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bande dessinee

Au revoir là-haut

Publié le par Yv

Au revoir là-haut, Pierre Lemaitre, Christian de Metter, Rue de Sèvres, 2015.....

Un coin de France, à quelques jours de la fin de la première guerre mondiale, le lieutenant Pradelle ordonne à ses hommes d'aller combattre la tranchée allemande face à la leur. Des hommes meurent, notamment deux d'entre eux, tués d'une balle dans le dos par le lieutenant qui veut ainsi galvaniser ses troupes. Le soldat Maillard qui proteste se retrouve projeté dans un trou d'obus vite recouvert. Son copain Péricourt réussit à l'en sortir mais au moment de partir, il reçoit un éclat d'obus qui lui arrache la mâchoire inférieure. Revenus à la vie civile, difficilement, Maillard prend soin de Péricourt pendant que le lieutenant Pradelle fait un beau mariage et des affaires très louches. C'est alors que Péricourt à l'idée de vendre des monuments aux morts.

J'aime bien Christian de Metter, il m'a déjà permis de lire un roman que je n'avais absolument pas envie de lire : Shutter Island. Il récidive avec ce roman de Pierre Lemaitre, Prix Goncourt 2013, qui me tentait mais son épaisseur (presque 600 pages) m'effrayait un brin. Saluons l'exploit des deux hommes de faire d'un pavé une bande dessinée de 168 pages avec très peu de texte. Les dessins sont tellement explicites que je trouve intelligent et très fin de la part de Pierre Lemaitre de les avoir laissés parler. C'est aussi en substance ce que dit Philippe Torreton dans la fin de sa préface, lui qui a lu le roman et son adaptation dessinée.

Difficile d'en dire plus sur cet ouvrage formidable si ce n'est qu'il s'adresse à tous ceux qui ont aimé le roman et à tous ceux qui ne l'ont pas lu. Il se dévore en quelques minutes, puis à peine posé, on y revient, non pas qu'un détail ait échappé, mais l'envie de revoir ces personnages cassés par la guerre est irrépressible. Tout attire, le scénario, les dessins, les couleurs, ...

Une très belle réussite. A lire forcément.

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Le chat fait des petits

Publié le par Yv

Le chat fait des petits, Philippe Geluck, Casterman, 2015..... (Couleurs : Serge Dehaes)

Trois albums en un coffret pour ce nouveau Chat : un album format à l'italienne comme les précédents ouvrages de Geluck intitulé Les desseins du Chat et deux petits livres demi-format de ce même format l'italienne (je ne sais pas s'il a une dénomination particulière) respectivement nommés, dans l'ordre dans lequel je les ai lus : Le scrabble du dimanche et Prêchi-prêchat.

Les desseins du Chat est assez classique, un album du Chat avec les jeux de mots, les blagues parfois liées à l'actualité : islamisme, religion, les flics blancs étasuniens qui tuent des noirs, ... et parfois sans lien avec quoi que ce soit, juste le plaisir de lire une bonne case d'humour, car ce sont plutôt des dessins, les gags en trois cases sont réservés au mini-volume Prêchi-prêchat. Tous les thèmes sont abordés, Geluck ne se refuse rien : les handicapés, le sexe, la scatologie, la mort, la maladie, ... Dans Le scrabble du dimanche, il explique que Madame Geluck veut l'entraîner chaque jour du ouiquende dans des parties du célèbre jeu qu'elle est sûre de remporter, et lui d'inventer force stratagèmes ou excuses bidon pour tenter -tenter seulement- d'y échapper.

Que dire de plus des albums de Geluck que je n'aurais pas déjà dit dans mes nombreuses recensions d'iceux ? Ça devient un exercice compliqué, si je veux me renouveler. Lui y arrive bien, mais je dois dire que je n'ai pas son talent de dessinateur, sinon, je me serais croqué vite fait à lire le nouveau Le Chat, un bon mot au-dessus, et hop le tour était joué : ouais, ouais, ça paraît simple en le disant, mais le problème c'est qu'il faut un savoir-faire et une imagination ou un cerveau de malade. Moi j'ai pas. Geluck a.

Je prends toujours autant de plaisir à ouvrir et à découvrir les bandes dessinées de Geluck, Le Chat me suit depuis longtemps (cf. mes divers et nombreux articles à Auteur(e)s G-J) et comme je suis fidèle, et aussi parce que je ne me lasse pas de cet humour vache et décalé, je continue. Pour finir et parce que ça me fait plaisir, voici les couvertures des trois volumes présents dans le coffret.

Le chat fait des petits
Le chat fait des petits
Le chat fait des petits

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Giovannissima !

Publié le par Yv

Giovannissima ! Tome 3, Giovanna Casotto, Éd. Dynamite, 2015, (traduit par Studios Marmo)...

Giovanna Casotto fait paraître ces courtes histoires entre 1996 et 2001 dans le journal Selen. Elles sont reprises ici par les éditions dynamite dans un bel album. Ce sont des nouvelles érotiques en bande dessinée. Les femmes y sont belles, calquées sur le modèle pin-up des années 50, elles ont donc des formes et aussi du tempérament ; dessinées et scénarisées par une femme, elles ont l'avantage d'être dotées d'un esprit et même capables de réfléchir.

Je ne suis pas un grand connaisseur en matière de nouvelles en bande dessinée et encore moins en bande dessinée érotique -quelques vieux souvenirs des BD de Manara feuilletées je ne sais plus où-, c'est dire si le mot découverte s'applique totalement à mon cas lorsque j'ouvre cet album. Ce qui saute aux yeux, c'est la belle place faite aux femmes, ce qui est sans doute moins le cas dans les ouvrages scénarisés et dessinés par des hommes. Bon, je ne m'appesantirai pas sur les scenarii qui ne brillent pas par leur originalité, mais dans les interviouves reproduites en fin de volume, Giovanna Casotto explique qu'elle s'attache beaucoup plus aux dessins parce qu'elle-même fonctionne comme cela lorsqu'elle regarde une BD. Et c'est vrai que les dessins sont beaux, des personnages essentiellement, nus souvent. Il y est question de plaisir entre femmes, ou entre homme et femme, de séduction, de jalousie voire même de tueur à gages pour se venger, de fantasmes, tous les ingrédients de l'érotisme, tout ce qui fait prendre la sauce, si je puis me permettre. C'est léger ou drôle, pas pesant du tout avec le charme supplémentaire du temps qui passe, sans doute ces femmes mode années 50 y sont-elles pour quelque chose.

Pas de perversions du genre que l'on peut malheureusement trouver sur de nombreuses pages Internet, non, du classique, du bon qui fait "AHHHH", "MMMHH", "NON, NON... OHHH OUI, OUI" voire des OOH... C'EST BON" ou des "SLURP... SLURP",... Nous voilà presque dans Comic strip de Gainsbourg... (ci-dessous en cadeau, ne me remerciez pas, ça risque de vous rester en tête toute la journée)

Néanmoins, c'est un ouvrage qu'il faut garder et ne pas forcément mettre entre toutes les mains, surtout les innocentes, ça reste un album de Bande dessinée adulte, à réserver donc aux adultes.

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Hello monsieur Hulot

Publié le par Yv

Hello monsieur Hulot, David Merveille, Le Rouergue, 2010.....

Monsieur Hulot, le personnage interprété par Jacques Tati est mis en saynètes par David Merveille. Après avoir regardé -je ne peux pas dire "lu" puisque les albums sont muets- Monsieur Hulot à la plage, paru cette année, je fais un retour en arrière dans l'œuvre du dessinateur.

De courtes histoires, en deux pages, la première plante le décor avec des petites images et la dernière, au verso est une seule grande image, la chute, drôle, décalée, poétique, originale, ... Tout Monsieur Hulot quoi ! On ne peut pas se lasser de feuilleter l'album, à chaque fois, la magie du personnage fonctionne, je rigole, je souris, et j'envie un peu l'insouciance de Monsieur Hulot. Le dessin est simple, classique, pas de fioritures, même si certains détails sont intéressants à voir : on reconnaît les personnages et même l'appartement de Monsieur Hulot, tout en haut d'un petit immeuble (pour qui a vu les films, il est facilement identifiable).

Mon seul regret : que le livre ne soit pas plus long...

A mettre entre absolument toutes les mains et devant tous les yeux, même et surtout ceux des enfants, mais parents, faites les curieux, lisez par-dessus l'épaule de vos bambins, vous risquez d'être repérés par vos rires étouffés ou non.

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Monsieur Hulot à la plage

Publié le par Yv

Monsieur Hulot à la plage, David Merveille, Le Rouergue, 2015.....

Monsieur Hulot, le célèbre personnage créé et interprété par Jacques Tati se rend à la plage. Il arrive bien chargé : parasol, épuisette, chaise longue, raquette, drap de plage dans son sac. Il achète un journal bien décidé à passer un bon moment sur cette plage. Chapeau vissé sur la tête, pipe à la bouche, il s'installe après maintes péripéties pour monter sa chaise longue.

Qui aime Jacques Tati et son M. Hulot ne sera pas dépaysé, tout est là : la maladresse légendaire du personnage, sa bonté et son émerveillement devant les petites choses de la vie, sa rêverie quasi permanente, sa poésie... Monsieur Hulot est un grand type dégingandé, inapte à la vie trépidante, qui s'émeut des questions ou des jeux des enfants, il leur plaît parce qu'ils reconnaissent en lui l'un des leurs, ils le taquinent sans agressivite parce qu'il les fait rire.

Une vraie merveille -sans mauvais jeu de mots avec le nom de l'auteur du livre- que cette bande dessinée, un régal qui nous fait sourire à toutes les pages lorsque l'on voit Monsieur Hulot aller de mésaventure et complication ; il prend des poses étonnantes pour s'adapter à la situation pas forcément confortable pour lui, mais il s'en arrange pour ne pas déranger.

Histoire originale avec un personnage connu que David Merveille s'approprie pour la bonne cause, que l'on pourrait presque jurer avoir vue dans un film de Tati tellement l'univers est bien reproduit. Les dessins sont gris plus ou moins foncés comme peuvent l'être parfois les ciels de la région nantaise et nazairienne qui laissent passer les rayons solaires éclairant les paysages d'une belle lumière grise. Grands dessins, sans doute destinés prioritairement à la jeunesse, ce qui est une excellente idée et un formidable moyen de lui faire connaître Jacques Tati, mais adultes, ne vous arrêtez pas à cela, cette bande dessinée totalement muette ne pourra pas vous laisser indifférent et vous donnera sûrement l'envie de voir et/ou revoir les films de Tati, Mon oncle ou Les vacances de Monsieur Hulot entre autres. Personnellement, je ne rate jamais une -trop rare- diffusion télévisuelle, mais je crois que je vais franchir le pas du DVD pour les regarder en famille.

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Deux frères

Publié le par Yv

Deux frères, Fabio Moon, Gabriel Ba, Urban comics, 2015 (traduit par Michel Riaudel) ...,

Yaqub et Omar sont jumeaux. Ils vivent à Manaus au Brésil. Ils ont été séparés tôt, Yaqub a dû partir cinq ans au Liban le pays des origines paternelles. Lorsqu'il revient dans la maison familiale, les retrouvailles ne sont pas joyeuses. Les rivalités qu'ils ont toujours eues reviennent au grand jour, décuplées par la séparation. Avant le départ de Yaqub, une violente bagarre à propos d'une fille avait éclaté entre les deux frères, Yaqub s'en tirant avec une balafre sur le visage. Dans ce Brésil des années 50, en plein essor, les deux frères vont alors adopter deux styles de vie très différents et s'affronter violemment.

Cette bande dessinée est l'adaptation du roman du même titre de Milton Hatoum, paru en 2003 aux éditions du Seuil qui existe aussi chez Actes sud/Babel. Après quelques questionnements quant à ma capacité à suivre ce roman graphique, le rythme est pris. Ce qui me pose question, ce sont des retours en arrière pas forcément expliqués, des personnages assez nombreux et pas toujours très identifiables par le trait ce qui fait qu'on se demande à qui se rapporte le fait raconté, des dessins volontairement malhabiles -ce n'est sans doute pas le terme idoine, mais c'est ce que j'ai trouvé de mieux, par exemple les murs des maisons ne sont pas toujours bien droits. Une fois le pli pris, cet album se lit avec rapidité et grand plaisir. Il s'agit d'une belle et violente histoire de famille, avec ses trahisons, ses amours, ses vengeances, ses actes impulsifs parfois regrettés intérieurement mais jamais face à la victime et donc jamais pardonnés, ... Il est rarement fait mention d'une rivalité telle au sein d'un couple de jumeaux, on lit plus souvent des pages sur la fusion entre les deux, sur la difficulté de vivre sans l'autre, sur l'amour inconditionnel... La gémellité est souvent source de belles histoires de complicité ou d'histoires plus noires, parfois terribles (cf. Manuel de dramaturgie à l'usage des assassins)... dans Deux frères, c'est littéralement à la vie à la mort.

Album en noir et blanc qui oblige à se concentrer sur les personnages et leurs vies, la couleur aurait sans doute détourné nos yeux vers les paysages brésiliens. Le dessin est tour à tour sobre ou au contraire très riche avec de nombreuses silhouettes ou des paysages denses. Le noir et blanc permet aussi d'insister sur la noirceur du propos, le côté sombre des héros et donne de la profondeur tant au paysage qu'aux protagonistes.

Je n'aurais sans doute pas pris ce roman graphique de ma propre initiative, mais il fait partie d'un des deux livres de ce mois-ci pour le club de lecture de la librairie Lise&moi et je confesse une belle découverte.

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Belle-île en père

Publié le par Yv

Belle-île en père, Patrick Weber, Nicoby, Vents d'ouest, 2015 (couleurs : Kness)....

Vanessa Blue est une jeune femme qui a gagné une émission de télé-réalité, qui a ensuite intégré l'équipe d'un feuilleton populaire et assez niais, Au premier regard. Elle en est la vedette incontestée, aussi lorsqu'elle décide de faire une pause de quelques mois pour se reposer et faire le point -et accessoirement travailler un rôle dans du théâtre dit intellectuel-, elle s'attire les moqueries et les foudres de beaucoup. Elle ne cède pas et part s'installer à Belle-île, sur les terres de son père qui l'a abandonnée lorsqu'elle était enfant, qui sont aussi celles de la grande Sarah Bernhardt, celles où elle aimait venir passer les étés.

Voici une bande dessinée bien agréable. Les thèmes sont éternels : la recherche des origines, de la quiétude, la mort, l'amour, le sens de la vie, mais les auteurs, Patrick Weber au scénario et Nicoby aux dessins, les modernisent en faisant de leur héroïne une vedette de la télévision, une de celles qui passent et qu'on oublie pour peu qu'on ait pu les connaître un jour, ce qui, j'avoue humblement mon inculture, est rarement mon cas. Et cette héroïne est bien sympathique, fraîche, contrairement à son amoureux du moment, un écrivain en mal de reconnaissance qui surjoue le côté intellectuel et qui dénigre et méprise tout ce qui n'est pas de son niveau ou de son goût.

Bref, Vanessa Blue -Rozenn de son vrai prénom, plus breton, tu meurs- va se confronter dès son arrivée à l'accueil mitigé des îliens : entre la joie d'accueillir une personnalité et la crainte de voir réapparaître une histoire de famille enfouie. Bon, je vous rassure tout de suite, le suspense n'est pas insoutenable, contrairement à la légèreté de l'être (ouais, bof, un peu facile, n'est-il pas ?), mais il est là pour que le lecteur ne s'ennuie pas au long des 126 pages, et la je vous rassure de nouveau -je fais des prix pour les abonnés-, on ne s'ennuie pas du tout. D'abord parce que les personnages sont très réalistes, sympathiques, des têtes de Bretons bien sûr, on a sa fierté, mais sympathiques quand mêmes (amis Bretons, ne râlez pas, je le suis -tralala- itou). Ensuite, le parallèle avec la vie de Sarah Bernhardt à Belle-île est intéressant et instructif (elle y a vécu tous les étés pendant trente années, au Fort de la pointe des Poulains). Et enfin, les dessins sont plaisants, les protagonistes expressifs et les paysages beaux à tel point que j'irais bien tout de suite à Belle-île... d'autant plus qu'elle fait parte des îles bretonnes que je n'ai pas -encore- visitées.

Une belle histoire donc dans un bel album, mais pourrait-il en être autrement aux éditions Vents d'ouest ?

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Mettez des mots sur votre colère

Publié le par Yv

Mettez des mots sur votre colère, Marc Malès, Glénat, 2015....

Owen Brady est contacté par le National Child Labour Committee qui veut dénoncer le scandale des enfants obligés de travailler, aux États-Unis en ce début de XX° siècle. Il doit les photographier, prendre leurs noms et leurs âges pour faire un reportage. La chose n'est pas aisée, les enfants ne voulant pas se dévoiler au risque de perdre leur travail, les employeurs n'aimant pas voir traîner un photographe près de leurs usines. Au cours de ce reportage, Owen est confronté à son passé d'enfant martyrisé, ce qui rend son travail encore plus difficile.

Très bel album sur les États-Unis du début du siècle dernier confrontés au travail des enfants. Pour les familles très pauvres, ce travail était une nécessité, les parents ne pouvant pas se passer de cet apport de revenu aussi minime fut-il, car en plus de travailler dur, les enfants étaient mal payés. Tout cela, on le sait déjà ; on sait également que ça existe encore dans certains pays dans lesquels les Occidentaux font fabriquer leurs produits qu'ils importeront et vendront cher.

Cette BD a le mérite de nous rappeler qu'il a fallu que certains se battent contre l'exploitation des enfants, contre la course au profit pour libérer les enfants : "La consultation des archives locales était assez édifiante... On y lisait que plusieurs législateurs progressistes s'étaient cassé les dents à vouloir obtenir ne serait-ce qu'un semblant de réforme sur le travail des enfants. La partie était perdue d'avance parce qu'ils avaient en face d'eux le tout-puissant lobby de patrons. Ceux-ci n'envisageaient pas de se priver si facilement d'une telle main-d'œuvre, par définition docile, qu'ils pouvaient exploiter sans vergogne." (p.22)

Cet album s'il met en scène Owen, un personnage fictif, est basé sur la réalité d'un reportage photo mené par Lewis Hine. Owen Brady est son double professionnel mais sa vie d'enfant martyr et d'adulte violent -parfois de manière totalement contradictoire avec le reportage qu'il réalise, avec les gens qu'il rencontre- est fictive. Sans faire de la psychologie de comptoir, Marc Malès met bien en dessins la difficulté de faire face à son enfance lorsqu'une situation qu'on rencontre adulte nous la remet en pleine face. Reproduit-on la violence dont on a été victime ? Jusqu'où peut-on expliquer les pulsions violentes des adultes battus et exploités lorsqu'ils étaient enfants ? Peut-on tenter de réparer le mal fait ? En ce début du XX° siècle, les réponses psychiatriques, psychanalytiques, et autres psy n'étaient pas encore pratiques courantes.

Format à l'italienne qui permet d'élargir certaines cases, de faire des panoramiques, jeu avec le nombre des cases par page, dessin réaliste et ton sépia font de cet album une belle réalisation, une bande dessinée sociale et historique.

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Le sculpteur

Publié le par Yv

Le sculpteur, Scott McCloud, Rue de Sèvres, 2015 (traduit par Fanny Soubiran).....

David Smith est un sculpteur qui a sans doute laissé passé sa chance de devenir célèbre pour son art. Faute d'argent, il ne produit plus, il boit, vit seul. Un jour, attablé dans un restaurant, il rencontre le diable qui lui propose un marché : il pourra sculpter tout ce qu'il souhaite à mains nues, sur tout support mais seulement pendant 200 jours, après il mourra. David accepte car il ne sait pas encore que peu de temps après ce pacte il rencontrera son grand amour.

Connaissant votre sagacité, je ne doute pas que vous ayez reconnu ici le mythe de Faust, ce savant qui a vendu son âme au diable pour profiter de tous les plaisirs et accéder à des savoirs alors inconnus. Scott McCloud s'empare de ce mythe pour son roman graphique absolument formidable.

J'ai été emballé par l'histoire bien sûr, qui même lorsqu'on connaît la fin reste passionnante, d'une part parce qu'une once d'espoir réside : et si le pacte avait un vice de forme ? Et si cet homme qui a retrouvé le goût de vivre émouvait le diable au point de résilier le contrat ? Évidemment, je ne vous dirai rien, il vous faudra aller au bout des presque 500 pages pour savourer le déroulement de l'histoire et son dénouement.

Les dessins sont figuratifs, réalistes, sauf lorsque David réalise des œuvres avec son nouveau pouvoir : elles sont directement issues de son imagination, de ses souvenirs et sont entre réalité et abstraction. Trois couleurs seulement, le noir, le blanc et le bleu. En fonction de la situation telle ou telle domine. Scott McCloud joue aussi avec le nombre de cases par pages : une seule ou deux lorsqu'il a le besoin de ralentir le rythme, presqu'une trentaine et même plus, superposées lorsque le récit accélère. Exactement comme dans un roman : phrases longues pour ralentir, phrases courtes pour accélérer. Des cases saturées de phylactères lorsque David est saoulé des discours environnants, d'autres cases muettes. J'ai lu que l'auteur était un "théoricien de la bande dessinée et de la communication visuelle", c'est dire s'il en connaît les codes ; il les applique donc à son ouvrage magistralement.

A certains moments, lorsque David Smith sculpte dans l'euphorie, j'ai eu des images de Akira, le seul manga que j'aie lu, de Katsuhiro Otomo, récemment récompensé à Angoulème. Les univers sont différents, mais cette folie qui s'empare des héros est assez semblable.

L'éditeur Rue de Sèvres a fait une entrée remarquée dans le monde de la BD il y a deux ans, avec notamment Une histoire d'hommes de Zep, la très belle adaptation de Maupassant, Le Horla de Guillaume Sorel ou Le château des étoiles d'Alex Alice, pour ceux que j'ai lus. Depuis le catalogue s'est étoffé et ce roman graphique ajoute une très belle note à l'ensemble.

Pour les ceusses qui comprennent l'américain, Scott McCloud a un site (cliquez sur son nom, vous y êtes)

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