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Commissaire Garon : Emphysiqué !

Publié le par Yv

Commissaire Garon : Emphysiqué !, Saint-Luc, Ed. Beaurepaire, 2012

Roland Ariel-Sachs (dit R.A.S) directeur général du Fonds Monétaire de Secours vient d'être arrêté en Thaïlande, dans la station balnéaire de Hua Hin pour viol. Le commissaire Garon, spécialiste des affaires concernant les notables et les célébrités est dépêché sur place avec un statut de diplomate ; il doit faire le point sur cette délicate affaire et doit notamment rendre compte de la culpabilité de R.A.S ou de son innocence.

Évidemment, ce résumé fait inévitablement penser à une affaire récente qui a défrayé la chronique et a emballé tous les  journalistes jusqu'à l’écœurement absolu pour nous lecteurs, spectateurs ou auditeurs, enfin, au moins pour moi qui n'ouvrais plus ni journaux ni radio ni télé aux heures des informations. Dans Emphysiqué (dont je vous laisse le soin de trouver la signification dans le livre), Saint-Luc prend certes, comme idée de départ des faits quasi-similaires, mais s'en éloigne rapidement pour créer sa variante personnelle. Il ne faut donc plus garder à l'esprit ce fait divers sordide pour suivre l'enquête de Garon, même si l'auteur s'amuse à nous y retourner de temps en temps notamment grâce aux noms des protagonistes (Mme Le Bouclier va remplacer R.A.S au FMS par exemple). Que voulez-vous, je crois qu'il ne peut s'empêcher de nous ramener à sa lecture du monde politique actuel ! Il se plaît à décortiquer les situations les plus confuses pour ensuite nous montrer que tout le monde manipule tout le monde et que tout le monde est content d'avoir réussi à tirer son épingle du jeu. Bon, il y a bien çà et là des "dommages collatéraux" mais que des sous-fifres ou des gens sans importance aux yeux de nos élites. Certains passages sont parfois d'une lecture assez inconfortable ; l'auteur se moque, ironise et prête à ses personnages des propos grossiers, odieux ou méprisants directement sortis de son imagination et non pas de ses croyances intimes (c'est d'ailleurs heureux pour lui et sa santé mentale). Lorsqu'il décrit la supposée-victime du viol on la voit au travers d'yeux masculins qui s'attardent sur son physique peu amène, l'homme se demandant même comment on pouvait violer une telle laideur. Mais, que n'a-t-on pas entendu lors de l'affaire réelle qui sert de point de départ à ce roman ? "Un simple troussage de domestique", par exemple. Et de mémoire, cette question du physique s'est également posée : comment cet homme a-t-il pu céder à une femme si dénuée de féminité et de beauté ? Ou que n'entend-on pas lorsqu'une jeune fille se fait agresser, sur sa supposée provocation parce qu'elle était court-vêtue, voire même maquillée... ? Comme si nous les mâles nous ne pouvions résister à une paire de jambes, de fesses ou de seins esquissée ou suggérée ? Dans ce cas, Saint-Luc par l'entremise de ses personnages, ne se fait que l'écho de certaines remarques désobligeantes à l'encontre des femmes victimes (auxquelles d'ailleurs le livre est adressé). On ne peut pas soupçonner l'auteur de quelque misogynie ou machisme malséant que ce soit : il rapporte ces propos qu'il faut lire au énième degré.

Pour revenir à Garon, son enquête est un peu étrange, parce qu'il n'y a point meurtre (et dans des polars, c'est quand même souvent la base de l'intrigue), parce qu'elle se passe en quasi totalité à Bangkok et Hua Hin (merci Saint-Luc pour la belle visite, les descriptions des paysages, des restaurants, des habitants, ça donne envie d'y aller, mais pas habillé en soubrette !) : "A l'origine paisible port de pêche, Hua Hin vit dans les années 1920 sa destinée changer sous l'influence conjointe d'un nouveau moyen de transport -le train- et du désir d'un roi de savourer un air enfin pur, Rama VI. Ce despote éclairé, féru d'Occident, supportait mal le climat lourd de Bangkok. La côte sud-est offrant l'avantage d'une brise rafraîchissante venue de la Birmanie voisine, il n'hésita pas longtemps et jeta son dévolu sur la plus longue plage de la région. La Cour suivit, ainsi qu'elle suit toujours." (p.80)

Ce livre est donc une enquête singulière qui ravira les amateurs de dépaysement, d'actualité, d'ironie et de barbouzerie et de manipulations politiques en marge d'une affaire de mœurs. Pas politiquement corrects Garon et Saint-Luc ! Tant mieux et merci. Le commissaire s'épaissit, n'est ni vraiment sympathique et loin d'être antipathique. Surtout, il n'est pas lisse ; il navigue dans un monde qui à la fois le fascine et le dégoûte ; il tente de démêler le vrai du faux ; il essaie de faire ressortir la vérité à n'importe quel prix ; il dérange sa hiérarchie et son créateur dérange parfois le lecteur. J'adore ça. 

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E
Salut Yves, merci de m'avoir permis de découvrir cet auteur et son inspiration et surtout de me permettre de me promener pour les quais du polar, ce week-end, et d'avoir l'air plus informé ; bien à<br /> toi et bravo pour ton blog, très complet, mais comment fais-tu pour lire autant...<br /> Bien à toi !
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Y
<br /> <br /> Salut Eric, merci de ton passage, et ravi que tu puisses déambuler à Lyon plus informé grâce à moi. Pour mes lectures, je triche un peu, parfois s'intercalent de tous petits livres de 80/90 pages<br /> qui se lisent vite, comme des polars, car il faut bien le dire un  polar on a tendance à le lire plus vite qu'un roman "classique" pour en connaître le dénouement. Et comme en ce moment<br /> j'enchaîne les excellents romans policier, je lis beaucoup !<br /> <br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> <br /> <br />