Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

De sel et de sang

Publié le par Yv

De sel et de sang, Fred Paronuzzi, Vincent Djinda, Les arènes, 2022

Aigues-Mortes, 1893, dans les marais salants, un rixe entre les trimards -ouvriers français- et les saisonniers italiens. Rien de très nouveau. La fatigue, le travail harassant, la chaleur, le soleil, tout concourt à l'échauffement des esprits. Sauf que cette rixe enfle et que quelques trimards parviennent à monter la population de la ville contre les étrangers qui se retrouvent très vite comme l'ennemi à chasser, à combattre voire à tuer. Certains locaux les aident mais le combat semble disproportionné.

Les deux auteurs, Fred Paronuzzi pour le scénario et Vincent Djinda pour le dessin, s'inspirent d'un fait divers tragique, pas tout à fait isolé puisque que douze années auparavant un mouvement xénophobe envers les Italiens avait fait 3 morts à Marseille.

La bande dessinée montre comment d'un petit fait, une bagarre entre un Français et un Italien, quelques hommes peuvent renverser une population quasi-entière et lui faire faire le pire. Jean Teulé l'avait aussi montré dans Mangez-le si vous voulez. Il faut un coupable pour expliquer les bas salaires, le manque de travail, la difficulté à finir le mois et dans ce cas, c'est l'étranger ou plutôt, les étrangers. Tout rapprochement avec notre société actuelle et notre accueil pitoyable des gens qui fuient leurs pays est évidemment à faire, surtout lorsqu'on entend certains propos qui, souvent, émanent de partisans ou d'élus de partis d'extrême droite qui attisent la haine et la peur sûrs que ça rapporte des voix.

Mais revenons à Aigues-Mortes,  130 ans avant notre époque : l'empire est mort 20 ans auparavant, Sadi Carnot est le Président de la Troisième République et les Présidents du Conseil se succèdent pour de courtes périodes. A Aigues-Mortes, depuis la fin des années 60, c'est une société par action qui possède les marais salants et qui exploite la main d’œuvre, d'où l'appel à des Italiens censés travailler mieux que les Français. Histoire de bien monter les uns contre les autres. L'ambiance n'est pas au beau fixe. Tout est prêt pour l'explosion.

Scénario impeccable qui aborde ces points -détaillés dans un dossier postface très bien fait-, et montre l'errement des politiques face à la colère et à la violence. Les gendarmes font ce qu'ils peuvent, ils ne sont pas encore équipés de grenades de désencerclement, de lacrymogènes, canons à eau ou LBD, mais en sous-effectifs, ils sont vite débordés.

Dessin clair, précis, sur lequel la colère, la violence, la peur, le désarroi sont visibles. L'effet de foule également. Bref, un très bon album qui, je l'écrivais plus haut, fait réfléchir à la situation actuelle ce qui n'est pas très rassurant.

Commenter cet article