant la ville et le conclut par un fait de la vie quotidienne et amoureuse des deux amants. Le télescopage des époques et celui de la grande histoire avec celle plus intime des deux garçons me plaisent bien et même si c'est un procédé déjà utilisé, je trouve qu'il est ici bien exploité, sans frontière, sans lien : on saute du coq à l'âne, mais on s'y retrouve aisément.
"En 1806, Napoléon pénétra par la porte de Brandebourg. J'avais des envies, et nous avons commandé des pizzas par téléphone, nous nous sommes vautrés sur le canapé pour regarder un film, somnolents. J'ai rêvé qu'un gaz mortel sortait de ta bouche. Je me suis réveillé et j'ai vu ta bouche, la plus belle bouche entre toutes. Ta bouche endormie et muette. Ah, ta bouche." (p.109)
Voilà donc mon état d'esprit après cette lecture, pas la meilleure chez cet éditeur, mais loin d'être une totale déception. Faites-vous votre idée, LC Edtion propose ses livres en version papier ou en version numérique. En version, papier, le livre est de belle qualité, numéroté, format et mise en page très agréables. De la belle ouvrage !
PS : avis aux amateurs et aux Parisiens ou proches voisins : le 1er juin, aura lieu à la Maison de l'Amérique Latine à Paris, la présentation de Johnny Deep d'une part, et d'autre part celle de la maison LC éditions et enfin celle de Hitler in love par Felipe Becerra Calderon, auteur de Chiens féraux.