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essai

Chemins de transhumances

Publié le par Yv

Chemins de transhumances, Histoire des bêtes et bergers du voyage, Anne-Marie Brisebarre, Ed. Delachaux et Niestlé, 2013.....

"Ces dernières décennies, le pastoralisme transhumant a su évoluer tout en conservant des savoir-faire ancestraux. Formés dans des écoles, de jeunes bergers et bergères d'alpages y acquièrent de nouvelles fonctions, celles de producteurs de biodiversité et de "jardiniers du paysage". Un livre sur l'histoire et la vie des bergers du voyage d'hier et d'aujourd'hui." (4ème de couverture) 

Il y a quelques années, en été, en vacances en Ariège, pas très loin de Les Cabanes, nous avons eu l'occasion, histoire de se mettre en jambes et dans l'ambiance, de commencer nos balades par une petite randonnée pédagogique, empruntant les chemins de transhumance et organisée par Philippe Lacube. Extrêmement intéressante et conviviale ce fut un des bons moments de ces vacances. Un peu plus tard, alors juré du Prix littéraire France Télévision, je fis la connaissance d'une bergère des Pyrénées franche et très encline à parler de son métier. Voilà deux rencontres qui expliquent peut-être le choix de ce beau livre sur la transhumance.

"Transhumer" vient de "l'espagnol trashumar, forgé à partir du latin trans, "à travers", et humus, "terre", et signifie "aller au-delà de la terre d'origine, évoquant à la fois le départ de la contrée où vivent habituellement les troupeaux et la traversée d'une région de transition pour en rejoindre une autre, écologiquement différente." (p. 14) Ce terme apparu tardivement dans notre langue désigne cependant une tradition très ancienne. Je ne vais pas vous faire l'historique ni vous raconter par le menu ce qu'est la transhumance, Anne-Marie Brisebarre le fait très bien, le livre est très complet et à la portée de tous, c'est un formidable moyen d'en connaître un peu plus sur la vie des bergers et de ceux qui les entourent, de découvrir ou revoir les lieux qu'ils fréquentent et de voir tous les à-côtés du travail : les colliers pour les ovins ou bovins, les sonnailles (ou cloches) très différentes en fonction de leur rôle, la tonte des moutons, la fabrication des fromages, les fêtes de village, ...

Un très beau livre bourré de photos et d'illustrations diverses qui parle de toutes les transhumances, celles des moutons, des chèvres, des vaches mais aussi celle des chevaux et celle des abeilles, qu'on a beaucoup moins en tête ; il parle aussi du rôle de l'homme et de sa relation aux animaux et n'oublie pas le plus fidèle allié du berger, son chien !

Si le sujet vous plaît, s'il vous attire ou si vous connaissez quelqu'un qui aime la montagne, les animaux et leur mode d'élevage, ce livre est l'objet idéal, exhaustif, instructif et magnifique. Un beau cadeau. Un livre à laisser à portée de main pour le feuilleter.

L'auteure est ethnologue et membre du laboratoire d'Anthropologie du Collège de France, spécialiste des rapports entre les sociétés humaines et leurs animaux domestiques

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Zob in job, et alors ?

Publié le par Yv

Zob in job, et alors ?, Rosie Grey, Hugo&Desinge, 2014..,

Zob in job, titre on ne peut plus explicite même pour ceux qui ne pratiquent pas couramment la langue de Shakespeare. Guide écrit pour les femmes mais qui peut s'adapter aux hommes, basé sur des chiffres exacts d'une étude Monster de 2010 :

"- 30% des gens qui se marient se sont rencontrés dans le cadre professionnel

- 50% des salariés fantasment ou ont déjà fantasmé sur un(e) collègue

- La 1ère relation extraconjugale a lieu avec un collègue dans 17% des cas (Chiffre Gleeden, 2013)" (p.21)

Sur la base de ces données, Rosie Grey construit un guide drôle, doucement grivois parfois, à prendre pour ce qu'il est, un petit livre dans lequel on grignote ici ou là des bouts, entre deux autres livres plus sérieux. Enfin, je l'ai pris comme tel, mais c'est sans doute parce que mes perspectives d'adultère professionnel sont limitées, puisque je travaille à la maison !

Choisi sur la couverture que je trouve réussie, vintage, gentiment sexy, pas sexiste dans le sens habituel, les femmes prennent le pouvoir, et sur l'argumentaire décalé et humoristique, je vous donne d'ailleurs le lien vers un spot qui passe sur youtube (cliquer dessus) et qui donne le ton. 

Sous couvert (bien sûr sortez de même) de blague, ce guide aborde aussi légèrement la différence hommes/femmes dans le travail : la différence entre une relation boss/employé(e) en fonction du sexe de l'un et de l'autre. Pour être complet, je me dois de dire que malgré cette légèreté et cet humour, ce livre n'est pas exempt de longueurs, mais sa mise en page et sa construction en tous petits chapitres permettent de le poser avant de s'ennuyer et de le reprendre à un autre moment plus propice. 

Quelques adages concluent ou enjolivent le propos, comme celui-ci : "Mieux vaut être baisée par erreur que pas baisée à juste titre. Oubliez les questions métaphysiques : elles sont les ennemies de votre objectif physique." (p.31) D'autres jolies tournures de phrases émaillent le texte comme user du titre comme d'un vrai mot que l'on décline, le "zobinjobing", "zobinjober" qui me font penser au fameux "zigounipiloupilouner" de Pierres Desproges qui peut être utilisé pour décrire l'action du monsieur qui se sert de sa zigounette dans le pilou-pilou de la dame.

Une petite anecdote personnelle pour finir : lorsqu'étudiant, je bossais l'été, il m'est arrivé de le faire dans les bureaux d'une grande banque française qui a eu quelques déboires avec un marchand de Tapie, qui, à l'époque, s'appelait encore le Crédit Lyonnais avant de passer à des initiales censées nous faire avaler ou oublier sa gestion hasardeuse : un des responsables d'un bureau dans lequel j'officiais, un monsieur au ventre fièrement arboré au-dessus de sa ceinture -de fait, le haut du pantalon était nettement plus haut derrière que devant et inversement le bas-, aux cheveux blancs et la chemise itou, au sourire prompt à éclairer son visage me racontait ses virées aux archives "où ça baisait sec sur les cartons, entre adultes mariés, mais pas ensemble". Bon, moi, évidemment, à cet âge, je voulais travailler aux archives, mais je n'étais pas marié et il n'y avait pas de place, sans doute, étaient elles très prisées...

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Le diable au creux de la main

Publié le par Yv

Le diable au creux de la main, Pascal Manoukian, Éd. Don Quichotte, 2013....

Pascal Manoukian est journaliste. Il a couvert beaucoup de conflits : du Guatemala à l'Afghanistan en passant par le Cambodge. Il est aussi allé dans les pays de l'autre côté du mur avant et après que celui-ci est tombé : en Pologne, à Gdansk, pour rencontrer Lech Walesa, à Sarajevo pendant la guerre. Arménien, il met aussi en avant le génocide dont les siens furent victimes en 1915 : il le raconte notamment par les souvenirs d'Araxie, sa grand-mère.

Ce livre n'est pas un roman mais un récit des aventures de Pascal Manoukian journaliste. Je ne suis pas un amateur des journaux télévisés depuis très longtemps, car je pense qu'ils ne font plus leur devoir d'informations mais qu'ils sont liés à l'audimat et qu'ils font dans le sensationnel, dans l'exagération systématique pour appâter le téléspectateur. Des centaines d'exemples peuvent argumenter ma théorie. Le dernier en mémoire, c'est par exemple l'élection cantonale à Brignoles. C'est tout sauf une info qui doit mobiliser tous les médias pendant des jours et des jours, ou alors éventuellement au France 3 région PACA, et ce, d'autant plus que cette élection avait déjà été gagnée par ce parti puis invalidée en 2011, et à l'époque, ça n'avait pas fait autant de gros titres. Mais les JT savent que parler du FN en ce moment fait monter l'audience et malheureusement et accessoirement, les intentions de vote en faveur du parti d'extrême droite. J'ai donc déserté les JT depuis longtemps, et commence à faire de même pour les journaux radio qui prennent la même voie. Je préfère et de loin des émissions de reportages ou de débat autour d'une question (tel 28 minutes sur ARTE, à laquelle P. Manoukian a participé -je l'ai raté-, ou l'inoxydable Envoyé Spécial que j'avais un peu délaissé ces dernières années). Je ne suis pas un grand fan de l'info, je n'aurai jamais pu être journaliste, mais je dois dire que le récit de P. Manoukian est passionnant. Très détaillé tant dans les rencontres avec des bourreaux qu'avec des victimes, mais aussi dans les manières de pénétrer un pays en guerre et/ou totalement fermé avec son lot d'échecs et de retours à la maison, dans les frustrations d'un interview qui n'aboutit pas parce que la personne en face ne se dévoile pas, dans les peurs de mourir sous une balle d'un sniper, dans les désirs de parfois passer la barrière pour aider les plus faibles toujours contenus pour rester un journaliste, un témoin, ... Pascal Manoukian explique toujours en amont le conflit qu'il va couvrir, ce qui est une excellente idée parce que malheureusement, parfois on ne sait plus ce qui l'a déclenché. Il n'élude pas ses peurs et ses angoisses, ses questionnements sur le bien-fondé de ses reportages alors qu'une femme et des enfants l'attendent en France. Il fait également souvent le lien avec le génocide arménien dont sa grand-mère fut une victime bien qu'elle en réchappât. Elle dut se battre, encore enfant, elle "rampait jusqu'à la limite du camp et ramassait le crottin laissé par les chevaux des officiers. Dans le noir, elle le décortiquait des restes d'orge et de blé pour en confectionner des boulettes qu'elle forçait dans la gorge de Nazélie [sa sœur]. Puis elle s'enduisait le visage et le sexe avec le reste pour éloigner les violeurs." (p.180/181)

Un peu long parfois, ce livre se lit comme une suite de nouvelle : des petits reportages sur des pays et des gens ravagés par la guerre et l'oppression, par la volonté de certains de mettre en pratique des théories ahurissantes. Le chapitre D'un miroir à l'autre 1984 consacré au Cambodge est particulièrement dur et touchant. Pascal Manoukian y arrive après le règne des Khmers rouges, mais tout est encore très imprégné de peurs, de désespoir : "Le pays est alors assommé, anémié, amputé, blessé de toutes parts. Les survivants squelettiques se demandent encore comment leurs propres parents, leurs propres enfants, ont pu creuser autant de fosses communes et y précipiter autant de frères et de sœurs. Comment la moitié du peuple a pu anéantir l'autre moitié et, surtout, comment désormais survivre à cet inceste criminel." (p.108) En la matière, le régime de Pol Pot fut sans doute l'un des pires, qui a massacré la moitié de son peuple sans raison, parce qu'untel portait des lunettes, parlait une langue étrangère, portait une montre, ...

Pas reposant, mais très instructif et passionnant, c'est un livre qui montre le difficile travail des journalistes de guerres (on vient de la constater encore douloureusement ces derniers jours) et qui permet de refaire le point sur des conflits parfois oubliés, parce que l'info va vite et que d'autres guerres les remplacent tout aussi meurtrières, toujours pour des questions de territoires ou de religion, des histoires d'hommes parce "qu'un génocide c'est masculin, comme un SS un torero. Dans cette putain d'humanité les assassins sont tous des frères." (Renaud, Miss Maggie)

 

rentrée 2013

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Françoise Dolto, la déraison pure

Publié le par Yv

Françoise Dolto, la déraison pure, Didier Pleux, Éd. Autrement, 2013...

En reprenant les correspondances de Françoise Dolto, ses livres, ceux de ses proches, son fils Carlos notamment, Didier Pleux décortique le raisonnement et le chemin qui a mené la jeune Françoise Marette, jeune fille de bonne famille, milieu aisé, protégé en ce début de 20ème siècle, adepte très tôt de la psychanalyse, père très conservateur, proche de la droite extrême de l'époque (Françoise fréquentera les Maurras et Léon Daudet), à édicter des hypothèses qui deviendront des règles, bases de l'éducation de nos enfants depuis lors. Qui dans ma génération (40/60, je tape large) n'a pas entendu tout au long de son adolescence et des années suivantes qu'il fallait intégrer et appliquer les principes de Dolto ?

Loin d'être un doltolâtre, je ne suis pas non plus de ceux qui l'abhorrent et rejettent tous ses apports. Néanmoins, je me pose une question depuis très longtemps : comment, une personne aussi intelligente et instruite soit-elle, peut-elle énoncer des hypothèses, seule, qui seront ensuite reprises comme paroles d'évangiles par d'autres ? Je reste persuadé que si Dolto a ouvert les yeux de beaucoup sur l'enfant et sa personnalité, elle n'a pas fait que du bien, ses théories dérivant dangereusement vers l'enfant-roi. Parlementer, certes, expliquer, pourquoi, pas, de temps en temps, mais des décisions parentales qui limitent, interdisent ou punissent me paraissent utiles, nécessaires et parfois saines. Ne pas frustrer n'est pas pour moi un principe d'éducation. J'entendais d'ailleurs l'inverse il n'y a pas très longtemps, mais j'ai oublié qui l'a dit (ne serait-ce pas Marcel Ruffo ?) : "Frustrez vos adolescents, ils vous remercieront", des études tendant à prouver que les ados non frustrés ont tendance à se réfugier plus facilement dans les addictions diverses.

Dider Pleux, psychologue, spécialiste de l'éducation des enfants, se penche sur le cas Françoise Dolto. Il énonce que comme Freud, elle a émis des avis qui se veulent désormais des dogmes. Il se fait évidemment étriller par les partisans des deux. Et pourtant, la contradiction me paraît saine, elle devrait nous permettre de décortiquer le travail des uns et des autres et d'en tirer le meilleur pour nous et nos enfants. On reproche à l'auteur de s'en prendre à la vie de F. Dolto, c'est vrai. Est-il utile de savoir qu'elle a frayé avec l'extrême droite, qu'elle a travaillé avec Alexis Carrel, eugéniste, partisan du gazage des handicapés, ardent collaborateur pendant la guerre, et que son comportement sous Vichy peut être mal interprété puisqu'il est trouble ? Est-il nécessaire de la contredire sur son enfance qu'elle dit avoir été traumatisante alors, que lettres à l'appui, D. Pleux dit qu'elle fut plutôt une enfant préservée, écoutée dans une famille aimante ? Je ne sais pas, mais cela peut aider à comprendre son cheminement, et pourquoi nier la réalité pour elle alors que d'autres n'ont pas eu cette chance ? 

D. Pleux explique qu'elle se crée sa propre réalité à partir de sa psychanalyse : elle se focalise sur ce qui n'a pas été dans son enfance, reste bloquée dessus pour ensuite reconstruire sa réalité à elle, celle qui colle à ses idées. En France, "si le réel donne tort à l'idée, alors on change de réel afin de conserver l'idée à laquelle les idéologues vouent un culte ! " (Michel Onfray, dans la préface, p.5). Et toutes ses interventions sont ensuite basées sur ce réel qu'elle s'est recréé : elle pense en opposition à sa mère et son père à qui elle reproche maintes et maintes choses. Mais d'un cas on ne peut faire généralité. Et non, la crise d'adolescence n'est pas un passage obligatoire (même si cette période n'est pas aisée, rien n'empêche qu'elle se passe relativement paisiblement, ce que je remarque de plus en plus chez moi et autour de moi (pour le moment) étant parent d'ados et amis de parents d'ados plutôt sereins.

Un bouquin utile, sans doute excessif parfois, qui plutôt que de créer la polémique devrait inciter au débat d'idées entre psychologues et psychanalystes, et pourquoi pas, nous parents et enfants si nous ne sommes pas oubliés.

Merci Gilles

 

rentrée 2013

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Peut-on rire de tout ?

Publié le par Yv

Peut-on rire de tout, Philippe Geluck, Lattès, 2013.....

Peut-on rire de tout ? Vaste question en ces temps où l'on est vite accusé de tous les maux dès que l'on se moque d'une catégorie de personnes, d'une communauté ou d'une religion. Philippe Geluck, à sa manière drôle et irrévérencieuse tente de répondre à cette question maintes fois posées, notamment par Pierre Desproges qui, s'il a y a répondu par un célèbre "oui, mais pas avec tout le monde" "a préféré mourir plutôt que d'approfondir le sujet." (p.9). Aïe, aïe, aïe, s'attaquer à P. Desproges, c'est pas bon mon cher Philippe, parce que je suis fan. Mais je vous pardonne mon fils, car, ça me fait beaucoup rire et ça montre dès le départ la teneur du bouquin, très loin de ce qu'on peut appeler le politiquement correct.

En cette rentrée littéraire Philippe Geluck est sur tous les fronts (dégarnis) : cet essai, ou recueil de courts textes sur le rire et La Bible selon le Chat dont je parlerai très bientôt, dès sa sortie début octobre. Je connais bien l'œuvre du papa du Chat et je pense pouvoir dire ici qu'il n'est jamais allé aussi loin dans l'irrévérence et dans la provocation. Merci aux Belges de reprendre ce créneau un peu oublié chez nous (je dis aux Belges, parce qu'outre P. Geluck, je pense à Walter, un humoriste de ce pays, méchant dans ses textes et provocateur, un lien ici). Ah que ça fait du bien de lire du mal des riches, des pauvres, des vieux, des jeunes, des drogués, des cathos, des juifs, des musulmans, ... Car l'auteur ne respecte rien ni personne. Enfin, il respecte les gens, mais pas les institutions ni les dogmes, croyances ou les choses et personnes établies. Totalement iconoclaste. Il manie également toute sorte d'humour, de la blague primaire (des cours d'école du même nom) à celle qu'on ne mettra pas entre toutes les oreilles ni dans toutes les bouches si je puis me permettre cette image et surtout l'ironie dans son vrai sens ("raillerie qui consiste à dire le contraire de ce qu'on veut faire entendre"). Ce n'est pas toujours fin, c'est parfois un peu appuyé, mais j'aurais presque pu écrire toutes les phrases de ce genre de pamphlet moderne tellement je me disais à chaque fois : "il a raison, c'est exactement ce que je pense !" (quand je dis "j'aurais pu écrire", c'est évidemment une image... parce qu'en fait c'est moi qui les ai réellement écrites, M. Geluck ayant recours depuis longtemps à un nègre ; pour la BD il a dû en prendre un autre étant donné mes piètres talents de dessinateur)*

Parfois, l'humour se fait plus grave, moins ironique, on sent qu'alors le sujet touche l'auteur comme entre autres, (ce n'est qu'un exemple, car ces passages sont assez nombreux)  la pauvreté et la répulsion des riches à débourser de l'argent pour la combattre : "Cependant, même s'ils croulent sous le pognon, les nantis répugnent à débourser plus que leur quote-part, alors, ils placent leur argent à l'étranger pour aller rigoler dans des paradis fiscaux. Et là-bas, ça les éclate pareil." (p.104)

Ce bouquin risque fort de faire parler (voire hurler) parce qu'il s'attaque à tout, les religions en particulier (et je tiens ici à dire aux cathos qui disent toujours qu'on ne se moque que d'eux :"Tendez la joue gauche, m'sieurs-dames, Geluck en remet une couche !... 

Mais rassurez-vous, il en a autant après les autres."

Messieurs Geluck et Lattès (l'éditeur), je vous remercie d'avoir osé écrire (*ben oui, en fait ce n'est pas moi, c'était une blague !) et publier ce livre salutaire (comme le fer, a déjà dit Bourvil dans son irrésistible Causerie anti alcoolique), vous avez tout mon soutien (Georges, ah non pardon Philippe et JC ; ah ben que voulez-vous, je me mets au diapason des blagues primaires, pour les autres, je n'ose pas encore ici, j'ai de la tenue moi messieurs -et puis, tout à fait entre nous 3, parfois ma maman passe lire mon blog, alors, je voudrais pas qu'elle voie que j'ai écrit des grossièretés...)

 

Merci Anne

 

rentrée 2013

 

litterature-francophone-d-ailleurs-1 WOTCKMJU

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Le droit à la paresse

Publié le par Yv

Le droit à la paresse, Paul Lafargue, Éd. Mille et une nuits, 1994 (1ère édition en 1880)

Paul Lafargue est né à Cuba en 1842. Revenu en France à neuf ans, il suit des études à Bordeaux. Très vite il épouse les thèses socialistes, rencontre Engels et Marx dont il épousera la fille Laura. Il sera élu plusieurs fois, fera des séjours en prison pour ses prises de position radicales et se suicidera avec Laura en 1911. Entre temps, il aura écrit et publié Le droit à la paresse, un pamphlet à la fois véhément et ironique dans lequel il s'en prend au "droit au travail", à l'aliénation des ouvriers, à la surconsommation des bourgeois, aux capitalistes, à ce qu'on appelle aujourd'hui l'obsolescence programmée.

Quelle meilleure période pour lire ce pamphlet que les vacances ? Au moins à lire le titre, car le contenu est très revendicatif, bouillant voire violent.

"Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations ou règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture." (p.11) Voici les premières phrases de ce texte qui me ravissent, moi qui n'ai jamais aimé le travail. J'ai toujours -et je continue- bossé avec une conscience professionnelle assez développée, mais que ce fut dur d'aller au bureau ou sur mon lieu de travail pendant des années. Une épreuve dont je me serais bien passé, contrairement à beaucoup de collègues, d'amis, de gens de mon entourage qui eux ne se seraient pas vus "inactifs" de peur de perdre une forme de vie sociale. Depuis que je bosse à la maison, je peux vous dire que ma vie a changé : j'ai à la fois l'impression de ne jamais travailler et celle de ne jamais quitter le travail. Paradoxal, déroutant, mais vachement bien. Bon, je ne suis pas encore rentier, mais je ne désespère pas, quand je serai grand...

Mais revenons à ce droit à paresser. Paul Lafargue s'élève contre l'abrutissement des ouvriers, il tient pour responsables de cet amour du travail qu'ils ont, les économistes, le clergé et les moralistes, les bourgeois consommateurs et les capitalistes. "Travaillez, travaillez, prolétaires, pour agrandir la fortune sociale et vos misères individuelles, travaillez, travaillez, pour que, devenant plus pauvres, vous ayez plus de raison de travailler et d'être misérables. Telle est la loi inexorable de la production capitaliste." (p.23)

La théorie de Lafargue est que s'il faut travailler pour ses besoins, point n'est utile de trop bosser, il faut travailler pour gagner de quoi vivre correctement. Ci-après, la phrase clef du bouquin :

"... convaincre le prolétariat que la parole qu'on lui a inoculée est perverse, que le travail effréné auquel il s'est livré dès le commencement du siècle est le plus terrible fléau qui ait jamais frappé l'humanité, que le travail ne deviendra un condiment de plaisir de la paresse, un exercice bienfaisant à l'organisme humain, une passion utile à l'organisme social que lorsqu'il sera sagement réglementé et limité à un maximum de trois heures par jour, est une tâche ardue au-dessus de mes forces ; seuls des physiologistes, des hygiénistes, des économistes communistes pourraient l'entreprendre. Dans les pages qui vont suivre, je me bornerai à démontrer qu'étant donné les moyens de production modernes et leur puissance reproductive illimitée, il faut mater la passion extravagante des ouvriers pour le travail et les obliger à consommer les marchandises qu'ils produisent." (p.28/29)

Pour Lafargue, le travail n'est pas une valeur, n'en déplaisent à ceux qui l'érigent en tant que tel (cf les discours politiques des uns et des autres), c'est un moyen, à condition qu'il soit dosé homéopathiquement, de se faire du bien et de faire du bien à la société. Lafargue dit que la mécanisation des industries doit servir à l'homme pour se dégager du temps et profiter de la vie et de la paresse, la véritable valeur à ses yeux. Que s'il faut consommer, il ne faut pas surconsommer. Que l'obsolescence programmée n'est pas un progrès, mais juste un moyen pour les industriels de se faire plus d'argent et pour les ouvriers de travailler toujours plus.

Un pamphlet d'une cinquantaine de pages qui donne un peu d'air aux discours ambiants, qui fait même passer les 35 heures pour une mesurette à peine sociale. Utopie ? Sans doute. Quoique. Certains de nos jours parlent de décroissance, de consommer moins, de travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler. Qui les contredira ? Pas moi !

Bonnes vacances et bonnes paresse, flemme, cagnardise, fainéantise, nonchalance, inaction, ...

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L'énigme du roi sans tête

Publié le par Yv

L'énigme du roi sans tête, Stéphane Gabet et Philippe Charlier, Éd. Librairie Vuibert, 2013

2008, Stéphane Gabet journaliste et documentariste prépare une émission sur Henri IV. Il rencontre Jean-Pierre Babelon, "le biographe de référence du Bon Roy" (p.32). Il cherche une intrigue autour du roi, une sorte de scoop lui permettant de trouver un angle pour son émission, et c'est là que JP Babelon lui parle d'une tête momifiée, disparue depuis quelques années, mais qu'on brocanteur au début du XXe siècle attestait être celle d'Henri IV. S Gabet, un rien titillé enquête et retrouve cette tête chez des retraités à Chateaudun, qui la lui laissent pour examens. C'est alors qu'une équipe de chercheurs, scientifiques, intervenants divers va tout faire pour savoir si cette tête est bien celle du Vert-Galant. Philippe Charlier, médecin légiste, anatomopathologiste et anthropologue, co-auteur du livre sera le responsable de l'ensemble des expertises scientifiques.

J'ai entendu plusieurs fois P. Charlier à la radio, passionné et passionnant. Le livre auquel il participe avec S. Gabet est du même ordre. Une vraie enquête policière, scientifique menée de bout en bout jusqu'à l'authentification de la tête d'Henri IV. L'avant-propos est écrit par JP Babelon, historien, membre de l'Institut, qui raconte la dernière journée du roi et en profite pour nous en dresser un portrait assez différent de ce qu'on apprend à l'école. Car juste avant son assassinat, Henri IV n'était absolument pas populaire : impôts levés, guerre en préparation, catholiques et protestants mécontents de leurs sorts respectifs, ... "Dès la mort du roi, l'on assista, [...] à un retournement quasi immédiat de l'opinion. "(p.17), Chateaubriand écrivit d'ailleurs : "Sa fin tragique n'a pas peu contribué à sa renommée : disparaître à propos de la vie est une condition de la gloire." (cité p.17).

Et puis l'enquête scientifique débute, minutieuse qui oblige les différents intervenants à remonter aux sources, à chercher des documents parfois totalement oubliés. La tête a été séparée du corps en 1793, pendant la Révolution lors du pillage de la nécropole royale de Saint-Denis. A l'époque nombreux furent ceux qui violèrent les sépultures et volèrent des bouts de tissus, des dents, des os des rois et reines pour les vendre ensuite, alors pourquoi pas une tête entière. Les auteurs du livre en profitent pour tirer le portrait de quelques personnages de l'époque dont Alexandre Lenoir, méconnu du grand public bien qu'il ait inventé la muséographie.

Je ne vais pas m'étaler sur les différentes phases de cette énigme, je serais trop long et sans doute -sûrement même- moins intéressant que S Gabet et P Charlier. Leur bouquin (pas trop gros, 150 pages) est très bien fait, facile d'accès malgré quelques rares termes scientifiques qu'on peut ne pas connaître. On sent les doutes des scientifiques jusqu'au bout du processus d'identification, mais aussi une certaine excitation : ce serait tellement bien et incroyable que cette tête soit celle d'un roi et surtout celle d'Henri IV ! Vingt-trois arguments médico-historiques en permettront l'identification, tous rappelés et résumés en fin d'ouvrage : pratique pour ne pas perdre le fil. Un bouquin qui se lit comme un polar !

Le documentaire, l'idée de départ de S Gabet a été tourné, Le mystère de la tête d'Henri IV. Il est passé à la télévision, sur France 5.

Ce genre d'expérience et de recherche médico-historique ne va pas sans opposants, il en existe donc évidemment. Je vous conseille d'aller voir l'excellent billet d'Yspaddaden sur ce livre qui fait état de leurs doutes et leurs contradictions.

Grand merci Tiffany.

Je rajoute le logo suivant pour le challenge de Liliba, certes, ce n'est pas un vrai roman policier, mais franchement, il vaut d'être dans cette catégorie.

 

thrillers

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Comprendre Camus

Publié le par Yv

Comprendre Camus, Jean-François Mattéi, Éd. Max Milo, 2013 (illustrations de Aseyn)

"Albert Camus fait l'objet de nombreux malentendus. Jean-François Mattéi propose de les dissiper en nous offrant une lecture novatrice du travail de ce philosophe. Il nous démontre que c'est en abordant les trois cycles de son oeuvre (l'absurde, la révolte, l'amour) que l'on comprend mieux ses différentes prises de position : son refus radical de la peine de mort et de la bombe atomique, sa méfiance en la révolution ou sa position par rapport à l'Algérie. Il prend également en compte un élément intime de la construction du philosophe et de sa pensée ; l'amour qu'il portait à sa mère." (4ème de couverture)

Pour les amateurs d'Albert Camus, voici un petit livre qui devrait plaire. Pour les autres, c'est un essai graphique extrêmement intéressant qui permet à la fois de mieux cerner la réflexion de cet homme, de connaître également mieux son oeuvre. J'avoue avoir lu pas mal Camus du temps de mes années de lycée et de mon bref passage en Fac (bref, non point pour le nombre d'années d'inscription, mais que voulez-vous les tentations étaient fortes pour un jeune homme très enclin à faire des découvertes. Je ne peux donc pas affirmer ici que je fus un étudiant assidu ni performant, l'un allant avec l'autre... Mais qu'écris-je là ? Ma grande fille vit sa première année à l'Université, je ne devrais pas lui montrer le mauvais exemple. Je me console en me disant que c'est une fille et que les filles travaillent plus et mieux que les garçons. A défaut d'appliquer une bonne éducation, je me console comme je peux, histoire d'évacuer mes scrupules.) Pouf, pouf, je reprends le fil du sujet de mon article, après ma longue parenthèse très personnelle, je disais qu'après avoir lu pas mal Camus, il y a quelques années, je l'ai laissé un peu tomber. A tort sûrement. Cet homme né en Algérie, pauvre a eu du mal à imposer sa pensée qui balançait "entre les deux pôles de son existence : "Je fus placé à mi-distance de la misère et du soleil. La misère m'empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l'histoire ; le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout." (p.18). Par des prises de position sur la peine de mort, sur l'Algérie, sur la révolution il s'attirera des haines mais aussi des soutiens. Il obtiendra le Prix Nobel de Littérature en 1957.

Cette année étant le centenaire de la naissance de l'écrivain-philosophe (né le 7 novembre 1913) il y a fort à parier que des livres vont être re-publiés, des études diverses et variées vont paraître.  Quitte à commencer cette année Camus par un livre expliquant son oeuvre, pourquoi pas par celui-ci des éditions Max Milo, subtilement illustré par Aseyn, dans des tons noirs, blancs et gris ?

LiliGalipette a lu aussi.

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La société du hold-up

Publié le par Yv

La société du hold-up, Paul Vacca, Éd. Mille et une nuits, 2012

Qui n'a jamais rêvé du hold-up du siècle ? Celui qui lui permettrait de posséder suffisamment d'argent pour n'avoir plus jamais à s'en soucier. Quelle que soit la méthode, à la manière de Jesse James, Bonnie & Clyde, Albert Spaggiari, ou simplement en gagnant la super cagnotte du loto. Dans cet essai, Paul Vacca remonte aux origines du hold-up jusqu'à sa formule moderne, moins directement violente physiquement mais tout aussi -voire plus- lucrative.

Paul Vacca est connu des blogueurs (euses) grâce à deux romans très fins et joliment tournés, La petite cloche au son grêle et Nueva Königsberg. Mais ce que l'on ne sait pas encore assez, c'est qu'il a aussi écrit des essais, dont celui-ci, le dernier, très justement sous titré : Le nouveau récit du capitalisme. Non, non ne fuyez pas, ce livre est très accessible et très intéressant. Il part des origines du hold-up, aux États-Unis en 1798 : Isaac Davies et Thomas Cunningham qui dévalisent le Carpenter's Hall de Philadelphie. Suivront des gens plus connus, les frères James, Ned Kelly, en Australie (un film, très justement intitulé Ned Kelly, mais où vont-ils chercher leurs titres ?, retrace sa vie, avec Heath Ledger), puis les Dalton, ...

Tout un chapitre relate les interactions cinéma/hold-up l'un magnifiant l'autre et l'autre se servant de l'un pour affiner ses méthodes. Puis, P. Vacca glisse vers le hold-up d'Hollywood, les blockbusters qui étouffent -ou pas- les autres possibilités de faire du cinéma. 

De fil en aiguille, on arrive évidemment à d'autres formes de hold-up, les banques (la crise des subprimes notamment), les sociétés qui en quelques toutes petites années amassent des sommes considérables : Google, Facebook, ... Le Web qui au départ était un outil de liberté et de contre pouvoir étant devenu totalement l'inverse, une machine à faire du fric rapidement. Rien ne compte plus maintenant que faire le buzz que ce soit bon ou pas pour l'image : 

"L'arme est encore le choc. Il s'agit de heurter pour créer une onde de choc médiatique. Une pratique connue sous le nom de buzz. Créer le buzz, c'est vouloir faire un hold-up sur l'audience publique, bref braquer l'attention de tous sur soi." (p.83)

Une image de notre société vue par un prisme original, celui du hold-up. Bien renseigné, accessible (la preuve, moi qui ne lis que peu d'essais, je n'ai jamais décroché ! Ça c'est un signe tangible de la qualité du bouquin, une sorte de "Lu et approuvé" !) Une manière de lire cette société qui me plaît bien car point manichéenne. Orientée, certes, mais Paul Vacca argumente dans les deux sens, ce qui permet à chacun de se faire sa propre opinion.

Lisez intelligent, lisez La société du hold-up !

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