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Françoise Dolto, la déraison pure

Publié le par Yv

Françoise Dolto, la déraison pure, Didier Pleux, Éd. Autrement, 2013...

En reprenant les correspondances de Françoise Dolto, ses livres, ceux de ses proches, son fils Carlos notamment, Didier Pleux décortique le raisonnement et le chemin qui a mené la jeune Françoise Marette, jeune fille de bonne famille, milieu aisé, protégé en ce début de 20ème siècle, adepte très tôt de la psychanalyse, père très conservateur, proche de la droite extrême de l'époque (Françoise fréquentera les Maurras et Léon Daudet), à édicter des hypothèses qui deviendront des règles, bases de l'éducation de nos enfants depuis lors. Qui dans ma génération (40/60, je tape large) n'a pas entendu tout au long de son adolescence et des années suivantes qu'il fallait intégrer et appliquer les principes de Dolto ?

Loin d'être un doltolâtre, je ne suis pas non plus de ceux qui l'abhorrent et rejettent tous ses apports. Néanmoins, je me pose une question depuis très longtemps : comment, une personne aussi intelligente et instruite soit-elle, peut-elle énoncer des hypothèses, seule, qui seront ensuite reprises comme paroles d'évangiles par d'autres ? Je reste persuadé que si Dolto a ouvert les yeux de beaucoup sur l'enfant et sa personnalité, elle n'a pas fait que du bien, ses théories dérivant dangereusement vers l'enfant-roi. Parlementer, certes, expliquer, pourquoi, pas, de temps en temps, mais des décisions parentales qui limitent, interdisent ou punissent me paraissent utiles, nécessaires et parfois saines. Ne pas frustrer n'est pas pour moi un principe d'éducation. J'entendais d'ailleurs l'inverse il n'y a pas très longtemps, mais j'ai oublié qui l'a dit (ne serait-ce pas Marcel Ruffo ?) : "Frustrez vos adolescents, ils vous remercieront", des études tendant à prouver que les ados non frustrés ont tendance à se réfugier plus facilement dans les addictions diverses.

Dider Pleux, psychologue, spécialiste de l'éducation des enfants, se penche sur le cas Françoise Dolto. Il énonce que comme Freud, elle a émis des avis qui se veulent désormais des dogmes. Il se fait évidemment étriller par les partisans des deux. Et pourtant, la contradiction me paraît saine, elle devrait nous permettre de décortiquer le travail des uns et des autres et d'en tirer le meilleur pour nous et nos enfants. On reproche à l'auteur de s'en prendre à la vie de F. Dolto, c'est vrai. Est-il utile de savoir qu'elle a frayé avec l'extrême droite, qu'elle a travaillé avec Alexis Carrel, eugéniste, partisan du gazage des handicapés, ardent collaborateur pendant la guerre, et que son comportement sous Vichy peut être mal interprété puisqu'il est trouble ? Est-il nécessaire de la contredire sur son enfance qu'elle dit avoir été traumatisante alors, que lettres à l'appui, D. Pleux dit qu'elle fut plutôt une enfant préservée, écoutée dans une famille aimante ? Je ne sais pas, mais cela peut aider à comprendre son cheminement, et pourquoi nier la réalité pour elle alors que d'autres n'ont pas eu cette chance ? 

D. Pleux explique qu'elle se crée sa propre réalité à partir de sa psychanalyse : elle se focalise sur ce qui n'a pas été dans son enfance, reste bloquée dessus pour ensuite reconstruire sa réalité à elle, celle qui colle à ses idées. En France, "si le réel donne tort à l'idée, alors on change de réel afin de conserver l'idée à laquelle les idéologues vouent un culte ! " (Michel Onfray, dans la préface, p.5). Et toutes ses interventions sont ensuite basées sur ce réel qu'elle s'est recréé : elle pense en opposition à sa mère et son père à qui elle reproche maintes et maintes choses. Mais d'un cas on ne peut faire généralité. Et non, la crise d'adolescence n'est pas un passage obligatoire (même si cette période n'est pas aisée, rien n'empêche qu'elle se passe relativement paisiblement, ce que je remarque de plus en plus chez moi et autour de moi (pour le moment) étant parent d'ados et amis de parents d'ados plutôt sereins.

Un bouquin utile, sans doute excessif parfois, qui plutôt que de créer la polémique devrait inciter au débat d'idées entre psychologues et psychanalystes, et pourquoi pas, nous parents et enfants si nous ne sommes pas oubliés.

Merci Gilles

 

rentrée 2013

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C
Bonsoir Yves<br /> Tu soulignes ce qui m'a toujours gêné dans l'idolâtrie vouée à Mme Dolto. Nous avons survécu sans les méthodes ultra-protectrices qu'elle préconisait. Et puis, je crains que ses principes aient été<br /> "traduits" par certains selon leur propres visions ("sociabiliser les enfants" très ou trop tôt arrange pas mal de parents). Danger de devenir une icône !<br /> Amitiés.
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Y
<br /> <br /> Salut Claude, Effectivement, certains ont pu adapter à leur sauce et à leur avantage des théories nouvelles, dans les écoles formant les nouveaux intervenants auprès  enfants, il n'y en<br /> avait plus que pour Dolto : aucunautre théorie nn passait les murs, formatant ainsi les futurs professionnels de l'enfance<br /> <br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> <br /> <br />
K
J'ai justement lu un livre de d Pleux, sur l'enfant roi (et ça existe, tu sais, l'enfant roi)(pas pour son bien forcément, d'ailleurs). Je suivais l'émission de Dolto dans les années 70, mais peut<br /> être faut-il voir le contexte de l'époque, on sortait d'une période où rien ou presque n'était permis, et il y avait du travail à faire! Sans doute est-on allé trop dans l'autre sens de nos<br /> jours?<br /> Ceci étant, je n'en doute pas, il existe des gamins et des ados aimés, cadrés, et bien dans leur peau (ouf!)
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Y
<br /> <br /> On était juste après la libéralisation des moeurs et enfin on pouvait dire des choses et les écouter. Il y a eu du bon  sûrement c'est ce qui en a été fait par la suite sans prise de recul<br /> qui est à corriger<br /> <br /> <br /> <br />
Z
Nous l'avons beaucoup écoutés sur France Inter et je me suis inspirée d'elle pour quelques petites choses, mais, je reconnais, je les ai frustrés mes enfants. Faudra que je leur demande de me<br /> remercier
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Y
<br /> <br /> Perso, j'étais un peu jeune pour l'écouter, sans enfants encore, mais je frustre encore mes enfants ados et plus petits...<br /> <br /> <br /> <br />
A
Il faut savoir raison garder, et ne pas tout prendre chez l'un ou chez l'autre.
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Y
<br /> <br /> Bien vu. Tu es une Sage<br /> <br /> <br /> <br />
C
Pareil que mes camarades ! On a été bercés par Dolto, elle a permis de changer notre manière d'éduquer les enfants et je pense qu'elle a évité pas mal de névroses (comme tu le dis, l'adolescence se<br /> passe souvent mieux).<br /> Mais ce n'est pas non plus LA parole unique, Ruffo et Naouri prennent des chemins différents. En tout cas moi je voue une grande admiration à cette grande dame, ce qui ne m'empêchera pas de lire ce<br /> livre dès que j'en aurai l'occasion ! (à conseiller aux admirateurs de Dolto, le livre de Sophie Cherer "Ma Dolto", un livre plein de vivacité et d'humour)
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Y
<br /> <br /> J'avoue que je suivrais plutôt les conseil de Ruffo que de Dolto ou même de D. Pleux, l'auteur du livre qui en a fait d'autres sur les enfants-rois<br /> <br /> <br /> <br />
D
Merci pour cet article .Fan de Dolto qui a su me rassurer quant à l'éducation donnée à mes enfants et surtout me déculpabiliser par rapport au modèle de la génération au dessus de moi , je me suis<br /> aperçu avec mes petits enfants qu'une certaine autorité bien placée , pouvait faire mieux !<br /> Mais je pense qu'elle restera une dame douée d'écoute , qui a su ouvrir le langage entre enfants et parents même si , comme elle se plaisait à le dire :"quoique qu'on fasse , on fait 50% bien et<br /> 50% mal"....çà me va assez bien !!!!!
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Y
<br /> <br /> J'avoue que cette parole que tu cites me gène un peu, car en voulant déculpabilisre les parents, je trouve qu'elle a l'effet inverse. J'ai eu une éducation stricte et je ne peux m'empêcher de<br /> penser que mes parents ont réussi à largement plus de 50% avec leurs 7 enfants. Et je ne me pose pas la question de savoir si je réussis en terme de pourcentage : je prends à droite et à gauche,<br /> chez elle et chez d'autres. Elle a sans doute apporté à l'écoute des enfants, mais encore une fois, tout ce qu'ils disent n'est pas parole d'évangile<br /> <br /> <br /> <br />
A
Ah le voilà, le livre qui la dézingue ! Le problème avec des personnalités aussi médiatiques, c'est ce que les autres font d'eux après. Elle a sûrement fait progresser la parole des enfants et elle<br /> en avait besoin ! maintenant le balancier est sûrement allé trop loin dans l'autre sens, mais en est-elle responsable ? Pouvons-nous la juger, alors qu'elle a été le produit d'une époque qui n'est<br /> plus la nôtre ? éternelle question.
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Y
<br /> <br /> L'auteur juge sa théorie en la rapprochant de sa vie personnelle, c'est vrai qu'on n'en connaît rien et que les héritiers se sont opposés à des bio même pour l'anniversaire de F. Dolto. Les<br /> icônes sont faites pour être descendues, Dolto, comme les autres, le revers de la médaille sans doute<br /> <br /> <br /> <br />
S
j'aime beaucoup ton article Yv, parce qu'il pose des questions, et aussi pour le fond: je suis d'accord avec toi. je précise que j'aime beaucoup DOLTO, et que "la cause des enfants", en tant que<br /> pédagogue, reste un de mes livres de chevet..à lire absolument, parce que c'est aussi une réflexion sur l'école, l'éducation, et comment grandir...mais à replacer, bien sûr dans le contexte des<br /> années 70, où il a été écrit.
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Y
<br /> <br /> Tu as raison, il faut lire Dolto pour mieux ensuite s'en imprégner et s'en éloigner. Intégrer certaains principes mais ne pas tous les prendre. Piocher un peu partout quoi. On a tous les<br />  générations nées dans les années 50/60/70 des principes d'éducation directement liés à ses théories, mais il faut qu'on évolue parce les enfants eux-mêmes évoluent et qu'ils ne sont pas les<br /> mêmes que nous étions au mêm âge<br /> <br /> <br /> <br />