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Un amour sous la guerre

Publié le par Yv

Un amour sous la guerre, Olivier Jacquemond, Intervalles, 2023

Antoine est français. Il travaille à Beyrouth, au milieu des années 70. Il est décorateur et peintre. Le jeune home tombe amoureux d'Esther. Libanaise de bonne famille, il n'y a aucune chance que sa famille l'autorise à fréquenter un Français. Mais, la guerre change tout. Antoine est contraint de rentrer en France pour ne pas risquer de se faire enlever ou tuer. Mais il cesse de penser à Esther. Il lui écrit très souvent.

La guerre qui dure et se durcit et Esther qui refuse les propositions d'autres hommes, la famille cède enfin et les deux jeunes gens se fréquentent d'abord au Liban où Antoine est revenu, puis en France. Mais toujours le Liban manque. A Esther, mais aussi à Antoine.

Olivier Jacquemond écrit une histoire d'amour entre deux personnes qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Lui, Français exilé au Liban. Elle d'une riche famille chrétienne qui aurait dû épouser un fils d'une autre riche famille chrétienne. Ils sont différents. Elle enjouée, vivante, sociable et lui taciturne. Leur histoire n'est déjà pas facile sur le papier, mais la guerre s'en mêle. Ce petit pays aux multiples communautés se déchire. Une guerre complexe marquée par des tensions entre communautés mais aussi au sein des mêmes communautés. Tout cela, Olivier Jacquemond l'explique en toile de fond de son roman, et certains noms reviennent en tête qu'on entendait souvent dans les années 80 : les familles Gemayel, Chamoun... Puis les interventions des pays voisins : Syrie, Palestine, Israël...

Ce roman, inspiré de la vie des parents de l'auteur est construit en courts chapitres, dans lesquels, la guerre et le Liban sont omniprésents. Même lorsque les deux jeunes gens sont en France. Le pays vit en eux et la guerre aussi. Il y est question d'exil, le pays d'accueil, la France, n'est pas à la hauteur des espérances d'Esther, non pas qu'il soit question de racisme, mais plutôt de déclassement social -adieu la riche famille avec des serviteurs- et de jalousies et d'habitudes de vie : "Sur le quai, ils attendent parmi une multitude d'hommes renfrognés. Personne ne se sourit. Personne ne se salue. Le métro approche. Les pneumatiques, l'ébranlement des wagons, lui rappellent la guérilla, les abris, les caves où ils se réfugiaient lorsqu'une pluie d'obus s'abattait sur Beyrouth. Le train libère ses passagers par grappe. 5 millions de personnes utilisent le métro chaque jour, deux fois la population du Liban. Chaque jour, deux Liban, toutes confessions confondues, circulent dans ces voies souterraines. Une vie sous terre, pour Esther c'est pire que la guerre." (p.105) Colette, la mère d'Antoine n'accepte pas volontiers sa belle-fille  au contraire d'Ivan le grand frère, éternel rival qui s'empresse, au risque de provoquer des tensions et des jalousies. La famille française d'Antoine n'est pas la famille unie et soudée libanaise d'Esther. On n'est pas encore dans le "Famille, je vous hais !" d'André Gide, mais pas non plus dans un cocon protecteur et rassurant. Et lorsque l'envie de retourner vivre au Liban reprend le jeune couple, c'est la situation géopolitique qui joue les trouble-fêtes.

Ce roman très prenant évoque tout ce que j'ai écrit plus haut, l'exil, l'arrachement au pays, aux siens au nom de l'amour certes, mais aussi parce qu'il y a une guerre. Il fait écho aux réfugiés qui tentent par tous les moyens d'arriver en Europe pour fuir la violence, la guerre... Et notre accueil n'est pas meilleur qu'il y a 40 ans, il a même sans doute empiré. Et le Liban, ce petit pays meurtri duquel il semble si difficile de se passer, d'en vivre éloigné. Un amour sous la guerre est un roman original bien qu'il évoque des sujets maintes fois abordés aux personnages très marqués, volontaires et forts et des relations entre eux pas toujours saines -notamment entre Antoine et Ivan-, bien décrites par Olivier Jacquemond. Un roman à découvrir, toujours du bon chez Intervalles.

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L
Je lirai volontiers ce roman car le Liban dechiré me tient a cœur.
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Y
Alors, il est idéal