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Guerre totale

Publié le par Yv

Guerre totale, Jean-Luc Marret, L'Éditeur, 2012

"C'est la guerre, la vraie, sans fards, baroque... totale ! L'humanité s'étripe enfin pour de bon. Au milieu de ce marasme, l'Albanistan, un petit pays réputé pour ses oignons et fasciné par les Kalachnikovs et le disco, mène, sous le joug de l'Union patriotique, un combat de traîne savates contre son voisin. Mais la guerre totale, c'est aussi la guerre des sexes. A votre gauche, sur le ring, Ali Karaté, un mâle de taille et d'intelligence moyennes, essaie d'échapper à Manjola, à votre droite, 95C d'intelligence et de séduction. Tout ça risque de mal finir." (4ème de couverture)

Comment dire ? Comment dire ? Que ce bouquin est un objet non identifié, non identifiable ? Que j'ai lu un truc magnifique ? Ou au contraire absolument illisible ? Le moins qu'on puisse dire c'est que si vous ouvrez ce livre, vous ne pourrez pas vous contenter d'un laconique : "ouais, bof !" Indifférence impossible. Pour ma part, histoire de déflorer le suspense tout de suite, je peux vous affirmer que j'ai été passionné par ce roman, avec néanmoins quelques réserves. 

Difficile de dissocier le fond de la forme. Une partie des chapitres de JL Marret parle d'un conflit international, mondialisé. Dans ces paragraphes, l'auteur s'amuse avec la mise en pages : nombreux points de suspension pour des propos soi-disant censurés par tel ou tel groupuscule, polices de caractères et couleur de texte différentes parfois dans un même mot ! L'auteur tape sur nos sociétés, sur ceux qui nous dirigent. Ses premières phrases :

"L'humanité se lâchait et pas qu'un peu, cette fois-ci. Plus de guerres justes, plus d'invasions, plus de batailles décisives. Rien. Plus de petites guéguerres soi-disant mondiales. Rien ! Des jeux d'enfant, tout ça. Billevesées. Du travail d'amateur. Et pourquoi ? Pour pas grand chose, du boulot inachevé, ni fait ni à faire. Non, là, c'était la bonne, l'Apocalypse. Des millénaires à trépigner, à s'entraîner, à faire semblant et là, on y était. La guerre totale. La vraie. L'Apocalypse." (p.9)

Pas mal non ? Et puis un auteur qui place le mot billevesées mérite le respect (intime joke, billevesée étant un mot que j'aime beaucoup, mais ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien. C'est. Et c'est tout.) Par contre, les réserves dont je faisais état plus haut sont dans ces passages, parfois un peu longs et répétitifs. Je trouve qu'ils alourdissent le roman déjà pas très léger ni dans le thème ni dans son histoire ni dans le volume (445 pages). 

Dans les autres paragraphes qui concernent le "petit" conflit Albanistan/Serbie et quelques personnages en particulier, Ali Karaté et le Commandant Zobsky notamment, le style est plus classique, apaisé. Mais bien sûr tout est relatif, parce que du classique ou de l'apaisé chez JL Marret, ça remue encore et toujours : "Ali esquissa un maori mataka -externe- avec la main droite et répéta... Le mot ! Bon sang, le mot ! Zoboromouk !!... L'homme aggrava son cas, avec talent d'ailleurs, par une initiative malheureuse... Je ne sais plus... J'arrive... Et il s'approcha pour toucher Ali, s'abriter auprès de lui, établir un meilleur contact, qu'ils se palpent, se reconnaissent, s'apprécient, s'émeuvent, peut-être même qu'ils s'embrassent ! Au lieu de quoi, Ali eut peur. Brusquement, prêt à tirer, il pointa sa Kalachnikov vers le type... Nom de Dieu ! Le mot !? Tu te rappelles plus alors ?!! Le mot !! Halte, 'culé !! Le mot!!... Et un peu raide et à froid, il lança un coup de pied circulaire dans le vide, histoire d'impressionner." (p.185/186)

L'auteur joue avec les mots, les triture, les déforme, en invente et fait preuve d'une belle innovation qui personnellement me ravit. Je prends, j'applaudis des deux mains (parce qu'à une seule c'est pas facile, essayez un peu !). Je me suis régalé à lire les mésaventures d'Ali et de Zobsky, j'ai ri souvent. Il y a un chapitre irrésistible dans lequel l'auteur parle du rapport des chanteuses disco avec les combattant albaniks. Il est fort dommage que je ne puisse le reproduire dans son intégralité ici, mais il est à tomber (à partir de la page 110).

Difficile de ne pas penser à Céline qui a été un des premiers à exploser l'écriture avec génie. Jean-Luc Marret ne peut nier son influence, l'ombre de Bardamu flotte au-dessus de l'Albanistan. Un premier roman inclassable qui laisse augurer d'autres livres du même auteur, alléchants (les livres à venir bien sûr, pas l'auteur).

Merci Léna.

challenge 1%

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S
Je n'ai pas encore eu le temps de lire Guerre Totale, mais il va falloir que je m'y mette car je suis très curieux de découvrir la façon dont Marret arrive à passer du Docteur en science politique<br /> avec ses essais et thèses très sérieux à romancier.
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Y
<br /> <br /> Autant que je me souvienne c'est un roman fort, pas banal dans son écriture, pas facile d'accès forcément, mais qui vaut le coup<br /> <br /> <br /> <br />
A
L'ombre de Bardamu, voilà qui laisse présager de belles pages, en effet.
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Y
<br /> <br /> Belles, provocantes et sujettes à discussion, donc forcément intéressantes<br /> <br /> <br /> <br />
D
un livre qui semble intéressant surtout que tu le compares à Céline (audacieux)
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Y
<br /> <br /> Une comparaison sur l'écriture parce qu'elle m'a fait inévitablement penser à Céline, mais cela n'engage que moi<br /> <br /> <br /> <br />
L
je suis Lystig !<br /> et oui, dans deux ou trois ans !
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Y
<br /> <br /> Oui, je t'avais reconnue grâce au comm' suivant<br /> <br /> <br /> <br />
G
Je suis perplexe. TOn entousiasme fait plaisir à lire mais en même temps, le fait que l'on puisse trouver ce livre comme "un machin illisible" m'effraie un peu. Je vais attendre de lire d'autres<br /> avis !
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Y
<br /> <br /> C'est le problème avec ce genre de livres qu'on peut détester. Si je fais référence à Céline, c'est aussi pour les débats qu'il a provoqués non pas sur ses opinions mais sur son style littéraire.<br /> <br /> <br /> <br />
G
Ton billet est - une fois de plus - très convaincant alors que le sujet n'a rien pour m'attirer. Je le note dans mes tablettes pour plus tard, quand la gaieté (factice?) des Fêtes sera passée...
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Y
<br /> <br /> Ça changera effectivement de la gaieté factice ou non. Les fêtes de famille étant toujours gaies chez nous, ça en fera une de plus<br /> <br /> <br /> <br />
L
mais pourquoi apparaît "les hori" en pseudo ????
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Y
<br /> <br /> Excellente question. Qui es-tu réellement ?<br /> <br /> <br /> <br />
L
pourquoi pas...<br /> mais bon, quand j'aurai épuré ma PAL urgente = livres prêtés et SP.... on reverra la question !
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Y
<br /> <br /> Dans deux trois années quoi...<br /> <br /> <br /> <br />