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polar-noir

Le sang des cors

Publié le par Yv

Le sang des cors, Gérard Bertuzzi, Ravet-Anceau....

Le commandant Bourbon et son adjoint Le lieutenant Keller sont chargés de se renseigner sur la disparition étonnante et inquiétante de la comtesse Edmonde de la Villaudière. La demande n'émane pas du comte qui ne s'émeut pas vraiment puisque pour lui, sa femme a quitté le domicile conjugal suite à de multiples mésententes. 

Dans le même temps, le comte est sollicité pour l'achat d'un tableau par un jeune homme, Morgan Ferneth qui dit agir pour un antiquaire de Paris. Quelques temps après la transaction, Morgan est porté disparu. Une deuxième fois, les gendarmes interrogent le comte sur une disparition de gens qu'il est, selon la célèbre expression, le dernier à avoir vus en vie. Beaucoup de coïncidences pour les deux enquêteurs chevronnés.

J'ai déjà rencontré avec bonheur, Bourbon et Keller dans une aventure précédente, Disparitions en Picardie.  Je les retrouve fidèles à eux-mêmes, amateurs de jeux de mots, de calembours et enquêteurs opiniâtres et travailleurs. Cette fois-ci ils ont fort à faire avec les disparitions autour du comte de la Villauderie qui ne s'arrêteront pas aux deux seules préalablement citées. Au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire, les blagues s'estompent et le professionnalisme des gendarmes prend le dessus, sans pour autant disparaître (non, tout ne disparaît pas dans ce polar), ce qui serait d'ailleurs fort dommage car elles nous permettent de sourire et elles allègent un peu la noirceur du bouquin. Car là, Gérard Bertuzzi fait dans le lourd, la description parfois à la limite de l'insoutenable, notamment une (une seule sur tout le bouquin) scène terrible que je ne citerai pas par égard aux petits yeux qui pourraient me lire mais aussi par égard aux futurs lecteurs que vous serez, je n'en doute pas, et qui n'aimeraient pas voir le suspense dévoilé. 

L'histoire que construit G. Bertuzzi est assez alambiquée, pleine de tours et détours, de pistes diverses, de circonvolutions ; de nombreux personnages apparaissent, mais elle est diablement bien maîtrisée. Construite en tous petits chapitres alternant les points de vue qui permettent une lecture aisée tant dans la possibilité de poser le roman puis d'y revenir pour un court moment que dans la compréhension du rôle de chacun, des interactions entre tous les protagonistes. Bien vues également, ces deux premières parties qui, pour la première nous expose par petites touches des faits divers sans forcément de rapport entre eux et pour la deuxième, grâce à un ingénieux flash-back nous les explique par leur naissance dans l'esprit des acteurs. L'écriture de Gérard Bertuzzi est claire, fluide et limpide non dénuée d'humour et de réflexions parfois plus fortes: "Si elle attire les chiens, descendants directs du loup, l'odeur du sang n'en attire pas moins les humains par journalistes interposés. Désormais garants de la dose d'hémoglobine nécessaire au bon équilibre mental du peuple, les médias sont à l'affût du moindre fait divers sanglant. Si le spectacle est à la hauteur, l'audience est au rendez-vous, l'arène est bondée." (p. 80) 

Très ancrée dans la Picardie entre Compiègne et Chantilly, dans la crème de la société, ce roman policier que d'aucun dédaigneront parce qu'il est régional a des qualités évidentes (sans doute aussi des faiblesses, comme par exemple un manque de contexte fort comme je les aime : historique, sociétal, culturel,...) et se hisse selon moi bien plus haut que le simple divertissement dont je parlais pour Disparitions en Picardie du même auteur : de belles intrigues bien menées et remarquablement maîtrisées qui tiennent du début à la fin.

 

polars 2015

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Meurtre dans le boudoir

Publié le par Yv

Meurtre dans le boudoir, Frédéric Lenormand, Le Masque, 2013 (Lattès, 2012)..., 

En l'an de grâce 1733, Voltaire est fébrile. Son prochain livre, Les lettres philosophiques anglaises dont il nie la paternité risque bien de lui valoir un autre séjour à la Bastille. C'est aussi le moment où un assassin s'inspire d'un roman licencieux pour faire son ouvrage. Sollicité par le lieutenant de police Hérault et espérant par l'aide qu'il peut lui apporter une certaine clémence dudit Hérault, Voltaire se lance à la recherche de l'auteur du roman inspirateur des meurtres et à la poursuite de l'assassin.

Deuxième tome des aventures de Voltaire mène l'enquête, qui est pour moi le premier que je lis et qui est également une belle surprise. Un roman policier historique donc, vous vous en doutez puisque François-Marie Arouet, dit Voltaire en est le héros. Malgré lui serais-je tenté de dire, parce qu'il va enquêter dans les endroits libertins de Paris pour tenter de sauver la chèvre et le chou, c'est-à-dire, à la fois son nouveau livre (même s'il nie en être l'auteur) et sa liberté, car l'un pourrait bien lui valoir l'autre ; mais aussi en toute connaissance de cause, car Voltaire aime bien se mettre en avant, adore qu'on parle de lui. Frédéric Lenormand fait de Voltaire un être geignard, vantard, cabot (ce qu'il devait être sans doute), qui se plaint de ses maladies, de ses douleurs stomacales et ne jure que par les lavements et les lentilles (il est alors âgé de 39 ans, et vivra encore 45 ans !). Mais c'est aussi un homme à l'esprit particulièrement brillant et vif, pas avare de quelque vacherie :

"Ces objets étaient d'autant plus faciles à identifier qu'ils portaient le blason des princes de Guise, "des gens charmants, tout à fait libertins, très propres à s'être trouvés dans cette maisonnette alors qu'on y assassinait un homme en tenue d'Adam".

-Pensez-vous que le prince..., dit Emilie

- Le seul crime dont je le crois capable, c'est de servir du bordeaux avec une sole meunière." (p. 45/46)

Voltaire est aussi, lorsque ses investigations l'y obligent, un vrai casse-cou, un Belmondo en personne, qui ne pense plus alors à ses douleurs, mais peut marcher sur un rebord de mur à vingt pieds du sol (environ 6.50 mètres), quitte à s'écraser et repartir comme si de rien n'était. F. Lenormand met son personnage dans des situations périlleuses, dans des lieux dans lesquels on ne pourrait pas forcément l'imaginer, lui qu'on pense plutôt être un adepte des salons où l'on cause philosophie, ce qu'il fait d'ailleurs causer philosophie, même lorsqu'il escalade ou franchit un obstacle ! Une fois accoutumé à la narration particulière de l'auteur, on prend un grand plaisir à lire les aventures de Voltaire, on croise Crébillon père et fils, Émilie de Breteuil, marquise du Châtelet, maîtresse de Voltaire et aide précieuse, des mathématiciens célèbres, car en plus d'être la maîtresse de Voltaire, Émilie était aussi une femme instruite (à l'époque c'était assez rare), scientifique reconnue. L'écriture est disais-je particulière, qui peut emprunter des tournures anciennes pour mieux coller à l'époque décrite, qui procède aussi parfois par ellipses ; elle est à la fois précieuse, drôle, enlevée, légère et érudite, pleines de des bons mots de Voltaire, de ses réparties cinglantes. 

En résumé, un très bon roman policier, original quant à la participation active du personnage principal, un peu moins sur l'intrigue, mais peu importe, le plaisir est bien là, présent de bout en bout, et je compte bien passer plusieurs jours encore cet été en compagnie de Voltaire puisque les tomes 3 et 4 m'attendent. Il y a pire compagnie...

 

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L'assassinat d'Hicabi Bey

Publié le par Yv

L'assassinat d'Hicabi Bey, Alper Canigüz, Éd. Mirobole, 2014 (traduit par Celin Vuraler)...

 

Le jour où Hicabi Bey, policier retraité, est assassiné, Alper Kamu, un enfant de cinq ans est témoin de la fuite d'une personne. Alper Kamu est un enfant étonnant, qui, à son âge a des raisonnements d'adulte, mais continue à jouer avec les garçons de sa rue à Istanbul. Il décide de mener l'enquête et de faire la lumière sur le meurtre de son étrange voisin. 

 

Dans mon mini résumé, j'ai déjà placé deux adjectifs : étonnant et étrange. J'aurais pu en mettre davantage encore : curieux, décalé, loufoque, cinglé, ... tant ce bouquin est tout cela. Le décalage vient du personnage principal, Alper Kamu (toute ressemblance avec un nom connu est forcément délibérée), cinq ans qui s'exprime et raisonne comme un adulte -et parfois même mieux-, raconte l'histoire de son point de vue d'enfant qu'on qualifierait chez nous de précoce, mais reste à sa hauteur de petit garçon et garde ses préoccupations de gamin dur et prompt à la bagarre, paré pour la débrouille nécessaire dans les rues d'Istanbul, notamment dans certains quartiers dans lesquels il ne fait pas bon sortir si l'on exhibe des signes extérieurs de richesse. Certaines scène font penser à une nouvelle Guerre des boutons, urbaine version turque et polar : chamailleries, castagnes, jeux de ballons et autres, on entend presque le fameux : "Si j'aurais su, j'aurais pas venu" qui, je le rappelle n'existe que dans le film d'Yves Robert et pas dans le livre. 

Cette parenthèse fermée, on suit agréablement Alper dans sa quête de la vérité, on sourit beaucoup et on rit. Alper ne sort pas sans son pistolet en plastique qui tire des balles de la même matière, et il fait bien, lorsqu'on se mêle de ce qui est brûlant on peut en avoir besoin : "Serrant encore très fort mon pistolet dans la main, je me suis affaissé et j'ai commencé à rire. Je vivais les jours les plus intenses de ma vie. J'étais entouré d'ennemis qu'il fallait combattre et de femmes qui voulaient être aimées. Certes, mon pistolet était en plastique. Mes femmes aussi. Mais c'était toujours mieux que rien." (p.116) Il croise des personnages peu recommandables, des gens dans la misère, d'autres fiers de leur petit pouvoir qui en usent et en abusent, des Turcs d'aujourd'hui. Car en toile de fond de ce roman il y a la Turquie avec ses difficultés et ses réussites, la vie à Istanbul, un peu de politique.

Néanmoins, malgré toutes ses qualités, je me dois de dire pour être totalement honnête que le livre est un peu long et que certains passages auraient mérité si ce n'est d'être supprimés au moins d'être allégés. Ce n'est pas rédhibitoire puisque globalement, j'ai bien aimé le roman, mais plus ramassé, plus court ce roman aurait gagné en punch.

Ceci étant dit, comme toujours chez Mirobole, c'est un livre à découvrir, un auteur qui promet et qui nous fait découvrir une facette de son pays et une belle tranche de son humour. En plus, la couverture est très belle, simple et le bouquin ne souffre d'aucun défaut. Ce serait dommage de passer à côté ce polar curieux.

Lecture commune avec Liliba.

 

 

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Faut que tu viennes

Publié le par Yv

Faut que tu viennes, Pascal Thiriet, Jigal, 2014

Lorsque Dido l'appelle, Énée se sent toujours obligé de courir au rendez-vous. Dido, elle est spécialisée dans la suppression des banquiers, et Énée, il est spécialiste de l'aide à Dido. Ils se connaissent depuis le lycée. Un banquier qui n'a pas totalement succombé ? Énée arrive, mais cette affaire risque bien d'être d'une autre envergure que les précédentes, et malgré tout Énée a des principes... et des scrupules.

Avec Thiriet, c'est chaud bouillant, facile comme entrée en matière, j'aurais pu la faire avec M. ou Mme Picard ou Toupargel... Que les autres vendeurs de glace à la viande ou au poisson ne m'en veuillent pas de ne pas les citer ici, je ne fais pas de placement de produit, juste une -mauvais- blague !

Donc, disais-je avant de m'interrompre, P. Thiriet, ça décoiffe. J'avais déjà testé avec J’ai fait comme elle a dit, deux paumés qui semaient le trouble et quelques cadavres derrière eux. Il reprend non pas les mêmes personnages, mais les mêmes codes : un type pas trop sûr de lui Énée et une femme à la forte personnalité qui le mène là où elle veut. Entre eux, il y a eu de l’amour physique, il peut encore en avoir, mais leur relation est plus fraternelle, un rien incestueuse. Énée protège Dido qui se sert d’Énée. Enée, il rencontrera d’autres femmes, quasiment toutes sur le même modèle, des femmes qui dirigent. Thiriet est pour le pouvoir par les femmes. Un féministe quoi ! Et  ça ne traîne pas chez lui, on est dans le bain tout de suite, dès les premières pages, "Elle avait dit : "Faut que tu viennes ! Tout de suite !" Ou bien "Maintenant !" Énée ne savait plus exactement."  (p.5), jusqu’aux dernières, car jusqu’à la fin on se demande comment cette histoire va pouvoir se finir. Bien ? Mal ? Y a-t-il vraiment une bonne ou une mauvaise fin d’ailleurs ? Une happy end ou une sad end ? Suspens jusqu’aux quasi ultimes lignes

Aucun temps mort et même si la combine montée par Dido est parfois alambiquée, elle se suit assez aisément dans les grandes lignes. Dido, ce qu’elle veut c’est dézinguer ceux qui ont le pognon et le pouvoir : "Tu sais bien que ce n’est pas pour l’argent. C’est pour nuire. Tu sais bien ! A la fin je veux que les méchants soient punis. Les méchants, c’est les banquiers et les corrompus. Je veux qu’ils en bavent." (p.78/79)

Tous les intervenants qui aident Dido et Enée sont un peu abîmés par la vie, fille violée, clodos, prof arnaqué, un peu comme Dido et Enée eux-mêmes. Même la banquière, Bérengère, elle a un passé pas très facile, bien que fille de banquier riche et élevée avec de l’argent. Pour se maintenir en vie Enée picole dur, on pourrait presque croire que le Jack Taylor de Ken Bruen à côté est un petit joueur, mais lui, en plus il avale du Xanax, ça double ou triple voire pire les effets. Enée il carbure au casa, normal puisqu’il sévit du côté de Sète et Montpellier.

Pascal Thiriet a une écriture vive, dynamique qui joue avec les mots de différents niveaux de langage, il dialogue beaucoup, il joue aussi avec les sons : "Dis, Dido, dis donc…" (p.27), "Du coup, Enée s’en prit un second, et puis encore un, ce qui fait qu’en passant à table il était, disons, disert." (p.31). C’est un roman noir réaliste, l’un de ceux dont on se dit que les arnaqueurs doivent s’en sortir tellement ils sont cabossés et sympas, même si pour parvenir à leurs fins ils doivent sacrifier un ou deux –ou plus- adversaire bien pourris certes, mais ils les devront les occire tout de même pour essayer de s’en sortir, plus un ou deux malfaisants, juste pour débarrasser leurs actuelles et leurs futures victimes.

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Farel

Publié le par Yv

Farel, André Blanc, Ed. Jigal, 2014....

Lyon, une femme est retrouvée morte, assassinée, dans un grand hôtel, ligotée au lit, la tête dans un sac de plastique. Elle a réservé la chambre sous un nom d'emprunt, Pincevent. Le commissaire Farel connu pour ses accès d'humeur, son manque d'humour, sa ténacité et son professionnalisme est chargé de l'enquête. Un deuxième cadavre est bientôt retrouvé, celui d'un adjoint au maire en plein campagne pour sa réélection. Au fur et à mesure que les choses se précisent, Farel sent que cette affaire est liée à une autre, vieille de trois ans qu'il n'avait pu mener à terme et qui le hante toujours. 

Ce qui est bien chez Jigal, c'est que spécialiste des romans noirs et/ou polars, on en trouve pour tous les goûts : des flamboyants avec Janis Otsiemi, des rapides et très noirs avec JO Bosco, des plus classiques, des tordus, des romans noirs ou d'aventures avec dans le désordre, Maurice Gouiran, Pascal Thiriet, Olivier Maurel, Gilles Vincent, Philippe Georget, Florent Couao-Zotti, pour ceux que j'ai lus et sans doute encore plein de qualificatifs pour ceux que je n'ai pas lus. André Blanc avec son Farel fait dans le polar réaliste : on suit l'enquête pas à pas. Tout est précis, formel, tant les procédures que l'autopsie -et je vous rassure tout de suite, rien de purement administratif et donc rébarbatif ou de gore, la description de l'autopsie est plutôt technique. La construction du roman est classique (je me suis même douté d'un point très important concernant le coupable très vite, mais ça n'a pas gâché ma lecture d'autant moins que j'ai appris par la suite plein de détails, et puis je me doute assez facilement, parce que j'ai tendance à soupçonner tout le monde, mais là, quand même, j'avais une idée assez précise), l'écriture aussi qui colle parfaitement à l'ambiance et aux personnages décrits qui pourraient être vous ou moi ou vos voisins voire même les miens. "Un polar efficace et sans concession" est-il écrit sur le bandeau de couverture. J'opine. Sur fond de magouilles politico-financières, de réseau de pédophilie ou de pratiques sexuelles débridées, Farel avance sans lâcher le morceau, un limier besogneux qui ne fait confiance qu'aux faits qui doivent corroborer ses intuitions, sinon, ses intuitions, il les laisse de côté. Et il est très bien secondé, son équipe de lieutenants est vaste et compétente, pas vraiment drôle comme dans certains autres romans policiers, là l'humour n'est pas le fort de ces flics lyonnais, quelques remarques ou vacheries de temps en temps, mais surtout des coups de gueule, des regards noirs et des susceptibilités qu'il faut ménager et que pourtant aucun ne ménage. On ne se marre pas, mais comme André Blanc écrit avec réalisme, il a tout à fait raison, je doute que les flics rient beaucoup lorsqu'ils ont en mains une affaire liée à un réseau de pédophiles, même avec un sens de l'humour très développé, certaines blagues sont difficilement acceptables. "Peut-on rire de tout ?" demandait en son temps Pierre Desproges. Finalement, peut-être pas...

Guillaume Farel est le personnage central, inévitable du bouquin, un type complexe, très bien décrit, pas trop physiquement, plutôt psychiquement. Il vit avec Maud une flic d'Interpol une relation pas toujours très calme, n'est pas au top relationnel avec son père, juge à la retraite mais un profond respect les lie l'un à l'autre. Il a un réseau amical fort qui date de ses années d'études entre Jean Le Han psychocriminologue, Charles Vobslinger journaliste, ne manque que Marc Philippe avocat fiscaliste, mort des années auparavant, mort dont Farel ne se remet pas et qui le hante toujours. 

Décrit comme cela ce polar pourrait sembler sec, austère. Il l'est sans doute un peu, mais en l'occurrence, c'est plutôt une qualité qui fait que l'on reste pris de bout en bout par l'histoire, ses rebondissements, ses ramifications dans le monde politique -quelques remarques fort judicieuses sur les collusions entre la politique, les affaires, l'argent, le goût et l'attrait du pouvoir qui ne redorent pas le blason des politiciens sans pour autant crier au "tous pourris"-, ses personnages attachants malgré leur manque de détachement et d'humour.

C'est un roman qui débute comme cela :

"J'avais trente-deux ans lorsque j'ai poussé la porte grise. L'homme en blanc m'avait conseillé de le faire depuis longtemps, mais il était trop tard, le temps avait passé, Dieu nous avait abandonnés et nous vivions un enfer depuis des mois. Nous étions à cinq jours de Noël. Ni Stéphanie ni moi n'avions dormi cette nuit-là. L'état de santé de Marie s'aggravait, plus aucun traitement n'agissait, elle partait doucement, et nous avec." (p.7)

 

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L'hiver des enfants volés

Publié le par Yv

L'hiver des enfants volés, Maurice Gouiran, Ed. Jigal, 2014...,

Clovis est un ancien journaliste qui voit débarquer un soir, dans sa retraite, sa maison loin de tout, Samia, la femme de son ami François, journaliste retraité comme lui et disparu depuis plusieurs jours. Samia, pour qui Clovis a toujours eu et a toujours des sentiments, lui demande de partir à la recherche de François qui enquêtait sur les enfants volés en Espagne sous Franco. Volés aux familles républicaines pour les offrir à des familles plus en accord avec les idées franquistes. Clovis accepte. 

Clovis, François et Samia se sont connus en 1982, sur les cendres des camps de Sabra et Chatila, les deux hommes faisaient leur métier de journaliste, Samia était une victime de la barbarie la plus sauvage : "Notre guide a finalement retrouvé les siens dans un charnier à ciel ouvert. Des dépouilles lacérées et emmêlées. [...] La plupart des corps étaient amputés. Des nourrissons avaient été éventrés. Les phalangistes s'en étaient donné à cœur joie au nom de Dieu, violant, tuant à bout portant tout ce qui vivait dans ces bidonvilles." (p. 21) Ils ne se sont plus quittés, aussi Clovis ne peut que partir à la recherche de son ami. Et sa trace le mène sur les chemins de l'église catholique espagnole et sa frange la plus dure, ceux qui veulent la béatification de sœur Encarnacion, directrice à l'époque de la maternité qui organisait un trafic d'enfants : "Les tenants du régime répondaient alors à l'injonction de Vallejo-Nàjera, un psychiatre dément mais encensé par le Caudillo, qui prétendait qu'il existait un gène communiste et qu'on pouvait combattre cette saloperie en retirant les bébés de leurs familles "rouges". Sous le prétexte d'une loi promulguée en 1939 qui confiait à l'Etat les enfants nés sous X, on avait subtilisé, dans les maternités et les prisons, les enfants de républicains. Les nourrissons étaient alors placés dans des familles phalangistes qui allaient les éduquer selon les principes moraux du régime." (p.42) Ce trafic au départ pour la cause franquiste perdurera après la mort du Caudillo pour de viles raisons pécuniaires, puisque les nouveaux parents pouvaient acheter un bébé entre cent mille et trois cent mille pesetas. L'enquête est délicate surtout lorsque Clovis est à son tout victime d'agressions, d'intimidations. 

Après un début un rien long et lent lorsque Maurice Gouiran nous promène dans les rues de Barcelone, la Marseille de l'Espagne -ou Marseille la Barcelone de France-, il nous fait visiter une ville qu'il connaît et aime. Le mieux serait sans doute de connaître soi-même un peu la ville, mais finalement, ce n'est pas un problème, on se balade. De même, parfois, une allusion est faite à un personnage qu'on ne connaît pas si l'on n'a pas lu les livres précédents de l'auteur, d'ailleurs le nom même de Clovis n'est pas vraiment su dès le départ, mais, ce qui pourrait être un handicap n'est pas vécu comme tel ; c'est un peu comme un copain avec qui l'on parle : on ne sait pas tout de sa vie, mais ça ne nous empêche pas de le comprendre, de l'apprécier et de s'intéresser à lui. Ce qui me fait penser à cette comparaison, c'est sans doute le langage de l'auteur qui s'adresse à ses lecteurs comme s'il leur racontait une histoire, dure certes, mais les personnages qu'il crée font passer le message plus sûrement qu'un essai sur le sujet.  

L'intérêt principal du roman est de mettre le doigt sur un sujet sensible et dont on parle assez peu, le traitement des enfants sous les dictatures, les enfants volés d'Espagne ou encore les Lebensborn nazis censés faire naître de bons aryens pour repeupler l'Europe, des soldats nazis engrossaient des jeunes femmes blondes, véritables esclaves. Puis, le rendement étant jugé insuffisant, des enfants correspondant aux critères aryens furent enlevés dans les territoires occupés par Hitler et déportés dans ces Lebensborn. Très documenté, ce roman noir est dérangeant, met mal à l'aise parce qu'il concerne un nombre d'enfants de l'époque encore en vie aujourd'hui, tant ceux qui sont nés ou ont été déportés dans les Lebensborn -qui ont entre 70 et 80 ans- que ceux qui ont été pris dans la spirale du trafic espagnol qui a perduré jusque dans les années 80 et qui ont donc pour les derniers une petite trentaine d'années. Tous sont victimes d'un système morbide, immonde -on pourrait aligner les qualificatifs-qui les laisse sans racines, parce qu'en plus, Maurice Gouiran le montre très bien, les recherches sont difficiles et freinées plus qu'aidées par les autorités notamment religieuses -mais pas seulement- qui voient d'un mauvais œil qu'on puisse mettre en cause leurs pratiques répugnantes et leurs accointances avec des régimes pourtant infréquentables pour qui se prévaut de valeurs humanistes, fraternelles (cf. un article du Huffington post). Clovis Narigou est un dangereux anticlérical, un libre-penseur (Maurice Gouiran sans doute aussi) c'est sûrement ce qui me le rend éminemment sympathique ! On partage des valeurs.

 

 

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Ça coince ! (23)

Publié le par Yv

Madame de Néandertal, journal intime, Pascale Leroy et Marylène Patou-Mathis, Ed. Nil, 2014..,

La Grande, néandertalienne avisée a la bonne idée de tenir un journal intime, notant les faits et gestes de tous les membres de sa tribu. Lorsqu'accompagnée de femmes et d'enfants ils font la rencontre étrange d'un autre être bipède comme eux, la quiétude du cercle est malmenée. Qui peut il être cet être qui leur ressemble mais pas tout à fait quand même, qui ne parle pas ? 

Bien sur le papier, et bien dedans pour tout ce qu'on y apprend sur la vie des Néandertaliens et des Sapiens. Néanmoins, j'avoue que je ne parviens pas à m'intéresser au journal de Madame, est-ce le traitement plutôt léger (mais scientifiquement avéré, M. Patou-Mathis est Docteur en Préhistoire, directrice de recherche au CNRS), la forme du journal intime, l'écriture ? Sans doute un peu de tout cela en même temps. Loin de moi l'idée de nier les qualités de ce roman. Juste un livre pas fait pour moi. Nul doute qu'il plaira à d'autres.

 

 

Un mort de trop, Alexandra Appers, Ed. Ring, 2014..,

Otis est un jeune homme qui vit à Saint-Amand-La-Givray, un patelin que personne ne connaît. Il s'ennuie dans le rade que son père à ouvert mais que sa mère tient depuis que son créateur est parti. Otis rêve de tatouer. Alors, il s'entraîne sur les chiens et les chats du village, en attendant de pouvoir exercer son art sur des êtres humains ; il s'attire ainsi  la colère des villageois. Otis est également attiré par Ella, une jeune femme paumée qui traîne toujours avec des mecs pas très glorieux. La vie s'écoule pas paisible, chiante, jusqu'au jour où...

Alors là, je ne comprends pas pourquoi ce livre me tombe des mains, pourquoi je ne réussis pas à m'intéresser à l'histoire d'Otis. Tout est là pour me plaire et en premier lieu la langue d'Alexandra Appers, enfin quand je dis sa langue, comprenez sa manière d'écrire évidemment et non point son "corps charnu, allongé, mobile, situé dans [sa] cavité buccale et qui est un des organes principaux de la parole" (merci Larousse). Des personnages totalement perdus et barrées, avec des prénoms de soulmen (women) étasuniens : Otis, Marvin, Ray, Patti, Aretha, Ella, qui font venir des airs dans la tête, un village où rien ne peut être caché bien longtemps. "Personne ne s'intéresse à Saint-Amand-La-Givray". (p. 11), ainsi débute le roman. Des dialogues bien torchés, des réparties vives, drôles, cinglantes. Eh bien malgré tout cela, il y a un truc qui ne fonctionne pas avec moi, je ne sais pas quoi et j'en suis d'autant plus marri que franchement, encore une fois, tout était là pour que ça marche ! Tant pis, désolé M. Ring et désolé Alexandra Appers !

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La palette de l'ange

Publié le par Yv

La palette de l'ange, Catherine Bessonart, Ed. de L'aube, 2014..,

Le commissaire Chrétien Bompard à la fin d'une enquête se promène en forêt d'Orléans lorsque qu'il voit un ado qui se balance au bout d'une corde. Il tente de le sauver, mais il est assommé. Puis la vie et le travail reprennent, et le commissaire est confronté à un meurtrier qui utilise d'étranges et magnifiques couteaux. Assisté des lieutenants Grenelle et Machnel, Bompard tente de comprendre ce qui lie les victimes. 

Nouveau flic, deuxième tome des aventures de Chrétien Bompard -Et si Notre-Dame la nuit... a déjà été publié-, ne signifie pas forcément inventivité et originalité. Je n'ai rien de particulier à reprocher à Bompard et son équipe, mais rien ne m'a vraiment enthousiasmé non plus. J'ai lu cette enquête sans vibrer, sans ressentir les affres du suspense ni celles du livre qu'on ne peut pas lâcher. Non au contraire, j'ai même reposé plusieurs fois l'ouvrage pour vaquer à mes occupations d'homme de maison : préparer le repas, enfourner un gâteau, faire une lessive puis l'étendre, passer l'aspirateur, enfin, tout ce qu'on fait lorsqu'on est à la maison, je l'ai repris entre chaque tâche (ou corvée) ménagère  ; je dois même ici faire une confession terrible, lors de ma dernière préhension du roman pour les ultimes pages, j'ai mis quelques secondes à me remettre dedans et anecdote terrible lorsqu'on lit un polar, certains détails qui n'en étaient plus m'étaient totalement sortis de l'esprit si tant est qu'ils y soient entrés, par exemple, un journal intime d'un suspect dont je ne me souvenais plus que le commissaire l'avait trouvé et lu ou encore un nom de suspect totalement oublié. Gênant, n'est-il pas ? Ouh la, avec tout ça j'aurais pu oublier mon gâteau dans le four, mais heureusement, il sonne (le four, pas le gâteau) pour me prévenir de la fin de cuisson.

En fait, il y a dans ce bouquin un truc, je ne saurais dire quoi précisément, qui gêne ma progression. C'est impalpable, totalement subjectif. Peut-être la méthode de Bompard de faire des sortes de brainstorming desquels ressortent des évidences ? De partir de suppositions et d'en faire des faits quasi avérés ? De procéder exactement comme je le fais maintenant, par questions, censées apportées des réponses rapides ? J'ajoute à cela des dialogues parfois inutiles qui n'apportent rien :

"-Oh, pardon, Commissaire, je ne vous avais pas reconnu

- Ça m'arrive à moi aussi parfois, quand je croise mon reflet dans une glace." (p.103)

C. Bessonart n'a pas besoin de faire dans la blague pas drôle, dans la répartie de bas niveau, car dans son écriture, elle place des jeux de mots, des références et des touches humoristiques bienvenues. Globalement d'ailleurs, le texte est de bonne qualité, il se lit agréablement, c'est la raison première qui m'a tenu jusqu'au bout du roman, sans cela je  crois que j'aurais abandonné avant la fin.

Histoire de tempérer un peu ma déception, je me dois de dire que l'auteure a plutôt bonne presse, Et si Notre-Dame la nuit...a reçu le Prix Polar du meilleur roman francophone de Cognac en 2013 et sur Babelio, La palette de l'ange a un très bon accueil, quais unanime ; encore une fois, je fais un peu le mouton noir, mais c'est pas grave, j'ai l'habitude.

 

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Le sceptre de Dieu

Publié le par Yv

Le sceptre de Dieu, André Journo, Fayard, 2014..,

"Menahem Yanovski, le Grand Rabbin de New York, savait qu'il risquait sa vie. Quelques mois plus tôt, assis à son bureau, il avait rédigé une lettre énigmatique pour indiquer à sa petite-fille Tamara comment retrouver un mystérieux objet : le sceptre de Dieu. Adam puis Moïse avaient reçu cette arme absolue, capable de détruire Sodome et Gomorrhe, d'ouvrir les flots de la mer Rouge et de déclencher les dix plaies d'Egypte. Si jamais ce bâton sacré tombait dans les mains des fanatiques lancés à sa recherche, la planète serait en danger mortel. Prise dans une course contre la montre, Tamara doit déjouer les plans de ses adversaires et percer le secret des énigmes laissées pas son grand-père. Sa vie ne tient qu'à un fil. Services secrets américains, terroristes islamistes et chrétiens ultras, tous se livrent un combat sans pitié pour retrouver le sceptre." (4ème de couverture)

 

Un midi, on sonne à ma porte. C'est la charmante préposée aux colis de La Poste qui me remet contre signature un paquet contenant un livre. Je signe, toujours ravi de recevoir ce genre de cadeau. J'ouvre, et je vois ce titre et cette première et lorsque je tourne l'ouvrage, cette quatrième de couverture. Arrgh ! Tout ce que je déteste, un titre et un résumé ésotérico-mystico-religio-thrillers. Le livre me brûle les mains, je le pose, le jette même sur ma table de salon, une bobine de câble électrique récupérée que j'ai poncée pour enlever les aspérités cirée pour lui donner la teinte souhaitée et vernie incolore, des roulettes dessous, et hop, le tour est joué, une table originale. Le soir, en racontant mes péripéties à Mme Yv, non sans oublier bien sûr d'avoir écouté les siennes, je lui montre le livre et elle me dit : "laisse-le moi, je vais le lire, j'aime bien moi." Re-arrgh, ma femme aime donc ce que je déteste ? Cruelle désillusion ! Déception ultime ! Cause de divorce ! Non, en fait, je déconne, nous le savons tous les deux depuis longtemps. Bon, néanmoins, je lui laisse le livre en mains, et, compte tenu d'un emploi du temps un peu allégé, elle le lit en un temps record, mais comme elle est timide, elle me donne ses impressions que je vais tenter en toute impartialité (je vais prendre sur moi) de vous rendre ci-après.

Bon d'abord, ce roman n'est pas ésotérique, disons, qu'on est dans le religieux, les fanatiques de tout genre recherchent l'arme suprême pour imposer aux autres leur sens de la religion, de leurs croyances. Le contexte est très actuel, géopolitique, très documenté sans doute, mais tout cela me passe un peu au-dessus, je ne suis pas vraiment amatrice des romans qui mettent en scène de la pure fiction avec des faits réels, je me perds, je ne sais plus ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas. Yv aime ça, mais bon, lui, il est bizarre. Certaines réparties sont sans doute tirées de vrais discours, comme celle-ci mise dans la bouche d'un pasteur, au moins le début : "Jour après jour des voix s'élèvent contre la décadence et l'immoralité, incarnées par ces horreurs que sont l'avortement, le divorce, la promotion des minorités de toutes sortes. Et l'heure viendra pour notre cher Obama ; ce dictateur communiste, ce musulman, ce sang-mêlé [...] Or, lorsqu'on assiste à ce qui se passe en ce moment dans le monde, ces dérives socialo-communistes, ces légitimations de mariages gays, ces pseudos-révoltes arabes, on comprend que le temps nous est compté. La Main de Justice nous permettra de triompher plus rapidement et définitivement" (p.78)

Tamara doit résoudre des énigmes basées sur les écrits religieux, ce qui m'a bien plu. Le rythme est rapide, on ne s'ennuie pas, mais tout est très calibré sur le modèle des thrillers ou des films d'action étasuniens : les héros sont blessés, ils courent sans arrêt, se prennent des coups dont un dixième nous laisserait à l'hôpital pour au moins quinze jours, puis la nuit arrivée, tout va mieux il la passe entière à faire l'amour ; des surhommes et surfemmes ! 

En résumé, j'ai passé un moment plutôt agréable, récréatif, ce thriller ne me fera pas faire de cauchemars, mais comme disait je-ne-sais-plus-comment-elle-s'appelle, dans une pub ancienne pour un produit ménager : "Je ne ferais pas ça tous les jours !"

 

polars

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