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La colère selon M

Publié le par Yv

La colère selon M, Guillaume Lafond, Intervalles, 2023

"Un ancien légionnaire est hanté par le souvenir de son camarade M, tombé au combat. Reclus dans une grange du Cantal, il exprime désormais sa colère à travers une peinture apocalyptique. Son ami disparu, grand humaniste victime de la folie des hommes, est devenu sa muse.

Nous sommes au seuil des années 2020 et, tandis que le marché de l'art bat des records, l'explosion des data centers, l'émergence des fonds indiciels et l'hypertrophie des réseaux sociaux bousculent les grands équilibres financiers." (4ème de couverture)

Le premier roman de Guillaume Lafond, La correction, était décalé, étrange et m'avait fait forte impression. Je ressors tous ces qualificatifs pour son deuxième roman, qui en outre oscille entre un roman et un thriller. Un roman sur base de thriller ou un thriller littéraire ? De nouveau, l'auteur interroge notre monde qui ne semble pas se diriger vers le meilleur. La course éperdue au progrès, aux innovations, à toujours plus de possessions matérielles, financières nous mène dans le mur à grande vitesse.

Il commence par l'enfance du légionnaire-peintre, violente : "Abruti par plusieurs générations paysannes autochtones, mon père était un taiseux, solitaire et asocial ; sa dépendance à l'alcool avait grandi avec le rétrécissement de son être et le rendait colérique et brutal. Il m'avait frappé pour la première fois lorsque j'avais neuf ans, après une soirée arrosée au bar du village. Dès qu'il était aviné, je devenais le responsable de son mal-être et de sa rancœur. Ma mère n'était pas victime de sa violence et ne s'était jamais interposée ; elle était inculte, lâche et bigote, préférant nier sa responsabilité dans un confessionnal." (p.14/15) Puis ce seront les années de légion, et son amitié avec Mémé qui lui fait découvrir la littérature, la culture et l'ouvre à la curiosité et à la découverte. L'après légion, c'est la peinture, et de là, partiront une foultitude d'événements que je ne peux ni ne veux décrire ici. Guillaume Lafond nous emmène loin, dans les méandres du monde de l'art et dans celui des data centers et des fonds de placements. Dans le monde des spéculateurs sans scrupules qui ne pensent qu'à gagner davantage sans se préoccuper des conséquences sur la population. Très bien expliqué, on ne décroche pas, je dirais même qu'on ne veut pas décrocher, parce que le suspense est haletant. Puis il y a le légionnaire, cet homme brisé qui trouve un but. Formidablement creusé, énigmatique, souhaitant parfois l'anonymat, d'autres fois la gloire, il est ambivalent mais sait comment mener son projet jusqu'au bout.

Ce très beau et très bon roman, à l'écriture qui emporte, de laquelle il est difficile de sortir, dit les choses les plus horribles avec une grande beauté, directe, crue. Il dit comment nous ne sommes plus maîtres de nos destins, comment nous subissons les lois des plus riches, des plus puissants. Comment l'envie de tout révolutionner est là, tout près, on pourrait la toucher du doigt, il ne manque pas grand chose pour qu'elle prenne forme et que le grand chamboulement advienne. La liberté face à tous les dogmes, à toutes les doctrines, qu'elles soient économiques, politiques ou religieuses... Ni dieu ni maître...

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L
un roman qui semble intéressant sur un sujet difficile.
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Y
original et intéressant, un roman qui pose pas mal de questions