Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

chroniques

Les euphorismes

Publié le par Yv

On ne meurt pas d'une overdose de rêve (volume bleu)

Un seul soleil, chacun son ombre (volume jaune)

On est toujours beau quand on est amoureux (volume rose)

Grégoire Lacroix, Éd. Max Milo, 2013.....

D'abord il y a Les Euphorismes de Grégoire, puis l'éditeur Max Milo a réorganisé l'ensemble en trois petits volumes traitant d'un thème différent, de 60 pages chacun. Les euphorismes, ce sont des pensées, des réflexions, des aphorismes, salués par beaucoup de personnes, Claude Lelouch a même cité Grégoire Lacroix lors de son ouverture de la dernière cérémonie des Césars : "A partir de certains "euphorismes" on pourrait construire tout un scénario".

"Merci pour votre livre, seul le mot épastouillant convient pour le décrire ; quelle fécondité" (Amélie Nothomb, qui remonte dans mon estime, peut-être un jour la lirais-je ?). "Une succession de petites pensées fabuleuses." (Gad Elmaleh, qui remonte dans mon estime, peut-être un jour réécouterais-je ses sketches ou verrais-je ses films ?). "C'est rudement bien" (Philippe Bouvard, qui ne remonte pas dans mon estime, trop bas...). "Vous lire reste un enchantement." (Jean Rochefort, qui ne peut pas remonter dans mon estime, trop haut déjà...)

Vous avez déjà rencontré Grégoire Lacroix sur le blog, avec Jazz Band, puis avec Le bictionnaire, et je récidive, c'est tellement bon de lire, relire, citer ses petites phrases vaches, drôles, tendres, philosophiques, ironiques, ... Il y en a pour tous les goûts, pour le mien assurément.

"Le manque à gagner de certains suffirait à faire vivre beaucoup de ceux qui n'ont plus rien à perdre."

"Paradoxe : il n'y a que les esprits tordus pour croire à des mondes parallèles."

"On peut s'inquiéter de la place toujours croissante que prend l'intelligence artificielle dans notre vie quotidienne. Mais rassurons-nous, la connerie, elle, sera toujours authentique."

"L'oisiveté est mère de tous les vices mais le travail n'en est pas pour autant le père de toutes les vertus."

"Les femmes ont un sixième sens malheureusement il est giratoire."

"Pourquoi l'homme tire-t-il tant de fierté de son sexe ? Un arbre se vante-t-il de la plus petite de ses brindilles ?"

Bon, je vous laisse même si je pourrais allonger la liste des extraits qui m'ont plus, avec une ultime précision : chaque petit volume ne coûte que 4,90 euros... ce serait dommage de se priver. Les couvertures des trois livres ci-dessous.

Les euphorismes
Les euphorismes
Les euphorismes

Voir les commentaires

Le bictionnaire de Grégoire

Publié le par Yv

Le bictionnaire de Grégoire, Grégoire Lacroix, Max Milo, 2015.....

Le bictionnaire c'est comme un dictionnaire mais en mieux. C'est classé par ordre alphabétique mais les définitions ne concernent que des expressions d'au moins deux mots donc, commençant par la même lettre, exemple : "Pharaon pointeur = Petankamon".

Très drôle, jamais méchant, pouvant faire appel à quelques connaissances, mais pas toujours, parfois, les définitions sont simplement simples (aïe, ça déteint) et sans sous-entendus. Parfois, bien sûr, il faut chercher un peu et se creuser le ciboulot et là, on découvre même un deuxième sens, surtout si on lit à voix haute.

J'ai noté plein d'entrées qui m'ont plu, fait rire, soulevé un "ah" un "oh" voire un "ah ah" et encore, c'est parce que je ne suis pas très démonstratif... Mon problème principal avec ce genre d'ouvrages, c'est que je ne retiens pas les passages que j'aimerais répéter pour faire rire et impressionner, alors je les ai soulignés et peux vous en proposer quelques uns pour vous mettre l'eau à la bouche :

- "Matelas Moelleux : Matelas. Mot merveilleux qui commence par "Aime" et qui finit "Paresse".

- "Fil de fer : bien que génial, le fil à couper le beurre ne vaudra jamais un string à couper le souffle..."

- "Erreur à Éviter : Traiter sa femme de mal-baisée."

- "Self Sévice : Ceux qui crient "mort aux cons !" sont rarement conscients d'avoir, alors, une attitude suicidaire."

Calembours, néologismes, logique, absurde, drôle tout cela s'applique aux définitions de Grégoire Lacroix, digne descendant d'Alphonse Allais. Un recueil à ouvrir, à lire et relire à faire connaître. A picorer partout, sur son canapé, dans le métro ou le bus, sur les toilettes, en faisant la cuisine, ... tous les endroits sont bons pour rire et sourire.

Grégoire Lacroix est aussi l'auteur du très très bon polar Jazz Band, publié chez Flamant Noir et des Euphorismes chez Max Milo, en différentes présentations. Je ne sais pas vous, mais moi, je cours les commander à la librairie...

Allez, pour vous tenter définitivement, deux petites dernières :

- "Lièvre Léthargique : Quand, volontairement ou non, un lièvre a pris la forme d'une terrine, on ne peut plus grand-chose pour lui."

- "Islam Intégriste : Agence de voilage."

Voir les commentaires

Abécédaire du Tout-Paris

Publié le par Yv

Abécédaire du Tout-Paris, Paul de Vallonges, Éd. Séguier, 2015 (illustrations de Audrey Bussi)...,

Paul de Vallonges, journaliste et écrivain parisien fait sa liste de A à Z des personnalités parisiennes qui comptent en ce moment. Acteurs, actrices, hommes et femmes importants, connus du grand public pour un bon nombre d'entre eux, beaucoup moins célèbres pour d'autres. Ils semblent faire partie du petit monde parisien qui se retrouve dans les soirées, les dîners entre-soi, tout cet univers tellement loin de mes préoccupations... Ce style de livres existe depuis longtemps ainsi qu'il l'explique dans son avant-propos, il se place dans la droite ligne des chroniqueurs mondains anciens et plus récents.

Comme je l'écris dans mon résumé, je suis à mille lieues et même dix mille -et encore c'est faible- lieues du microcosme parisien que Paul de Vallonges décrit. Si je connais beaucoup des noms des personnalités dont il parle certains me sont totalement inconnus et je connais les noms d'autres sans pouvoir les associer à un visage ou une silhouette ni à une œuvre. Néanmoins, j'aime bien l'exercice bourré d'a priori, de vacheries et de tendresse. Un pur snobisme absolument détestable et tellement réjouissant. Évidemment, le mieux c'est lorsque l'auteur de l'ouvrage étrille des personnalités que je n'aime pas ou dont je n'apprécie pas le travail:

"Guillon, Stéphane. Comique dit mordant mis à la porte de France Inter. Traînait, depuis, d'un théâtre l'autre, avec sa tête de chien battu. Apitoyé, Thierry Ardisson lui a offert une nouvelle niche." (p. 65)

"Bourdin, Jean-Jacques. Grenouille de BFM et RMC qui se voit tel un bœuf. Cultive son look de Jean-Michel Apathie chevelu. Comme ce dernier, est persuadé que les questions qu'ils posent à ses invités sont plus importantes que les réponses. Idole des taxis parisiens et des chauffeurs livreurs. Comme eux, ne déteste pas jouer les gros bras." (p.28/29)

Parfois, ça peut paraître complaisant avec d'autres que je ne trouve pas plus intéressantes, Yann Moix ou Eric Naulleau par exemple, excellents dans les réparties, les portraits au vitriol, sans doute bons écrivains, mais suffisants et méprisants envers tous ceux qu'ils n'estiment pas atteindre le niveau de leurs grandeurs, et aux fréquentations plus que douteuses pour au moins l'un d'entre eux. Mais chacun ses goûts et ses détestations.

Paul de Vallonges est drôle, fin, délicat, tout est écrit dans une belle langue jamais vulgaire, même les vacheries sont bien tournées, elles n'en sont que plus fortes. Les compliments sont directs et assumés, seuls sont voilées certaines allusions, certaines "private jokes" qui jouent sur les penchants, les fréquentations, les amours, les amitiés ou les inimitiés des uns ou des autres... Les initiés comprendront, les autres, comme moi, non, mais peu importe, c'est un recueil qui se grignote joliment et gentiment.

Les illustrations d'Audrey Bussi sont gaies, colorées, dans le ton du livre... très parisiennes.

Pour finir, une définition que j'aime bien, qui est dans le ton de tout l'ouvrage et le résume assez bien :

"Province. Enfer du Parisien. Quelques exceptions, selon les saisons : Deauville, Trouville, Guéthary, Saint-Tropez, Cannes, Porto-Vecchio, Megève etc. Des lieux "authentiques"". (p.114)

Ouf, la Bretagne est épargnée... et reste encore l'enfer des Parisiens...

Enfin, une note à l'auteur : dans votre texte sur BHL, bien vu par ailleurs, vous parlez de Pierre Botul qu'il avait pris pour un vrai philosophe alors qu'il n'est que gag littéraire (Botul, pas BHL). j'ai le regret de vous préciser que Pierre Botul existe peut-être, puisque le gag littéraire se prénomme Jean-Baptiste.

Et pour vraiment finir, une chanson de circonstance...

Voir les commentaires

Lettres contre la guerre

Publié le par Yv

Lettres contre la guerre, Tiziano Terzani, Intervalles (traduit par Fanchita Gonzalez Batlle).....

Trois jours après les attentats du 11 septembre 2001, Tiziano Terzani, grand reporter qui connaît bien le monde en général et le monde musulman en particulier, retiré depuis quelques années en Inde en quête de spiritualité, publie une lettre intitulée Une bonne occasion. Et si ces attentats étaient la bonne occasion pour tout remettre à plat, discuter et ne pas céder à le violence qui entraînera toujours une violence encore plus grande. Quelques jours plus tard, une autre journaliste italienne publie un livre d'une rare violence contre les musulmans. Tiziano Terzani décide alors de reprendre la plume dans diverses régions du monde pour lui répondre et témoigner de ce qu'il voit et vit au contact des musulmans de Kaboul, Peshawar, Quetta.

Ce livre écrit entre le 14 septembre 2001 et le 7 janvier 2002 rassemble 8 lettres prônant la paix, la tolérance et l'entente entre le peuples. Tiziano Terzani après avoir été grand reporter sur tous les grands conflits s'est tourné vers l'Inde et sa spiritualité, s'est posé et est devenu aux yeux de beaucoup d'Italiens le visage de la paix. Il est décédé d'un cancer en 2004. Ce livre a précédemment été publié chez Liana Levi en 2002.

Difficile d'aborder le thème de la tolérance, de l'amour entre les peuples, de la compréhension de l'autre alors qu'il y a quelques jours des attentats terribles traumatisaient Paris, la France entière et bien plus largement encore, quelques mois tout juste après le massacre de Charlie Hebdo. Je me permettrais donc de citer T. Terzani qui intitule sa dernière lettre Que faire ? Et maintenant allons-nous céder à une surenchère dans la violence ? "C'est peut-être ce qui m'a fait penser que l'horreur à laquelle je venais d'assister était... une bonne occasion. Le monde entier avait vu. Le monde entier allait comprendre. L'homme allait prendre conscience, se réveiller pour tout repenser : les rapports entre États, entre religions, les rapports avec la nature, les rapports entre hommes. C'était une bonne occasion pour faire un examen de conscience, accepter nos responsabilités d'Occidentaux et faire peut-être enfin un saut qualitatif dans notre conception de la vie." (p.15) Une grande partie de la réflexion de l'auteur est basée sur sa conception de la vie et des rapports entre les hommes : "... je suis vraiment convaincu maintenant que tout est un et que, comme le résume si bien le symbole taoïste du Yin et du Yang, la lumière porte en elle le germe des ténèbres et qu'au centre des ténèbres il y a un point de lumière." (p.15) Mais il ne s'est pas arrêté à sa réflexion, il est retourné sur le terrain voir comment vivaient les gens en Afghanistan, au Pakistan. Et chaque témoignage est aussi l'occasion pour le journaliste de raconter l'histoire du pays, celle qui explique pourquoi et comment on en est arrivé là. Évidemment, les États-Unis sont montrés du doigt : "Chalmers Johnson répertorie les manigances, les complots, les coups d'État, les persécutions, les assassinats et les interventions en faveur de régimes dictatoriaux et corrompus dans lesquels les États-Unis ont été impliqués ouvertement ou clandestinement en Amérique latine, en Asie et au Moyen-Orient depuis la fin de la seconde guerre mondiale." (p.40). Pour ce "vieux professeur de Berkeley University, peu suspect d'antiaméricanisme ou de sympathies gauchisantes", les attentats sont des contrecoups de cette politique étrangère agressive, les États-Unis sont devenus le Diable aux yeux du monde islamique. L'Europe étant à la remorque des États-Unis, il est loin le temps ou le ministre des affaires étrangères français osait s'opposer à une décision de faire la guerre, elle est elle aussi la cible potentielle d'attentats et l'atroce nuit parisienne du 13/14 novembre est là pour le confirmer.

A chaque fois que Tiziano Terzani apporte des informations, il les confronte à sa réflexion, à ses questions. Il ne prétend pas détenir la vérité, il pose des questions légitimes, il met en doute les certitudes des autres. Ces textes ont quasiment quinze ans et pendant ces années, rien n'a changé. Ou plutôt, si, tout a changé : les positions des uns et des autres se sont durcies. Tellement, qu'il paraît même difficile de parler de la même manière -utopiste- que le journaliste italien. Jusqu'où pourra continuer cette violence ? A-t-on le droit au nom de nos principes occidentaux de s'immiscer dans les politiques de certains pays ? Notre indépendance énergétique doit-elle primer sur la vie des habitants des pays producteurs ? Nos sociétés sont tellement différentes. Le monde que nous proposons, nous Occidentaux, globalisé, mondialisé, abreuvés que nous sommes de culture américaine -même si la France résiste encore un peu à l'envahissement par son cinéma, sa littérature, son mode de vie- est une violence faite à certains pays pas prêts et pas désireux de s'y soumettre. Et qui serions-nous pour l'imposer ?

Mon billet peut sembler brouillon, maladroit et il l'est sans doute. Lors de ma lecture j'ai sans cesse hésité entre l'admiration pour la réflexion de cet homme, sa sagesse et la peur que la violence monte toujours plus haut. J'ai fini ma lecture le 13 novembre au soir. Le matin suivant je me réveille avec les annonces des attentats parisiens et j'écris mon billet ce même jour, à chaud ; j'y mélange les réflexions de Tiziano Terzani et les miennes. J'ai apprécié que cet homme puisse me donner un autre angle de vue, me donner des informations pour continuer ma réflexion : je ne suis sûr de rien, j'écoute et lis beaucoup avant de me faire une opinion et lorsque j'y arrive elle peut encore varier en fonction de ce que je lis et entends. Ce dont je suis sûr cependant, c'est que ce bouquin va rester longtemps en moi et près de moi, je vais même le conseiller à tous ceux qui comme moi s'interrogent sur cette violence et cette haine qui explosent. Et à tous ceux qui savent déjà tout, je le leur conseille également, il les fera peut-être réfléchir et les bousculera dans leurs certitudes.

Voir les commentaires

J'ai vu la fin des paysans

Publié le par Yv

J'ai vu la fin des paysans, Éric Fottorino, Denoël, 2015 (photographies de Raymond Depardon) ....

Éric Fottorino, avant de devenir un écrivain connu et reconnu est journaliste, il est le cofondateur de l'hebdomadaire Le 1. Auparavant, il a travaillé au journal Le Monde, en a été le directeur de publication, mais ses débuts, au milieu des années 80 jusqu'au début de la décennie suivante, il les a faits à l'agriculture et aux matières premières. Ce livre est la publication des textes du journaliste de ces années-là, qui reviennent donc sur la crise de l'agriculture française et européenne, cette agriculture qui se modernise à outrance et perd petit à petit sa tradition, ses hommes, ses animaux et ses exploitations familiales.

Les agriculteurs vont mal. Certains qui se sont endettés pour agrandir ou moderniser leurs exploitations croulent sous les dettes. Ils ont dû investir pour s'installer, puis réinvestir pour produire plus, pour obtenir de nouvelles machines, de nouvelles technologies... c'est la course sans fin, le cercle vicieux : investir donc s'endetter pour produire plus et produire plus pour rembourser les dettes, mais comme les cours d'achat baissent, l'argent rentre moins. Il y a forcément un moment où le cercle grossit tellement qu'il éclate, et là, les éclats sont violents et directement pour le paysan. C'est le cas maintenant, ça l'était déjà il y a trente ans. Éric Fottorino, pendant une dizaine d'années a suivi l'évolution du métier et l'on voit bien dans ses chroniques naître l'angoisse du paysan de ne pas y arriver, son malheur de ne plus pouvoir céder son exploitation à ses enfants partis en ville, dans le même temps que les industriels du métier, les grands céréaliers usent de tous les moyens pour produire encore plus et moins cher. Les grandes entreprises états-uniennes sont très présentes également (Monsanto en tête) qui vendent des produits chimiques, des techniques nouvelles promettant monts et merveilles aux paysans qui se laissent convaincre et aux décideurs européens qui s'aplatissent devant les lobbyistes. Les États-Unis ont permis à l'Europe de se libérer du nazisme, mais ils ont profité de la brèche ouverte pour introduire leurs produits, leurs entreprises, leurs modèles d'exploitations agricoles gigantesques qui ne fonctionnent qu'aux engrais et hormones, taxant les produits européens et refusant d'être taxés sur les leurs. Avec tout le respect, les remerciements, la gratitude qu'on leur doit, il est temps que l'Europe se bouge un peu et revienne à des principes plus naturels. Début des années 90, Éric Fottorino parle du futur des paysans français, de leur obligation de se diversifier : agriculture bio, agrotourisme, pratiques saines et ancestrales qui entretenaient la terre (comme par exemple les élevages de moutons qui nettoyaient les sous-bois et limitaient les feux de forêt), ... Près de trente années plus tard, le mouvement a commencé, petitement, localement (au moins par chez moi) : les marchés avec des producteurs locaux renaissent ou reprennent vigueur (deux marchés hebdomadaires dans ma commune, et pas mal sur toute l'agglomération nantaise), de nombreuses AMAP (Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne) sont nées, les ventes directes ; l'agriculture biologique a progressé ; il me semble même que les paysans qui fonctionnent avec ces circuits courts s'en sortent correctement, ils ont retrouvé une culture ou un élevage en harmonie avec la nature et ne la forcent plus ; contrairement aux idées reçues, je le sais d'expérience, les denrées achetées par ces biais ne sont pas plus chères qu'au supermarché.

Ce sujet et ce bouquin sont passionnants, c'est une excellente idée que de ressortir ces chroniques d'Éric Fottorino, on mesure les tous petits pas faits et les grands qu'il faut encore accomplir. Le discours du journaliste est parfois technique, avec des chiffres, des noms qu'on a oubliés, mais le contenu est vraiment intéressant et je le rejoins sur beaucoup de points, je me rends même compte qu'il à dû se créer quelques inimitiés, car dans les années 80/90, parler de revenir à de saines pratiques, de renoncer aux rendements à outrance, chercher à favoriser l'agriculture bio n'était pas encore dans les mœurs et dans les discussions. Madame Yv et moi-même commencions à nous mettre aux produits bio, aux achats locaux, aux petits producteurs et notre démarche éveillait quelques remarques ironiques, condescendantes parfois, comme si cette lubie allait nous passer. Je me souviens même d'une connaissance qui m'avait dit : "Tu verras, quand tu seras allé deux ou trois fois à Auchan, tu n'iras plus au marché." Je ne vais jamais dans ce magasin, par contre, je visite toutes les semaines le marché "avec mon p'tit panier..." mais j'ai pas l'air d'un con ma mère... ou ce n'est pas dû à mon panier, mais là c'est un autre sujet...

Thème passionnant, je pourrais faire des pages, j'avais encore tellement de choses à dire... Le mieux ? Lisez ce recueil instructif, on en reparle dans vos commentaires.

PS : les photos sont toutes du photographe qui a fait de merveilleux films et photos sur le monde paysan, Raymond Depardon.

Voir les commentaires

Livre sans photographies

Publié le par Yv

Livre sans photographies, Sergueï Chargounov, La Différence, 2015, (traduit par Julia Chardavoine), dessins de Vadim Korniloff...

Sergueï Chargounov est né à Moscou en 1980. Fils de pope, il vivra les début de la perestroïka, encore enfant, puis la chute du Mur de Berlin et le délitement de l'URSS. Anticommuniste, il ne fera pas partie des "enfants d'octobre" qui portent la cravate rouge, il se tourne vers le journalisme et l'écriture ainsi que vers la politique. Il tentera même d'être élu député à la tête d'un mouvement de jeunes révoltés qu'il crée, mais brisé par les répressions du gouvernement de Poutine, il est contraint d'abandonner. Il part alors sur les routes de la Russie oubliée, mais aussi couvrir les conflits Tchétchènes et Ossètes.

Sergueï Chargounov est lié à Zakhar Prilepine : ils sont tous les deux opposants de Poutine, et écrivent dans le même journal en ligne. Ils sont également tous deux écrivains. Mais là ou Zakhar Prilepine est direct voire parfois violent dans ses propos, Sergueï Chargounov est beaucoup plus calme. Il dénonce lui aussi les méthodes du président russe actuel, mais de manière moins directe, néanmoins, les concernés comprennent puisqu'ils le menacent au point qu'il ne peut se présenter aux élections et qu'il a ensuite du mal à trouver du travail en tant que journaliste, son nom étant mis sur liste noire.

Je dois dire que la première partie sur l'enfance de Sergueï m'a paru un peu longue. Pas inintéressant, non, un fils de pope au temps du communisme et de la perestroïka, ce n'est pas banal, mais ça traîne un peu en longueur. Ce livre est une suite de chroniques ou de nouvelles qui se suivent chronologiquement et lorsque Sergueï commence à parler de sa famille élargie, sa grand-mère et son oncle Kolia Bolbass, je recolle au récit, tellement ces personnes ont marqué l'écrivain. Et puis, ensuite, c'est l'entrée en politique et la répression, la maladie de son fils et les guerres qu'il couvrira en tant que journaliste. Tout cela se mêle comme dans sa vie, tout arrive en même temps. Je disais que la première partie m'avait paru longue, en fait le style de S. Chargounov ne s'imprimait pas en moi, sans doute parce que je m'attendais à plus fort, un peu comme Z. Prilepine. Il m'a fallu persévérer (merci Colette) pour comprendre que Sergueï Chargounov, tout en dénonçant les mêmes choses, le faisait sur un autre mode, celui de la confession : son livre est plus intime, plus doux, plus apaisé (bon, d'accord moins que Z. Prilepine, c'est compliqué). Au final, ils se complètent parfaitement et en lisant les deux, on comprendra mieux la Russie de maintenant, non pas celle que nous avons en tête, l'âme slave et tout ce qui va avec, le souffle de l'aventure, les grands espaces, les héros de littérature, ... Non, celle des petites gens abandonnées par le pouvoir, celle des coins les plus reculés à la fois éloignés des conflits des puissants de la capitale mais très au courant quand même, celle des gens qui doivent se battre pour vivre, plus parfois qu'au temps de l'URSS. Finalement tout a changé dans ce pays : la doctrine, le libéralisme a remplacé le communisme les dirigeants - encore que V. Poutine était du KGB, ..., mais rien n'a changé : les puissants sont toujours autoritaires et leurs amis bénéficient d'avantages alors que leurs opposants doivent faire profil bas sous peine de sanctions et d'intimidations.

Belle idée de la part des éditions de La Différence que de traduire ces deux écrivains russes qui parlent de la vie quotidienne en Russie et de les publier tous les deux.

Voir les commentaires

Mille et un morceaux

Publié le par Yv

Mille et un morceaux, Jean-Michel Ribes, L'iconoclaste, 2015..... 

Jean-Michel Ribes, écrivain, metteur en scène, cinéaste bien connu est aussi directeur du Théâtre du Rond-Point à Paris depuis 2002. Réalisateur de Brèves de comptoir ou de Musée haut, musée bas, il est aussi celui des séries télévisées cultes -et pour une fois le mot n'est pas galvaudé- Merci Bernard et Palace. Plutôt que de se livrer à l'exercice de l'autobiographie, JM Ribes livre ici des anecdotes, des morceaux de sa vie : ses amitiés, ses inimitiés, ses amours, ses passions, ses créations. On y croise du beau monde et du moins beau, certains sont égratignés, mais tout est dit avec humour et une forme de bienveillance, d'admiration pour tous les gens croisés, même ceux avec qui le courant n'est pas passé.

Ce qui est très fort avec ce livre, c'est que je l'a pris par curiosité sur la liste de la Librairie Dialogues, dans le cadre de Dialogues croisés et qu'à peine commencé, j'ai eu du mal à le quitter. J'aime bien Jean-Michel Ribes, ce que je connais de lui, son humour et une partie des acteurs qu'il a fait jouer, Philippe Khorsand et Roland Blanche en tête ; mais il a tourné avec tellement de gens différents que la liste serait trop longue à citer ici. Donc je l'aime bien mais je ne l'avais jamais lu, et là je dois dire que sans être surpris je tombe sur des textes de différentes longueurs très bien tournés. Il a l'art de raconter ses histoires, de nous y intéresser même si nos mondes sont totalement différents : l'histoire de l'huissier qui déboule chez Topor lui réclamer une somme colossale et qui demande à assister aux séances d'écriture entre Topor et Ribes est à tomber (p.27), celle du déjeuner avec Raymond Queneau et son épouse (p.78/80) est un pur bijou de drôlerie et d'inconvenance... il y en a plein d'autres, des drôles, des légères, des tendres, des tristes, des vachardes (notamment pour le ministre de la culture F. Mitterrand, couard devant les manifestations des catholiques ultra conservateurs de Civitas contre la pièce Golgota Picnic qui se jouait au théâtre du Rond-Point).

Certaines histoires prennent le temps de s'installer, d'autres sont courtes. Les paragraphes sur les acteurs ou les personnes que l'auteur aime sont souvent courts, directs et sans emphase.

Il use aussi de l'aphorisme : "La pensée vient en pensant, le calcul en calculant, la vie en vivant, l'amour... pas toujours." (p.57) ou de toutes petites scènes :

"Dieu n'a pas d'existence, c'est l'existence." Phrase de Beatrix Beck entendue à dix-huit heures à la radio dans ma voiture le 19 avril 1993 place de l'opéra. Elle me transperce. Je reste pensif. Je brûle un feu rouge. Trois cent cinquante francs d'amende. Trop cher, je continue d'être athée." (p.211)

Au fil des pages que l'on lit sans se rendre compte que le livre est épais, on arrive très aisément à la fin, on croise des auteurs, des acteurs, des cinéastes, des metteurs en scène, des peintres, Gérard Garouste ami d'enfance -qui écrit aussi et que je veux absolument lire on m'en a dit tellement de bien- de JM Ribes ou Jean Cortot -que je ne connaissais pas, beau-père de l'auteur, dont l'œuvre, enfin ce que j'en ai vu en allant fureter sur Internet me plaît beaucoup, le genre de tableaux dont on ne peut se lasser de regarder, des hommes et des femmes moins connus aux postes pourtant indispensables pour faire tourner un théâtre.

Un bel hommage à toutes les rencontres qui ont nourri Jean-Michel, les bonnes comme les moins bonnes. Se dégage de ce livre une forme de sagesse qui pourrait se résumer par : "profite de tous les instants !"

Mille et un morceaux

Voir les commentaires

De gauche, jeune et méchant

Publié le par Yv

De gauche, jeune et méchant, Zakhar Prilepine, La Différence, 2015 (traduit par Marie-Hélène Corréard et Monique Slodzian).., 

Zakhar Prilepine est l'un des intellectuels protestataires russes les plus actifs. Membre du Parti National-Bolchévique, il écrit régulièrement des chroniques sur ses craintes, ses doutes, sur la société russe qu'il sent partir à vau-l'eau. Il parle aussi de sa vie, de sa femme et de leurs quatre enfants, de leur vie quotidienne pas facile dans ce pays. Découvert en France avec Je viens de Russie, il récidive avec ses chroniques dures, sans concession, mais aussi tendres et volontaires. Zakhar Prilepine, avant d'être écrivain fut soldat, combattit en Tchétchénie, puis fut membre des forces spéciales. Il est aussi connu et récompensé en Russie en tant que romancier, notamment pour son roman Patologii qui raconte sa guerre de Tchétchénie.

On peut sans doute reprocher beaucoup de choses à Zakhar Prilepine, j'y reviendrai plus tard, mais ce qui est sûr c'est qu'il est franc, direct, cru et parfois brutal, et ça c'est plutôt un compliment. Sa langue est sans fioriture et un chat est appelé un chat. Son opposition au pouvoir russe actuel est permanente, argumentée et virulente. Il n'est pas nostalgique de la période URSS -comment pourrait-on regretter les temps staliniens ?- mais il remarque que depuis la perestroïka de Gorbatchev débutée en 1985, et plus particulièrement depuis 1989 et l'effondrement de l'empire soviétique, les Russes vivent moins bien : "Nous nous en souvenons et comment ! Nous n'étions pas bien loin, nous y avons goûté, même que nous en avons gardé un arrière-goût dans la bouche. Ce sont pendant ces années où, pour la première fois après plusieurs décennies, on a vu des centaines de milliers de vieilles gens jetés à la rue faire la manche dans les passages, tandis que des centaines de milliers d'autres retraités défilaient dans les rues en maudissant les "démocrates", en tapant sur des casseroles." (p.163) Certains vivent mieux, les plus riches sont toujours plus riches mais les plus pauvres plus pauvres. Cette ouverture sur l'Occident a chamboulé la société russe, la mondialisation l'a frappée de plein fouet et a laissé beaucoup d'habitants sur le bord de la route. Zakhar Prilepine aimerait revenir à une société plus juste, plus humaine, basée sur les relations entre hommes et non pas sur le profit pour quelques uns, c'est son engagement à gauche, au Parti National-Bolchevique. Je partage largement son avis sur cette question, là où je ne le suis plus c'est sur son nationalisme qui me gène beaucoup : opposer sans cesse les Russes aux Européens, plus ceci ou moins cela, ne me sied point. Il semble oublier ou ne pas savoir qu'en Europe, des voix s'élèvent comme la sienne, mais avec la chance d'avoir des chefs d'état plus démocrates que V. Poutine (moins c'est compliqué). Je n'aime pas le nationalisme en général qu'il soit de France ou d'ailleurs. Je suis heureux d'être français, je suis persuadé que c'est une énorme chance, mais je n'en tire aucune fierté particulière et il ne me viendrait pas à l'esprit, pour attiser l'orgueil national de tirer sur d'autres nationalités. Il me semble que c'est un mauvais calcul, on doit pouvoir faire changer les choses sans se monter les uns contre les autres, sans se construire en opposition.

Autre point qui me dérange, c'est le vieux schéma qu'il a en tête entre les hommes et les femmes. Je ne l'accuse pas de machisme, bien au contraire, il a une profonde admiration pour les femmes et sait le vrai rôle qu'elles tiennent tant dans la famille que dans la société, mais il reste avec l'idée que l'homme doit être fort, viril et évidemment pas efféminé (mais aucune trace d'homophobie dans ses propos).

Il sait se faite tendre lorsqu'il parle de sa famille, Les trois âges de la vie d'un homme est une chronique poétique et très bien vue sur l'éducation des enfants, tout à fait en phase avec ce que j'en pense et ce que j'essaie de faire à la maison. Beaucoup d'autres points qu'il aborde méritent attention et réflexion à laquelle il participe en donnant son point de vue.

Bref, je ne suis pas toutes les idées de Zakhar Prilepine mais, j'en conseille très fortement la lecture, pour voir une autre facette de la Russie que l'on croit trop souvent soumise à son président, pour lire des textes forts bien troussés, bourrés de références russes -expliquées en bas des pages- qui tirent sur tout le monde et dressent le portrait d'une société russe qui va mal, et sans doute plus globalement d'une société mondiale qui ne se porte pas mieux.

Voir les commentaires

L'autofictif au petit pois

Publié le par Yv

L'autofictif au petit pois, Éric Chevillard, L'arbre vengeur, 2015....

Éric Chevillard est écrivain, publié notamment chez Minuit, j'ai lu et aimé de lui La nébuleuse du crabe. Il tient aussi quotidiennement un blog, L'autofictif, dans lequel il écrit des pensées, des aphorismes, des digressions, des mini-dialogues avec ses filles Suzie et Agathe, ... Je vais le lire de temps en temps, mais la plupart du temps, j'oublie. La bonne idée fut donc de publier son journal. C'est L'arbre vengeur qui s'en charge. L'autofictif au petit pois est le septième tome, paru au tout début de cette année.

C'est typiquement le genre de livre qu'on ouvre, referme et ré-ouvre de temps en temps ou régulièrement. Je l'avais un peu oublié depuis quatre ou cinq mois lorsque je l'ai retrouvé au fur et à mesure que je réduisais la pile de livres sur ma table de chevet. Ah chouette, me suis-je dit. Et là, je me suis aperçu que j'en avais lu la moitié, et annoté une grande partie. J'ai repris où je m'étais arrêté, tranquillement.

Éric Chevillard, c'est d'abord une belle écriture mais aussi un esprit un rien barré. Dans son Autofictif, il est drôle, méchant gratuitement -ça c'est pour les gens qu'il n'aime pas mais que j'aime bien-, méchant et bien vu -ça c'est pour les gens qu'on n'aime ni lui ni moi-, agaçant, philosophique, anecdotique, poétique, familial, pas terrible, vachement bien, absurde, ubuesque, littéraire, exigeant, facile, vain, utile, vache, ... Du Chevillard quoi. Très doué, qui ne peut laisser indifférent, parfois imbu, sûr de sa qualité et élitiste, ce qui peut parfois ressembler à une posture. En quelques occasions, il me fait penser à Desproges, cet élitisme et cette méchanceté drôle, lui qui, par exemple pleurait "comme un môme" à la mort de Brassens "Alors que -c'est curieux-, le jour de la mort de Tino Rossi [il reprenait] deux fois des moules."

Le mieux est de finir avec quelques extraits parmi les très nombreux que j'ai relevés, tiens, le premier je le garde sous la main au cas où j'ouvrirais un livre vraiment mauvais :

"Il a certes consacré deux ans à l'écriture de ce livre. Mais la bouse aussi est le produit d'une longue et lente rumination" (p.148)

"Pris d'une audace inhabituelle, j'osai cette fois aborder la jeune femme sublime qui passait dans la rue : "- Si vous saviez, Mademoiselle, comme vous seriez plus charmante encore si vous n'étiez pas lestée comiquement de ce pignouf un peu gras pendu à votre bras." Or, à mon grand étonnement, ce conseil de beauté désintéressé, offert sans autre espoir de récompense qu'un baiser appuyé et un doigt dans le cul, ne fut pas reçu avec la reconnaissance que j'étais en droit d'attendre et je me retrouvai sans bien comprendre comment allongé sur le trottoir avec la lèvre fendue." (p.11)

"Ce qu'il ne faut pas faire pour avoir la chance d'étreindre de belles femmes lorsqu'on est affligé d'un physique ingrat ! Je connais au moins deux types dans ce cas qui n'ont pas eu d'autre choix que d'accéder à la fonction suprême de Président d'une république que je préfère ne pas nommer par respect pour la vie privée de sa population." (p.87)

Et pour finir en beauté et intelligence, voici sans doute deux de mes préférées concernant deux grands pour qui j'ai une admiration profonde :

"La musique porte des émotions simples, l'exaltation, la mélancolie, la douleur, la colère, la joie - mais une musique perplexe ? une musique ironique ? une musique au second degré ? C'est la grande originalité de Satie : alors que les écrivains se flattent tous d'écrire des pages musicales, il est l'inventeur d'une musique que l'on peut sans abus qualifier de littéraire." (p.119)

"Quant au noir de Pierre Soulages, Sétois lui-même (on se comprend), voici le rideau tombé enfin sur la débauche des formes et l'orgie des couleurs -nous jouissons du calme revenu dans le musée éteint, et pourtant il ne s'agit nullement d'un retour à la niaise candeur de la toile blanche : cette nuit est hantée par les scènes et les figures de tous les tableaux qui nous reviennent avec la précision du rêve (ou du cauchemar)" (p.119/120)

 

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 > >>