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L'étrange itinéraire d'un dératé

Publié le par Yv

L'étrange itinéraire d'un dératé, Bernard Leconte, L'Editeur, 2014....

Lucien est un gamin qui naît à la fin de la seconde guerre mondiale. Fils unique, il grandit dans un ensemble qu’on n’appelait pas encore cité. Lucien est maladroit, pas très intelligent, un peu nunuche ; il est passionné de sport même s'il n'est pas très doué en la matière. Il est en quelque sorte l'idiot du village, mais à Paris, l'imbécile heureux, celui dont on se moque gentiment. Ce livre, c'est sa vie entre velléités, choix, obligations, souhaits, rêves. Une vie solitaire et malgré le manque de talent, sportive.

On ne peut pas dire que Bernard Leconte ait fait de son Lucien un Apollon, un dieu grec : "De ces parties [de football entre gamins de la cité], Lucien avait été le spectateur un peu triste ; son gros cul, ses jambes blanchâtres, sa tête de jeune veau nourri à l'étable et qui cligne des yeux dès qu'il voit la lumière, ne prédisposaient pas les joueurs à l'introduire dans leur équipe" (p.16) Alors Lucien s'invente un oncle entraîneur, qui ne viendra jamais, puis il s'inscrit dans un club dans lequel il pratique la course de fond discipline dans laquelle il ne brille pas non plus. Il fait aussi beaucoup de bicyclette arpentant les rues de Paris et sa banlieue pour y retrouver une bande de copains voire une fille qui accepterait de partager un moment avec lui. Puis Lucien grandit. Il vit toujours chez sa mère à plus de quarante ans, végète dans son travail et dans le sport, pratiquant toujours le vélo intensivement, son seul moyen de locomotion.

C'est un livre à la fois léger et drôle, un de ces bouquins qu'on lit avec plaisir, parce que la langue est belle : "L'oncle Maurice était le frère de son père. [...] Sa femme, la tante Amandine, avait beau lui montrer en exemple son frère Georges qui se décarcassait pour acquérir pétrolette et téléviseur, lui tenir des objurgations publiques, lui faire honte, montrer à tout le monde, avec un geste lyrique du bras, le logis qu'elle briquait certes dévotement, mais qui manquait du moindre superflu à cause de l'inertie de Monsieur, l'oncle Maurice s'obstinait à considérer que quarante-quatre heures chez son employeur qui fabriquait des meubles légers pour OS (ouvriers spécialisés), c'était déjà beaucoup." (p.11/12), parce que les personnages à défaut d'être beaux et totalement sympathiques sont décalés par rapport aux canons actuels : une image me vient en écrivant mon article, celle des Deschiens, troupe de comédiens qui fit beaucoup pour les belles heures de Canal+. Malgré les moqueries, l'humour au détriment de Lucien, on sent que Bernard Leconte a créé un personnage qu'il aime bien, un type avec des convictions -qui peuvent varier-, entier et plus maladroit et benêt que méchant.

Dans Qu'allons-nous faire de grand-mère, Bernard Leconte usait de la même belle langue, de belles descriptions de paysages pour parler des personnes âgées que certains dépotent véritablement dans des maisons de retraite. Dans L'étrange itinéraire d'un dératé, il parle des petites gens, ceux qui n'ont pas une vie comme tout le monde, de ces gentils godiches ou empotés qui sont toujours ceux qu'on regarde sans méchanceté la plupart du temps mais toujours avec une pointe de moquerie ou de condescendance. 

Une histoire simple  d'une belle écriture enlevée : un de ces romans qui font passer un excellent moment et dont le personnage principal pas toujours sympathique mais attachant pourrait bien rester en tête un petit moment.

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A
oui et j'imagine bien la chronique que Morel pourrait écrire pour défendre Lucien encabané ......
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Y
<br /> <br /> je crois que ce serait comme souvent une très belle chronique<br /> <br /> <br /> <br />
Z
J'aime ta référence aux Deschiens.... je note
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Y
<br /> <br /> Ah les Deschiens, de grands moments de télé !<br /> <br /> <br /> <br />
A
Certains "dépotent" dans les maisons de retraite ! Drôle d'expression.
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Y
<br /> <br /> Certes, mais parfois assez proche de la triste réalité<br /> <br /> <br /> <br />
A
Je pourrais aimer aussi cet empoté, je pourrais éventuellement m'y reconnaître par moment ..
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Y
<br /> <br /> Alors là, je ne saurais dire...<br /> <br /> <br /> <br />
K
Ma foi, tu en parles bien. Je pourrais aimer l'ambiance années post guerre...
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Y
<br /> <br /> c'est une très chouette ambiance, un livre très agréable<br /> <br /> <br /> <br />