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Recherche pour “quichotte”

Don Quichotte

Publié le par Yv

Don Quichotte. L'ingénieux hidalgo don Quichotte de la Manche, Miguel de Cervantes, illustré par Thomas Baas, école des loisirs, 2022 (traduit par Jean-Pierre Claris de Florian et abrégé par Marie-Hélène Sabard)

"Alonso Quijano, pauvre hidalgo ayant lu plus que de raison des romans de chevalerie, finit par se prendre pour l'un de ses héros de papier en embrassant la profession de redresseur de torts afin de protéger la veuve, l'orphelin et les nécessiteux. En compagnie de son fidèle écuyer Sancho Pança et néanmoins antithèse parfaite de sa propre personnalité, il décide de parcourir le monde en quête d'exploits et d'amour, ne cessant de voir ce qu'il croit et croire ce qu'il voit..." (4ème de couverture)

Don Quichotte, le célèbre Chevalier à la triste figure revient dans cette version abrégée et illustrée par Thomas Baas et destinée entre autres aux jeunes lecteurs. Une version abrégée qui garde donc les mots, le fil du récit, le ton, le style et le rythme de l'auteur. Même si je suis partagé sur le principe, je pense que l'on se prive d'une grande partie de ce qui fait le livre, l'histoire, c'est aussi une bonne manière de connaître les grandes œuvres littéraires. Je voyais l'autre jour, une jeune fille de ma connaissance qui lisait Les Misérables en un seul volume ; lorsque je lui dis que je l'avais lu en trois volumes de 500 pages chacun, elle  écarquilla tant les yeux que je me dis que l'abrégé était une bonne idée.

Don Quichotte je l'avais parcouru, jamais vraiment lu, j'avais, comme beaucoup retenu le combat contre les moulins et évidemment le livre est beaucoup plus que cela. C'est un roman d'aventures et philosophique, souvent drôle, on aime à se moquer des visions de Quichotte et à imaginer les scènes. Son combat est noble, son "devoir est d'aller par le monde, réparant les injustices et redressant les torts." (p.58). Et nous de rêver à un retour du chevalier à la triste figure qui pourfendrait les "méchants" d'aujourd'hui - à ce propos, penser à (re)lire Quichotte de Eric Pessan.

L'éditeur à gardé la traduction de Jean-Pierre Claris de Florian, qui date de 1798 et a confié à Thomas Baas le soin d'illustrer quelques pages, de très jolies illustrations dans des tons verts et roses des moments les plus fameux du livre.

Miguel de Cervantes (1547-1616), écrivit peu mais reste l'un des plus célèbres auteurs au monde grâce à Don Quichotte. Il fut enterré le jour de la mort d'un autre illustre William Shakespeare.

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Quichotte, autoportrait chevaleresque

Publié le par Yv

Quichotte, autoportrait chevaleresque, Eric Pessan, Fayard, 2018.....

"S'est-on jamais demandé ce que ferait Don Quichotte aujourd'hui ? 

Accablé par les nouvelles venues des quatre coins du monde, toutes plus terribles les unes que les autres, l'auteur de ce livre ne trouve de consolation que dans la littérature. Là se trouve l'ultime façon de résister au monde tel qu'il est. Là se trouvent les héros. Là se trouve le fabuleux chevalier à la triste figure, que l'auteur invite à revenir parmi nous. 

Notre triste époque ne fourmille-t-elle pas d'éplorés à protéger, de torts à redresser ?

Et si, mieux encore que la consolation, de la littérature venait le salut ?" (4ème de couverture)

Eric Pessan, écrivain prolifique et néanmoins auteur de romans excellents que je ne pourrais pas tous citer ici (allez voir  et encore ce ne sont que ceux que j'ai lus...) écrit, un jour où l'actualité le blesse encore plus que d'habitude, sur son écran d'ordi DON QUICHOTTE. Et de ce nom part cette idée de construire un roman qui entremêlerait une vie du héros de Cervantès toujours accompagné de Sancho Panza de nos jours et les réflexions de l'écrivain sur la vie, l'écriture, la littérature, l'économie, la géopolitique, le monde étrange dans lequel nous vivons qui marche sur la tête, qui ne reconnaît plus l'humanité, la fraternité, la liberté, sur les hommes qui  vivent aliénés par le travail, l'argent à gagner pour vivre, survivre ou amasser : "J'ai l'impression que ce livre doit être écrit ainsi, mêlant les aventures du Quichotte à mes questionnements d'écrivain. Et, surtout, j'en ai le désir. J'ai envie d'écrire, j'ai envie d'essayer, j'ai envie de tester cette structure, j'ai envie de me frotter au Quichotte, j'ai envie de faire vivre ma bibliothèque, j'ai envie de shooter dans ce qui m'étouffe, de prendre le réel entre deux mains et de le tordre jusqu'à en faire un nœud, comme les athlètes de cirque font d'une barre de fer. Et j'ai envie qu'il soit possible d'écrire juste parce que l'on en ressent le désir." (p.136)

Il est beaucoup question de littérature, des grands noms, de ceux qui ont écrit des livres importants, universels, qui ont donné le goût de la lecture à beaucoup et à Eric Pessan en particulier. Il est aussi question d'écriture, de ce travail dont beaucoup considèrent qu'il n'en est pas un, des efforts même corporels qu'il implique, des choix de vie sachant que peu d'écrivains vivent de leurs livres. Puis Eric Pessan parle aussi de ses indignations, de ses nausées lorsqu'il lit ou écoute ou regarde un journal d'actualité. Alors, il convoque Don Quichotte et Sancho Panza pour réparer les injustices, ce qui donne lieu à quelques passages épiques et drôles.

Certes, le livre n'est pas exempt de quelques longueurs et de répétitions dues à la manière dont l'auteur l'a écrit, sans relire la première partie avant d'aborder la seconde. Mais, malgré cela, je me suis régalé. D'abord parce que je partage beaucoup des points de vue, des indignations, des dégoûts et même des émotions et des sentiments de l'auteur. Ensuite, parce que ce livre n'a pas une forme qui permettrait de le ranger dans telle ou telle catégorie. Il est inclassable, perturbe donc un lecteur qui n'aimerait pas ne pas trouver de repères. J'adore ça quand un écrivain me trimbale loin des règles, des carcans et qu'il se joue des codes en abordant l'autobiographie, le roman d'aventures, la poésie, l'essai, le roman d'introspection, la farce, ... tout cela en un seul volume. Le texte coule aisément et l'on passe des aventures de Quichotte aux réflexions de l'auteur sans souci de compréhension ; les articulations se font naturellement comme si nous étions dans la tête d'Eric Pessan, ou dans la nôtre qui, parfois aussi saute d'une idée à une autre sans apparemment -mais il y en a- de lien. La seule difficulté éventuelle pourrait être dans le fait que ce-dit roman n'en est pas vraiment un tout en en étant un. Mais cette difficulté se transforme vite en découverte, puis en curiosité -ou vice-versa- et en réel plaisir de lecture.

Dire que je conseille ce livre serait un euphémisme, il faut le lire absolument, on cerne mieux après le travail d'un écrivain, un de ceux qui chaque jour se mettent à leur table de travail pour nous donner à nous lecteurs des moments inoubliables -ou pas-, du rire, de la joie, de l'émotion, ... Je pense avoir pris autant de joie à lire ce Quichotte, autoportrait chevaleresque qu'Eric Pessan à l'écrire.

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Bilan 2018

Publié le par Yv

Traditionnel bilan de fin d'année. Moins de coups de coeur cette année, sans doute par plus d'exigence ou moins d'emballements, la sagesse vient en lisant... Très réducteur sûrement car j'ai aimé beaucoup d'autres livres que j'ai recensés. Voici les plus marquants :

- Les choses, Georges Perec, chez 10/18. Pas une nouveauté, mais du Perec, c'est forcément bon.

- Le dernier rêve de la raison, Dmitri Lipskerov, chez Agullo. Barré, délirant.

- Un océan d'amour, Lupano et Panaccione, chez Delcourt. Une BD muette, profondément humaine.

- Tuez-les tous... mais pas ici, Pierre Pouchairet, chez Plon. Polar au coeur des réseaux terroristes syriens. 

- Vies volées, Matz et Mayalen Goutz, chez Rue de Sèvres. Une BD superbe sur les enfants disparus d'Argentine.

- Prenez soin d'elle, Ella Balaert, chez Des femmes-Antoinette Fouque. Un roman profond d'une beauté rare.

- Quichotte, autoportrait chevaleresque, Eric Pessan, chez Fayard. Un livre inclassable qui prend le prétexte de Quichotte pour interroger la société contemporaine.

- Le rêve armoricain, Stéphane Pajot, chez D'Orbestier. Un polar finement construit mêlant archives nantaises et présent.

- Edmond, Léonard Chemineau, chez Rue de Sèvres. La pièce d'Alexis Michalik superbement bédéisée. 

- Le pèlerinage, Tiit Aleksejev, chez Intervalles. Le roman de la première croisade à la fin du XIème siècle. Aventures garanties. 

- Le goût de la viande, Gildas Guyot, chez In8. Un premier roman noir, très noir.

 

Bonnes fêtes, je reviens en janvier

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Le chien de Don Quichotte

Publié le par Yv

Le chien de Don Quichotte, Pia Petersen, Ed. La Branche, 2012

Hugo est l'exécuteur des basses œuvres d'un grand patron pas très regardant sur les méthodes appliquées pour le débarrasser de concurrents ou de gêneurs. Hugo n'a pas d'états d'âme lorsqu'il s'agit d'occire tel ou tel qui s'oppose à Esteban, son patron. Mais un soir, dans un bar, Hugo rencontre un prêtre alcoolique qui a perdu la foi. Celui-ci lui donne un livre qui va changer la vie du tueur. Bouleversé par sa lecture, il décide de faire le bien, à commencer par recueillir et s'occuper du chiot qu'il trouve dans un parking souterrain. 

Nouveauté de l'excellente -on ne le dira jamais assez- collection Vendredi 13 des éditions La Branche. Cette fois-ci il est question de cybercriminalité, de hackers et d'un tueur confronté à ses doutes et son désir de faire le bien. Sauf qu'évidemment, faire le bien n'est pas évident dans cette profession souvent expéditive et atypique. Pia Petersen s'amuse avec ses personnages, joue des stéréotypes, des clichés, en rajoute dans la caricature, et nous lecteurs, eh bien on sourit à la lire. On n'éclate pas de rire, mais un sourire effleure les lèvres tout au long de la lecture. Le "prêtre-athée", personnage secondaire mais déclencheur des événements est drôle, décalé et absolument pas en phase avec le monde qui l'entoure. C'est d'ailleurs ce décalage, cette vie hors des normes qui le rendent drôle. La présentation des hackers, chacun avec ses spécialités, ses motivation pour en arriver là son envie d'en découdre au sein du collectif Vendredi 13 est un régal : on pourrait presque les voir se matérialiser devant nous.

Et que dire de Hugo qui se promène avec son chiot, même lorsqu'il doit effectuer une mission délicate ? Cela donne des situations irréelles presque surréalistes : imaginer un tueur  effectuer son oeuvre tout en protégeant son chien, en le portant lorsqu'il est trop fatigué, ... A quasiment chaque page, j'ai pensé à ce film que j'ai beaucoup aimé, de Pierre Salvadori, Cible émouvante, dans lequel Jean Rochefort est un tueur à gages qui entre deux missions apprend et récite les verbes irréguliers anglais. C'est pour moi le même genre d'humour, noir, décalé et peu probable.

J'ajoute que dans son livre, Pia Petersen dresse un portrait peu flatteur du grand patron, sans scrupules, sans regrets ni remords, en lien très étroit avec les politiques, ce qui ici, est une litote ou un euphémisme :

"Le président s'approcha et lui parla sur le ton de la complicité. On ira jusqu'au bout. On m'a élu pour faire le boulot. Pas question de reculer. Esteban le salua et descendit les marches. Le rendez-vous était terminé. Esteban monta dans sa voiture et quitta l'Élysée et le chauffeur prit la direction du café. Le ciel était sombre et menaçait de se coucher sur les toits. Il faisait un froid de chien." (p.140).

On ne peut pas dire de ce roman qu'il dénonce quoi que ce soit, mais il met le doigt (bon, c'est une image puisqu'un livre, évidemment, n'a pas de doigts) sur des situations et des faits réels dans une ambiance quelque peu barrée et réjouissante. La scène finale que je ne raconterai pas pour laisser le suspense total et entier est absolument hilarante, enfin j'espère que c'est bien comme cela qu'il fallait la voir. Je dis bien "la voir" car les livres de cette collection sont aussi faits pour être filmés et là, je salive déjà à l'avance à l'idée de regarder le film, qui j'espère portera le même formidable titre que je répète juste pour le plaisir : Le chien de Don Quichotte.  

Action-Suspense a aimé, Livrogne moins 

Merci Pauline de chez Gilles Paris.

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Au pays des kangourous

Publié le par Yv

Au pays des kangourous, Gilles Paris, Don Quichotte, janvier 2012

Simon a neuf ans. Il vit dans un bel appartement parisien avec son père Paul, écrivain, ou plutôt nègre pour des "stars" ou personnes plus ou moins connues désireuses "d'écrire leurs mémoires" et sa mère Carole, très souvent absente en voyage professionnel en Australie : elle est femme d'affaires pour la société Danone. Simon est très proche de son père, beaucoup moins de sa mère qui maintient une distance entre eux. 

Un matin, lorsque sa maman est encore en voyage, Simon trouve son papa dans le lave-vaisselle. Lola, la grand-mère originale et fantasque est appelée à la rescousse et va s'occuper de son petit-fils le temps que Paul est interné pour dépression. En visitant son père, Simon fait connaissance d'une étrange petite fille aux yeux violets, Lily.

Gilles Paris est aussi l'auteur d'Autobiographie d'une courgette et il reprend là le même angle de vue, celui d'un enfant. Je ne suis pas très fan du procédé qui cache souvent un manque de profondeur, et qui paraît un peu "facile". Mais force est de constater que Gilles Paris s'en sort très bien. Son parti pris de faire parler un enfant est au contraire pour lui une manière d'aller chercher les fêlures des adultes, de les triturer et de les faire passer par les yeux de l'innocence, ce qui permet de relativiser beaucoup de choses, de se poser des questions sur ce à quoi, nous adultes pouvons parfois accorder de l'importance et qui finalement n'est pas primordial. 

Ce procédé permet aussi de mettre de la fraîcheur dans une situation pas toujours gaie : "Le métier de maman, c'est de voyager en Australie. Elle est directrice de marketing chez Danone. Oui, le yaourt. Alors, quand je suis triste et que maman me manque, je vide six yaourts à la pêche, lentement, à la petite cuiller, et je l'imagine chevauchant un kangourou dans le bush, jusqu'à ce que le sourire revienne sur ma bouche. Le bush, dans le dico de papa, c'est la forêt australienne grande comme huit mille fois Paris." (p.11) Tout passer par le prisme d'un enfant permet de dédramatiser, de mettre de l'humour, du sourire là où un avis d'adulte appesantirait le message. L'écueil, c'est de paraître un peu lisse, un peu trop léger et c'est vrai que malgré des situations lourdes, comme dans son roman précédent, Gilles Paris écrit un roman optimiste ; mais l'optimisme ne signifie pas forcément légèreté. Pour ma part, étant persuadé que le rire ou le sourire voire l'optimisme permettent de faire passer autant voire plus de messages que la noirceur ou la tristesse, j'avoue m'être plusieurs fois interrogé sur telle ou telle situation décrite par l'auteur. Dois-je revoir parfois la hiérarchie de mes priorités quotidiennes ? Et si je tentais moi aussi de voir mes pratiques par l'oeil des enfants présents chez moi, qu'est-ce que cela pourrait changer ? En outre, je peux sans souci m'identifier à Paul étant moi-même père à la maison et donc astreint aux mêmes contingences quotidiennes, aux mêmes tâches et devoirs mais aussi et surtout aux mêmes plaisirs de pouvoir profiter des enfants, grands et petits pour moi. Par contre, pas pour tout ! "Des fois, la musique passe sous sa [celle de Paul] porte et je reconnais Mylène Farmer, Black eyed Peas ou Jay-Jay Johanson." (p.29) Bon, je veux bien pour Jay-Jay Johanson, j'aime bien (tiens, d'ailleurs, ça me fait penser que je pourrais le téléch... euh, non, aller acheter son CD), mais pour les autres, Black Eyed Peas, je veux bien de temps en temps lorsque mon garçon l'écoute, mais Mylène Farmer, non, là c'est trop dur pour moi !

Mon petit -tout petit- bémol viendrait des rêves de Simon, un peu longs à mon goût et trop présents, mais bon, c'est vraiment mon côté mauvais esprit qui me titille et m'empêche d'adhérer en totalité au livre, parce que c'est une toute petite remarque comparée à tout ce que j'ai aimé dedans. Notamment les personnages : Lola, la grand-mère est haut-en-couleur, très atypique. J'ai très envie de la rencontrer elle et ses copines, "les sorcières" ainsi que Fortuné, tous personnages secondaires certes, mais très présents -et heureusement pour Simon et Paul.

En résumé, si vous avez aimé Autobiographie d'une courgette, vous aimerez Au pays des kangourous, on y retrouve la même tendresse, la même candeur, la même innocence enfantine qui permet de décrypter les attitudes des adultes ; si vous n'avez pas lu Autobiographie..., eh bien, vous avez tort, mais vous pouvez vous rattraper avec ce roman. Bonne lecture détente -mais pas que- à vous.

Merci à Gilles Paris pour le petit mot personnel et merci à Olivia des éditions Don Quichotte.

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Les échoués

Publié le par Yv

Les échoués, Pascal Manoukian, Don Quichotte, août 2015..... 

Virgil est moldave, Chanchal est bangladais, Assan et sa fille Iman sont somaliens. Tous ont en commun d'avoir quitté leurs pays pour venir en France. Chanchal est à Paris depuis deux ans et les autres depuis quinze jours lorsqu'ils font connaissance. Nous sommes en 1992, ce sont les premiers clandestins d'une vague qui grossira de mois en mois jusqu'à aujourd'hui. La vie en France est difficile, le travail ne court pas les rues, d'autant moins lorsqu'on est sans papiers. Néanmoins, ils parviennent à se débrouiller avec les marchands de sommeil, les esclavagistes qui exploitent une main d'œuvre docile et pas chère. Pas beaucoup de rayons de soleil dans les vies de ces clandestins, juste penser à survivre.

Bouleversant ai-je lu sur un réseau social avec un petit oiseau bleu. Que dire de plus ? Ce roman est véritablement bouleversant. Il se passe en 1992, on est donc encore très loin des bateaux qui s'échouent au large de Lampedusa ou des migrants qui siègent à Calais en espérant un passage vers l'Angleterre, mais chaque histoire est individuelle et ressemble sans doute à beaucoup de titres à celles des quatre clandestins de ce livre. Je ne vais pas raconter ici ce qui les a menés à quitter leurs pays, la misère, la guerre, les massacres, tout cela P Manoukian le fait très bien et c'est poignant parfois même à la limite du soutenable, mais c'est malheureusement le quotidien de certains. Tous sont attirés par l'occident, par nos richesses et nos facilités de vie, Virgil le dit très bien à un syndicaliste venu leur expliquer le droit du travail français : "Même ce qui semble terne chez vous brille à nos yeux ! Plus vous vous rendez la vie belle et plus vous nous attirez comme des papillons. Et ça ne fait que commencer, nous sommes les pionniers, les plus courageux. Vous verrez, bientôt des milliers d'autres suivront notre exemple et se mettront en marche de partout où l'on traite les hommes comme des bêtes. Il n'y aura aucun mur assez haut, aucune mer assez déchaînée pour les contenir. Parce que ce qu'il y a de pire chez vous est encore mieux que ce qu'il y a de meilleur chez nous. Vous n'y pouvez rien, croyez-moi, ce qui vous gratte aujourd'hui n'est rien à côté de ce qui vous démangera demain." (p.268)

Après la lecture de ce roman, on ne peut plus croire si tant est qu'on y croyait avant, que c'est par plaisir que les candidats à l'exil viennent clandestinement en occident. Lorsqu'on lit le calvaire de leur voyage, les méthodes inhumaines employées par les passeurs qui se font payer cher, et le cauchemar de leurs conditions de vie et de travail lorsqu'ils en trouvent : les employeurs des clandestins sont de véritables négriers et leur manière de choisir tel ou tel ouvrier se rapproche des marchés aux esclaves.

Ce n'est pas un roman que l'on lit pour se détendre, néanmoins, parce qu'il ne peut pas ne pas y avoir une once d'espoir, un minuscule ilot de bonheur dans un tel malheur, Pascal Manoukian ose intégrer une famille de Français pleine d'amour et d'envie d'aider son prochain. Cela ne suffira peut-être pas, mais Virgil, Assan, Iman et Chanchal profitent de toutes les minutes, de chaque seconde d'icelles, comme si elles ne devaient pas se renouveler.

Un roman magnifique, fort et poignant. Bouleversant disais-je en entrée d'article. Je confirme, bouleversant.

A rapprocher de l'excellent film, La pirogue, de Moussa Touré.

A noter pour finir que Pascal Manoukian est un journaliste, spécialiste des zones de conflits et qu'il a déjà écrit un témoignage sur ses années de guerre : Le diable au creux de la main, paru en 2013 chez Don Quichotte.

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A l'Est

Publié le par Yv

A l'Est, Jean Gab'1, Don Quichotte, 2015.., 

Le père de Charles a tué sa mère et les enfants ont été placés en foyer. Après en être parti vers 17 ans, Charles a fait pas mal de bêtises qui lui ont valu des séjours en prison. En 1988, il part d'abord en Allemagne, pays dans lequel il retrouve des potes et participe à des vols de voitures et à un acheminement jusqu'en Turquie. Puis, il part ensuite aux États-Unis. Il y suit Pat un copain. Là-bas, c'est plutôt drogue et extrême violence qui seront son quotidien. Son but : vivre intensément et palper un maximum de fric.

Charles est le double à peine caché de Jean Gab'1, de son vrai nom Charles M'Bouss. Après une enfance pour le moins chaotique, il devient rappeur sous son pseudonyme, puis écrit un premier livre : Sur la tombe de ma mère dans lequel il se raconte déjà. A l'Est est le récit romancé (on est sans doute plus sur de l'autobiographie, mais le mot "roman" est inscrit sur la couverture) de son été et début de l'automne 1988, il vient alors tout juste de passer les vingt ans.

Ce qui surprend agréablement c'est la langue de Jean Gab'1 : de l'argot dont je ne connais pas tous les mots mais finalement qu'importe, même si le sens d'un vocable échappe, la signification globale de la phrase est à la portée des lecteurs, même non rappeurs, même non amateurs du genre en général. On est de la même génération avec l'auteur et je saisis donc les références télévisuelles, musicales, les marques de fringues et même les modèles de voitures. Mais assez vite, je commence à décrocher, tellement je suis loin de cet univers, même si l'écriture me retient encore :

"J'ai levé le pied pour aller me repoudrer le tarin. Le blaire dans la sciure, je me suis mis le cervelet dans le formol avant de taper le goujon avec l'aspirateur d'à côté, un mecton qui faisait partie de la garde rapprochée de Maine. Il avait des lianes greffées sur le scalp et des gouttelettes tatouées sur la poire comme s'il miaulait. C'était déjà pas une gravure, alors la larmichette n'arrangeait rien. Tu me diras, l'art c'est subjectif." (p.138)

Et puis, et puis, ce qui devait advenir advint, je me suis ennuyé, j'ai trouvé le temps long en Allemagne mais j'ai tenu. Mais la vie au États-Unis, entre l'alcool, la drogue, la violence exacerbée, ça m'a gonflé : c'est répétitif, long, j'en ai eu ma dose voire une overdose. Je peux ne pas être le plus rapide des lecteurs, le plus fin de la comprenette, mais bon, en trente pages j'avais pigé ce que Jean Gab'1 m'explique en une centaine. Fin de partie pour moi.

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Bashung l'Imprudent

Publié le par Yv

Bashung l'Imprudent, Bruno Lesprit et Olivier Nuc, Ed. Don Quichotte, 2010

Les deux auteurs, tous deux journalistes retracent le parcours d'Alain Bashung, mort le 14 mars 2009. Ils parlent de ses disques, de ses débuts dans le métier, de son enfance, entre Boulogne Billancourt et l'Alsace. Comment d'un garçon, plutôt timide et effacé, Bashung a pu réussir à devenir une rock star qui a plongé dans tous les abus dès les débuts de son succès pourtant tardif et chèrement acquis, quasiment sans concession, pour finir en artiste unanimement considéré comme le dernier rockeur français et comme celui qui aura toujours cherché à se renouveler.

Avant de commencer cette biographie, gentiment envoyée par Gilles Paris, j'avais déjà lu celle de Marc Besse consacrée au même Bashung. Je n'apprends rien de bien nouveau, si ce n'est tout de même que les auteurs de ce livre ont le recul important et nécessaire pour ce genre de livre qui manquait un tantinet à Marc Besse. Ils ne sont pas dans une admiration sans borne et  n'hésitent donc pas à parler des côtés négatifs du personnage : sa manière de couper court certaines relations, même si elles ont été productives, ses débordement alcooliques, ...

Le livre est bâti comme une biographie autour des disques du chanteur : ses premiers 45 tours de chanteur yé-yé et puis, très vite ceux beaucoup plus rock'n'roll. La carrière de Bashung peine à décoller et après quelques succès critiques, personne en France ne le connait réellement. Il faut attendre Gaby oh ! Gaby en 1980 pour que tout le monde entende parler de lui. Ce titre d'ailleurs sauvera sa carrière qui aurait pu s'arrêter là sans ce succès. Bis repetita quelques années plus tard avec Vertige de l'amour. Enfin, le véritable Bashung se dessinera avec l'album Novice (1989), mais surtout avec Osez Joséphine (1991). Suivront l'excellent Chatterton, le non moins superbe Fantaisie militaire, puis, L'Imprudence, plus noir, plus dur et le plus consensuel Bleu pétrole.

Le livre est un peu difficile à suivre, beaucoup d'allers/retours entre les époques, j'aurais aimé plus de linéarité. Le propos est parfois confus, mais ce n'est pas un roman et on trouve toujours des anecdotes ou des histoires autour de la fabrication des disques qui plaisent.

Et puis, comme moi, les deux auteurs ont comme albums préférés dans la discographie d'Alain Bashung Fantaisie militaire et L'imprudence, auquel personnellement je rajouterai Chatterton, donc on se retrouve forcément.

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Coups de cœur 2015

Publié le par Yv

Je ne pouvais pas vous laisser comme ça sans nouvelle pendant cette fin d'année, alors comme l'an dernier, je vais lister mes coups de cœur, ceux que j'ai classés comme tels au moment de la rédaction de la recension les concernant, et comme l'an dernier, je prends la même illustration. Cette année, je fais court, j'ai lu beaucoup de livres, certains m'ont beaucoup plu mais je ne les ai pas classés en coup de cœur, j'aurais peut-être pu, mais tant pis, c'est fait. Que personne ne m'en veuille, ce classement est purement subjectif et assez restreint, la crème de la crème de ce que j'ai lu en 2015. Par ordre d'apparition sur le blog :

- Manuel de dramaturgie à l'usage des assassins, de Jérôme Fansten (Anne Carrière). Totalement barré et maîtrisé, un polar fou absolument génial.

- Les Amazoniques, de Boris Dokmak (Ring). Une quête lente et belle, une remontée de fleuve poisseuse.

- La bonne, la brute et la truande, de Samuel Sutra (Flamant noir). Parce qu'un bon polar, bien tourné, avec des tronches, c'est quand même vachement bien.

- Corps désirable, de Hubert Haddad (Zulma). Lorsque la science est poussée à l'extrême, quelles sont les questions réelles et physiques à se poser ?

- Les échoués, de Pascal Manoukian (Don Quichotte). Formidable, Magnifique, je n'ai pas assez de mots pour qualifier ce livre à lire et faire lire partout autour de vous.

- Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Noir sur blanc). Pour l'originalité du ton et de la forme.

- Libertalia, de Mikaël Hirsch (Intervalles). Parce que Mikaël Hirsch est quasiment tout le temps dans ma liste de coups de cœur.

- Le vol du Jocond, de Jean-Pierre Bernhardt (Cohen&Cohen). L'aventure dans le monde de l'art. Jouissif.

- J'étais la terreur, de Benjamin Berton (Christophe Lucquin). Un point de vue osé, un parti pris qui peut diviser et qui me plaît beaucoup.

- Lettres contre la guerre, de Tiziano Terzani (Intervalles). Parce qu'on a besoin de gens comme Tiziano Terzani qui pensent d'abord à l'humain et à la paix. Un sage.

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