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essai

Anarphorismes

Publié le par Yv

Anarphorismes, Sven Andersen, Les éditions du monde libertaire, 2018.....

Prière -mot choisi à dessein pour agacer un peu l'auteur- de bien lire le titre, ce ne sont pas de simples anaphorismes, mais bien des anar-phorismes, car Sven Andersen est anar... et belge. J'ai déjà lu et apprécié son Manifeste schizo-réaliste, et je réitère donc avec ce recueil de petits paragraphes bien sentis, d'une mauvaise foi ou plutôt d'un franc parler assumé qui me ravit, d'un athéisme qui me convainc -ce n'est pas dur, convaincu, je l'étais avant-, d'une haine du travail qui me réjouit et d'un doute certain sur l'économie, le capitalisme à outrance qui ne fait qu'enfoncer le clou de mes propres pensées et/ou interrogations.

Hommage revendiqué à Cioran dont une citation est en exergue du livre, ce petit livre risque de rester longtemps proche de mes mains et de mes yeux pour y piocher des phrases ; tiens en voici une qui me correspond au moins à son début : "J'ai été baptisé de force comme beaucoup. L'Eglise prétend que l'on demeure à jamais baptisé. Quelle horreur ! J'aimerais par conséquent être excommunié, ce qui pour ces sauvages doit être la seule façon de quitter leur secte obscuranto-pédophile. Qui pourra me dire comment procéder ?" (p.47). Pour ma part, je suis un apostat, ravi et fier de l'être, même si pour bien faire, il faudrait que mon nom soit totalement rayé des registres de l'église, mais là, c'est compliqué, peut-être comme Sven Andersen, penser à l'excommunication...

Plein d'autres textes, sur des thèmes différents me plaisent, mais je ne pourrai pas tous les citer : 

"Droit à la paresse, voilà une nouvelle matière juridique enthousiasmante qui mériterait une stricte codification." (p.22). (Re)lisez Paul Lafargue !

"Du devoir d'être politiquement infect et non correct." (p.30)

"Il faut bien mourir un jour. Personnellement, je préférerais une nuit." (p.34)

Je disais donc, plein d'anarphorismes à garder en tête, parfois des calembours assumés. C'est drôle, violent, "politiquement infect", fortement décalé, ... Bref, tout cela me plaît énormément. Je ne sais pas si je peux me qualifier d'anar, ou alors anar écolo, mais je partage pas mal des idées énoncées par Sven Andersen. De la lecture qui fait du bien, pour pas cher, seulement 5€, à voir sur le site des éditions du monde libertaire.  

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Quichotte, autoportrait chevaleresque

Publié le par Yv

Quichotte, autoportrait chevaleresque, Eric Pessan, Fayard, 2018.....

"S'est-on jamais demandé ce que ferait Don Quichotte aujourd'hui ? 

Accablé par les nouvelles venues des quatre coins du monde, toutes plus terribles les unes que les autres, l'auteur de ce livre ne trouve de consolation que dans la littérature. Là se trouve l'ultime façon de résister au monde tel qu'il est. Là se trouvent les héros. Là se trouve le fabuleux chevalier à la triste figure, que l'auteur invite à revenir parmi nous. 

Notre triste époque ne fourmille-t-elle pas d'éplorés à protéger, de torts à redresser ?

Et si, mieux encore que la consolation, de la littérature venait le salut ?" (4ème de couverture)

Eric Pessan, écrivain prolifique et néanmoins auteur de romans excellents que je ne pourrais pas tous citer ici (allez voir  et encore ce ne sont que ceux que j'ai lus...) écrit, un jour où l'actualité le blesse encore plus que d'habitude, sur son écran d'ordi DON QUICHOTTE. Et de ce nom part cette idée de construire un roman qui entremêlerait une vie du héros de Cervantès toujours accompagné de Sancho Panza de nos jours et les réflexions de l'écrivain sur la vie, l'écriture, la littérature, l'économie, la géopolitique, le monde étrange dans lequel nous vivons qui marche sur la tête, qui ne reconnaît plus l'humanité, la fraternité, la liberté, sur les hommes qui  vivent aliénés par le travail, l'argent à gagner pour vivre, survivre ou amasser : "J'ai l'impression que ce livre doit être écrit ainsi, mêlant les aventures du Quichotte à mes questionnements d'écrivain. Et, surtout, j'en ai le désir. J'ai envie d'écrire, j'ai envie d'essayer, j'ai envie de tester cette structure, j'ai envie de me frotter au Quichotte, j'ai envie de faire vivre ma bibliothèque, j'ai envie de shooter dans ce qui m'étouffe, de prendre le réel entre deux mains et de le tordre jusqu'à en faire un nœud, comme les athlètes de cirque font d'une barre de fer. Et j'ai envie qu'il soit possible d'écrire juste parce que l'on en ressent le désir." (p.136)

Il est beaucoup question de littérature, des grands noms, de ceux qui ont écrit des livres importants, universels, qui ont donné le goût de la lecture à beaucoup et à Eric Pessan en particulier. Il est aussi question d'écriture, de ce travail dont beaucoup considèrent qu'il n'en est pas un, des efforts même corporels qu'il implique, des choix de vie sachant que peu d'écrivains vivent de leurs livres. Puis Eric Pessan parle aussi de ses indignations, de ses nausées lorsqu'il lit ou écoute ou regarde un journal d'actualité. Alors, il convoque Don Quichotte et Sancho Panza pour réparer les injustices, ce qui donne lieu à quelques passages épiques et drôles.

Certes, le livre n'est pas exempt de quelques longueurs et de répétitions dues à la manière dont l'auteur l'a écrit, sans relire la première partie avant d'aborder la seconde. Mais, malgré cela, je me suis régalé. D'abord parce que je partage beaucoup des points de vue, des indignations, des dégoûts et même des émotions et des sentiments de l'auteur. Ensuite, parce que ce livre n'a pas une forme qui permettrait de le ranger dans telle ou telle catégorie. Il est inclassable, perturbe donc un lecteur qui n'aimerait pas ne pas trouver de repères. J'adore ça quand un écrivain me trimbale loin des règles, des carcans et qu'il se joue des codes en abordant l'autobiographie, le roman d'aventures, la poésie, l'essai, le roman d'introspection, la farce, ... tout cela en un seul volume. Le texte coule aisément et l'on passe des aventures de Quichotte aux réflexions de l'auteur sans souci de compréhension ; les articulations se font naturellement comme si nous étions dans la tête d'Eric Pessan, ou dans la nôtre qui, parfois aussi saute d'une idée à une autre sans apparemment -mais il y en a- de lien. La seule difficulté éventuelle pourrait être dans le fait que ce-dit roman n'en est pas vraiment un tout en en étant un. Mais cette difficulté se transforme vite en découverte, puis en curiosité -ou vice-versa- et en réel plaisir de lecture.

Dire que je conseille ce livre serait un euphémisme, il faut le lire absolument, on cerne mieux après le travail d'un écrivain, un de ceux qui chaque jour se mettent à leur table de travail pour nous donner à nous lecteurs des moments inoubliables -ou pas-, du rire, de la joie, de l'émotion, ... Je pense avoir pris autant de joie à lire ce Quichotte, autoportrait chevaleresque qu'Eric Pessan à l'écrire.

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Laëtitia

Publié le par Yv

Laëtitia, Ivan Jablonka, Seuil, 2016..,

Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, Laëtitia Perrais disparaît. Elle a dix-huit ans, est élevée en famille d'accueil près de Nantes et son corps est retrouvé plusieurs semaines après cette nuit-là, découpé, au fond d'étangs de la région. Le coupable est assez vite appréhendé : il s'agit d'un délinquant récidiviste, qui, jusqu'ici n'avait jamais tué. Le fait divers est bientôt affaire nationale car le président de l'époque, Nicolas Sarkozy s'en empare en accusant les juges de ne pas avoir fait leur boulot et d'avoir laissé un récidiviste en liberté non surveillée, un de ses thèmes de campagne -qui approche- préférés. Fait sans précédent, peu après, juges et avocats descendent dans la rue et manifestent contre le manque de moyens de la justice.

Ivan Jablonka écrit une étude sociologique et historique sur l'affaire Laëtitia. Il revient sur l'enfance des jumelles Laëtitia et Jessica, ce qui a amené un juge à prendre la décision de les retirer à leurs parents et leur parcours jusqu'à l'arrivée en famille d'accueil. Puis, il s'attarde sur leur vie dans cette famille d'accueil, chez les Patron. Lui, le père abusera de Jessica comme il a abusé d'autres jeunes filles.

Je n'ai pas suivi l'affaire très attentivement et pourtant -ou parce que- je suis moi-même assistant familial, avec le même employeur que Gilles Patron, mais je dois dire que dès les premiers instants, je ne le trouvais pas à sa place, puisque clairement, il prenait celle du père qu'il n'est pas pour les deux filles. Omniprésent et ostensiblement. Je n'aurais pas agi de la même manière mais serais resté en retrait et surtout, jamais je n'aurais accepté d'être reçu comme la famille par N. Sarkozy -bon, je crois que quelque soit la raison, je n'aurais pas accepté de rencontrer N. Sarkozy. La mise en avant de Gilles Patron, qu'il a lui-même orchestrée, me mettait mal à l'aise et c'est fort justement que cet homme devenu un "bon client" pour la presse fût descendu en flèche, assez violemment, par la même presse lorsqu'il fut convaincu de pédophilie et de relation coupable ou d'attouchements avec Jessica et certaines de ses copines qui passaient à la maison.

En fait, globalement ce livre me met mal à l'aise. Toute son ambiguïté est dans le fait qu'il dénonce la métamorphose de Laëtitia en un simple fait divers, une affaire qui passionne journaux et badauds pendants quelque temps, dépersonnalisant cette jeune fille de dix-huit ans, et que, quelques années après l'emballement médiatique et populaire, l'auteur participe lui aussi à cela en le rappelant à tous par le biais d'une enquête sociologique et historique.

Néanmoins, en remettant l'affaire dans son contexte historique régional, judiciaire et politique, Ivan Jablonka permet de réfléchir et de comprendre les attitudes de chacun à cette période. Nicolas Sarkozy en prend pour son grade. Il a voulu instrumentaliser l'affaire à des fins bassement politiques, reprochant aux juges de ne pas faire leur travail et dans le même temps en supprimant nombre de postes de fonctionnaires. Comme à chaque affaire un peu sensible ou médiatique, il a voulu légiférer sous le coup de l'émotion des Français plutôt que de prendre un temps de réflexion avant d'agir. Ivan Jablonka rend hommage à la justice et à ceux qui la font : juges, avocats, enquêteurs qui ont fourni un travail phénoménal pour faire juger Tony Meilhon l'assassin de Laëtitia et Gilles Patron le violeur de Jessica.

Il m'a été difficile de lire ce livre jusqu'au bout, car à chaque fois, je pensais à Laëtitia et à Jessica qui n'ont du haut de leur dix-huit ans à l'époque des faits subi que violences et trahisons des adultes. D'abord témoins de la violence de leur père, puis victimes de violences sexuelles de la part de celui qui devait les protéger -au moins Jessica, pour Laëtitia, rien n'est avéré-, puis victimes d'assassinat. Je dis victimes car, outre Laëtitia qui est morte, Jessica est elle aussi une victime qui a tout perdu et tente de se reconstruire. Cette histoire qui a eu du retentissement dans ma région et dans mon travail, mais c'est moindre mal par rapport à ce qu'on subi ces deux jeunes.

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Arrestation et mort de Max Jacob

Publié le par Yv

Arrestation et mort de Max Jacob, Lina Lachgar, La Différence, 2017...,

Fin février 1944, Max Jacob est arrêté par la Gestapo. Il mourra au camp de Drancy quelques jours après. Il vivait depuis plusieurs années à Saint-Benoît-sur-Loire où il était très apprécié. Max Jacob, juif converti au catholicisme depuis presque trente ans était poète, écrivain, peintre, compagnon de route de Picasso, résident du bateau-lavoir, ami de Cocteau... Peu connu, il vécut chichement, mourut dépourvu de biens et pourtant toujours soutenu par ses amis fidèles qui tentèrent de le libérer de Drancy.

De l’œuvre de Max Jacob, je dois bien avouer que je ne connais pas beaucoup. A peine des dessins vus lors d'une exposition au musée des Beaux Arts de Quimper -sa ville natale, en 1876 (1876, c'est la date de naissance de Max Jacob, pas celle de ma visite du musée, entendons-nous bien)-, d'ailleurs dans mon souvenir, une belle découverte, et des petits bouts de texte ici ou là. Ce que je retiens surtout de lui, c'est une présence forte et pourtant assez discrète dans le Paris du début de XX° siècle, au Bateau-Lavoir. J'ai lu plusieurs livres sur le sujet dont ceux de Dan Franck, et chaque fois Max Jacob est là en soutien de ses amis, en retrait et indispensable.

Lina Lachgar se concentre sur les dernières semaines de la vie de Max Jacob. Il vit à Saint-Benoît-sur-Loire (merci Keisha), il est alors cicérone pour la basilique, fonction qui lui sera interdite après l'entrée en vigueur du statut des juifs, puisque bien que converti, aux yeux de Vichy, Max Jacob est toujours juif.

Écrit en courts chapitres, très documentés et référencés, illustrés par des photos de Max Jacob et de divers lieux et documents le concernant, ce livre se lit bien. Il n'est pas une biographie du poète mais juste ses derniers moments. On peut rester sur sa faim en se disant qu'on ne sait pas grand chose de sa vie, mais en le prenant du côté positif, on se dit qu'il est plus que temps de se plonger dans une biographie de Max Jacob et dans ses écrits et que c'est ce court livre qui nous y aura incité.

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Boom, Bust, Boom

Publié le par Yv

Boom, Bust, Boom, Bill Carter, Intervalles, 2017 (traduit par Marie Poix-Tétu)

Bill Carter vit à Bisbee en Arizona, une ancienne ville minière investie depuis des années par des artistes, des hippies. En mangeant les salades de son jardin il se rend malade et se pose la question de la qualité de son sol. Celui-ci analysé révèle des quantités importantes de polluants très dangereux, utilisés dans les mines de cuivre. Il se rend compte que même si la mine est arrêtée depuis longtemps, l'environnement est durablement infecté. Il décide alors d'enquêter sur le monde secret et très rentable des exploitations minières de cuivre particulièrement. De l'ancienne Égypte à l'empire romain, de Bisbee à l'Alaska, il raconte l'histoire de ce métal utilisé partout et par tous.

Passionnante et riche cette enquête -sous titrée Petite histoire du cuivre, le métal qui gouverne le monde- qui refait l'histoire du cuivre depuis sa découverte jusqu'à notre usage actuel dans quasiment chacun de nos gestes quotidiens. Le cuivre est présent partout dans nos maisons : tuyaux de plomberie, fils électriques, dans les voitures, parfois dans les pièces de monnaie, ... Bill Carter fait une sorte de carnet de route, s'arrêtant près de chez lui, dans une ville minière voisine, puis il passe au Mexique, en l'Alaska où un projet de mine pourrait détruire la plus grande réserve mondiale de saumons rouges. A chaque fois, il fait l'historique de la région, de l'exploitation minière locale, des ressources naturelles; et à chaque fois c'est instructif et très intéressant. Les bénéfices et la demande de cuivre sont tels que tous les coups sont permis. Les mineurs sont exploités, se ruinent véritablement la santé pour leur travail et gagnent leur vie difficilement alors que les exploitants engrangent des sommes considérables les classant parfois parmi les fortunes mondiales les plus grosses. Lorsque certains comme à Cananea au Mexique font grève depuis des années pour garder leur travail, le cynisme et l'inhumanité des patrons donnent des frissons : "Je sais qu'ils finiront par être licenciés, chassés et oubliés, le temps que la compagnie emploie de nouveaux travailleurs pour un salaire moins élevé -sans aucune forme d'assurance maladie- et double ses profits. Je sais cela parce que c'est ainsi que marchent les affaires dans le monde actuel. Les travailleurs n'ont plus l'avantage depuis longtemps et ceux qui l'ont aujourd'hui, ce sont les dirigeants d'entreprise, les actionnaires et les hommes politiques qu'ils manipulent." (p.95)

Le monde marche sur la tête en voulant toujours plus, notre consommation a un coût environnemental et humain qu'on ne mesure pas toujours. Évidemment qu'on n'allume pas la lumière chaque jour en pensant aux mineurs exploités qui ont extrait le cuivre des fils électrique, mais ce livre, comme d'autres permet de se poser des questions, de regarder la réalité du monde et de faire des choix de société. Des élections approchent chez nous, que veut-on pour nos enfants et nous-mêmes ? Est-il souhaitable de continuer ce monde dans lequel on obtient tout ce qu'on veut sur un claquement de doigts, lorsqu'on a la chance de gagner correctement sa vie dans un pays riche ? Doit-on confier le pouvoir à ceux dont on sait qu'ils vont en abuser puisqu'ils profitent déjà très largement du système -qu'ils dénoncent souvent- dans leurs postes actuels ?

Ce bouquin remue plus que certains reportages télévisuels ; le pouvoir des mots, des images que l'on se crée en lisant sont souvent plus forts que les images que l'on nous impose, et Bill Carter sait raconter sans être larmoyant. Il raconte des faits, rapporte des témoignages des gens qui veulent simplement vivre décemment. Au travers de cette enquête sur le cuivre, il écrit un livre profondément humain, il s'intéresse vraiment aux gens qu'il rencontre. C'est fort, un peu long certes, mais c'est un livre à poser et reprendre, parce qu'à chaque chapitre on apprend quelque chose. Merci Intervalles de nous permettre de lire ce genre d'essai a priori pas sexy et absolument passionnant.

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Bilan 2016 : coups de cœur

Publié le par Yv

Bilan 2016 (photo piquée chez lesmeconnus.net, merci).

Et voici l'heure pour moi de vous dévoiler ici mon bilan bloguesque de l'année 2016.

Pas mal de livres lus, beaucoup diront certains, trop renchériront d'autres (167 articles concernant des livres)... De très jolies découvertes, quelques déceptions et une très belle rentrée littéraire de septembre. Un blog qui tourne toujours tranquillement, même s'il y eut quelques pics ça et là, mais comme je l'écrivais il y a quelques semaines sur le très bon article de Sandrine intitulé De la diversité des blogs littéraires, je trouve qu'il "me ressemble plutôt pas mal, un peu à la marge mais point trop, juste ce qu'il faut de décalage pour rester fréquentable." Dans ce bilan, il sera uniquement question des mes coups de cœur -un autre bilan pour les livres qui ont raté d'un cheveu ce titre suivra-, ces livres qui m'ont touché, marqué et que vous devez absolument lire, c'est une évidence. Remontons les mois de l'année et commençons par le meilleur -qui est celui de ma naissance-, janvier, puis après février et mars et...

- Un devin m'a dit, de Tiziano Terzani, chez Intervalles

- Promesse, de Jussi Adler-Olsen, chez Albin Michel

- L'ombre animale, de Makenzy Orcel, chez Zulma

- Akhânguetnö et sa bande, de Samuel Sutra, chez Flamant noir

- Les âmes et les enfants d'abord, d'Isabelle Desesquelles, chez Belfond

- Popa singer, de René Depestre, chez Zulma

- Jazz Band. Eros héros sept, de Grégoire Lacroix, chez Flamant noir

- L'aimant, de Richard Gaitet, chez Intervalles

- L'odeur du café, de Dany Laferrière, chez Zulma

- Envoyée spéciale, de Jean Echenoz, chez Minuit

- Notre-Dame de Paris (manuscrit), de Victor Hugo, chez les Saints pères

- Le charme des après-midis sans fin, de Dany Laferrière, chez Zulma

- Les deux coups de minuit, de Samuel Sutra, chez Flamant noir

- Le garçon, de Marcus Malte, chez Zulma

- Quand nous étions des ombres, de Mikaël Hirsch, chez Intervalles

- La Destinée, la Mort et moi, comment j'ai conjuré le sort, de S.G Browne, chez Agullo

- Les contes défaits, de Oscar Lalo, chez Belfond

- Edmond, d'Alexis Michalik, chez Albin Michel

- L'insolite évasion de Sebastian Wimer, de Stéphane Héaume, chez Serge Safran

- Monet, money, de Henri Bonetti, chez Cohen&Cohen

- Pas trop saignant, de Guillaume Siaudeau, chez Alma

- La mort nomade, de Ian Manook, chez Albin Michel

- Rien que des soupçons, de Michel Dresch, chez Cohen&Cohen

- Du vent, de Xavier Hanotte, chez Belfond

Vingt-quatre coups de cœur, soit deux par mois, je peux dire que c'est une belle année de lectures. Onze éditeurs représentés avec la palme pour Zulma (5) les quatre suivants ayant 3 livres nommés : Intervalles, Albin Michel, Flamant noir et Belfond, puis Cohen&Cohen (2) et enfin Minuit, les Saints-pères, Agullo, Safran et Alma à un représentant. Pas forcément hyper éclectique -d'autres ouvrages d'autres éditeurs sont chroniqués sur le blog-, mais quels beaux éditeurs et quel beau travail ils font (une mention toute particulière pour les éditions Agullo nées cette année)

Deux auteurs ont chacun deux livres, mais ils trichent, il y a de la réédition dans l'air : Dany Laferrière et Samuel Sutra.

Les cadeaux de Noël, c'est passé, mais offrir des livres, ça se fait toute l'année, alors profitez de cette liste et allez voir votre libraire préféré(e)

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Balthazar Grimod de la Reynière. Un gastronome à la table des Lumières

Publié le par Yv

Balthazar Grimod de la Reynière. Un gastronome à la table des Lumières, Jean Haechler, Séguier, 2016...

Alexandre Balthazar Laurent Grimod de la Reynière, né en 1758 sera tour à tour et parfois simultanément homme de lettres, philosophe, avocat, épicier, duelliste, critique de théâtre et de littérature, gastronome. Né dans une famille de la bourgeoisie parisienne, riche, mal aimé de sa mère parce qu'infirme, sans main, il portera toute sa vie des prothèses recouvertes de gants blancs, il peinera à se faire reconnaître et multipliera les excentricités, les mystifications. Son père, Laurent renflouera toujours ses caisses souvent vides, et Balthazar profitera de la vie. Très tôt républicain, il passe la Révolution sans souci, sans vraiment se préoccuper de la terreur bien que son père, en tant que fermier général aurait pu être décapité -comme les autres fermiers généraux-  s'il n'eût fait preuve de précocité en mourant juste avant.

C'est la vie de cet homme peu connu du grand public que Jean Haechler décide de raconter. Ami de Retif de la Bretonne, c'est souvent grâce à lui que le biographe a pu reconstituer le parcours de Grimod de la Reynière. Les premières parties concernant la jeunesse de Balthazar sont enlevées, parfois très drôles parce que très tôt le jeune homme fait parler de lui en explosant littéralement les codes de l'époque mors des réceptions que donnent ses parents, mais pas seulement : "Facétieux, il en rajoute, et pour s'amuser, il envoie à telle relation de sa mère, et de sa part, des poudres qui occasionnent des démangeaisons irrépressibles voire qui rougissent ou noircissent la peau, et de la part de son père des sucreries purgatives, des confitures à la coloquinte mélangée d'ingrédients narcotiques ou aphrodisiaques." (p.47) Puis Balthazar écrit sur le théâtre et la littérature en égratignant autant les acteurs que les auteurs voire les critiques : "Il ne faut pas s'imaginer que MM. les journalistes lisent tous les Ouvrages dont ils ont à rendre compte ; ce serait une erreur grossière. Copier fidèlement le Titre, parcourir la Préface, lire attentivement la Table..." (p.50)

Jean Haechler restitue agréablement et minutieusement autant que faire se peut la vie de Grimod de la Reynière, ses amours difficiles dues à son handicap et la misogynie qui en découle, voire plutôt sa misanthropie, car il dut aussi supporter les remarques blessantes d'hommes. Ses frasques qui pousseront ses parents à le faire voyager, ses amitiés avec Retif de la Bretonne, ... Tout cela est intéressant, son passage dans les années révolutionnaire itou, comment cet homme s'est passionné pour la critique culturelle en oubliant ou pour oublier la période violente.

Puis, l'auteur aborde la période Almanach des gourmands, publié en 1803 et les repas et festins auxquels Balthazar participe. C'est un peu plus long, mais l'on a plaisir à lire sa prose longuement citée, fine et délicate mais toujours vache lorsqu'il le faut.

Vous ne connaissez pas encore Alexandre Balthazar Laurent Grimod de la Reynière ? Jean Haechler vous le fait découvrir.

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La haine en ce vert paradis

Publié le par Yv

La haine en ce vert paradis, Jean-François Bouchard, Ed. Thaddée, 2016....

"La région des Grands Lacs africains dégage un parfum de paradis terrestre. Vingt-cinq millions de Hutus et de Tutsis y vivent répartis entre le Burundi, le Rwanda et la région du Kivu, en république démocratique du Congo. Entre 1959 et aujourd'hui, trois millions d'entre eux, hommes, femmes, enfants ont été massacrés au cours de plusieurs vagues de violences, de guerres et de génocides. (...) La haine, la mort, les trahisons ; les massacres, les dictatures, les prisons... Les racines de cette malédiction remontent à la venue de l'homme blanc, qui a balayé les royaumes ancestraux vivant en paix dans ce jardin d'Eden pour y semer une haine tenace." (4ème de couverture)

Le récit de Jean-François Bouchard est celui d'un homme connaissant bien l'Afrique qu'il a sillonnée pour le compte du Fonds Monétaire International et d'autres institutions. Sa grande force est de mettre à la portée du lecteur une histoire tragique et pas aisée à comprendre tant les intervenants sont divers et nombreux. Mais finalement, tous ont en commun, soit l'intérêt de leur pays soit leur propre intérêt et c'est ce qui les classe dans un camp ou un autre. L'ouvrage remonte au début du siècle précédent lorsque la Belgique prend à l'Allemagne le royaume du Ruanda-Urundi qu'elle avait colonisé à la toute fin du 19° siècle. A partir de 1931 et s'appuyant sur l'ethnologie, une science naissante, les Belges décident de classer les habitants du royaume : les Tutsis, plus grands aux trait plus fins, descendant du Nil et éleveurs, les Hutus plus trapus et peuple local et agriculteurs et les Twas descendants des Pygmées cueilleurs. "A l'image des Aryens en Europe, auto-proclamés race supérieure, car issus d'un peuple germanique du Nord qui se distinguait par sa haute stature, sans doute est-ce du fait de leur morphotype élancé que les Belges eurent la curieuse idée de favoriser les Tutsis au détriment des Hutus, créant en pratique un régime d'apartheid entre ces deux ethnies. Au demeurant, il était incontestablement aventureux de parler d'ethnies distinctes dans les années 1930, tant ces gens qu'on voulait distinguer en les nommant Tutsis et Hutus avaient toujours vécu en symbiose plus ou moins étroite, et en se mélangeant constamment." (p.23) Et voilà, l'homme blanc, fort de ses connaissances et de sa supériorité vient de semer les graines de la haine et de la violence qui ne s'arrêteront plus dans cette région jusqu'à encore maintenant, puisque si le Rwanda semble être apaisé -mais mené d'une façon très autoritaire par Paul Kagame, tutsi, mis en cause dans plusieurs morts suspectes dont celle du président rwandais Juvénal Habyarimana- le Burundi est toujours dans la tourmente notamment très récemment lorsque son président Pierre Nkurunziza a décidé de se présenter à un troisième mandat de président alors qu'ils sont limités à deux.

JF Bouchard parle de tous ceux qui ont essayé de réconcilier Tutsis et Hutus dans les deux pays, le prince louis Rwagasore, Melchior Ndadaye, ... et je vous passe tous les noms des autres, nombreux, qui ont tous finis assassinés. Son livre est passionnant, un peu long sur la fin, peut-être trop détaillé, mais je répète passionnant. Pour peu que vous soyez passés un peu à côté des terribles massacres de 1994 au Rwanda ou que les les ayez suivis mais sans vraiment comprendre pourquoi et comment ces deux ethnies si proches en étaient arrivées là, je vous en conseille très fortement la lecture, qui point par point explique la genèse de la haine et la montée de celle-ci au fond des esprits.

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Mes plus belges années

Publié le par Yv

Mes plus belges années, Mathieu Ortlieb, auto-édition, 2016.....

Mathieu Ortlieb est réalisateur, documentariste. Il a participé pendant dix ans à l'émission devenue culte -et pourtant disparue des écrans- Strip tease. L'émission débarque de Belgique en France au mitan des années 1990, et pour beaucoup c'est un choc. On n'est pas habitué à un tel ton, à de tels reportages, sans voix off, simplement portés par les images, les personnes filmées et leurs propos. Mathieu Ortlieb sent qu'à travers cette émission il pourra s'exprimer et laisser libre cours à ses envies. Il fera tout pour intégrer l'équipe.

 

Je me souviens de ma première impression à la vue de cette émission totalement originale pour l'époque. Je me souviens encore de quelques personnages totalement barrés ou décalés, de ses images qui pouvaient paraître volées ou montées de manière particulière. Comme beaucoup, je suis passé par le stade où je pensais que c'était un peu trash, une émission pour voyeurs, parce qu'on nous montrait quand même des gens particuliers, originaux... Et puis, entre les périodes où je regardais régulièrement strip tease, assidument même, et celles où je ne la regardais presque plus -de fait, je ne regardais presque plus la télévision-, celles où je la regardais de nouveau pour finir par l'oublier, au hasard des horaires de programmation, il me reste de cette émission, une image d'humanité, parce que les personnes hors normes qui y étaient présentées étaient avant tout humaines. C'est là-dessus qu'insiste Mathieu Ortlieb. Sur le temps qu'il lui faut en repérages et donc en relation avec ses "sujets", sur la confiance réciproque entre le réalisateur et les personnes filmées, jamais à leur insu. On n'acquiert pas cette confiance en claquant des doigts et plusieurs semaines de repérages étaient nécessaires et parfois, au bout de ces journées, le sujet s'avérait impossible à tourner.

Mathieu Ortlieb parle des rencontres les plus marquantes : Dr Lulu un faux-sdf et faux-médecin, ou encore ce couple de bourgeois de Neuilly (pléonasme ?) qui déménage après avoir vendu son hôtel particulier... Beaucoup d'autres encore qui vous donneront l'envie d'aller les voir (sur Youtube, on trouve très aisément). Mathieu Ortlieb parle aussi des relations avec les créateurs de l'émission, Jean Libon et Marco Lamentsch, pas toujours faciles d'abord et avec lesquels il n'est pas toujours en phase, mais qui tenaient leur émission avec des choix de reportages souvent décapants. 

Strip tease s'est arrêté en 2012, j'avoue avoir quasiment cessé de la regarder avant cette date, sauf un ou deux films de temps en temps... Cependant, après avoir revisionné des sujets sur la chaîne youtube strip tease officiel, je me sens d'humeur à en regarder encore beaucoup d'autres et même à signer pour son retour à la télé.

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