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bande dessinee

Knock out !

Publié le par Yv

Knock out !, Reinhard Kleist, Casterman, 2020 (traduit par Paul Derouet)

Une nuit, un homme sort d'un bar, il est passé à tabac par quatre hommes lui criant des insultes homophobes et le laissant ensanglanté. Une silhouette humaine encapuchonnée apparaît alors au blessé qui se confie. Lui, c'est Emile Griffith, né en 1938 aux Caraïbes et émigré aux États-Unis après la seconde guerre mondiale. Il travaille chez un modiste, mais son patron impressionné par sa morphologie le présente à un entraîneur de boxe. C'est le début d'une carrière incroyable.

Être noir aux États-Unis n'a jamais été chose facile, on s'en rend compte régulièrement, et encore assez récemment avec l'arrestation meurtrière de George Floyd. Être noir et homosexuel, dans les années 60 n'est pas non plus une sinécure. Emile Griffith, décédé en 2013, fut les deux et un boxeur plusieurs fois champion de monde. Il fut un jeune homme joyeux qui du moment où il eut du succès fut envié, jalousé, insulté. Sa vie vira au tragique un soir de combat gagné dans la douleur. Elle n'eut plus jamais cette petite insouciance et cette joie de vivre qui transparaît dans les pages de Reinhard Kleist.

C'est un album important qui parle d'intolérance, de peur d'autrui, de vieilles idées éculées qui prônent la supériorité de l'homme blanc hétérosexuel. Même si je ne me retrouve pas totalement dans le dessin de l'auteur, trop noir, trop flou, j'ai trouvé cet ouvrage fort. Reinhard Kleist expose la vie du boxeur sans assener de théories, de grands sentiments et c'est la sobriété qui le rend si profond.

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Mes plus grands succès

Publié le par Yv

Mes plus grands succès, Stéphane Trapier, Casterman, 2020

Compilation des œuvres de Stéphane Trapier, illustrateur de presse (Télérama, Le 1 Hebdo, XXI, Le Monde, ...) et auteur de bandes dessinées parues notamment dans Fluide glacial. Entre deux illustrations vintage détournées, on suit l'histoire de Giscard et de Giscarda sa femme, sous les traits des propres parents de l'auteur, tandis que lui-même est un Manu Mac'on, héros d'un monde sans R, qui s'exprime et pense sans cette lettre.

J'eus l'occasion il y a quelques semaines de compulser quelques planches virtuellement et l’expérience ne me satisfit point. Mais dès que je tins en mains la version papier, je fis une autre tête et me régalai aussitôt. La couverture du livre un peu rembourrée et ce dessin incroyable me plurent d'emblée, ce qui me conforta et me conforte toujours dans l'idée que je suis un homme à toucher du papier, à tourner des pages et non point à tapoter un écran pour les faire défiler, surtout lorsqu'il s'agit de bande dessinée.

Stéphane Trapier s'amuse avec des références musicales et cinématographiques de son enfance, et j'ai les mêmes -dont parfois, je ne suis pas très fier- ; il fait se télescoper des illustrations de grands films avec des extraits de chansons françaises : Gabin dit à Ventura, par exemple "C'est pourtant clair : je vous dis d'aller siffler là-haut sur la colline !" Il peut aussi être question des grandes préoccupations sociales, comme la retraite, mais mises en scène avec Superman et des Martiens, un seul dessin, très drôle. Décalage et donc rire.

Et la mise en scène des Giscard sous les traits des parents de l'auteur, avec un Giscard à l'ancienne, un peu machiste et une mère qui subit mais envoie des vacheries est irrésistible :

Elle : "A quelle heure arrivent nos amis pour dîner ?

Lui : Mais... Tu sais bien qu'on n'a pas d'amis...

Elle : Quel dommage ! J'avais préparé une blanquette de cons. C'est comme une blanquette de veau, mais préparée pour des cons. Tant mieux pour toi ! Tu vas pouvoir manger leur part."

Les dessins empruntent à plusieurs genres : la bande dessinée de SF vintage, l'illustration type affiche, le détournement d’œuvres et de personnages célèbres, la couleur, le noir et blanc.

Hilarant, décalé, absurde. J'adore.

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Les naufragés de la Méduse

Publié le par Yv

Les naufragés de la Méduse, Jean-Sébastien Bordas, Jean-Christophe Deveney, Casterman, 2020

Théodore Géricault a peint en 1818/1819 l'un de ses plus célèbres tableaux : Le radeau de la Méduse. Le 2 juillet 1816, la frégate la Méduse s'échoue et les canots ne suffisent pas pour tous les passagers. 170 d'entre eux prennent place sur un radeau de fortune. Deux semaines plus tard, lorsque le radeau est secouru, ils sont dix fois moins nombreux.

L'astuce ou la bonne idée de cet album est de raconter en parallèle, l'histoire de l'échouage de la Méduse et les responsabilités du capitaine du bord qui, lui, prit place sur un canot et les horreurs commises sur le radeau pour rester en vie et la genèse du tableau, œuvre gigantesque qui fit beaucoup parler, le drame étant très récent et encore à l'esprit des gens. Scénarisée par les deux auteurs, même si le suspense est un brin éventé depuis le temps, les pages tournent vite.

L'autre bonne idée est de raconter cette histoire à travers quelques personnages emblématiques, réels et survivants, dont certains, Corréard et Savigny, publièrent un témoignage. S’entremêle à cette tragédie, l’histoire de Théodore Géricault (1791-1824), ses amours, sa vie pécuniaire confortable. Si je connais le peintre, j'avoue que je ne savais rien de sa vie assez brève.

J'aime aussi beaucoup le dessin de JS Bordas. Couleurs claires (sauf pour les nuits). Quasi uniformité des tons et traits expressifs. Très bel album, avec en postface un court dossier sur le tableau de Géricault.

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Psycho-investigateur : L'héritage de l'homme-siècle

Publié le par Yv

Psycho-investigateur,  L'héritage de l'homme-siècle, Erwan Courbier, Benoît Dahan, Petit à petit, 2017

A peine remis de son aventure précédente, et sous la menace d'un procès retentissant, Simon Radius est contraint d'entrer dans les souvenirs d'un presque centenaire à la mémoire défaillante qui ne cesse de parler à son fils d'un trésor. Assisté par Maud, Simon entreprend le voyage au pays des souvenirs de l'homme-siècle, mais ce qu'il va découvrir le troublera durablement.

Le redoutable duo Erwan Courbier au scenario et Benoît Dahan au dessin récidive pour ce tome 4 de cette excellente série tortueuse, dans les arcanes du cerveau et de la mémoire. Très documentée, je ne saurais pas dire ce qui est inventé de ce qui se passe réellement dans nos cerveaux. Sans doute les auteurs ont-ils inséré de la réalité dans leur imaginaire ou vice-versa. Simon Radius voyage physiquement dans les souvenirs du vieil homme et ce n'est pas de tout repos pour lui. Il y a des pages somptueuses, comme l'intérieur du château du Perthuis, que l'on visite en même temps que Maud et le psychanalyste. Le jeu avec les cases de tailles différentes, les plus grandes recelant une foultitude de détails parfois anodins, mais parfois importants. C'est une bande dessinée originale, très inventive, entre fantastique et policier. Une BD bizarre qui ne plaira pas à tous, il faut avoir envie de découvrir, d'être curieux et ouvert. Si vous avez cela, aucun doute, elle vous siéra.

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Psycho-investigateur

Publié le par Yv

Psycho-investigateur, Erwan Courbier, Benoît Dahan, Physalis, 2013

Simon Darius est psychanalyste, psycho-investigateur auto-proclamé. La capitaine Sandra Brody fait souvent appel à lui, au grand dam de son collègue, le lieutenant Padovani et de ses supérieurs qui considèrent Simon comme un charlatan. Il faut dire que sa méthode n'est pas banale : il entre dans les souvenirs conscients ou inconscients des gens pour cibler la vérité et les confondre ou les innocenter et les soigner. Mais ce que réussit Simon sur les autres, il ne parvient pas à le faire sur lui-même, accablé depuis deux ans par la disparition de Dora, sa femme.

Trois tomes dans cet album : Les fantômes de la culpabilité, Les voies étouffées, Les portes dérobées. Et bonne idée de les réunir, car il y a un fil rouge, celui de la disparition de Dora. Si les enquêtes ne sont pas originales dans le fond, la forme, qui prime l'est totalement. D'abord, la manière qu'a Simon d'entrer dans les cerveaux des gens est étonnante : il voyage physiquement dans leurs souvenirs. Puis, il lui faut assembler les pièces du puzzle ainsi récoltées. Les scénarios sont subtilement tortueux et les personnages finement décrits. C'est drôlement bien raconté. J'imagine la recherche documentaire sur la psychanalyse, les rêves, les troubles mentaux, ... fort bien restituée.

Et le plus de cet ouvrage, c'est indéniablement le dessin. Comment dire autrement que somptueux ? Benoît Dahan joue avec les couleurs, les cases, plus ou moins grandes et nombreuses par page pour différencier la réalité des souvenirs des patients et suspects. J'en suis encore tout retourné tant j'ai adoré. J'ai découvert Benoît Dahan avec Dans la tête de Sherlock Holmes, dont je parlerai ici plus tard, car il fait partie d'une sélection pour un Prix reporté pour cause de virus et qui m'avait bluffé lui aussi. Ce dessinateur invente, innove, il a une patte personnelle remarquable et identifiable.

Dernière précision : ce volume est en rupture de stock chez Physalis, il devrait être réédité chez Petit à petit à l'automne, excellente maison qui a fait paraître le tome 4 de Psycho-investigateur dont je parle très très bientôt. Et bonne nouvelle, sur le site de l'éditeur, on peut se tenir informé de la prochaine parution. Elle est pas belle la vie ?

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Imbroglio

Publié le par Yv

Imbroglio, Lewis Trondheim, L'association, 2002

Le mari Charles (un lapin), la femme Mylène (une souris) et l'associé Peter (un chien). Celui-ci vient voir le couple pour avoir des explications sur les falsifications de Charles sur le registre comptable. Mais tout part de travers...

Courte bande dessinée dans laquelle on va de surprise en surprise. Tout le monde  tue tout le monde, mais personne n'est vraiment mort. On se croirait dans Les diaboliques de Henri-Georges Clouzot, mais Lewis Trondheim pousse encore le bouchon. Huis-clos fou, tordu. A l'inverse le dessin est minimaliste : trois personnages-animaux, une pièce avec un feu dans la cheminée, une rambarde et quelques meubles... Le tout en noir et blanc.

L'imagination de Lewis Trondheim n'a pas de limite. Tant mieux.

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Béatrice

Publié le par Yv

Béatrice, Joris Mertens, Rue de Sèvres, 2020

Béatrice se rend chaque jour à son travail aux Galeries La Brouette, elle y est vendeuse en maroquinerie. Marche, train, c'est son quotidien. Un jour, elle aperçoit un sac rouge sur son trajet, qui semble abandonné. Elle finit par le ramasser et le rapporter chez elle. Il contient un album photo qui lui ouvre les portes d'un nouveau monde.

Superbe album muet, sorti juste avant le confinement et qui n'a donc sûrement pas eu la visibilité suffisante. Mais, passer à côté serait une erreur. L'histoire débute doucement et peu à peu, on entre dans une autre dimension, mais je ne veux rien dévoiler qui gâcherait le plaisir de la découverte. Les dessins accompagnent cette histoire fort habilement et élégamment. D'abord en noir et blanc, sauf Béatrice qui est en rouge, les couleurs s'animent lorsque le grand magasin ouvre, puis s'éteignent lorsque Béatrice prend le chemin du retour. C'est très beau et certaines planches sont encore plus que cela. J'ai lu cet album dans sa version numérique, et il me tarde de le tenir en papier pour en profiter encore davantage.

Une bande dessinée comme je les aime, poétique, dans laquelle tout passe par le dessin puisqu'elle est muette. En un mot : excellente.

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Identités troubles

Publié le par Yv

Identités troubles, Benoît Rivière, Philippe Scoffoni, Les humanoïdes associés, 2020

Los Angeles, dans un futur proche, le criminagent Milo Deckman est témoin d'un meurtre. Une femme, épouse d'un chercheur en chimie. Deckman apprend vite que cette femme a une double identité, sous un autre nom, elle est aussi l'épouse d'un dentiste.

Un duo de flics des stups demande à Milo d'arrêter son enquête car il file le mari chimiste et un autre duo louche semble lui aussi suivre ce chimiste.

Polar futuriste qui se suit sans pouvoir ou vouloir s'arrêter grâce au scénario de Benoît Rivière et aux dessins de Phlippe Scoffoni. Tout est fait pour que ce futur ne s'éloigne point trop de nos repères actuels, quelques détails sautent aux yeux pour nous le rappeler. Milo Deckman ne sait pas dans quelle histoire il s'embarque, contrairement à  nous qui en savons un peu plus que lui, suivant les stups et le duo trouble. C'est très plaisant à lire et ce gros volume qui regroupe trois tomes précédemment parus se lit assez vite, sans temps mort. Assez classique dans son ensemble, le classique quand c'est bien fait, c'est bien. C'est le cas avec cette bande dessinée.

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Traducteurs afghans, une trahison française

Publié le par Yv

Traducteurs afghans, une trahison française, Quentin Müller, Brice Andlauer, Pierre Thyss, La boîte à bulles, 2020.....

Après le 11 septembre 2001, les États-Unis entrent en guerre contre les talibans en Afghanistan suivis par certains pays dont la France. Sur place l'armée a besoin de traducteurs, les tardjuman. D'abord simples traducteurs, ils deviennent de vrais soldats participant à certaines opérations. Lorsqu'en 2012, la France se retire d'Afghanistan, elle les oublie, n'en rapatrie que quelques uns, les autres restant au pays au péril de leur vie et de celles de leurs proches menacés par les intégristes.

La France a la mémoire courte et soixante ans après les harkis, elle refait le même coup avec les tardjuman. Moins nombreux, environ 800, certains sont encore en Afghanistan, toujours menacés de mort. Ce roman graphique -ou plus exactement enquête graphique- dénonce ce manquement terrible des autorités françaises qui jouent avec les vies de ceux qu'elles emploient, cherchant ensuite des raisons souvent fallacieuses pour ne pas les autoriser à vivre sur notre sol.

Quentin Müller et Brice Andlauer ont mené une enquête, rencontrant des tardjuman en France et en Afghanistan, ainsi que des personnes qui les défendent. Ils construisent un scénario implacable absolument pas à l'honneur de la France.

Le dessin est sobre, pas chargé, je n'irai pas jusqu'à dire minimaliste, car il y a des décors, géométriques souvent très carrés, le trait est clair, pur, rien n'est superflu. Ce sont des dessins précis en noir et blanc qui appuient le scénario par leur simplicité et leur sobriété.

Roman graphique très documenté qui fait forte impression, qui parle du manque d'humanité et de reconnaissance d'un pays face à une grosse poignée d'hommes auxquels il aurait été tellement simple et naturel de proposer une autre vie.

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