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Le paradoxe du cerf-volant

Publié le par Yv

Le paradoxe du cerf-volant, Philippe Georget, Jigal, 2014 (version poche).....

Pierre Couture est un boxeur professionnel qui commence à penser à sa reconversion suite à son dernier match qu'il a perdu. Sergueï, un ami lui parle de Lazlo, un prêteur sur gages croate qui cherche des gros bras pour intimider les mauvais payeurs. Pierre accepte une mission, et tout de suite se rend compte que ce n'est pas pour lui. Le lendemain, Lazlo est retrouvé mort, assassiné, et les empreintes sur l'arme du crime sont celles de Pierre. Le boxeur tente de comprendre ce qui a pu se passer et se retrouve au centre d'une histoire aux multiples ramifications qui le dépasse. Une histoire qui a rapport avec l'Histoire des Balkans. En bon sportif, il n'abandonne pas la partie, bien au contraire...

Qu'il est difficile de décrocher de ce roman noir ! Une fois commencé, c'est fichu, on ne peut plus le lâcher. Époustouflant et à couper le souffle, pourrais-je dire si je ne craignais pas la tautologie. Rien, à part une malheureuse phrase p.409 ne vient gâcher le plaisir : "J'ai poussé comme j'ai pu dans la jungle des foyers éducatifs. J'ai cru pouvoir me reposer dans des familles d'accueil qui n'étaient que des repères de pédophiles." Arrgh, je m'étrangle, moi, assistant familial, dont le métier est de protéger des enfants en les accueillant dans ma famille ; dans certaines situations, on peut même mettre la nôtre en danger, je suis sidéré par cette phrase, à laquelle j'accorde sans doute trop d'importance, qui doit être plus maladroite qu'accusatrice (même si je ne nie pas certains actes abominables de collègues envers les enfants qu'ils sont censés protéger, ils restent très largement minoritaires. Fort heureusement !).

C'est la seule maladresse de ce livre, parce que le reste est absolument maîtrisé, tant dans l'écriture que dans le déroulement des intrigues, dans le fait de distiller des indices, des explications çà et là ou dans la description de ses personnages ou encore dans les explications historiques des faits évoqués. L'écriture pour y revenir, est vive, dynamique, alterne les descriptions, des dialogues aux réparties piquantes, ironiques, vaches ou drôles :

"J'allume ma cigarette et tire une première bouffée.

- Tu fumes de nouveau ?

Je me retourne. Sergueï. Je n'avais pas reconnu son accent, c'est normal : il roule les "r" et y'en avait pas dans sa phrase." [...]

- Faut pas se fier aux apparences, Sergueï. Tu vois, j'ai mes chaussures aux pieds et, pourtant, je ne marche pas !" (p.30/31)

Pierre Couture est un type de 27 ans qui se pose beaucoup de questions sur son avenir, la boxe semble être derrière lui désormais et sur son passé également, père et sœur morts dans un accident et mère suicidée lorsqu'il était très jeune, d'où ses séjours en foyers et familles d'accueil. Il travaille à mi-temps au café de la poste, vit dans un petit appartement au-dessus du périph parisien, rien de bien folichon. Lui même n'est pas guilleret, boit beaucoup et ne recule jamais devant un coup de poing à donner. Malgré cette relative tiédeur du personnage principal, ou grâce à elle, car il va se révéler pugnace, c'est un polar haletant, on ne comprend pas bien dans quelle affaire est tombé Pierre, mais on sait que ce panier de crabes est une nasse de laquelle il est ardu de s'extirper ; et petit à petit, l'auteur nous lance des bribes d'explications, des indices, qui une fois regroupés font sens, et il use parfaitement des rôles du diplomate ou du journaliste -procédé littéraire simple, pas toujours aisé à insérer élégamment dans un récit et très efficace, qui arrive ici naturellement- pour éclairer notre lanterne quant à la guerre entre les Serbes, les Bosniaques et les Croates au début des années 1990-, et d'un coup tout devient limpide.

Franchement, jamais je n'ai senti de longueur dans ce bouquin, j'ai retenu mon souffle durant ma lecture et croyez moi, pendant 416 pages, denses et en petits caractères, c'est long, j'ai dû friser l'arrêt respiratoire plusieurs fois, pour la bonne cause, bien sûr, savoir comment Pierre allait se sortir -ou pas - de ce guêpier trop complexe pour lui.

Quant au titre, un rien énigmatique, éclaircissements page 351, je laisse le suspense...

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