Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

essai

Ça coince ! (10)

Publié le par Yv

Gusse, François Barberousse, Éd. Marivole, 2012

Gusse est un jeune homme au début de la guerre 14/18. Comme ses copains de son village de Sologne, il part sur le front. Quatre ans après la fin du conflit, quatre ans également après la mort de Gusse, son ami, le fils de l'instituteur du village, à l'occasion de l'inauguration du monument aux morts se rappelle sa dernière conversation avec Gusse, avant qu'il ne reparte et ne se fasse tuer.

Étonnant parcours que celui de ce livre. François Barberousse commence à faire parler de lui au milieu des années 30 avec deux romans parus à la NRF Gallimard. Puis, il écrit celui-ci en 38/39, qui ne pourra pas être publié en temps de guerre. Après la guerre, le résistant F. Barberousse renonce à écrire et c'est donc 73 après que son roman est publié pour la première fois. C'est un roman qui peut plaire mais qui moi m'a dérouté par plusieurs aspects :

- l'écriture un rien datée et marquée, avec des expressions régionales nombreuses peu compréhensibles

- un nombre important d'intervenants qui sont parfois nommés par leurs noms, mais aussi par leurs surnoms ou diminutifs : je m'y perds !

Pas pour moi, mais je ne doute pas qu'il puisse trouver son public.

 

Petite anthologie du bien-mourir, Philippe Martin, Éd. Librairie Vuibert, 2012

"Nul ne peut attendre passivement la faucheuse, la camarde, la voleuse aux pieds noirs... Du moins était-ce cela la conviction de nos aïeux, exhortés à préparer toute leur vie durant leur passage dans l'au-delà. Se développa à cette fin, du XVe au XIXe siècle, une littérature d'un genre aujourd'hui oublié, l'ars moriendi, où l'art de bien mourir. Sermons, livres de piété, manuels pour pèlerins, méthodes pédagogiques, poésies pour les enfants et autres images pieuses proposaient rien moins que d'apprivoiser la mort." (4ème de couverture)

L'introduction au bouquin, assez longue puisqu'elle fait 22 pages est très intéressante, alléchante, parlant de la manière dont on peut appréhender ou se préparer à la mort depuis très longtemps jusqu'à aujourd'hui. Et puis, je tombe sur cette phrase qui fait retomber tout mon enthousiasme : "Pour notre part, nous avons décidé de laisser la parole à des auteurs catholiques. Dans les pages qui suivent, nous avons privilégié ce que nous pouvons nommer une "littérature intermédiaire" ou une "théologie de la piété" ; des textes situés entre les réflexions théologiques ou philosophiques et les pratiques ou les rites." (p.21) Et ben, zut alors. Moi, je voulais, certes des textes catholiques inévitables, mais aussi d'autres religions et d'autres d'auteurs athées. J'aurais préféré avoir une vue globale plutôt qu'un seul point de vue. Dommage !

 

Chamamé, Leonardo Oyola, Éd. Asphalte, 2012

"Perro et le Pasteur Noé sont deux amis, deux pirates de la route qui évoluent dans un univers violent et amoral. Une trahison va briser ce binôme et le premier se retrouve à traquer le second dans la région de la triple frontière. A cette chasse à l'homme se mêlent souvenirs du passé carcéral des deux caïds, rivalités de bandes, personnages secondaires fous furieux et scènes de bagarres d'anthologie dignes des films de Tarantino." (4ème de couverture)

Bon résumé de ce polar qui part à cent à l'heure. Une écriture vive, énergique, musicale tendance affichée : le rock'n'roll. Là où je coince, c'est que je ne sais jamais si je suis dans le passé ou dans le présent, et moi, j'ai besoin de repères tangibles pour m'accrocher à une histoire. Si on me balade d'avant en arrière, de gauche à droite sans me laisser de possibilités de me retrouver, on me perd ! Dans la vie courante, je n'ai absolument pas le sens de l'orientation (et pourtant j'ai circulé 8 ou 9 heures par jour pendant plus de dix ans, c'est dire les angoisses), c'est un peu pareil dans mes lectures, j'ai besoin d'une base claire. C'est fort dommage car un récit un tantinet plus linéaire m'eût agréé davantage. Parfois, ça marche, parfois ça coince. Là, ça coince malgré les qualités du bouquin et une playlist vraiment alléchante !

 

Voir les commentaires

Éloge du dégoût

Publié le par Yv

Éloge du dégoût, Bernard Morlino, Éd. du Rocher, 2012

"Les présentateurs-vedettes-de-la-télé ont remplacé Albert Camus et François Mauriac. Être intelligent ne sert plus à rien.

Il faut se forger soi-même son propre goût qui impose le dégoût des politiciens -des carriéristes sans dimension spirituelle-, des abonnés aux émissions télévisées, de tout ce qui nous éloigne de l'essentiel.

Rester neuf pour accepter la surprise." (extraits de la note de l'éditeur)

Bernard Morlino part de sa vie, de son enfance pour nous dire ce qu'est le dégoût, son dégoût. Yv, sois franc et direct et ne tergiverse point ! Bon, j'y vais : je n'ai pas aimé ce bouquin du tout ! Ouf, voilà, c'est dit. Je n'ai pas aimé le ton systématiquement polémique, toujours opposant l'avant et le maintenant au détriment de ce dernier, bien sûr ! Je n'ai pas aimé le "tous pourris " pour les politiques. Ce livre est finalement aussi nauséabond que ce qu'il dénonce, à savoir une culture au rabais, un manque de curiosité et d'audace des différents programmateurs et des spectateurs, visiteurs, auditeurs, téléspectateurs, amateurs, ... Un livre un peu facile sur le "c'était mieux avant". De fait, dans mon éloge du dégoût, je placerai ce livre : donc finalement, but atteint pour B. Morlino ?

C'est fort dommage d'ailleurs et ma critique sévère est sans doute à mesurer à l'aune de ma déception. Car je partage certains points de vue avec l'auteur : on ne prend plus le temps de déguster, de regarder, d'admirer. Être contemplatif aujourd'hui est une tare. Vivre à un autre rythme est suspect. De quoi ? Je ne sais pas, mais suspect aux yeux des autres -je le sais, moi qui ai adopté un rythme absolument pas aux normes actuelles, je me fais parfois envier, souvent moquer (ou vice-versa, puisque la moquerie vient de l'envie). J'acquiesce aussi à la dénonciation d'une certaine culture au rabais dont je parlais plus haut, au manque de curiosité et à la volonté de flatter nos plus bas instincts pour "être connu" ou pour "vendre du temps de cerveau disponible", pour reprendre une formule désormais célèbre. B. Morlino cite beaucoup d'exemples et notamment celui de la télévision et des émissions dans lesquelles les invités ne peuvent gère parler plus d'une minute ou deux : désespérant et navrant ! Tout à fait en phase avec lui également lorsqu'il parle de littérature et de création :

"Ne devraient créer que ceux qui ont vraiment quelque chose à dire. Comment peut-on publier autant après Apollinaire, Proust, Joyce ou Céline ? On ne demande plus : "Comment écrit-il ?" mais : "Combien a-t-il vendu ?"" (p.21)

Un autre point sur lequel je suis d'accord, c'est sur Gaston Chaissac : "Chaissac aimait passer pour un plouc provincial. Il adorait l'art brut. De vieux balais, il faisait des personnages coiffés en brosse." (p.91) Mais encore une fois, il ne peut aimer Chaissac qu'en comparaison -avec Dubuffet. Moi, j'aime Chaissac et un point c'est tout ! Point besoin de comparer ses tableaux, ses oeuvres à d'autres.

Un point de discorde supplémentaire : B. Morlino aime le football. Moi, pas ! Des pages vite lues sont consacrées à ce sport ; il écrit dessus aussi sur son blog, si l'envie vous prend, c'est ici.

J'ai l'impression que B. Morlino est resté sur ce qu'il a lu et vu et que jamais oh grand jamais il ne pourrait dire du bien de livres, films, émissions actuels. C'est de la nostalgie amère. De l'acrimonie.

Premier livre de cette collection que je n'aime pas. Ça devait arriver ! Ou alors peut-être tout cela est-il de l'humour ? Je dois en manquer !

Voir les commentaires

Éloge du non

Publié le par Yv

Éloge du non, Jean-Claude Lamy (avec Fabienne Deval) Éd. du Rocher, 2012

"En janvier 1961, à la veille du référendum sur l'autodétermination des populations algériennes, Jean-Paul Sartre estime que la question posée n'a aucun sens. " La meilleure façon de refuser le jeu truqué auquel on veut nous faire participer ce n'est pas de dire "je ne joue pas", mais de dire "non", "non" au plan qu'on nous propose. (...) On ne peut pas se défiler en disant "je ne suis pas dans le coup". On y est. Et du moment que le piège est en place, la seule façon de ne pas y tomber, c'est de dire non." Résister, c'est dire non. (présentation de l'éditeur)

J'ai déjà lu dans cette collection, Éloge du contraire de François Bott et Éloge de la vulgarité de Claude Cabanes, tous deux très bons livres, drôles et intelligents. En voici donc un troisième , alors qu'il existe d'autres titres disponibles : Éloge de la trahison, de dégoût, de l'arrogance, du mensonge, du mauvais goût. Pourquoi écrire des éloges de vices plutôt que de vertus ? Le directeur de cette collection, François Cérésa "propose tout simplement de savoir tirer le meilleur du pire ou, mathématiquement, le plus du moins.(...) Et cela grâce à l'humour, au talent et au style d'écrivains qui, par l'alchimie du paradoxe, ont su dénicher la qualité d'un défaut, le défaut d'une qualité, ou encore le défaut d'un défaut, ce dont nul ne pourra se plaindre." (préface, p.7)

Jean-Claude Lamy part d'exemples pour nous faire son éloge du non : le premier c'est le non peu fréquent -du moins j'espère- mais néanmoins objet de certains fantasmes -peut-être masculins ?- du mariage : "Imaginez la tête de la fiancée ou du fiancé si, devant monsieur le maire, le "oui" décisif se transforme en un "non" fatal. (...) Le pire qui puisse arriver serait un jeune marié qui parte à la sortie de l'église avec le frère de l'épousée. Il a dit "oui", mais, soudain, sa nature reprend le dessus. Son comnig out est un "non" cinglant." (p.12). Suit logiquement un extrait de La non-demande en mariage de Georges Brassens. Puis de fil en aiguille, ou plutôt en suivant le fil de la pensée et du raisonnement de l'auteur on voit défiler Charles de Gaulle qui a dit non à la reddition française, Rosa Parks qui a refusé de laisser sa place à un blanc dans un bus de Montgomery (Alabama), Martin Luther King, Nelson Mandela, Mère Theresa, l'Abbé Pierre, Coluche, ...  Tous ont eu en commun à un moment ou un autre de leur vie -ou tout au long de leur vie pour certains- de dire non. Non à la ségrégation, non à l'apartheid, non à la misère, la pauvreté.

Jean-Claude Lamy balaie le vingtième siècle -et plus loin, puisque on peut lire l'histoire de certains saints de l'église : Saint Vincent Ferrier, apôtre de Bretagne, mort en 1419, et le meilleur de tous cela n'engageant que moi, en toute impartialité-, Saint Yves ! (que des saints bretons puisque l'auteur fait allusion à ceux qui "cernent" sa maison de l'Île aux Moines)

Un très bel éloge qui permet de se rappeler certaines personnes importantes, de celles qui ont fait avancer les sociétés et les mentalités. Dans ces moments où notre pays a tendance à faire des choix très discutables (ai-je besoin de dire ici mon dégoût de voir des députés d'extrême droite entrer au Parlement, parce que certains -de droite comme de gauche- n'ont pas voulu céder leur place ?) il est de très bon ton de ne pas oublier ceux qui ont bousculé leurs contemporains en osant dire non.

Je finirai par une dernière citation, la dernière phrase du livre, je vous laisse y réfléchir, vous avez quatre heures et une copie double : "Penser, c'est dire non" (du philosophe Alain)

Voir les commentaires

On a retrouvé l'histoire de France

Publié le par Yv

On a retrouvé l'histoire de France, Jean-Paul Demoule, Robert Laffont, 2012

Jean-Paul Demoule, archéologue et professeur s'appuie sur les recherches et les fouilles les plus récentes pour revoir en profondeur certains pans entiers de notre histoire. L'Histoire telle qu'on nous l'a enseignée à l'école et telle qu'on continue à l'enseigner est pour lui à revisiter en grande partie. Il commence son livre par les hommes préhistoriques pas si sauvages que cela, nés en Afrique et qui ont ensuite émigré vers d'autres contrées : "Ces "premiers Français" sont des immigrants. Ils sont venus, en lentes étapes, d'Afrique ou leur espèce a émergé progressivement il y a environ un million et demi d'années, se différenciant des Homo habilis, les premiers à fabriquer des outils indiscutables." (p.22/23) Nous descendons donc tous d'une Africaine et d'un Africain émigrés. Nous sommes donc tous une seule et même espèce : "Aucun biologiste sérieux ne peut plus répartir l'espèce humaine en "races" homogènes" (p.36), nos différences physiques les plus immédiatement visibles viennent uniquement d'une adaptation de la peau pour se protéger de l'ensoleillement. Comme c'est bon de pouvoir le rappeler preuves à l'appui en ces jours où comme je le disais dans un billet précédent -au risque de paraître redondant voire lourd- certains prônent la haine et le mépris des différences, sous couvert de partis soit-disants démocratiques et républicains (à l'heure où j'écris ce billet, la course aux électeurs du parti arrivé troisième de l'élection est tout simplement écoeurante, je ne sais pas jusqu'où vont aller les deux finalistes et un en particulier qui surenchérit sans cesse sur ses propres paroles histoire de s'assurer quelques votes de plus. Lamentable et honteux !)

Je vous passe ensuite quelques pages pour sauter directement sur les Gaulois, qui sont une grande partie du livre. Alors, barbares nos ancêtres ? Pas si sûr et même pas du tout répond JP Demoule. Ils étaient plusieurs clans, pas un vrai peuple uni, ce qui a facilité la victoire de Jules César dans sa conquête des Gaulles. Les notables se sont soumis au vainqueur et par force, les paysans, les petites gens ont suivi. Il y a bien eu ça et là des combats, notre Vercingétorix a bien existé, mais il n'a jamais jeté ses armes aux pieds de César. De même, les Gaulois n'ont pas été civilisés par les Romains, ils l'étaient avant. Ce sont les deux cultures qui se sont mélangées, chacune profitant de l'autre. "Ce ne sont pas des Gaulois hauts en couleur mais barbares, vivant dans des huttes au milieu des forêts, qui auraient été civilisés par leurs vainqueurs ; ce sont des sociétés prospères, à l'économie et aux techniques inventives et dynamiques, possédant villes et battant monnaie, qui furent intégrées avec succès dans un empire naissant, qu'elles fécondèrent d'autant." (p.129)

Voilà pour quelques points importants qui sont développés et argumentés magistralement dans cet essai. A la portée de tout lecteur curieux et intéressé par l'histoire, il recadre pas mal de nos idées reçues et permet de se faire une idée plus précise de la manière dont vivaient nos aïeux. Quelques répétitions et longueurs sur la difficulté du travail de l'archéologue ; pas vraiment son travail d'ailleurs, mais plutôt la prise en compte par les politiques du bien-fondé, de la nécessité et de l'apport des fouilles qui retardent certains chantiers, un parking, un centre commercial ou encore un centre aquatique. 

Un essai vraiment passionnant qui permet  d'enfoncer le clou de la diversité, puisque l'auteur nous dit que les Français sont sans doute l'un des peuples aux origines les plus diverses, les plus variées : beaucoup de brassages ethniques ont eu lieu en France dernier territoire de l'Europe de l'Ouest avant l'Océan. Les personnes qui arrivaient jusque sur ces terres y restaient parce qu'elles ne pouvaient aller plus loin. Ce métissage obligé fut sans doute ce qui fit la force, la puissance et la renommée de la France dans les siècles qui suivirent dans nombre de domaines. On ne s'enrichit que dans la connaissance de l'autre et de la différence. 

Bizarrement, livre assez peu commenté sur les blogs : les blogs de Mediapart, de Libération en parlent. 

Allez, sur ce, comme on dit chez moi, je vous laisse avec ce dernier message : dans deux jours allez voter, c'est important !

Voir les commentaires

Le labyrinthe de Poutine

Publié le par Yv

Le labyrinthe de Poutine, Steve LeVine, Ed. ZdL, 2012 (écrit en 2009 alors que V. Poutine avait déjà été élu 2 fois président et qu’il était premier ministre)

Steve LeVine est un journaliste étasunien passionnée de géopolitique, qui à travers ses enquêtes, se penche sur la Russie et les méthodes parfois expéditives de son ex-mais-aussi-actuel-et-probable-futur président, Vladimir Poutine. 

Il tente d’expliquer comment celui qui n’était qu’un simple espion plutôt discret, pas dans le haut du panier (de crabes) de la profession (on est très loin du charme et de l’efficacité de James Bond ou de ceux de l’inénarrable OSS 117 -inénarrable surtout dans son excellente interprétation cinématographique récente) a pu devenir un véritable chef dur et sans pitié, le Tsar Poutine : "Vladimir Poutine  était l’archétype de l’homme venu de nulle part, le genre d’homme dont on se demande comment il a pu faire autant de chemin. […] Le facteur décisif fut l’infinie loyauté de Poutine. […] Poutine se surpassa aux yeux d’Eltsine et de ses conseillers en aidant à ruiner la carrière d’un fonctionnaire qui embarrassait beaucoup le président et son entourage. […] la télévision russe diffusa une vidéo le montrant [le fonctionnaire embarrassant] nu avec des prostituées. Pour couper court à toute accusation de faux, Poutine prit la peine de déclarer publiquement que le document était authentique. Le Kremlin en fut très ému." (p.52/53)

C’est évidemment un texte à charge : "Je n’avais aucune illusion sur Poutine. Depuis quelque temps, il laissait apparaître sa préférence pour un pouvoir sans états d’âme. Après ces événements [les assassinats d’Anna Politkovskaïa et d’Alexandre Litvinenko], on ne pouvait éviter de conclure à l’avènement de jours encore plus sombres. Ce à quoi j’assistais dépassait la simple question d’un style de gouvernement. Poutine ressuscitait la Russie des époques les plus brutales." (p.25) Mais il faut aussi dire que l’auteur de cet essai ne met pas tout sur le dos de Poutine. Lorsqu’il doute d’un fait ou d’un autre, il le dit, tire des conclusions pas toujours en défaveur du président russe. Il explique que le climat qui règne actuellement dans ce pays est "un troublant climat d’assassinats et de violences, et donne la nette impression que l’Etat russe sous Poutine en est, au moins partiellement, responsable." (p.28)

Néanmoins, Steve LeVine modère son propos vis-à-vis de Poutine et parle d’obligation de restauration de la puissance du pays. Poutine a pris le pouvoir d'un pays aux abois et a voulu absolument que celui-ci remontât la pente et redevînt un pays fort, si ce n’est LE pays fort, avec lequel il faudrait compter. Pour cela, il n’hésita pas à s’opposer aux Etats-Unis, notamment lorsqu’ils voulurent installer un système de défense antimissile en Pologne et en République tchèque. Et Steve LeVine de conclure sur cet incident : "L’Occident s’indigna du caractère belliqueux de Poutine mais, à mon sens, sa remarque cinglante sur la façon dont l’Amérique étendait sa présence était pertinente. Il était évident que, dans le monde entier, les Etats-Unis ne respectaient aucune limite." (p.74)

Ensuite, le journaliste enquête sur les assassinats les plus emblématiques du régime Poutine, Anna Politkovskaïa, bien sûr, mais aussi Paul Klebnikov ou Alexandre Litvinenko. Il dresse les portraits de ces opposants, sans rien occulter : leurs points forts mais aussi leurs faiblesses comme ce que l’on pourrait presque appeler de la paranoïa ou de la mythomanie chez Litvinenko.

Très documenté, ce travail journalistique est passionnant à lire au lendemain de la réélection (pour un troisième mandat alors qu’il est sensé n’en faire que deux) de Vladimir Poutine. Il se lit très vite et si l’on oublie quelques petits soucis de traduction ou de coquilles (juste trois ou quatre sur 280 pages, c’est finalement peu) il se révèle être une source ou une mine d’informations sur les pratiques poutiniennes pour arriver jusqu’au pouvoir et le garder le plus longtemps possible.

PS : et à propos de pouvoir, de Président, n'oubliez pas demain, c'est jour de vote !

Voir les commentaires

Les secrets de Paris

Publié le par Yv

Les secrets de Paris, Clémentine Portier-Kaltenbach, La librairie Vuibert, 2012

Comme son nom l'indique, ce livre révèle tout plein de secrets sur Paris, ex-Lutèce. Plus ou moins intéressants en fonction de nos centres d'intérêt. Très franchement, j'hésitais à chroniquer ce bouquin. Lorsque Flora de la Librairie Vuibert me l'a proposé, j'ai d'abord accepté avant de me rétracter, mais trop tard, l'envoi était fait. En fait, je ne suis pas fan de ce genre d'ouvrage. D'abord, je trouvais qu'il surfait un peu sur la vague du Métronome de Lorant Deutsch, ensuite, étant donné mon âge avancé je pensais que toutes les anecdotes seraient oubliées sitôt lues et enfin n'étant ni Parisien, ni grand connaisseur de cette ville, je craignais que sa lecture en fût pénible. Le livre arrivé à la maison, je l'ai déposé dans une petite pièce propice aux petites lectures faciles, distrayantes et plus ou moins prolongées -ou écourtées- en fonction des besoins et de l'attente à la porte. Et ce fut donc le livre idoine à ce genre d'endroit.

Dire qu'il a réfuté tous mes a priori, non bien sûr, car j'ai beaucoup lu et beaucoup oublié ; j'ai aussi passé certains passages qui me parlaient moins s'arrêtant sur des quartiers que je ne connais guère. Mais dans l'ensemble Clémentine Portier-Kaltenbach sait retenir son lecteur, par ses mots et ses phrases simples et un humour de bon aloi. Pas mal de moquerie, d'ironie, mais aussi un grand respect pour ceux qui nous ont précédés et qui ont, grâce à leurs petites histoires, fait la grande. Au hasard des pages, on peut apprendre comment le premier "accident de la route" à Paris a impliqué à la fois un cochon et le prince Philippe, fils aîné du roi Louis le Gros et comment par rebondissements "un vulgaire cochon eut une responsabilité directe dans le déclenchement de la guerre de Cent Ans" (p.23). L'auteure conseille aussi d'aller visiter le musée d'Histoire de la médecine dans lequel est exposé un bistouri, mais pas n'importe lequel, celui "avec lequel le chirurgien Charles-François Félix opéra la fistule anale de Louis XIV, le 18 novembre 1686." (p.36) Ce bistouri et cette fistule célèbres parce que grâce à eux, nos meilleurs ennemis, les Anglais ont leur hymne national (à voir p.36/37) On peut également apprendre l'origine des viennoiseries, croissants en tête, de la galette des rois, la date de la création de la première école pour filles, ce que sont devenus les trois premiers chars entrés dans Paris pour la délivrer, le 24 août 1944 ! Plein d'anecdotes à lire, à oublier, à relire, juste pour la plaisir ou pour les retenir et faire bien en société.

Je dirais donc, mission réussie pour ce livre, avant tout distrayant mais aussi intelligent (un peu plus de culture et de connaissances, ça peut pas faire de mal)

Pour finir par une anecdote, Clémentine Portier-Kaltenbach -et les correcteurs distraits- est sûrement une bonne historienne, mais a des lacunes en maths : j'en veux pour preuve cet extrait dans lequel elle se mélange un peu dans ses calculs et ses pinceaux (c'est évidemment pure perfidie de ma part puisque cela ne nuit absolument pas à l'intérêt de la lecture) : "A en croire la très sérieuse revue Célébrations nationales éditée par le ministère de la Culture, il [le Pont Neuf] aurait été terminé le 8 juillet 1606 et aurait donc 405 ans ; mais d'autres ouvrages tout aussi recommandables datent son achèvement de décembre 1607, ce qui ferait 406 ans !" (p.46) Cherchez l'erreur !

Qui l'a lu également ? Mango, Mes livres et vous..., et sur Babelio

PS : Lorsque vous lirez ce billet, je serai en vacances (magie de la programmation). Retour prévu dans une huitaine. D'ici là, blog en pause.

Voir les commentaires

L'altermanuel d'histoire de France

Publié le par Yv

L'altermanuel d'histoire de France, Dimitri Casali, Ed. Perrin, 2011

"Périodes clés, grands personnages, institutions, textes fondateurs, découvertes capitales, guerres et batailles...
Vous redécouvrirez tous ces pans de l'histoire de France qui ont été oubliés ou réduits à la portion congrue dans les programmes du collège. Comment expliquer la disparition de Clovis, Hugues Capet, Saint Louis, François Ier, Louis XIII, Richelieu ou Mazarin, des programmes du secondaire ? Comment justifier la place désormais mineure accordée à Louis XIV et Napoléon ? Comment expliquer la disparition du traité de Verdun, qui dessine les nouvelles frontières de l'Europe ? De la révocation de l'édit de Nantes ? De la découverte par Pasteur du vaccin contre la rage ? Du débarquement du 6 juin 1944 en Normandie "(4ème de couverture)

Dimitri Casali part de l'idée de remettre en avant tout ce qui a disparu des programmes scolaires. On commence avec "La naissance des royaumes barbares" et on finit par les Trente Glorieuses. Évidemment, en 340 pages, il n'est point question de faire le tour de l'histoire de France, mais justes des périodes ou des personnages désormais oubliés à l'école, parmi lesquels, on retrouve tout de même Clovis, Napoléon, Mazarin, Catherine et Marie de Médicis !

C'est un livre d'histoire extrêmement bien fait, facile à lire (texte aisé et gros caractères), illustré qui s'adresse donc au public ciblé : les collégiens !

Parfois, je me suis demandé si l'auteur n'en rajoutait pas un petit peu et si tout ce dont il parle méritait d'être dans son livre : par exemple, les Bourgeois de Calais, pendant la Guerre de Cent Ans, mais son argumentaire est bon et sa présentation ne l'est pas moins, donc, je passe au-dessus de mes réserves.

Chaque chapitre est présenté de la même manière : une petite introduction, un "Ce qu'il faut savoir", assez complet et néanmoins résumé de la question étudiée, quelques apartés, anecdotes importants pour bien comprendre l'époque, sur fond rouge et une conclusion sur fond jaune intitulée : "Ce que les collégiens n'apprennent plus"

A la maison, nous sommes amateurs d'histoire sans être des spécialistes et donc le livre a plu : il permet de se remettre en mémoire des périodes ou des personnages si ce n'est oubliés au moins passés au second plan.

Les programmes scolaires ont beaucoup changé ces dernières années, notamment dans cette matière, pour y intégrer des notions sur l'histoire de la Chine, de l'Inde ou de l'Afrique. A l'heure de la mondialisation, l'intention est louable, mais c'est au détriment de l'enseignement de l'histoire de France. 

Une petite suggestion pour finir : et si le temps pris par le retour de la morale -totalement ringarde, inutile et rétrograde- en classe était redonné à l'enseignement de l'Histoire ? Peut-être, les enfants entendraient-ils parler à nouveau de Du Guesclin, de Bayard, de Pépin le Bref, de Colbert ? 

Lu dans le cadre de masse critique de Babelio.

 

PS : si je puis me permettre M. Casali et M. l'éditeur : vous montrez, page 54, la photo d'un bronze du IXème siècle restauré au XVIIIème et vous dites que "L'identité de ce souverain est encore débattue. S'agit-il de Charlemagne ou de son fils Louis le Pieux ?" Je vous suis sur votre affirmation : l'identité est bien encore débattue, mais votre questionnement est erroné puisque la question se pose entre Charlemagne et son petit-fils Charles le Chauve. Pas de bol, une émission D'art Dare récemment diffusée y était consacrée. Plus de renseignements sur le site du musée du Louvre.

 

Voir les commentaires

Eloge de la vulgarité

Publié le par Yv

Éloge de la vulgarité, Claude Cabannes, Ed. du Rocher, 2011

Qu'il n'est pas aisé de traiter de la vulgarité. On sait bien que la vulgarité court les rues, celles peuplées des autres. Pas les nôtres ! Claude Cabannes s'attelle donc à nous dire ce qui pour lui est la vulgarité ; et il commence fort, inévitable, mais néanmoins prévisible :

""Descends, si t'es un homme !" Il n'est pas descendu. Mais l'apostrophe du président de la République à un inconnu qui l'agressait verbalement au cours d'une sortie publique ponctuait et officialisait en quelque sorte une autre descente : la dégringolade générale vers les cloaques de la vulgarité. Le "Casse-toi, pauvre con !", dans la même bouche et dans une circonstance identique, consacrait la mauvaise pente."(p.13/14) Le reproche n'est pas dans les mots, usuels et couramment utilisés par tout un chacun, mais dans la rencontre entre ceux-ci et la bouche de celui qui les prononce, le plus haut représentant de l'Etat.

Et puis, Claude Cabannes explique son projet : "Je suis un dandy. Je vomis la vulgarité. C'est bien pour cela que mon bel éditeur, un peu pervers, m'a confié le soin de me pencher sur ce cloaque." (p.21) Il raconte son parcours, de "Maria, la grand-mère maternelle. [...] Repasseuse-amidonneuse. Insomniaque sévère" (p.25) à "Denise, la mère. [...] La petite "instit" des communales de village [qui] a toujours rêvé de la voie royale qui mène au temple de la pensée, sous ses espèces les plus hautes, l'École normale supérieure." (p.23), jusqu'à lui-même, "dandy stalinien" (p.22) ancien rédacteur en chef de l'Humanité dimanche et de l'Humanité.

Ensuite il déroule ses motifs de vulgarité : dans la culture, dans la mode, le luxe, le cinéma, ... Il dit que c'est Mme de Staël, "Germaine donc qui va introduire tardivement le substantif "vulgarité" dans l'usage" (p.89), en 1800.

Ce qui le gêne dans ces mondes du luxe, de la mode, ce ne sont ni les créateurs ni les collections, ni les objets que pour une grand partie, il aime, respecte et admire mais le monde qui gravite autour, celles et ceux qui les portent sans grâce, juste comme objet ostentatoire. Se montrer, à n'importe quel prix. Se faire voir. Le comble de la vulgarité.

Dans les divers chapitres de ce livre, on passe donc de la télévision, à la mode, de la littérature (décryptage de la Verdurin de Marcel Proust) au cinéma (l'incroyable élégance de Luchino Visconti). De la politique actuelle à Louis-Philippe et Marat -et vice et versa. Des listes totalement subjectives apparaissent à la fin du livre, décalées, drôles et... partagées pour partie.

Toujours très bien écrit, c'est un livre d'un homme en colère -perpétuellement ?- qui se lit vite et bien. Il y a bien ici et là, des parisianismes que moi, simple et ignorant Provincial, je ne saisis pas : une de mes vulgarités à moi, mais néanmoins ce livre à la jolie robe orange prendra avantageusement place dans ma bibliothèque pas loin, histoire de pouvoir y revenir de temps en temps.

Grand merci à ANAÏS de chez Gilles Paris.

Voir les commentaires

Eloge du contraire

Publié le par Yv

Éloge du contraire, François Bott, Ed. du Rocher, 2011

"Pourquoi cet éloge du « contraire » et dans le même mouvement, l'apologie du paradoxe ? Sans doute parce que toute vérité porte en elle son contraire... Le paradoxe est une façon particulière de ressentir les choses et de regarder le monde. Presque une philosophie de la vie, presque une manière de (mieux) respirer. Très éloignée du politiquement ou du moralement « correct », cette façon de penser, moqueuse et légère, presque frivole, déplaît à beaucoup de gens, notamment à la gardienne de mon immeuble, rue de Buci. Cela heurte et contrarie le bon sens de la brave dame, ses croyances et ses opinions." (présentation éditeur)

Voilà donc François Bott parti dans des discussions quasi philosophiques avec Sophie, la concierge de son immeuble et Alex, garçon de café au Flore, fils de garçon de café aux deux Magots qui a donc fréquenté Jean-Paul Sartre et consorts. L'éloge du contraire se bâtit sur une phrase de Madame de Sévigné : "Je ne suis pas toujours de mon avis" (p.22) et tourne autour des aphorismes des uns et des autres, plutôt drôles, cyniques ou ironiques comme par exemple celui de Tristan Bernard, interné à Drancy pendant l'Occupation : "Jusqu'à maintenant nous vivions dans l'angoisse. Eh bien ! nous allons vivre dans l'espoir" (p.19). L'auteur déroule son raisonnement mi-moqueur, mi-sérieux entrecoupé de citations très à propos : j'en ai souligné beaucoup dans ma lecture, mais  bien sûr, je ne peux pas toutes vous les citer. Si vous êtes sages, je verrais en fin d'article à en remettre une ou deux.

Des pages savoureuses consacrées à ceux "qui savent", à ceux qui pensent avoir LA Vérité, ceux-là, "Leur credo, c'est : "Je suis ce que je suis", " Je crois ce que je crois" [...] La seule ambition de ces gens, c'est de ressembler à eux-mêmes... Et à tout le monde, jusqu'à périr de grisaille et d'ennui." (p.29)

A soixante-quinze ans, François Bott cultive son anticonformisme et sa différence. Il les revendique et veut les avoir jusqu'à la fin.

En outre, il ne peut s'empêcher d'égratigner nos dirigeants, et parmi eux, celui qui est le plus haut (sauf dans les sondages) dans un portrait peu flatteur, mais tellement réaliste: "Mélange de sourire commercial, de cordialité électorale, de manières de parvenu, de bravades puériles et vulgaires, et de violences verbales de cour d'école, Sarko se prend pour Sarko, sans états d'âme. A ses yeux, c'est énorme. dans les miroirs du Palais, il est le garant, le héros, l'athlète, le champion, le Zorro de l'identité nationale." (p.47/48).

Un livre qui recense des paradoxes, qui fait réfléchir un peu mais d'une manière point trop intellectuelle. Le propos est aisé d'abord, l'écriture est un régal d'humour, de malice et de deuxième voire troisième degré. L'auteur s'autorise tous les paradoxes, revendiquant le droit de faire l'apologie du contraire de l'idée dominante et l'apologie de celle-ci dès lors qu'elle deviendra minoritaire.

Vous avez été sages ? Alors, je vous propose d'autres maximes, mais sous forme de quizz. Pas facile, sauf peut-être la dernière. Attention, pour la seconde, il y a deux papas. Qui a dit  :

1- "Dans chaque homme, il y a toujours deux hommes, et le plus vrai, c'est l'autre"

2- "La seule excuse de Dieu, c'est de ne pas exister"

3- "Les Américains et les Anglais ont beaucoup de choses en commun sauf la langue"

Et une petite dernière pour la route :

4- "Je ne crois pas à l'au-delà, mais j'emporterai toujours un caleçon de rechange"

Pour vraiment finir, je voudrais remercier Anaïs de chez Gilles Paris et vous préciser que la mise en page de ce livre est très aérée, très claire et la couverture d'un vert anis très seyant.

Réponses au quizz dans le premier commentaire que je me fais moi-même-tout-seul.

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 > >>