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Recherche pour “le péril vieux”

La peur bleue

Publié le par Yv

La peur bleue, Maurice Gouiran, Jigal polar, 2021

Un vieux harki est retrouvé mort, assassiné dans un rituel étrange. Lorsque Sami Atallah, flic à Marseille se rend sur les lieux, il découvre que la victime est son père avec qui il a coupé les ponts depuis longtemps, depuis qu'il lui a annoncé son homosexualité. C'est la capitaine Emma Govgaline qui est chargée de l'enquête. Elle a été débarquée de son enquête précédente concernant l'effondrement d'immeubles insalubres dans la ville qui a fait des victimes. Quelques propriétaires sont des élus auxquels Emma voue une haine terrible. Elle demande à son ami, le journaliste Clovis Narigou de l'aider à enquêter sur la mort du harki, malgré la tension très palpable entre eux deux. Leur relation faite de hauts et de bas est dans un bas... très bas.

Deux gros dossiers pour ce nouveau polar de Maurice Gouiran avec son héros préféré Clovis Narigou : le scandale des logements indignes dans la ville de Marseille qui, il y a quelques années se sont écroulés en faisant des victimes et le sort réservé par la France aux harkis parqués pour certains jusque dans les années 90.

Maurice Gouiran ancre toujours ses romans dans une époque ou un fait un peu oubliés qu'il met au grand jour. Il est un auteur de roman policier social qui s'intéresse aux petites gens, à ceux qui triment et qui trinquent des décisions des politiques qui, à Marseille trempent dans un système pas très sain depuis des décennies. J'aime bien ses polars parce qu'ils sont réalistes et humains, c'est toujours cela qui prime. Et là, Maurice Gouiran est en colère, révolté. Comment ne pas l'être lorsque des élus bien de leur personne, arborant souvent des valeurs chrétiennes, humilient et profitent des plus faibles pour se faire de l'argent ? Comment ne pas s'indigner lorsque l'on sait comment la France a traité les harkis, des combattants qui ont pris son parti et qu'on a remercié en les mettant dans des camps ? Le romancier cite des propos de de Gaulle et d'autres sur les harkis qui font froid dans le dos, c'est tout simplement ignoble.

C'est dans cette ambiance malsaine que Clovis tente de comprendre ce qui s'est passé après la fin de la guerre d'Algérie et pourquoi des harkis, âgés d'environ quatre-vingts ans se font assassiner. Le lien est sans doute à trouver en remontant les années, ce qu'il fait très pédagogiquement, tant mieux pour nous lecteurs qui comprenons mieux la situation. Si l'enquête concernant les émus de la ville risque de passer à la trappe, celle qui cherche à trouver le meurtrier des harkis menée par Clovis a des chances d'arriver au bout. Parce que Clovis, comme son double qui lui écrit ses histoires, est révolté et qu'il compte bien montrer qui sont ces combattants français malmenés, humiliés. J'ai l'impression que c'est l'un des polars de l'auteur les plus virulents contre les autorités de l'époque et contre celles de maintenant qui maltraitent les plus faibles, surtout s'ils ont la peau foncée ou des origines étrangères. La xénophobie, le racisme font vendre en ce moment sur certaine chaîne de télé entre autres avec des intervenants de plus en plus nombreux, j'avoue que ça me met en colère et que ça me fait peur cette montée d'un nationalisme franchouillard. Il faudrait plein de Maurice Gouiran pour contrecarrer ces offensives de la haine.

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Un baiser qui palpite là, comme une petite bête

Publié le par Yv

Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, Gilles Paris, Gallimard, 2021

Iris, adolescente, après avoir subi un viol par son beau-père a cru trouver le réconfort dans la fréquentation des garçons de son âge. Elle s'est donnée à beaucoup d'entre eux, devenant ainsi aux yeux de tous une fille facile. Une vidéo d'elle circule sur les portables de tous les lycéens, Iris subit alors les insultes, les regards, remarques et textos assassins. Ne pouvant plus supporter, elle se suicide.

C'est un choc pour tout le lycée et particulièrement pour un groupe d'amis emmenés par Tom et Emma, les jumeaux. Tour à tour, ils s'expriment et tentent à leur manière de défendre la mémoire d'Iris.

Si vous me suivez régulièrement, ce qui est une excellente idée que vous devriez partager, vous savez que j'aime beaucoup les livres de Gilles Paris et celui-ci ne fera pas exception. Ce qui m'a surpris, pourtant habitué à l'écriture du romancier, c'est le ton, et cela dès le début. Du rentre-dedans, pas de mièvrerie et de sucré, Gilles Paris commence très fort, son premier chapitre est dur, fort voire violent : "Ma mère ne m'a pas crue. Elle m'a dit qu'une fois de plus je voulais faire l'intéressante et le mal autour de moi. Puis elle m'a giflée. Je me suis enfermée à clé dans ma chambre. Ce que je fais chaque soir, au cas où il reviendrait. Je revois la pénombre de l'autre nuit, où je sens son odeur de cigare tout autour de moi. Je veux allumer la lampe, mais mon beau-père m'en empêche. Je crois mourir  quand il se couche sur moi de tout son poids." (p.9) Et la suite est encore malheureusement plus dure. Puis, dans les chapitres suivants, Emma, Tom, Timothée, Gaspard, Chloé,  Aaron, Sarah, Léon, Solal, Virgile, tous autour de 15/17 ans racontent leurs vies qui tournent beaucoup autour de l'amitié, l'amour, le sexe. Beaucoup de soirées dans lesquelles les jeunes gens se retrouvent, boivent et flirtent et souvent plus. Ils testent leurs limites, aiment se faire peur en allant trop loin. L'adolescence où l'on se sent invincible même si la mort les a touchés récemment avec celle d'Iris.

Gilles Paris, dans de courts chapitres, aborde des questions qui taraudent les jeunes souvent dans des familles dans lesquelles les parents sont dépassés, par le travail, parce qu'il en ont trop ou pas du tout, par les séparations, les conflits. Il y est aussi question des problèmes liés aux harcèlements, à la violence et aux comportements qu'ils peuvent entraîner chez les victimes. Son écriture est extrêmement moderne, vive, rapide et émaillée de mots et expressions contemporains -je rassure les vieux comme moi, il y a un lexique des ados à la fin. Et puis, on apprend à connaître les jeunes gens qui interviennent dans cette histoire, à vouloir les aider, à compatir à leur mal-être. Gilles Paris, tout en finesse en fait des personnages très vivants et réalistes, des adolescents dans un monde pas facile où tout est tentation et l'avenir pas très engageant.

J'ai beaucoup aimé ce roman, par sa construction avec l'alternance des narrateurs, par sa langue et le ton résolument moderne, frontal. Un ton qui devrait plaire aux ados de l'âge des héros et au-dessus (sans doute pas en-dessous, mais peut-être suis-je trop protecteur), et que je conseille fortement aux parents itou. Le mieux étant de le lire pour savoir le conseiller et en parler ensuite aux et avec les ados.

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La mystérieuse nuance de bleu

Publié le par Yv

La mystérieuse nuance de bleu, Jennie Erdal, Métailié, 2022 (traduit par Gilles Robel)

Edgar Logan, traducteur français arrive a Édimbourg pour travailler à une nouvelle traduction de l’œuvre de David Hume, philosophe écossais du XVIIIe siècle. Il est accueilli par un vieux professeur, Sanderson, et sa femme, une séduisante artiste plus jeune que lui.

Edgar s'installe dans un cottage et commence son travail de traduction. Il répond également aux invitations des Sanderson et le professeur l'initie à la pêche à la mouche.

Jennie Erdal est une romancière, éditrice, traductrice du russe, ghostwriter écossaise récemment décédée (1951-2020). La mystérieuse nuance de bleu est son premier roman, paru en langue originale en 2012. Le roman doit son titre à une théorie de Hume qui dit qu'un homme qui n'aurait jamais vu une certaine nuance de bleu et auquel on présenterait toutes les autres nuances de bleu de la plus claire à la plus foncée en laissant un espace vide pour cette nuance particulière, comblerait ce manque avec sa propre imagination.

C'est un roman qui peut être parfois long, pas mal d'apartés qui de prime abord auraient pu me lasser mais qui se révèlent passionnants ; ils abordent la philosophie de Hume et la philosophie en général -ceux qui m'ont moins intéressé sont ceux qui concernent la pêche à la mouche. Ces à-côtés donnent la chair du roman, le squelette étant l'histoire d'Edgar Logan et des Sanderson. Jennie Erdal construit un roman intelligent, instructif et philosophique sur un ton léger pour lequel elle use de pas mal d'humour, de décalage et du cynisme du professeur Sanderson sur le bonheur -il a écrit un livre sur ce sujet- mais aussi sur la religion et son athéisme me réjouit, me fait sourire et opiner : "Le libre arbitre n'est jamais mentionné que quand les religieux veulent pointer la stupidité de l'homme, et jamais la cruauté de leur Dieu prétendument bienveillant et de son horrible plan divin. C'est un fait que la religion prospère sur la peur, et même aujourd'hui, au XXIe siècle, sa propagation nous est imposée, comme la culture des patates sous le règne de Catherine de Russie. Les histoires fausses sont convaincantes -ça a toujours été le cas- et les religions procurent du réconfort, même si c'est un faux réconfort. En un sens, Eddie, Dieu est l'ami imaginaire suprême." (p.116)

Il y a aussi de très belles pages sur le métier de traducteur, comment icelui réécrit le texte : "C'est vrai que l'on ne part jamais de rien, il y a toujours une création antérieure, l’œuvre originale. Mais ce n'est que le point de départ. Il faut ensuite créer autre chose à partir d'elle. [...] Il faut bien sûr restituer le sens du texte original, et lui être le plus fidèle possible. Mais pour être proche du sens du texte que vous avez sous les yeux, il faut savoir parfois s'écarter de ce dernier." (p.264/265)

Bref, pour ne pas faire trop long, c'est un roman dense, qui aborde en profondeur certains sujets comme l’œuvre de Hume, la philosophie et l'un de ses thèmes favoris le bonheur, la traduction et installe des personnages qui vont des facettes d'eux-mêmes insoupçonnées, qui vont nouer et dénouer des relations. Tout cela est bien vu, bien amené, passionnant et fin. Et si les parties de pêche m'ont moins intéressé -elles ne sont pas très nombreuses-, la couverture aux hameçons colorés est superbe.

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Trafic

Publié le par Yv

Trafic, Galien Sarde, Fables fertiles, 2023

Lorsqu'il croise Manon à Paris, Vincent n'a de cesse de la revoir. Il est bientôt exaucé et leur relation débute, prenant toute la place dans la vie de Vincent qui en néglige son travail. Renvoyé, il consacre son temps à Manon. Ils voyageront en Louisiane, sur les lieux d'un film que Manon a tourné quelques mois auparavant. Film mystérieux qui hante Vincent qui est parvenu à en lire une copie. Il sera aussi question d'un pactole.

Court roman extrêmement bien écrit. De superbes phrases, élégamment tournées, qui, m'ont beaucoup plu. Parfois courtes, souvent longues comme celle-ci : "A la sortie du terminal, ils louèrent une voiture dans une agence concurrencée par d'autres à bout portant, une Chrysler, à bord de laquelle ils traversèrent une bonne partie de la nouvelle ville, toute en hauteur, mirage gris-vert, avant de déposer leurs bagages dans un hôtel bien placé mais mollement sordide, interlope -un jeune homme caressait de manière aguicheuse celle qui pouvait être sa copine dans une petite pièce donnant sur l'escalier qui conduisait aux chambres, l'ascenseur ne fonctionnait pas, resté bloqué dans les années 70, tout comme les meubles et la décoration (inox, formica et velours), la climatisation, très mal." (p.70/71) Cette phrase a en elle pas mal de choses que l'on retrouve tout au long du livre. Je l'ai écrit plus haut, une certaine élégance, une beauté évidente, un rythme chaloupé et quelques jeux avec les mots, que j'aime bien : l'ascenseur et les meubles bloqués dans les années 70,  la concurrence "à bout portant" et l'hôtel "mollement sordide" et qui ont l'avantage d'être très visuels (pour ceux qui, comme moi visualisent leurs lectures).

J'ai aussi aimé l'intrigue, on sent qu'un drame se joue sans vraiment savoir lequel ni de quoi il retourne. Galien Sarde distille les indices à dose homéopathique, joue avec nos nerfs et notre patience. Il use de retours en arrière pour expliquer la situation des deux amants, de zones de flou pour maintenir la tension. Le tout est habilement et subtilement mené.

Dans ce roman très beau, l'histoire tient le lecteur de bout en bout, mais je dois dire que ce qui m'a totalement charmé et convaincu, notamment que Galien Sarde est un auteur très talentueux, c'est son écriture. Je vais peut-être faire vieux con -comme dirait l'autre, j'ai l'âge-, mais lire de si belles lignes, en un français irréprochable, bien que trituré, bouleversé, dansé, agrémenté de mots rares, de nos jours où le vocabulaire a tendance à se simplifier voire m'est parfois devenu totalement abscons -surtout s'il emprunte sans intérêt pour la qualité ou la finesse à d'autres langues-, fait un bien fou. Alors merci Galien et merci Fables fertiles, éditeur que je découvre.

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Épaulard

Publié le par Yv

Épaulard, Thierry Brun, Jigal polar, 2022

Épaulard c'est son nom lorsqu'elle travaille en tant qu'agent privé de protection rapprochée. Efficace, professionnelle reconnue et exigeante. Tellement bien réputée que certains tentent de l'embaucher hors son employeur habituel. Elle accepte un contrat très bien payé : convoyer jusqu'en Italie la femme d'un puissant homme d'affaires et leurs deux fillettes. Au détour d'un virage, après sept heures de route, c'est l'attentat, seule Épaulard est vivante. Diagnostic réservé. Pronostic vital engagé.

Quelques mois plus tard, Épaulard redevenue Béatrice s'isole dans un village du centre de la France. Elle n'a plus goût à rien et veut se faire oublier. Elle fait la connaissance et se lie avec le curé local, Pôl.

Certains romans dits classiques ou de littérature blanche lorgnent vers le noir ou ont une intrigue plus ou moins policière pour ossature. Rarement le contraire. Et pourtant, Thierry Brun écrit là un roman noir qui flirte avec la littérature blanche. Pas ou peu d'action. Sauf le départ, très tendu même avec la sécurité autour d'un homme d'affaires. C'est détaillé, précis. La tension ne retombe pas, à chaque page, que dis-je, à chaque phrase on s'attend à un événement dramatique. Puis, il y a bien sûr le contrat qui finit mal et de nouveau une tension quasi insoutenable.

Ensuite, Thierry Brun écrit un roman sur cette femme blessée dans sa chair et dans son esprit, en proie aux doutes, à la remise en question. Le traumatisme, la culpabilité la rongent. Toujours en alerte, jamais en repos total, jamais en confiance, Béatrice ne se laisse pas aller. Elle s'interroge en permanence, scrute, scanne son entourage mais aussi les gens qu'elle rencontre. Son esprit et sa vigilance ne sont jamais au repos. Elle tente de se faire oublier, de s'oublier pour mieux repartir si tant est que cela lui soit possible. Pôl, le curé, la pousse dans ses retranchements, la force à se révéler. C'est le portrait en profondeur d'une femme qui souffre et qui sent une menace qui rôde sans pour autant parvenir à la définir.

Saisissant et noir. Sombre avec des touches lumineuses. Tendu même dans ce petit village d'où le danger semble très lointain. Une écriture belle et sèche, réaliste et qui va au plus court, qui sait néanmoins aller au plus profond des sentiments et des questionnements. Bref, encore, un excellent choix éditorial, on ne le dira jamais assez.

"Légère brise. Un moment de douceur. Il dure le temps d'une respiration ou d'une soirée comme elle les aime, au printemps, quand le soleil rougit l'horizon, que ses feux étirent les ombres.

Debout contre la rambarde de la terrasse, au dernier étage du Negresco, face à la mer, Béatrice laisse s'étioler un éblouissement, le même que dans ses souvenirs, des images d'un grenier, forteresse et solitude, dans la poussière et le toiles d'araignée, fils d'or qui troublaient son reflet dans le vieux miroir en pied." (p. 9)

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Ça coince ! (60)

Publié le par Yv

Regarde le vent, Marie-Virginie Dru, Albin Michel, 2023

"Au lendemain de la mort de sa grand-mère, tandis qu'elle feuillette de vieux albums de famille, Camille se met en tête de retracer la lignée de ses aïeules, des femmes libres et extravagantes... Chaque nuit, au fil de sa plume, elle puise son inspiration dans ce passé triste et joyeux, exhume des secrets bien gardés et fait revivre quatre générations d'amoureuses qui n'ont pas hésité à braver les interdits de leur temps." (4ème de couverture)

Bon, je me dis, un roman où l'on parle de plusieurs générations de femmes qui ont toutes aspiré à une certaine liberté et qui ont transmis cela en héritage à leurs filles, ça doit être pas mal. J'en ai déjà lus de très bons dans le genre. Mais là, je ne m'y retrouve pas. Le ton sans doute. Le style sûrement. Enfin rien ne m'accroche et mon esprit caracole hors du livre, si bien que lorsqu'il daigne y revenir, je confonds Henriette, Odette et Annette, je ne sais plus laquelle est la grand-mère la bi ou la trisaïeule... Heureusement, la narratrice, c'est Camille, là ça va.

Dans un bouquin, j'aime qu'on me surprenne, par l'histoire ou la manière de la raconter, par l'écriture. Dans ce livre de Marie-Virginie Dru, tout me semble un peu attendu, même les "secrets bien gardés" qui de fait ne peuvent que l'être sinon, ils ne seraient plus secrets ; c'est aussi cela qui ne me sied point, des facilités, des expressions toutes faites... Bref, pas pour moi.

La cure, Cécile David-Weill, Odile Jacob, 2023

"Christine, chef et chroniqueuse gastronomique décide d'aller perdre du poids dans une clinique au sud de l'Espagne. Sur place, elle rencontre trois femmes et un homme.

Leurs destins vont s'entrelacer et les événements s'enchaîner, nous entraînant au cœur d'un centre de remise en forme, pour y découvrir dans les moindres détails, souvent hilarants, le déroulement d'une cure." (4ème de couverture)

J'avoue, en recevant ce livre, m'être posé la question : "Mais pourquoi à moi ?" Erreur de destinataire ou volonté de faire découvrir ? Je penche évidemment pour la seconde hypothèse, mais ça ne fonctionne pas, et la question se fait de plus en plus insistante. Dès le début, dès les premières pages, je sens, je sais que ça ne sera pas un livre pour moi. Et la suite confirme cette impression. Plus j'avance plus je me désintéresse des personnages et de leurs petites histoires qui, contrairement au résumé, ne me font pas rire. De même, je ne trouve aucun intérêt à l'écriture de Cécile David-Weill que je trouve fade, plate avec pas mal d'expressions toutes faites et pas de surprise. Tant pis..., mais un roman qui débute par ces phrases me fait craindre l'endormissement : "A l'évidence, Dieu n'était pas sectaire. Sinon, se serait-il manifesté en de telles circonstances ? Pourtant, quelques jours avant d'aboutir à cette conclusion, Christine fulminait : pourquoi avait-il fallu qu'elle attende l'instant du départ pour se rendre compte que son idée était absurde, qu'elle n'avait aucune envie de jeûner, et surtout pas en compagnie de Brigitte qu'elle connaissait somme toute assez mal et dont les grands airs l'horripilaient déjà !" (p.15)

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Les larmes de Belle-Île

Publié le par Yv

Les larmes de Belle-Île, Jean-Paul Le Denmat, Palémon, 2023

2013, un très vieux prêtre est retrouvé, assassiné dans une église de Nantes. Ludovic Le Maout et son coéquipier surnommé Sans Sucre arrivent sur les lieux. Le tableau est macabre. Ludovic sort et a à peine le temps d'apercevoir une moto noire quitter les lieux rapidement.

Puis c'est au tout d'un juge de disparaître dans la presqu'île de Rhuys, près de Vannes. Les deux affaires semblent liées.

1933, Lucien, 13 ans, est envoyé dans la colonie pénitentiaire de Belle-Île pour des faits qu'il n'a pas commis. Sa mère, injustement accusée de vol est jetée en prison.

De nouveau Ludovic Le Maout entame une enquête qui le mènera très loin sur les chemins de l'enfer et de l'horreur. Tout remonte à la colonie pénitentiaire de Belle-Île, le Maison d’Éducation Surveillée de Haute-Boulogne, dans laquelle des enfants étaient envoyés pour des motifs souvent véniels, parfois même juste parce qu'ils étaient orphelins et pauvres. Là-bas la vie y était rude, infernale. Les pages sur le calvaire de ces jeunes gens sont terribles, violentes, à l'image de ce qu'ils subissaient : "L'Brisou et toute l'administration les voyaient comme des vauriens, des indomptables, des rebelles, des brutes avec des tares héréditaires visibles sur leurs visages fatalement destinés à la prison ou au bagne. Seul remède pour les arracher à leurs vices : les faire plier et les mettre dans le droit chemin. Haute-Boulogne. Bien plus dure que la prison. Pire que le bagne. L'enfer." (p.84) Ces pages m'ont immanquablement ramené à un autre polar lui, il y a quelques années, sur ces mêmes centres, mais à Lyon : De mal à personne d'Odile Bouhier. JP Le Denmat y consacre 120 pages, très documentées, que l'on lit d'une traite. Il s'inspire de faits réels et notamment une évasion, en 1934, de 56 jeunes gens tous repris, sauf un retrouvé noyé. 

Les thrillers de l'auteur sont toujours très denses, tourmentés -à l'image de son héros-, parfois jusqu'à une certaine difficulté à s'y retrouver, dans les différents personnages, les dates... On saute de surprise en rebondissement, de péripétie et coup de théâtre. Il est bien difficile de lâcher le livre. C'est encore plus vrai cette fois-ci grâce au contexte particulièrement fort et prégnant.

Et puis, il y a aussi Ludovic Le Maout, son flic récurrent, en proie à des angoisses, des peurs, des troubles de l'attachement avec Rita, rencontrée sur un tome précédent. Il doute de lui, d'elle, est particulièrement jaloux, peut passer d'une humeur dépressive pour un geste absent et remonter très vite dans une espèce d'euphorie après un mot doux. L'équipe qu'il forme avec Sans Sucre est efficace et c'est toujours un plaisir de la retrouver.

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Le cuisinier français

Publié le par Yv

Le cuisinier français, François Pierre La Varenne, Éd. Vendémiaire, 2016.....

Sous titré 400 recettes du XVII° siècle, ce livre regroupe les recettes d'un grand chef de l'époque, François Pierre La Varenne. Édité en 1651, le livre obtint un fort succès et devint une bible pour le cuisiniers de l'époque. La version ici présente est abrégée, modernisée et illustrée. Plusieurs chapitres mettent l'eau à la bouche : Potages, Entrées, Accompagnements et ornements, Entremets, Tourtes et pâtés salés, Confits, conserves et salaisons, Desserts et pâtisseries sucrées, Confiseries, confitures, curiosités et délicatesses, Quelques breuvages et agréments pour la table.

La première chose qui vient à l'esprit en feuilletant ce livre, c'est qu'il est beau, richement illustré et que la langue (pas celle de porc ou de bœuf, même s'il en est question) est datée et étrangement belle, des tournures qu'on ne retrouve plus guère maintenant ni dans les romans ni dans les livres de cuisine. Rien que les noms de certains plats ou de titres de chapitres sont dépaysants : "Entrées qui peuvent se faire dans les armées ou à la campagne", "De plusieurs sortes de choses à confire, pour garder dans le ménage de la maison ou de cabaret".

Si certaines recettes semblent encore faisables de nos jours -notamment tout ce qui concerne les confits, confitures, et boissons-, il n'en est pas de même pour toutes quoique elles pourraient endiguer la prolifération de certaines espèces non endémiques : Potage de tortues : Prenez vos tortues, coupez-leur la tête et les pieds, faites-les cuire avec de l'eau, et quand elles seront presque cuites, mettez un peu de vin blanc, des fines herbes et du lard. Lorsqu'elles seront cuites, ôtez-les de la coquille et tirez-en la bile, coupez-les par morceaux et passez-les à la poêle avec du bon beurre, puis faites-les mitonner dans un plat, ainsi que votre pain et votre bouillon. Enfin, garnissez vos tortues bien assaisonnées d'asperges coupées et de jus de citron, puis servez." (p. 21) Végétariens abstenez-vous car il est beaucoup question de viandes, de poissons, dans ces années-là, on présentait cinq plats par repas (pour ceux qui en avaient les moyens, les plus pauvres n'en avaient souvent qu'un seul, le simple potage).

Le XVII° siècle est celui où la cuisine française se modernise et acquiert ses lettres de noblesse qui en feront plus tard et pour longtemps la meilleure cuisine du monde. La Varenne fut un précurseur du livre de cuisine, de la cuisine au beurre (la recette du beurre clarifié que l'on conseille encore de nos jours est dans ce livre). Son éditeur, Pierre David, en 1659, dans la préface écrit des phrases totalement d'actualité : "Nous connaissons quantité d'ouvrages, et qui ont été bien reçus, sur les remèdes et les guérisons des maladies à peu de frais, sans avoir recours aux apothicaires. Mais celui-ci, vous enseignant les manières de corriger les qualités vicieuses des viandes par les assaisonnements diversifiés, qui n'a de même pour but que la conservation et le maintien de la bonne santé, qui ne tend qu'à donner à l'homme une nourriture solide, bien apprêtée et conforme à des appétits qui font, en beaucoup de personnes, la règle de leur vie et de leur embonpoint, ne doit pas, à mon avis, être moins considéré. En effet, il est bien plus doux de faire une dépense honnête et raisonnable, à hauteur de ses moyens, en ragoûts et autres délicatesses de viandes pour faire subsister la vie que d'employer une immense fortune en remèdes pour recouvrer la santé." (p.11)

Un ouvrage à feuilleter, qui peut donner des idées, j'en ai repéré quelques unes pour cuisiner les vieux légumes qu'on a de plus en plus sur les marchés (panais par exemple) voire même ceux qui ne sont jamais tombés en désuétude mais qu'on a tendance à toujours utiliser de la même manière. Bon, je ne dis pas que je ferai des adeptes et je croulerai sous les éloges des convives habituels, mais je vais essayer, ça me donnera la petite motivation qui me manque pour préparer les repas quotidiens.

Allez, bon appétit !

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Dans la chair des anges

Publié le par Yv

Dans la chair des anges, Cathy Borie, Librinova, 2017.....

Chapitre 0 : un jeune homme est retrouvé mort dans une clairière. Chapitre 1 et les suivants, nous faisons la connaissance de Caroline et sa fille Clémentine, de Lise et Pablo, de Grégoire et Elsa. Certains se rencontreront, d'autres non. Roman choral étalé sur plusieurs années, dont le personnage principal, fil rouge, est Clémentine, une jeune fille timide, solitaire et fragile.

De Cathy Borie, j'ai déjà lu La nuit des éventails qui fut une belle découverte et surprise. La romancière revient avec un court roman d'à peine plus de 130 pages et publié par Librinova, une maison d'auto-édition, et qui a obtenu le Premier Prix Draftquest/Librinova 2017 (bon, je ne sais pas trop ce que c'est, mais que ce roman obtienne un prix, je le conçois et même l'encourage). Car, c'est un formidable roman qui, dès les premières pages m'a happé pour ne plus me lâcher. D'abord, Cathy Borie use d'une plume d'une élégance rare, classique, de belles phrases, longues parfois, avec des subordonnées, des imparfaits du subjonctif toujours à bon escient, la classe quoi ! Franchement, c'est un pur plaisir de lecteur que de parcourir ce texte copurchic (je viens de découvrir ce vieux néologisme tombé en désuétude qui, signifie d'une extrême élégance ; sans doute qualifie-t-il plus aisément une tenue vestimentaire mais, bon, juste pour le plaisir de l'écrire et le lire, je le maintiens).

Et puis, si le bonheur est déjà bien présent, il est renforcé par les très beaux portraits tant physiques que psychologiques des différents personnages.

"A vingt ans, Caroline pesait quarante-cinq kilos pour un mètre soixante-cinq. [...] Son corps ne lui servait que de véhicule, elle y transportait son intelligence, sa capacité de réflexion et d'analyse, son savoir, sa curiosité pour tout ce qui s'apprenait. Elle le nourrissait donc juste assez pour qu'il s'acquittât de cette tâche. De sa féminité, elle ne conservait qu'une apparence fragile, des formes plus asséchées que graciles, de longs cheveux châtains un peu ternes, et un regard immense qui laissait deviner des gouffres insondables. Entre vingt et vingt-cinq ans, elle obtint plusieurs diplômes, une licence d'histoire, une maîtrise de philosophie, une licence d'anglais, puis elle coucha avec David et elle fut enceinte." (p.54)

Chacun des protagonistes aura droit à quelques lignes pour le décrire et parler de son caractère. Une fois que les contours des uns et des autres sont dessinés, Cathy Borie s'attèle à une tâche ardue, les faire évoluer ensemble. Et là, la magie opère de nouveau. Elle traduit bien la relation à l'autre, la naissance du sentiment amoureux, parle admirablement des gens qui ne sont pas à l'aise en société, qui aiment la solitude et ne maîtrisent ni n'apprécient particulièrement faire le premier pas vers autrui -je m'y suis reconnu. 

Cathy Borie évoque aussi très bien l'éveil à la sexualité, la construction et l'émergence de la personnalité ou comment un événement fait apparaître chez certains des traits jusque là enfouis, insoupçonnées au contraire d'autres qui se construisent linéairement, tranquillement. C'est fin et délicat, profond, dense. Pas un mot n'est superflu, dans 130 pages, il faut faire entrer tout cela, et l'auteure le fait fort bien.

Les livres auto-édités ne sont pas toujours de haut niveau -mais parfois ceux de certaines grandes maisons non plus-, mais là, franchement, je suis sous le charme de cette histoire, de ces personnages attachants et émouvants et de l'écriture gracieuse de Cathy Borie. Ce roman existe en version numérique, n'hésitez pas...

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