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Recherche pour “le péril vieux”

Ça coince ! (24)

Publié le par Yv

Comment élever votre Volkswagen, Christopher Boucher, Le nouvel Attila, 2014 (traduit par Théophile Sersiron, illustré par Matthias Lehmann).

"Un journaliste du Massachussets, traumatisé par la mort de son père, donne le jour à une Volkswagen 1971. Une Coccinelle, pour être précis : un vieux modèle en sale état, condamné à la casse et réclamant dès sa naissance réparations et pièces détachées. Voire une opération du cœur, organe malheureusement introuvable sur une Volkswagen." (4ème de couverture)

Un livre prometteur, illustré, un poster en prime reprenant en plus grand la première de couverture et la page 1. Keisha m'avait alerté sur son côté totalement barré et réjouissant. Las, ça ne marche pas. Christopher Boucher s'amuse, nul ne peut le contester, mais pas moi. L'humour peut se partager ou ne pas faire mouche, ce qui est le cas ici pour ma pomme. Je reste imperméable, imperturbable, enfin presque parce qu'un poil énervé quand je ne comprends pas ce que je lis. Là, je n'entrave que dalle et ça m'agace ! Néanmoins, je peux comprendre (comme quoi je comprends quand même des trucs) que l'on puisse adhérer au style et à l'humour de l'auteur.

Pas pour moi. Tant pis...

 

 

 

A l'orée de la nuit, Charles Frazier, Grasset, 2014 (traduit pas Brice Matthieussent)..

"Dans l'Amérique des Sixties, au fin fond des Appalaches où elle vit retranchée, loin des soubresauts de monde, Luce, jeune femme farouche et indépendante, se voit confier la charge des jumeaux de sa sœur défunte. Ayant vu leur beau-père, Bud, une brute épaisse, assassiner leur mère, les orphelins traumatisés se sont réfugiés dans un mutisme inquiétant, où sourd une violence prête à exploser à tout moment." (4ème de couverture)

Tout commence très bien, je suis accroché dès les premières phrases. L'histoire, le ton me plaisent. Luce est un personnage énigmatique, dont on apprend la vie peu à peu. Les enfants le sont tout autant. Charles Frazier procède par petites touches qui à chaque fois nous apprennent une nouveauté sur chaque personnage. Un récit lent, qui fait également la part belle à la nature, aux espaces. La relation entre Luce et les deux enfants se tisse lentement par l'intermédiaire de la nature, tout a lien avec elle. Puis, ça se gâte, de lent, le récit devient long, je passe des paragraphes, puis des pages, et lorsque je vois qu'il m'en reste encore plus de 200 à lire, je m'angoisse... Pourquoi faire de si longs bouquins (383 pages) avec de telles longueurs ? Ce qui me chagrine c'est que C. Frazier avait de quoi faire un beau, très beau roman avec Luce, les enfants et leur environnement, cette magnifique maison au bord du lac. Pourquoi a-t-il fallu qu'il rajoute Bud, qui n'apporte rien au récit, qui l'allège même. C'est fort dommage, ce livre qui partait fort aurait pu en le condensant être superbe. Il n'est finalement qu'un roman dilué, qui promet et déçoit.

 

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Alors, c'est du jazz

Publié le par Yv

Alors, c'est du jazz, Marc Menu, Quadrature, 2019.....

Titre aux diverses origines, Alessandro Barrico dans Novecento Pianiste ou Gaëlle Pingault ; on peut le définir par un mélange de classique, d'improvisations, d'inventions, des passages dans une liberté totale, c'est donc du jazz et c'est ce qui résume bien ce petit recueil de Marc Menu.

Des mini nouvelles, de très courts textes qui sont souvent drôles :

"Il est descendu par la cheminée, en ahanant comme un tuberculeux. Il n'est pas resté plus de vingt minutes -le temps de reprendre son souffle et de faire sa bonne action. Il a bu le verre de goutte qui l'attendait, en a même repris deux fois. Dans mon petit soulier, il a laissé au passage une pièce de dix francs, deux tickets de métro et un préservatif presque neuf. Puis, il est remonté par où il était venu, le pauvre -il devait être dans un bel état, en émergeant de là. Comme je faisais semblant de dormir, je n'ai pas perdu une miette du divin spectacle. Sûr que je m'en souviendrai longtemps, de l'amant de maman." (p. 41)

Il y en a pour tous les genres et tous les goûts : du drôle disais-je, du cynique, de l'ironique, du gore (peu, et pas de description, juste la visualisation qui est terrible), de l'actualité, de l'amour, de la tendresse, de la poésie, du sentiment, du vécu : "Çà et là, sur les murs, des traces de peinture. Ou plutôt, de non-peinture, de plafonnage apparent. Sur le sol -difficile de dire s'il s'agit d'un tapis ou d'une couche de crasse- des vieux papiers, livres, vêtements sales, et autres bouteilles à moitié vides. Cerise sur le gâteau, cette délicieuse odeur de renfermé. Ça ressemble au centre de documentation du journal de Spirou depuis que Monsieur Dupuis en a confié la gestion à Gaston. Mais point de Gaston ici -même si en cherchant un peu, on aurait de bonnes chances de trouver une souris grise. Nous sommes dans la chambre de mon fils." (p. 46)

Un petit recueil qui n'a pas besoin de grossir pour donner le sourire et envie de lire. A s'offrir ou offrir aux petits et grands lecteurs, ce sera toujours mieux que "un préservatif presque neuf". Et offrir des livres à Noël, c'est ce qu'il y a de mieux.

Une petite dernière, juste pour enfoncer le clou : "Les allées du cimetière convergent toutes vers le même caveau à moitié vide. Monsieur Dupommeau, mort en 1884, y attend sa jeune épouse. Certaines nuits, on l'entend hurler à la lune, appeler désespérément sa belle disparue. Elle ne reviendra pas. Elle dort cent mètres plus loin, dans le tombeau de son amant Jules Poirette -qui lui au moins, s'est offert du vrai marbre." (p. 51)

Les nouvelles citées ont pour titres, respectivement : "Si décembre...", "Home des cavernes", "Art funéraire". Je les cite, car outre l'art de la chute, Marc Menu possède celui du titre concis qui résume parfaitement son propos. Décidément, plus je les lis, plus je les aimes les éditions Quadrature.

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Le grand sommeil

Publié le par Yv

Le grand sommeil, Raymond Chandler, Gallimard, 1948 (traduit par Boris Vian)

Le général Sternwood fait appel à Philip Marlowe, détective privé pour arranger une histoire de maître-chanteur dans laquelle sa fille cadette Carment est impliquée. Celle-ci, droguée, dépourvue de toute morale pour l'époque (années 30), érotomane, a été prise en photo nue et c'est cela que le maître-chanteur veut monnayer. La fille aînée Vivian est joueuse, perd de grosses sommes ; son troisième mari a mystérieusement disparu depuis un mois. Marlowe accepte d'aider le vieux Sternwood et se retrouve bientôt entouré de tout ce que la ville compte de gangsters et des deux filles du général.

Raymond Chandler (1888-1959) fut avec Dashiell Hammett l'un des fondateurs du nouveau polar, du roman noir dans lequel les frontières entre le bien et le mal sont très perméables et dans lequel l'action et la violence priment. Le grand sommeil, écrit en 1939 (adapté au cinéma avec Humphrey Bogart en Marlowe et Lauren Bacall en Vivian Regan, par Howard Hawks) est traduit par Boris Vian et publié dans la Série noire de Gallimard en 1948.

Et que dire d'autre que c'est formidable de lire un grand classique du genre ? Depuis longtemps je m'étais dit qu'il fallait que je le lise, et puis, les autres sollicitations livresques arrivant, je repoussais... Ne faites pas cela, foncez et lisez ce grand roman noir. Tout y est : les bons, les méchants qui changent parfois de place. L'alcool, la clope, le sexe, mais rien à voir avec ce qui s'écrit de nos jours en la matière, pensez donc : de simples photos de nus d'une jeune femme riche et paumée forcent son père à engager un détective !

Il y a surtout Marlowe, un détective un poil blasé, qui fonce et n'hésite pas à braver les gangsters pour arriver à ses fins. Et enfin, l'écriture relâchée de Raymond Chandler, oralisée qui garde néanmoins des traces de classicisme grâce à l'usage du passé simple et de l’imparfait du subjonctif aujourd'hui tombé en désuétude, ce qui est fort dommage. Bref, un classique, un grand classique qu'on trouve aisément. Un conseil : je ne sais pas si d'autres traductions existent, mais préférez celle de Boris Vian, ça double le plaisir. Comment résister à ce qui suit ?

"Au septième étage, je gagnai la suite de petits bureaux occupés par les sous-ordres du Procureur du District. Celui d'Ohls n'était pas plus grand que les autres, mais il l'avait pour lui tout seul. Rien sur sa table qu'un buvard, une garniture de bureau bon marché, son chapeau et un de ses pieds. C'était un homme blondasse de taille moyenne, aux sourcils blancs et raides, aux yeux tranquilles et aux dents soignés. Il ressemblait à tous les gens qu'on croise dans la rue."

L'ultime sollicitation vient d'Hélène.

PS : si mes calculs sont bons, cet article est le 2000ème du blog en douze années...

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Washington Black

Publié le par Yv

Washington Black, Esi Edugyan, Folio 2020 (Liana Lévi, 2019, traduit par Michelle Herpe-Voslinsky)

George Washington Black naît esclave à La Barbade en 1818. Baptisé ainsi par son maître de l'époque habitué des facéties patronymiques. Le maître meurt et c'est un neveu cruel qui prend la suite. Le frère de celui-ci, Christopher Wilde dit Titch, scientifique, qui rêve de faire voler un ballon, prend Wash sous son aile pour l'assister dans ce projet. Wash révèle bientôt un talent de dessinateur hors paire que Titch veut mettre à profit. Un jour, Wash est accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis et Titch et lui s'évadent en ballon. C'est le début d'un incroyable périple.

Quel roman ! Imaginez un mix de Harriet Beecher-Stowe (La case de l'oncle Tom) et de Jules Verne. Presque 500 pages dans sa version poche que j'ai dévorées, tant l’aventure est au coin de toutes les pages. Un moment de repos pour Titch et Wash ? Un événement les fait repartir, plus loin, jusqu'au Pôle Nord. Ces péripéties rythment le roman et lui donnent un attrait évident. Il y a aussi les balbutiements de la science et les découvertes incroyables des héros.

Il y a surtout l'esclavage et les conditions de survie des esclaves qui sont terribles, cruelles : "Nous avons pris Broad Street et en levant les yeux je vis une rangée de cages en bois dur qui luisaient, argentées, au soleil. A l'intérieur, des esclaves, assis, debout, certains pressant leurs visages fatigués contre les barreaux. Le sol à leurs pieds était jonché de vieux habits et de leurs propres déjections, et en passant lentement la puanteur choquante parvenait jusqu'à nous. Monsieur Philip ne posa pas de question sur eux. Mais je savais qu'il s'agissait de fugitifs." (p. 96/97)

Esi Edugyan décrit l'horrible et même plus-qu'horrible, l'inhumaine condition des esclaves, violés, agressés sans cesse, chaque jour, chaque heure, sans droit, à peine celui de vivre à condition de travailler, moins bien traités que les objets par leurs maîtres. Ce qui fait la grande force et la réussite de son roman, ce sont ses personnages, parfois caricaturaux parce que engoncés dans des principes dont ils ne peuvent se défaire : un riche blanc ne peut pas avoir de sympathie pour un esclave noir sous peine de se mettre sa famille à dos et de renoncer à l'argent et tout ce qui va avec ; un noir ne peut accéder à la liberté et s'il entre dans une relation privilégiée avec un blanc n'est plus considéré par les autres esclaves comme des leurs... Chacun d'eux blanc comme noir est à la recherche d'un idéal, d'une identité, de ses origines. C'est, pour Wash, un exceptionnel roman initiatique et pour moi, un roman formidable qui m'a fait revenir des années en arrière lorsque je lisais avidement les romans cités plus haut comme "référence" pour celui-ci.

Publié chez Liana Lévi en 2019, il paraît chez Folio et je ne saurai que vous le conseiller, mais préparez-vous à ne pas pouvoir arrêter de tourner les pages...

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Contes de la liberté

Publié le par Yv

Contes de la liberté, Ben Okri, Ed. Christian Bourgois, 2010

L'histoire se passe dans une forêt. Vieil Homme et Vieille Femme y déambulent, discutent, se disputent et cherchent des clairières. Accompagnés de Pinprop, leur bouffon eunuque, leur esclave, ils philosophent, Pinprop dirigeant à la fois leurs pas et leurs échanges verbaux :

"Sans se retourner vers le vieux couple, il [Pinprop] déclara :

- Comme nous le disions. Nous avons effectivement trouvé l'endroit, et l'endroit nous a effectivement trouvés. Nous ne sommes pas encore arrivés, mais chaque endroit où nous nous arrêtons exige une redéfinition de notre destination.

- Tu veux dire que nous ne sommes pas encore arrivés ? demanda Vieille Femme, indignée.

- Oh, si, répondit Pinprop. Mais seulement à titre provisoire.

- Quoi ! s'écria Vieille Femme.

- C'est comme ça, dit Pinprop d'un ton rassurant. Quand une oie pond un oeuf, beaucoup d'autres oeufs seront pondus. Quand une tapette attrape une souris, beaucoup d'autres souris seront attrapées. L'objectif final d'une oie, c'est de devenir oeuf ; pour la tapette, c'est de finir souris.

- Oui, dit Vieille Femme. Cela est très sensé. Continue." (p.14/15)

Ce court conte ou fable philosophique recèle de nombreux dialogues de ce type. On y croise également  d'autres personnages : l'Homme, Nouvel Homme et Nouvelle Femme, tous emplis de questionnements et en recherche de réponses. J'avoue que je n'ai pas toujours tout compris, mais Ben Okri a une écriture qui fascine et qui fait qu'on a envie d'aller au bout de son histoire. Sa forêt peut être une sorte de Purgatoire, de salle d'attente du Paradis, ou encore un jardin d'Eden, chacun y voyant ce qu'il a envie d'y trouver. Qui des réponses, qui des pensées, comme Nouvel Homme : " Le jeune homme attendit patiemment. Puis il parla.

- La vie est un chef-d'oeuvre de l'imagination, dit-il.

- C'est tout ?

- Oui. Ne trouves-tu pas que c'est adorable ?

- L'imagination d'un esprit malade, je dirais. Allons-y.

- C'est honteux que ça ne te plaise pas. C'est la meilleure pensée que j'aie eu de toute ma vie.

- Allons-y.

- La meilleure pensée de toute ma vie et elle disparaît en en clin d'oeil.

- Je suis sûre que nous survivrons à cette déception.

- Allons-y, ma chérie.

- Oui. Allons-y." (p.75)

Cette fable  est suivie de 13 "stoku" forme narrative que Ben Okri a créée : "Sto" pour story (= nouvelle) et "ku" pour haïku. "Selon ses propres mots, son origine est mystérieuse, son but est la révélation, sa forme compacte, son sujet infini. Sa nature est l'énigme. (4ème de couverture) Ce sont en fait de très courtes nouvelles, de une à trois pages, racontant des faits, des histoires de manière poétique, dans le même genre que le conte qui précède, et qui "proposent un mode différent d'appréhension du monde, dur et extrême, qui nous entoure." (4ème de couverture)

Une lecture passionnante, très différente des productions en vue. De l'ironie, du décalage, de la poésie, de l'humour, de la philosophie, etc, etc, ... A lire et à relire ; pour cela, je le garde pas très loin de moi, pour piocher dedans, de temps en temps.

 

dialogues croisés

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Noir côté cour

Publié le par Yv

Noir côté cour, Jacques Bablon, Jigal polar, 2020

Paris, un immeuble de cinq étages. Tout en haut, Galien vit dans un studio appartenant à son père. Il observe toute la journée par sa fenêtre. Dessous, Dorothéa et Guillermo un couple parfait qui fait la fête. Au troisième, un mort récent, exportateur de pistaches. Au second, Ugo Lighetti, un solitaire qui loge une mystérieuse jeune femme brune qui ne parle pas français. Au premier, deux jeunes hommes, lettons dont l'un est blessé et qui quittent précipitamment les lieux.

Ils ont tous plus ou moins des choses à cacher. Des peccadilles pour certains. Pour d'autres du lourd.

Remarque liminaire qui ne sert sans doute à rien, mais que je ne peux m'empêcher de noter : inévitablement, dans des genres différents et sans faire de comparaison, ce roman m'a rappelé Le Syrien du septième étage de Fawaz Hussain, la vie dans un immeuble parisien où se croisent des gens d'origines diverses et surtout le numéro 11 de la rue Simon-Crubellier dans le chef d’œuvre de Georges Perec, La vie mode d'emploi. Mais aussi Fenêtre sur cour... C'est fort de ses images que j'ai écrit cette recension.

Jacques Bablon continue son exploration des couleurs après Trait bleu, Rouge écarlate, Nu couché sur fond vert, Jaune soufre. A chaque fois, personnages et histoires différentes, l'auteur a une imagination débordante. Pour Noir côté cour, j'ai été séduit dès le début. Jacques Bablon a une idée de génie, celle de nous faire faire connaissance avec les habitants de l'immeuble en suivant une puis plusieurs gouttes d'eau qui partent d'une fuite de la chasse d'eau d'un appartement pour s'immiscer dans chacun des autres. Fascinant, j'ai adoré. "Le joint en fibre a fait son temps, l'eau commence à passer entre l'écrou de 17 et le collet battu de l'extrémité du tube de cuivre alimentant le réservoir. Il est presque minuit quand une première goutte d'eau tombe sur le parquet. [...] Une flaque s'est formée à côté des WC. Les lames du vieux parquet de chêne ne sont plus jointives, l'eau s'infiltre dans les fentes. Il est deux heures du mat' quand les premières gouttes commencent à suinter sous les lames et se perdre dans l'épaisseur du plancher." (p.7 et 9)

Et la suite est tout aussi bonne. Scénario impeccable : les petits détails laissés ça et là prennent sens quelques pages plus loin. Tout s'emboîte parfaitement. Dans cet immeuble où les habitants se croisent et se saluent, certains sont plus liés que d'autres par les fameux secrets que j'évoquais plus haut.

Lire Jacques Bablon, c'est un peu comme écouter une chanson de Georges Brassens : tout paraît simple, mais chaque mot est choisi, pesé et réfléchi et tout coule admirablement. L'auditeur ou le lecteur se laisse porter avec délectation. Il écrit au plus juste, ses romans noirs sont courts et denses. Ses personnages sont atypiques, des voisins, des connaissances, des gens qu'on peut croiser quotidiennement. Ce sont les situations qu'ils traversent qui sont moins ordinaires, mais tout cela est narré de manière assez légère qui ne donne pas de sensation de stress ni d'angoisse.

Cinq romans de Jacques Bablon lus et chroniqués, cinq excellents moments.

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Madame Diogène

Publié le par Yv

Madame Diogène, Aurélien Delsaux, Albin Michel,2014..,

Une vieille femme vit recluse dans son appartement. A l'intérieur, elle s'est construit un abri fait de bric et de broc :  des vieux journaux, des immondices qui traînaient, un vrai terrier. Elle ne sort plus de chez elle, est harcelée par les voisins qui ne supportent plus ni les odeurs absolument nauséabondes qui sortent de l'appartement ni la prolifération des cafards et autres vermines qui pullulent et visitent tous les appartements.  

Petit roman (heureusement !) fort bien écrit, même si quelques phrases m'ont posé question, que je trouve bancales, mal construites ou pour le moins maladroites, comme par exemple : "... elle est montée sur une pile de cageots, sur quoi elle avait jadis posé le yucca. Il est tombé voilà longtemps, le pot se brisa." (p.21) Le reste est franchement travaillé, de longues phrases (ce qui peut sans doute expliquer les maladresses dont je parle, écrire une longue phrase n'est pas toujours aisé), très ponctuées, comme j'aime. 

Mais le propos est sombre, gris comme la poussière et le moisi de l'appartement, rouge comme le sang que la vieille voit s'étaler sur la route suite à un accident et noir. Franchement noir. Pas d'espoir. Madame Diogène sombre dans la folie, la paranoïa la plus totale, pas une once de lumière dans ce récit, parfois, rarement, un simple rai sous la porte. Notons tout de même de belles pages sur la perte de l'écriture, du langage :

"Elle voudrait y dessiner les lettres du tract abandonné, non les mots qu'elle n'a pas lus, mais la forme des caractères, traits croisés, superposés, ronds, lignes courbes, diagonales, droites perpendiculaires ou parallèles, et la verticalité des points d'exclamation, et le soleil noir abandonné à leur base, comme une larme, comme un cratère, comme le trou où tout finit. Elle joint ses doigts, sa main contractée fait une grosse araignée, elle trace des lignes verticales, épaisses et grasses. Ce sont des barreaux, des poteaux électriques, des potences, des chemins qui tombent sans aller vers rien, des troncs nus, sans branche ni racine." (p.87/88)

Même lorsque les phrases sont belles, l'ambiance est délibérément noire, opaque, glauque dirais-je même, si l'on isole les mots ou les expressions de ces deux phrases, on flirte avec le désespoir total, le néant : "soleil noir", "larme", "cratère", "trou où tout finit", "barreaux", "poteaux", "aller vers rien", "des troncs nus". Et ce ne sont que deux phrases, longues certes, mais on est loin de la totalité du livre ! Il faut avoir bon moral pour aller au bout de cette lecture, c'est la raison pour laquelle je disais "heureusement" tout à l'heure pour le petit nombre de pages (138), plus serait un calvaire ! Déjà que j'ai failli abandonner avant la fin, mais je me suis accroché ; ça m'a rappelé une lecture terrible que j'avais faite -pas jusqu'au bout- de Chloé Delaume, Dans ma maison sous terre, un des rares bouquins que je crois même avoir jeté !

Madame Diogène ne met pas à l'aise, ce livre dérange, déstabilise, et je ne le conseille qu'aux gens optimistes de nature, comme moi. Une femme qui me hantera sans doute dans un bouquin qui laisse comme un goût de "je ne sais pas si j'ai aimé" et qui devrait faire sensation dans cette rentrée littéraire. Aurélien Delsaux signe là son premier roman. Et il a une belle plume.

 

 

rentrée 2014

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Le château des étoiles

Publié le par Yv

Le château des étoiles, Alex Alice, Rue de Sèvres, 2014 (volume 1)..... 

Lorsque la maman de Séraphin part à l'aventure, en 1868, dans un ballon, à la recherche du mur de l'éther, tout va de travers et son ballon disparaît à 13000 mètres d'altitude. Un an plus tard, son carnet de bord est retrouvé, une lettre anonyme en informe Séraphin et son père qui partent à sa recherche. C'est alors le début d'une formidable aventure pour tous les deux. 

Bande dessinée d'aventures, clin d'œil plus qu'appuyé au maître français du genre, Jules Verne, ainsi qu'à Pierre-Jules Hetzel pour la conception de la couverture, qui rappellera aux plus vieux d'entre nous de délicieux souvenirs. L'aventure est au rendez-vous de cette rentrée littéraire ; après L'île du Point Nemo et Notre-Dame des vents, Le château des étoiles. Et ça me ravit, il y a longtemps que je n'avais pas lu d'aussi belles histoires dans ce genre.

Je ne suis pas spécialiste de la chronique BD, mais j'ai aimé cette histoire parce qu'elle est l'une de celles que l'on peut partager entre parents et enfants. Il y a les gentils, les méchants, les doux-dingues qui font avancer la science, une idylle naissante, des décors fabuleux, des inventions fantastiques. Tous les ingrédients sont là pour que l'aventure commence sous de bons auspices. Ce qu'elle fait et le plaisir d'avancer se propage et s'intensifie au fur et à mesure que le scénario se dévoile. Alors d'aucuns pourront dire que c'est simpliste, archi vu. Certes, mais Alex Alice construit son histoire pour tous, même pour ceux qui n'ont jamais lu de romans d'aventures qui y découvriront rebondissements et trahisons. La touche historique est là également avec Ludwig, roi de Bavière (Louis II, pour nous qui francisons les  noms propres) réputé pour son excentricité, son amour des arts, et la construction de châteaux extravagants (celui de Neuschwanstein notamment) et qu'Alex Alice présente surtout comme mélancolique, solitaire et sans doute un rien misanthrope. Le contexte de cette BD est bâti sur fond de volonté d'annexion de la Bavière par Otto Von Bismarck - ce qui adviendra en 1870 après la défaite de la France contre la Prusse du même Bismarck- et de résistance à l'annexion par les dirigeants bavarois, Ludwig en tête !

Très beaux dessins, sans être spécialiste, je pencherais pour des aquarelles, dans des tons pastel ; une mise en page changeante, qui donne du rythme et colle donc à l'histoire. Une couverture sublime tant à voir qu'à toucher, lisse à certains endroits, granulée à d'autres. Enfin, de la bien belle ouvrage !

Pour finir, sachez que cette bande dessinée est en deux volumes, que celui-ci en est le premier et que j'ai hâte de découvrir le second, car j'ai laissé Séraphin est très mauvaise posture...

 

 

polars 2015

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La nuit en vérité

Publié le par Yv

La nuit en vérité, Véronique Olmi, Albin Michel, 2013..,

Enzo, 12 ans est un garçon en surpoids qui vit seul avec sa mère, Liouba, dans les beaux quartiers parisiens. Liouba est femme de ménage et occupe à ce titre une chambre dans un très bel appartement de gens riches qui n'y sont que très peu souvent. La cohabitation n'est pas évidente entre cette jeune femme, "toujours dans les vingt" (qui n'a donc pas trente ans) et ce garçon qui entame sa période adolescente dans des conditions exécrables : il est le souffre-douleur silencieux de ses camarades de classe : son poids, son odeur, sa mère-une-bonne, son origine sociale, tout cela le désigne comme tel à leurs yeux d'enfants nantis.

Beaucoup de questions sont abordées dans ce roman, entre autres, la maternité, la condition sociale, l'adolescence, la recherche de ses origines, la paternité, la mort, la vie, ... et tant d'autres. Tous les questionnements qu'un garçon mal dans sa peau, mal aimé -pas du tout par ses collègues de classe, trop exclusivement par sa mère- peut se poser. Véronique Olmi s'empare d'une période pas facile pour nos enfants, le passage par le collège, ces quatre années où tout sera scruté, observé, moqué : l'habillage, la coupe de cheveux, le poids -ou surpoids, où un rien, une différence crée un gouffre infranchissable entre la masse et l'élève isolé. "Enzo sentit la classe, tout autour de lui, une agrégation indifférenciée qui s'appelait : les autres. [...] Il était plus utile à la classe que n'importe qui, la bêtise des autres s'appuyait sur lui, il était la cariatide de leur désœuvrement, et il sentit le crachat dans son cou." (p.81)

C'est un roman qui verra Enzo quitter l'enfance, se détacher de sa mère décalée pour sans doute mieux la retrouver. Un roman d'introspection, dans lequel Enzo se cherche, se trouvera en partie grâce à ses rêves qui le font avancer, découvrir ou deviner ses origines (ses lectures inspireront ses songes, ainsi que des lieux). 

Véronique Olmi écrit bien, alterne des passages vifs, notamment des descriptions qui habituellement sont plus lentes : "L'appartement était très grand. Très vieux. Refait à neuf. Il était en plein cœur de Paris, derrière les jardins du Palais-Royal, tout près des Tuileries. Un Paris idéal. Entre le Louvre et la Comédie-Française." (p.11) et des phrases plus longues lorsque Enzo est plongé dans ses réflexions, ses questionnements.

 

Ceci étant dit, elle n'évite pas les clichés sur le personnage d'Enzo, gros et décalé socialement, ce qui énerve au plus haut point ses camarades et sur les situations. Du gros, du lourd, si je puis me permettre ce malencontreux télescopage de mots ! Un écrivain parfois en gros sabots, comme on dit par chez nous. Pas mal de longueurs également, des étirements du texte ou des situations dont on se passerait bien et qui n'apportent rien au livre si ce n'est 100 ou 150 pages en plus. Disons pour être franc et court que, hormis les paragraphes concernant les soldats russes pendant la guerre de 14/18, leur rébellion en 1917 lorsqu'ils apprennent la Révolution dans leur pays (plus de renseignements ici), rien dans ce livre n'est neuf ou inoubliable. Ma première expérience de lecture de Véronique Olmi ne fut donc pas une grande réussite.

Libfly recense des avis, Babelio également.

 

rentrée 2013

 

région-copie-1

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