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coup de coeur

La suspension

Publié le par Yv

La suspension, Géraldine Collet, Rue de l'échiquier, 2019.....

Le jour où Louise, dix-sept ans, apprend qu'Antoine Gallimard a décidé de rééditer les pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline, elle se dit qu'elle doit voir cet homme et tenter de comprendre une telle décision. Louise lit beaucoup, elle aime les auteurs, les livres. Elle est la petite-fille du déporté politique numéro 21 055, réfractaire au Service du Travail Obligatoire.

Très court texte dont j'ai découvert un extrait très tentant grâce au Prix Hors Concours, ce prix qui récompense un livre issu de l'édition indépendante : première sélection sur extrait par un panel large, puis un jury d'experts lit les cinq titres choisis et élit le lauréat. Une idée excellente pour découvrir des auteurs et des maisons d'édition.

Revenons maintenant à ce court livre que je n'ai pas pu lâcher. C'est l'histoire de Louise qui est racontée, celle de sa famille, son grand-père Gilbert, déporté à Buchenwald pour raisons politiques, son père Laurent qui n'a jamais vraiment pu parler à Gilbert de ce qu'il a vécu et qui hésite toujours se renseigner et à en parler à Louise. 

C'est aussi l'histoire de la maison Gallimard, notamment pendant les années de guerre où Gaston Gallimard eut, pour le moins, une attitude ambiguë. Puis, le petit-fils, Antoine qui décida en 2012 de faire entrer dans La Pléiade, le très collaborateur Drieu La Rochelle avant de laisser entendre donc que les écrits antisémites de Céline pourraient être édités par Gallimard. 

Géraldine Collet écrit simplement, sans effets. Elle va au plus court mais n'omet rien. En fait, une fois tournée la dernière page (la 58), rien ne paraît en trop ni manquer. Elle parle de l'antisémitisme depuis la guerre, de ces idées nauséabondes qui montent partout dans le monde, de l'intolérance, de la haine, de la peur. Entre les lignes, on lit aussi l'interrogation qui agite les céliniens et autres : peut-on apprécier un auteur pour son style, même s'il a écrit des horreurs ? J'avoue n'avoir pas de réponse, j'ai beaucoup aimé Le voyage au bout de la nuit

C'est un court livre à s'offrir et à offrir. Une maison d'édition que je découvre. Malheureusement, ce livre ne fait pas partie des cinq finalistes du Prix Hors Concours.

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Amen

Publié le par Yv

Amen, Viviane Cerf, Des femmes-Antoinette Fouque, 2019.....

Le frère et La sœur sont élevés dans une famille catholique pratiquante tendance traditionaliste. Mais les deux enfants commencent à se poser des questions, lorsque les actes des gens que leurs parents fréquentent ne sont pas en adéquation avec leurs croyances. Puis, plus ils avancent en âge, plus leurs doutes s'ancrent en eux au point de devenir rétifs à la religion surtout lorsque celle-ci oblige les parents à rejeter Le frère qui s'est découvert homosexuel. Alors Le frère et La sœur partent à Paris étudier, logent dans un internat, font des rencontres avec des jeunes très différents de leur milieu d'origine, notamment Huab, insaisissable, incontrôlable, issue du peuple Hmong, minorité persécutée au sud de la Chine.

Viviane Cerf est une jeune auteure qui m'avait déjà pas mal intrigué pour son premier roman : La Dame aux Nénuphars. Ce deuxième roman est tout aussi original dans la forme que profond et fort dans le fond. Il commence quasiment par des éclats de rire de ma part lorsque les parents des deux jeunes gens se fréquentent :

"Les deux amants succombèrent à l'ivresse de l'amour, à la force de la passion et à l'impétuosité de leurs sens. 

Bref, ils avaient envie de baiser.

Seulement une union qui ne se fait pas à l'aune de la bénédiction divine met l'une et l'autre de ses parties dans un péché mortel.

Ils prirent alors la décision de leur vie : se marier, car "il vaut mieux se marier que de brûler". [première épître aux Corinthiens, 7,9]

L'union éternelle de leurs âmes autorisant le rapprochement express de leurs corps, Monsieur pénétra dans Madame, Madame jouit sans doute de Monsieur -du moins, l'espérons-nous-, et, de fil en aiguille et de queue en vagin, ce qui devait arriver arriva. 

Le ventre de Madame s'arrondit.

Merde, un mioche." (p. 8)

Puis, Viviane Cerf continue sur le même ton pendant plusieurs pages, parlant de la culpabilisation des diktats de l'Eglise et de ses représentants alors que certains ne se gênent pas pour les transgresser. C'est très drôle, ça m'a replongé un peu dans mes souvenirs d'enfance, élevé dans une famille catholique, certes très éloignée des préceptes des traditionalistes, mais cette notion de culpabilité, de péché, de bien et de mal étaient assez présente dans ces années-là. C'est sûrement de là que viennent mon athéisme convaincu et mon anticléricalisme avéré et revendiqués. J'ai donc beaucoup ri avant que le roman ne devienne plus grave, plus posé. Le frère et La sœur vivent alors des moments pas faciles. Et se posent les questions de la tolérance, de l'homosexualité, du féminisme, du poids des religions dans nos sociétés et de leurs carcans entravant la liberté de beaucoup et augmentant et entretenant la connerie de pas mal d'autres. 

Un petit passage un peu long lorsque La sœur entre dans un troupe de théâtre et qu'elle répète Tartuffe, qui se répète un peu sur plusieurs paragraphes et puis, de nouveau Viviane Cerf m'a raccroché à son histoire et à ses personnages. Il faut dire que le ton et la forme me plaisent beaucoup. J'aime l'écriture rapide, parfois sèche, qui va à l’essentiel ou qui sait prendre du temps. L'auteure ne s'interdit aucune forme ni aucun mot -même parfois les plus crus-, son texte est d'une force et d'une profondeur incroyables, d'une vivacité indéniable. Les mots virevoltent, on est pris dans un tourbillon mais qui laisse le temps de se poser, de réfléchir. C'est une sensation rare et fort agréable. Viviane Cerf a écrit ce roman à l'âge de 22 ans, elle en a à peine plus aujourd'hui, il me semble qu'elle a des ressources et des capacités pour faire d'elle une écrivaine qui va compter, qui compte déjà. Une voix originale et forte.

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Flesh empire

Publié le par Yv

Flesh empire, Yann Legendre, Casterman, 2019.....

Dans des temps futuristes, le monde qui se nomme Singularity est dirigé par des sénateurs. Les résidents sont dotés de mémoires et de corps artificiels qu'ils partagent pour lutter contre la surpopulation. Mais la colère gronde et lorsque des bouts de chair sont volés dans un laboratoire expérimental, les sénateurs commencent à craindre une rébellion bien plus large. Peut-être la renaissance de l'humain...

La première chose qui surprend dans cet album, c'est évidemment sa bichromie : blanc et noir. Des dessins blancs sur des pages noires. Le résultat est étonnant et bluffant. Yann Legendre mélange avec bonheur des lignes droites, des formes géométriques, symétriques avec des courbes. Le dessin des corps peut être une simple et fine ligne blanche et parfois que d'un côté, c'est l’œil qui devine l'autre.

C'est cette première impression qui restera comme un moment incroyable : je viens de lire une bande dessinée comme je n'en avais jamais lue ; je trouve certaines pages sublimes -comme celle où Alkaline rencontre le Datack, lorsque vous y serez, vous verrez de quoi je parle. 

Pouf, pouf, je m'emballe... Et l'histoire me direz-vous ? Eh bien, c'est une histoire classique de science fiction dans laquelle les machines contrôlent tout, mais très intelligemment mise en scène et racontée par l'auteur. Inévitablement des questions sur l'intelligence artificielle, sur le Big Data, sur le contrôle que nous subissons chaque jour par caméras, téléphones mobiles et autres transactions bancaires viennent à l'esprit. Yann Legendre n'apporte pas de réponse, d'ailleurs y en-a-t'il ? Il questionne et chacun trouvera ses propres moyens d'y répondre.

Excellentissime bande dessinée, exaltante dont on ressort avec l'envie de la relire et de la relire encore.

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Des opéras de lumière

Publié le par Yv

Des opéras de lumière, Jean-Noël Blanc, Le réalgar, 2019 (première édition, 2016).....

François-Auguste Ravier (1814-1895) est destiné au notariat par son père qui l'envoie faire des études de droit. Mais François-Auguste ne rêve que de dessiner et peindre. Toute sa vie sera consacrée à chercher la bonne lumière, à tenter de peindre ce qu'il a dans la tête, exigeant et insatisfait.

Félix Thiollier (1842-1914) est un industriel stéphanois, fils d’industriel qui se passionne très tôt pour la photo et les arts en général. Il rencontre beaucoup d'artistes, de peintres dont Ravier. Ils deviennent amis.

Personnellement, je ne connaissais aucun des deux personnages, j'ai beaucoup appris. Jean-Noël Blanc a choisi le roman pour parler de leur amitié, se donnant donc quelques libertés avec la vérité, peut-être assez peu d'après ce qu'il écrit en post-face. François-Auguste Ravier fut un peintre en perpétuelle recherche d'absolu, de représenter sur la toile ce qu'il avait en tête. En attendant son "grand ouvrage", il produit des "casseroles" : "... jusqu'ici je n'ai fait qu'accumuler des notes et des documents, et le grand ouvrage, mon Dieu, le grand ouvrage, je crains que la mort ne soit là bien avant." (p.159). Pour atteindre cet objectif, il refusa de montrer ses œuvres dans des expositions, des salons, ne voulant montrer que le meilleur. Bien que, devenu une référence, voire même un précurseur aux yeux de beaucoup de ses contemporains, une sorte de Turner avant Turner, un peintre qui peignait la lumière comme personne, jamais il ne dérogea de sa règle au risque avéré de ne jamais être reconnu et connu. Un peu misanthrope et peu sociable, la vie à l'écart qu'il avait choisie lui alla parfaitement. 

Au contraire, Félix Thiollier toucha à tout, fut un hyperactif qui voulut bouger sa ville de Saint Etienne peu ouverte aux arts et à la culture. Il photographia, peignit, produisit du ruban dans son usine, édita des monographies, acheta et tenta de faire connaître des peintres comme Ravier et bien d'autres. 

Ce sont ces deux hommes opposés qui deviendront amis, des hommes sans détours, francs et honnêtes. Jean-Noël Blanc les décrit, parle de la peinture et de la création artistique, de la recherche permanente de l'œuvre parfaite qui a obsédé Ravier sa vie durant, en des termes magnifiques. L'écriture emporte le lecteur et ne le lâche jamais, c'est une vraie merveille. Une langue d'une élégance rare qui varie la longueur des phrases, qui use de termes parfois rares. Voilà par exemple sa description du Paris que François-Auguste peine à peindre : "Le ciel, surtout, le déçoit : ce n'est pas un ciel sérieux, il s'effarouche pour un rien et s'afflige au moindre prétexte. Un courant d'air descendu des canaux du Nord, un souffle venu de l'Ouest et de la mer, une bourrasque bénigne, une bise, une chiquenaude de l’atmosphère, et ça y est les nuages rappliquent, le ciel prend la mouche, tout vire à la grisaille, s'assombrit, s'attriste, s'éteint. Pas de colère, pas d'orage, pas de nuées vindicatives, pas de vastes bousculades de cumulus, ou alors si rarement. Ce sont plutôt des susceptibilités de pluie mince, des chagrins citadins, des mélancolies patinent les rues d'une ombre d'alcôve, dans un chien et loup de plein mitan du jour." (p. 35)

Roman qui parle d'art, de peinture, de photographie, d'équilibre d'une œuvre, de sa création, des échecs, de la recherche de la perfection. Un coup de coeur que Le Réalgar a la bonne idée de rééditer. Pour les amoureux de la peinture, de la littérature, pour tous ceux qui ont envie de s'instruire dans la beauté et l'élégance et de sortir des sentiers battus.

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Broyé

Publié le par Yv

Broyé, Cédric Cham, Jigal polar, 2019.....

Christo travaille dans une casse dans un village loin de tout. Christo est un solitaire dont on devine que la vie a été particulièrement difficile et violente. Il lutte chaque jour pour contenir cette violence. Un jour, il croise Salomé, serveuse au bar du village, Salomé qui cherche à s'éloigner de son beau-père aux mains baladeuses, qui cherche également à faire de nouvelles rencontres. Christo l'intrigue.

Dans un autre espace, il y a Mathias, jeune homme en fuite qui se retrouve dans une cage, élevé comme un chien de combat, dressé. Pourquoi lui ? Pour quoi faire ?

Cédric Cham, je l'ai déjà rencontré dans son précédent roman, Le fruit de mes entrailles, un roman noir, très noir. Je pensais qu'il avait atteint les limites de cette couleur, mais je me trompais tant Broyé est encore plus noir. Pour Le fruit de mes entrailles, je parlais de l'outrenoir de Soulages, pour celui-ci, je parlerais plus volontiers du Vantablack utilisé exclusivement par Kapoor en peinture. 

Cédric Cham parle de l'enfermement physique mais aussi de l'enfermement psychique lorsqu'une personne est contrainte par une autre. La violence des mots est parfois plus forte que cette des actes. Christo a subi les deux et s'efforce de ne pas reproduire. Mais comment vivre "normalement" lorsque toutes les années précédentes ne furent que violences subies, puis infligées et toujours subies. La résilience, ce n'est pas aisé lorsque les coups et les insultes pleuvaient 24h/24. "Quant au passé, même si des fragments perçaient parfois la surface, à quoi bon s'étendre dessus ? Se souvenir, en parler, revenait à triturer le couteau dans la plaie. A se remémorer ce qu'ils avaient été et donc ce qu'ils étaient devenus. Voire ce qu'ils ne seraient plus. Jamais. Et puis, reconnaître le passé conduisait à prendre conscience du présent. Et donc à devoir affronter le futur. Ou plutôt l'absence de futur. Comment vivre sans but, sans possibilité de lendemain ?" (p.196)

Comment lier connaissance, nouer des relations dans ces conditions ? Comment garder sa part d'humanité ? Tout cela est abordé par l'auteur, parfois directement, parfois entre les lignes dans une écriture qui claque comme des coups. Le style est âpre. Sec. Violent. A l'os comme m'a dit quelqu'un un jour. Pas de fioriture, Cédric Cham va au plus profond sans détour. Un roman noir et dur qui ne laisse pas indemne. On frissonne encore une fois refermé en repensant à tout ce qu'on y a lu.

Je ne lirai pas tous les jours de livres de la sorte, pour mon confort et ma santé mentale -enfin, ce qu'il en reste- mais là, j'en suis encore tout chose, à tel point que, même pas sous la contrainte, j'en fais l'un de mes coups de coeur.

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Il fallait que je vous le dise

Publié le par Yv

Il fallait que je vous le dise, Aude Mermilliod, Casterman, 2019.....

L'autrice de cette bande dessinée, Aude Mermilliod a avorté. Après des années de réflexion et de recul, elle décide de raconter son parcours tant l'acte que les sentiments par lesquels elle est passée, avant et après.

Puis, elle a rencontré Martin Winckler dont elle sait qu'il a pratiqué des avortements lorsqu'il était médecin, elle lui demande de raconter son histoire qu'elle dessine.

Bande dessinée puissante, nécessaire, militante et tout à fait apaisée. La succession de l'histoire personnelle d'Aude Mermilliod et du témoignage de Martin Winckler lui donnent le côté universel qu'il aurait pu lui manquer avec la seule histoire de l'autrice. Les deux parties se complètent, se répondent et traitent de tous les aspects de l'avortement.

C'est un ouvrage remarquable tant par le thème qu'il aborde frontalement, directement, sans détour mais sans voyeurisme que par le dessin et la mise en page. C'est un dessin simple, coloré, au trait clair et une mise en page qui joue avec les codes de la bande dessinée, parfois classique, parfois une grande case pour une page. Ce dessin très abordable par tous et très beau est aussi une force qui sert le propos, il pourra permettre à tous d'entrer dans l'ouvrage.

Textes et dessins peuvent être crus mais jamais vulgaires. Descriptifs, détaillés pas seulement dans l'aspect technique, car les sentiments, les angoisses, les peurs des patientes sont décrits, représentés ainsi que le travail du médecin et de l'infirmière pratiquant l'avortement.

Un album essentiel pour ne pas dire indispensable, à lire et faire lire très largement autour de soi.

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Demande à la savane

Publié le par Yv

Demande à la savane, Jean-Pierre Campagne, Jigal polar, 2019.....

Cœur léger était flic. Il a été viré et s'est établi en tant que privé. Jane, sa sœur, son amour de jeunesse, son amie, journaliste, lui demande de l’assister lorsqu'elle doit s'entretenir avec un informateur sur le trafic d'ivoire qui continue au Kenya. Lenos, garde forestier est le témoin du massacre de trois éléphants tués pour leurs défenses. Cette chasse aux trafiquants d'ivoire croise celle d'un terroriste, donnant à cette histoire un ton plus que terrible.

N'y allons pas par quatre chemins, j'ai adoré !

Quelle claque ! Ce roman de 150 pages est d'une originalité et d'une force incroyables, et je pèse mes mots. L'écriture de JP Campagne est un régal qui oscille entre poésie, brutalité, descriptions des lieux et des personnes qui pourraient paraître courtes et qui pourtant sont juste suffisantes. Une langue au minimum. "Cœur léger a vieilli, il a pris du poids, il a déjà un pli à la nuque quand il porte la veste. Le jour où il en aura deux, si ce jour arrive, il rejoindra la bande des gonflés, des réussis, des pas crève-la-faim, pas crève-de-palu, pas crève-du-sida." (p.7/8)

Une langue qui dit tout sans détour, qui ne digresse pas. Sans doute faut-il entrer dedans et prendre le pli de lire entre les lignes tout ce qui y est clairement noté et si tel est le cas, ce roman noir devient tout simplement l'un des tout meilleurs lus dernièrement. JP Campagne joue avec les images, les mots, c'est un peu comme quand un taiseux s'exprime, il ne lui faut que quatre mots pour se faire comprendre là où le bavard moyen a besoin d'une page entière.

J'en suis encore sur le cul. J'aime beaucoup le travail de la maison Jigal, j'y ai lu beaucoup d'excellent romans, celui-ci entre dans mon panthéon jigalien. Croyez-moi sur parole : inévitable, chaud, poisseux, lourd, râpeux, la violence y est présente sans être décrite on la ressent, noir, très noir, éléphantesque si je puis me permettre.

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L'outil et les papillons

Publié le par Yv

L'outil et les papillons, Dmitri Lipskerov, Agullo, 2019 (traduit par Raphaëlle Pache).....

Arseni Andréiévitch Iratov, architecte, homme d'affaires, ex-trafiquant de devises  se réveille un matin très surpris que son sexe ait disparu. Aucune intervention humaine, il dispose désormais d'un orifice pour ses fonctions physiologiques. Ça tombe très mal, car Véra, sa chère Vera aimerait bien un enfant de lui. 

Loin, très loin de Moscou, mais toujours en Russie, la jeune Alissa recueille un petit bonhomme, pas plus grand qu'un jouet mais qui vit. Il grandit très vite et devient bientôt un très beau jeune homme qui file sur Moscou, à la recherche d'Iratov.

Un autre homme, mystérieux, arrive aussi en ville et espionne Iratov.

Dmitri Lipskerov est l'auteur d'un roman paru chez Agullo, l'an dernier, classé dans mes Coups de coeur, Le dernier rêve de la raison. Il récidive avec ce dernier roman, absolument génial, foisonnant, explosif. Les trois histoires, plus toutes les intrigues secondaires, qui sont nombreuses, se rejoignent évidemment. Elles se mêlent, s’entremêlent, se croisent et convergent toutes vers Arseni Iratov, le personnage principal.

Dmitri Lipskerov joue avec les genres du roman, il y a un peu de fantastique, de la saga familiale totalement déjantée, déstructurée qui explose les codes, les cadres. Il s'amuse sans doute, nous distrait sûrement. C'est le style de bouquin qui bien que comptant presque 400 pages ne se lâche pas une seconde. On a l'impression que ça part dans tous les sens, de tous les coins de la Russie, qu'énormément de thèmes y sont abordés et tout cela est vrai, sauf que c'est diablement maîtrisé. On y parle donc de paternité, de féminité, de la pauvreté en Russie, de la manière dont certains riches s'enrichissent, de politique, de religion, de l'histoire du pays. Finement, l'auteur aborde ces questions, de manière romancée et forte avec l'air d'écrire une farce. 

Le texte est formidable, le travail de la traductrice Raphaëlle Pache également, le tout donnant un livre rare et franchement barré, original et fou, drôle et absurde. J'ai lu que Dmitri Lipskerov est considéré comme l'un des écrivains les plus marquants de la Russie actuelle, je le crois sans peine tant ce qu'il m'a montré sur les deux romans parus chez Agullo -très belle jeune maison qui fait un fameux travail de découverte- est remarquable.

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Bilan 2018

Publié le par Yv

Traditionnel bilan de fin d'année. Moins de coups de coeur cette année, sans doute par plus d'exigence ou moins d'emballements, la sagesse vient en lisant... Très réducteur sûrement car j'ai aimé beaucoup d'autres livres que j'ai recensés. Voici les plus marquants :

- Les choses, Georges Perec, chez 10/18. Pas une nouveauté, mais du Perec, c'est forcément bon.

- Le dernier rêve de la raison, Dmitri Lipskerov, chez Agullo. Barré, délirant.

- Un océan d'amour, Lupano et Panaccione, chez Delcourt. Une BD muette, profondément humaine.

- Tuez-les tous... mais pas ici, Pierre Pouchairet, chez Plon. Polar au coeur des réseaux terroristes syriens. 

- Vies volées, Matz et Mayalen Goutz, chez Rue de Sèvres. Une BD superbe sur les enfants disparus d'Argentine.

- Prenez soin d'elle, Ella Balaert, chez Des femmes-Antoinette Fouque. Un roman profond d'une beauté rare.

- Quichotte, autoportrait chevaleresque, Eric Pessan, chez Fayard. Un livre inclassable qui prend le prétexte de Quichotte pour interroger la société contemporaine.

- Le rêve armoricain, Stéphane Pajot, chez D'Orbestier. Un polar finement construit mêlant archives nantaises et présent.

- Edmond, Léonard Chemineau, chez Rue de Sèvres. La pièce d'Alexis Michalik superbement bédéisée. 

- Le pèlerinage, Tiit Aleksejev, chez Intervalles. Le roman de la première croisade à la fin du XIème siècle. Aventures garanties. 

- Le goût de la viande, Gildas Guyot, chez In8. Un premier roman noir, très noir.

 

Bonnes fêtes, je reviens en janvier

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