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Un homme de peu

Publié le par Yv

Un homme de peu, Elisabeth Alexandrova-Zorina, Éd. L'aube, 2015 (traduit par Christine Mestre)....

Savel Férosse, le bien mal-nommé, habite avec femme et fille dans une petite ville du grand nord russe, proche de la Finlande. Cette ville qui vit grâce à une usine, est gouvernée par un maire, un député et un chef de la police véreux, aux ordres du truand local surnommé La Tombe. Ce La Tombe vit de la prostitution, de la drogue et du racket. Lorsqu'un jour, Savel Férosse voit sa fille aux mains des voyous, prête à monter dans la voiture du député amateur de jeunes femmes, il s'interpose. La Tombe, surpris et railleur le défie en lui mettant une arme en main. Savel le tue. Dès lors, il doit s'enfuir. Sa cavale le mènera dans la décharge, dans la forêt avec les Samis. Un véritable périple pour cet homme de peu.

Une très belle surprise que ce roman russe, écrit par une jeune femme (née en 1984) qui connaît bien la région qu'elle décrit puisqu'elle y a grandi. La péninsule de Kola, au-delà du cercle polaire a été abandonnée après la chute du mur, elle est désormais une région polluée par l'enfouissement de déchets radioactifs.

Qui aime les romans d'aventures avec des personnages fous, décalés, des rebondissements, sans oublier une vision de la Russie actuelle sera ravi. Même si parfois quelques longueurs ou quelques répétitions de figure de style envahissent le texte, l'ensemble se lit avec plaisir et gourmandise.

La critique de la Russie actuelle est inscrite dans ce roman, tant dans la pauvreté voire le dénuement de certains, la difficulté à vivre dans un pays corrompu dans lequel l'argent que détiennent seulement quelques uns fait loi que dans la corruption, la concussion. La peur règne, entretenue par les mafieux, les truands : "On voyait tant de choses chaque jour au poste de police qu'on pouvait en perdre la vue mais seuls les murs avaient des oreilles ; les conversations sur la pègre se tenaient dans des bureaux sales et enfumés et le soir, quand le poste se vidait, la vieille femme de ménage les balayait avec la poussière si bien qu'elle savait tout ce qui se tramait dans la ville. Quant aux policiers, ils oubliaient ce qu'ils entendaient en moins de temps qu'il ne leur fallait pour remplir les procès-verbaux." (p.108)

"Tout est pourri au royaume de Poutine" pourrait-on paraphraser. C'est un peu vrai si on lit ce roman, mais pas tout à fait, car Elisabeth Alexandra-Zorina trouve les mots pour parler de la forêt, des Samis qui y vivent, de la nature, de Férosse qui est un homme simple et bon, naïf et foncièrement honnête. Elle oppose ces deux mondes, celui de la Russie traditionnelle, celle qui fait perdurer l'âme russe et celle qui s'est occidentalisée, qui a laissé le meilleur du progrès aux mains de quelques uns qui en abusent sans partager et qui manipulent les plus petits : "Il disait que les gens croyaient plus à la télé qu'à leurs propres yeux ; le voilà, qu'il disait, le miracle de la technique !" (p.193)

Un roman salué en quatrième de couverture par Bernard Werber "avec un univers d'une originalité typiquement russe." et par Zakhar Prilepine, agitateur politique notoire en Russie et écrivain : "Voici un roman social original et brillant sur la Russie actuelle, écrit dans une prose puissante par une jeune femme pleine de talent."

Avis partagé à 100%, j'ai juste un peu développé pour remplir les lignes du blog. Je le redis en conclusion : très belle surprise que cet excellent roman entre roman social, roman noir et roman d'aventures.

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H
Roman d'aventures avec des personnages fous ? c'est pour moi ;)
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Y
Un roman que l'on peut classer "noir" ou de société, en tout cas, très bien
A
Je sens qu'il pourrait beaucoup me plaire.
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Y
Ah ah, je t'ai eue alors...
Z
Je le note de suite
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Y
Bonne lecture
K
Je sens qu'encore une fois il y a pépite, non?
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Y
Malgré mes petites réserves, oui, c'est un roman excellent
C
décalés un peu ou beaucoup ?
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Y
Disons hors nome, puisque Savel Férosse est gentil, naïf, profondément bon, ce qui de fait en fait un personnage décalé dans la littérature te sans doute ailleurs aussi. Les autres sont barrés parce qu'ils vont au bout de leur logique quitte à devenir des stéréotypes avec lesquels joue l'auteure