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The Wendy project

Publié le par Yv

The Wendy project, Osborne & Fish, Ankama éditions (traduit par Margot Negroni), 2019...,

Wendy, lycéenne, perd le contrôle de sa voiture qui tombe dans un lac. Elle réussit à s'en sortir ainsi que John l'un de ses petits frères, mais le plus jeune, Michael, disparaît dans les eaux. Wendy est persuadée de l'avoir vu s'envoler et qu'il est toujours vivant. Les parents de Wendy lui demandent de consulter une psy qui lui conseille de dessiner puisqu'elle ne peut pas parler de l'accident. Wendy dessine alors et la réalité se confond avec l’imaginaire.

Bande dessinée étrange et belle qui ravira les amateurs de poésie et pourra surprendre les puristes de la ligne claire et des histoires classiques. Le scénario, signé Melissa Jane Osborne, fait la part belle aux rêves, aux mondes imaginaires et à tout ce que le cerveau met en place pour ne pas voir en face la dure et triste réalité. C'est fort bien fait, parfois déroutant, mais les explications plus rationnelles sont données au cours de l'album, ce qui rassurera ceux qui comme moi, aiment bien avoir une base de réel à laquelle se raccrocher.

Le dessin de Veronica Fish est lui aussi étonnant, à la fois très simple voire adolescent si tant est que je puisse qualifier un dessin comme tel, notamment dans les visages, les expressions des personnages. Il est beaucoup plus barré dans la partie imaginaire qui est en couleurs nombreuses et vives au contraire de la vie réelle qui est en noir et blanc.

Le mélange donne un album original pas drôle mais absolument pas plombant, qui parlera sans doute à tous ceux qui ont connu des deuils difficiles à surmonter, car le thème général est la mort d'un très proche. Il y est aussi question de la fin de l'adolescence : "Le lycée, c'est un peu le purgatoire de l'adolescence." (p.10), du passage à l'âge adulte, le rite initiatique étant ici rude et violent.

Très bel album paru chez Ankama éditions, que je découvre, à lire et relire pour le saisir encore plus, et merci à la Librairie Dialogues et ses fameux Dialogues croisés

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Qaraqosh

Publié le par Yv

Qaraqosh, Maurice Gouiran, Jigal polar, 2019.....

Clovis Narigou, journaliste, est chargé d'aller enquêter à Prague. Son sujet : la bibliothèque ésotérique et de sorcellerie de Himmler. Juste avant de partir, il reçoit la visite de Mikki, un ex-engagé dans la milice chrétienne Qaraqosh qui combat Daech et Irak. Depuis, qu'il est revenu, il se sent menacé et a échappé à une tentative d'assassinat, sans doute due à des intégristes établis à Marseille. 

Emma, la flicque, l'amie de Clovis, enquête sur deux meurtres qui ont comme point commun la ville de Prague. Une bonne raison de demander l'aide de Clovis, puisqu'il est sur place.

Retour de Clovis Narigou, le héros fétiche et récurrent de Maurice Gouiran, et retour en pleine forme, même si cette fois-ci sa présence est un peu éclipsée par celle d'Emma, mais ce n'est pas lui qui en sera chafouin tant il l'aime sa flicque. Comme à son habitude et en romancier particulièrement rompu à son art, Maurice Gouiran place son histoire et ses héros dans une partie de l'histoire du monde. Cette fois-ci, les deux plus importants contextes sont la bibliothèque très particulière de Himmler -dont j'ignorais l'existence et qui a été retrouvée récemment à Prague- et la guerre en Irak contre les islamistes. Forcément bien documenté, il instruit ses lecteurs de manière fort plaisante. En plus, j'ai eu la chance de passer quelques jours à Prague cette année, et j'ai pu suivre les pérégrinations de Clovis -bon, j'ai fait moins de bas que lui- dans les rues de la capitale tchèque, ce qui a, je dois bien le dire, rajouter un petit plaisir supplémentaire. 

L'autre partie se déroule en Irak et en France après le retour de Mikki. Si ce roman n'est pas le plus dense ni même celui qui a le contexte le plus fort de tous ceux de l'auteur que j'ai lus, il se hisse très haut dans cette série, par son intrigue, le rôle plus important donné à Emma et le calme de la Varune, la bergerie de Clovis. Tout coule parfaitement, tant que je ne me suis jamais douté de l'explication finale. 

Maurice Gouiran peut s’enorgueillir d'une œuvre riche, cette dernière aventure de Clovis y entre naturellement, par la grande porte.

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Enferme-moi si tu peux

Publié le par Yv

Enferme-moi si tu peux, Pandolfo et Risbjerg, Casterman, 2019.....

"Entre la fin du XIXe et le milieu du XXe siècle, femmes, pauvres, malades et fous n'ont aucun droit. Enfermés dans une société qui les exclut, certains vont pourtant transformer leur vie en destin fabuleux. Sans culture, sans formation artistique, ils entrent comme par magie dans un monde de créativité virtuose. Touchés par la grâce ou par un "super-pouvoir de l'esprit", ils nous ont laissé des œuvres qui nous plongent dans un mystère infini." (4ème de couverture)

Les auteurs de cet album, Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg ont choisi six artistes de l'art brut, trois hommes et trois femmes. Augustin Lesage (1876-1954) mineur, fils et petit-fils de mineurs, qui, à la suite d'une séance de spiritisme va se mettre à peindre une toile gigantesque, puis n'arrêtera plus du reste de sa vie. Madge Gill (1882-1961), une enfance misérable et bientôt, une révélation, elle se met à jouer et composer de la musique et à la peinture, totalement habitée par un esprit. Le Facteur Cheval (1836-1924), est-il besoin de le présenter, qui lors de ses tournées ramasse des pierres et construit son désormais célèbre palais. Aloïse (1886-1964), obligée, par convention, de quitter l'homme qu'elle aime, elle ne sortira pas indemne de la guerre, sera internée et diagnostiquée schizophrène et s'isolera au sein de l'institut pour dessiner jusqu'à la fin de sa vie. Marjan Gruzewski (1898-?), enfant, il ne peut se servir de sa main droite, qui pourtant, lors de crises de somnambulisme -après une séance de spiritisme- lui permettra de dessiner, peindre une oeuvre assez conséquente. Judith Scott (1943-2005), trisomique, sourde et muette, elle produit une œuvre étrange, des cocons de cordes, fils liens, renfermant des objets du quotidien.

L'album est très très beau, en plus de présenter des artistes peu connus et de parler de leurs vies peu communes. Pour tous, c'est l'art qui les a faits sortir de leur condition misérable ou pauvre. Souvent moqués, raillés, ils ont persisté jusqu'à la fin. Les deux auteurs montrent très bien la part de décalage, de surnaturel,  d'irréalisme voire de surréalisme -certains furent repérés par André Breton, le pape du genre. Les dessins et couleurs sont très parlants, sombres et torturés lorsqu'ils montrent les souffrances, très colorés à certains moments -notamment pour Aloïse. C'est une bande dessinée qui donne envie de découvrir chacun des artistes cités et ses œuvres. On sait que la vie d'artiste n'est pas aisée, ces six-là sont allés très loin, au plus profond d'eux-mêmes, de leurs ressources, de leur personnalité voire de leur santé pour faire ce qu'ils se sentaient obligés de faire, mus par des forces extra-ordinaires. 

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Gourous... coucou

Publié le par Yv

Gourous... coucou, Gérard Chevalier, Palémon, 2019....

Catia, chatte angora européenne est invitée à passer quelques jours chez son ami Hector, chien du comte et de la comtesse Guerrouane de Pennec. Mais très vite, la comtesse tombe sous la coupe d'un gourou et bientôt le comte la suit à La Mission. Catia et Hector infiltrent le lieu avec le commissaire Legal et Erwan, le bipède de la chatte. 

C'est une cinquième enquête pour Catia que, pour ma part, je découvre. En plus d'être originale, cette histoire est drôle. On est bien d'accord qu'une enquête menée par un chat ce n'est pas banal, surtout lorsqu'elle est accompagnée de son chevalier servant, un chien. Et je vous passe les discours avec d'autres animaux, et surtout, son moyen de communication avec les humains -enfin, les seuls qui sachent l'intelligence de Catia et le fait qu'elle communique- qui est une tablette. 

Tous ces personnages aussi barrés les uns que les autres se retrouvent dans une histoire rocambolesque et drôlement écrite, parce que Gérard Chevalier y va de ses blagues, de ses détournements d’œuvres célèbres, par exemple :

"Ce siècle avait douze ans ! 

Nantes lorgnait Dame Lande

Déjà Macron perçait sous Hollande,

Et du ministre aux Finances par maints endroits

Le front du Président brisait le masque étroit." (p.19)

Des digressions, des remarques et réflexions pas toujours en lien direct avec l'intrigue qui si elle n'est pas nouvelle se tient bien et a le mérite d'être réaliste sous ses dehors humoristiques. Il paraît que moult écrivains sont des amoureux des chats. Il y en a qui franchissent la ligne en en faisant des héros -ou héroïne dans le cas qui nous occupe. Ce n'est sans doute pas toujours réussi mais lorsqu'on a la gouaille, le décalage et l'humour de Gérard Chevalier, tout passe. Alors une chatte enquêtrice, on y croit, évidemment. D'ailleurs, depuis, je regarde mon chat différemment.

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Mardi-gris

Publié le par Yv

Mardi-gris, Hervé Prudon, La table ronde, 2019 (Gallimard, 1978)....

Le brigadier Gourdon, flic raciste, prompt de la gâchette dès lors que le mec de l'autre côté de son arme est basané ou un peu foncé est abattu dans le parking de sa cité. Tout accuse Emile Rochette, jeune marginal bien connu des services de police et notamment du commissaire Loiseau chargé de retrouver le tueur de Gourdon. Rochette fuit avec René son pote. Il part se mettre au vert dans une communauté dans le Cantal.

Remarques liminaires : ce roman noir a été écrit en 1978, c'est le premier de l'auteur Hervé Prudon, journaliste, né en 1950 et décédé en 2017.

Ce qui surprend, agréablement il va sans dire, c'est d'abord le style. Familier, oralisé, qui vaut quelques phrases exquises : "Elle savait que Rochette avait une tête fragile. Il pouvait rester des heures entières sans rien dire. Elle le regardait et pouvait entendre grincer tous les ressorts dans sa tête. Un ressort avait pu lâcher." (p.171) Les idées et trouvailles d'Hervé Prudon sont au service de son histoire noire et désespérée. 1978, la fin des années de reconstruction, de plein emploi. Les chocs pétroliers sont passés par là, la crise pointe le bout de son nez, l'exode des ruraux vers les villes pour s'entasser dans des HLM construites à la va-vite, les hippies sont fatigués et le "No future" des punks débarque. Rochette est le symbole de cette société qui croit de moins en moins en l'avenir. Il a, à quelques chose près, l'âge de l'auteur. 

C'est donc du noir, de l'espoir broyé dans la réalité ; tout cela, parfois un peu long, mais mis en mots dans un style qui claque, qui n'a absolument pas vieilli. Ce bouquin aurait pu être écrit et installé dans notre époque, à quelques détails près. Je ne connaissais pas Hervé Prudon, c'est une très belle idée que de rééditer ses ouvrages (dans la même collection, deux autres titres : Banquise et La langue chienne) surtout s'ils sont aussi bons qu'icelui.

Titre reçu gracieusement grâce à la Librairie Dialogues et ses Dialogues croisés.

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Avenida Vladimir Lénine

Publié le par Yv

Avenida Vladimir Lénine. Objectif Mozambique, Constance Latourte, Intervalles, 2019....

Clémence a passé quelques mois au Chili pour ses études. Elle y a appris que, fuyant le coup d'état de Pinochet, beaucoup de Chiliens ont été accueillis au Mozambique, alors toute jeune république communiste, tout près de l'Afrique du Sud. Elle décide de partir dans ce pays pour recueillir les témoignages des exilés encore vivants et restés en Afrique pour réaliser son premier documentaire. C'est son parcours de quasi-combattante que Constance Latourte raconte.

Ce livre est présenté comme un roman, il doit cependant s'appuyer sur l'expérience de l'autrice qui a réalisé un documentaire sur le thème évoqué, en 2009, intitulé Khanimambo Mozambique. Elle explique très bien que le coup d'état de Pinochet (1973) correspond à l'indépendance du Mozambique (1975) et que les arrivées des Chiliens se sont toutes produites à la fin des années 70. "Dès que l'indépendance a été déclarée, en 1975, les colons portugais ont dû fuir par peur des représailles. Ils sont partis du jour au lendemain pour sauver leur peau. Et le pays s'est retrouvé sans professionnels. Il n'y avait plus de médecins, plus d'ingénieurs, plus d'économistes. Plus aucune personne formée. Parce que pendant la colonisation, les Portugais occupaient tous les postes à responsabilité et ne formaient pas les Mozambicains. [...] A cette époque, il y avait des exilés chiliens dans le monde entier à cause de la dictature. Le Parti Communiste chilien a donc signé un accord avec le gouvernement mozambicain pour envoyer des spécialistes." (p.56) Voilà pour le thème du documentaire que, pour ma part, j'ignorais totalement.

Le livre est ensuite le parcours de la jeune cinéaste pour tout simplement vivre dans un pays qu'elle ne connaît pas et qui a des us et pratiques bien particuliers. Heureusement, Alberto, son colocataire la guidera et lui donnera des conseils en même temps qu'il sera un soutien dans les moments de doute. Car doutes il y aura, tant la tâche est ardue. Tenter de faire un reportage, seule, sans argent, dans un pays où tout se monnaye, de l'amende pour excès de vitesse fictif aux demandes administratives multiples, pour avoir notamment le droit de filmer dans les lieux publics. Français qui vous plaignez des lenteurs et des méandres de l'administration de notre pays, lisez les pages 203 à 211 et vous relativiserez votre point de vue initial. On est forcé de rire, parce que Constance Latourte rend cette épreuve assez comique en jouant notamment avec le style : des phrases normales, puis de plus en plus courtes pour finir quasiment avec des phrases uninominales. Mais j'imagine qu'à vivre, ça doit être l'enfer. 

Tout cela donne un roman bien agréable sur la gestation d'un documentaire en zone si ce n'est hostile au moins difficile, un documentaire que je verrais volontiers maintenant que j'en sais un peu plus sur le thème, grâce à ce livre et sur les étapes qui ont marqué sa réalisation.

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Ça coince ! (49)

Publié le par Yv

Sombre avec moi, Chris Brookmyre, Métailié, 2019 (traduit par Céline Schwaller)..

Diana Jager et chirurgienne, pas vraiment appréciée par ses collègues. Il faut dire qu'en tant que blogueuse féroce qui parle de ses conditions de travail et de la vie d'un hôpital, elle s'est fait quelques ennemis. Célibataire presque endurcie, elle rencontre Peter, informaticien, se marie avec lui. Peter meurt six mois plus tard. Très vite elle est soupçonnée.

Que c'est long et bavard. De réflexions oiseuses en descriptions inutiles, ce polar traîne en longueur en devient lassant alors que pourtant tout est là pour qu'il soit passionnant. Le personnage de Diana est bien vu, sa misanthropie à peine cachée, sa froideur. Je sens bien aussi que la construction du roman est intéressante, entre les divers narrateurs, des retours en arrière, des surprises et un intérêt particulier parce qu'on ne sait pas où le romancier veut en venir et nous emmener, difficile de deviner ses intentions et donc l'avenir de ses personnages. Mais pourquoi noyer tout cela dans un flot de dialogues, de descriptions qui n'apportent rien au texte si ce n'est de l'ennui. Comme si, encore une fois, un nombre de signes était imposé à l'auteur ou l'éditeur, pour sortir un gros polar, un livre qu'on remarque sur les étals des librairies.

Le sang des Highlands, Gilles Bornais, City, 2019..

"Écosse, 1892. Sur une rive isolée du Loch Ness, les corps d'une paléontologue et de son mari sont retrouvés mutilés et démembrés. Est-ce l'œuvre d'un meurtrier barbare ? Celle d'une bête sauvage ? Et où leur jeune fils et son ami ont-ils disparu ?

L'élucidation de tels crimes ne pouvait être confiée qu'à l'enquêteur Gareth Thaur, un ancien colonel de l'armée qui en a vu bien d'autres. L'affaire est tellement sensible que Scotland Yard envoie en renfort son meilleur détective, Joe Hackney, un ancien malfrat aux méthodes peu orthodoxes, cynique mais génial." (4ème de couverture)

Bon, bon, une fois cela lu, on se dit que ça devrait dépoter. Eh bien non, le début est long et si l'on excepte quelques descriptions de tortures et d'autopsies presque insupportables et à mon avis largement évitables, eh bien le récit ne commence pas vraiment. Il faut passer des passages pour trouver de quoi se raccrocher. Et lorsque comme moi, vous ne trouvez pas, eh bien, vous abandonnez. Il y a un je -ne-sais quoi qui m’empêche d'adhérer à cette histoire, soit dans les personnages, soit dans l'écriture, je ne saurais pas être plus précis, mais je me suis ennuyé. Je laisse donc à d'autres qui sauront apprécier plus que moi.

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Broyé

Publié le par Yv

Broyé, Cédric Cham, Jigal polar, 2019.....

Christo travaille dans une casse dans un village loin de tout. Christo est un solitaire dont on devine que la vie a été particulièrement difficile et violente. Il lutte chaque jour pour contenir cette violence. Un jour, il croise Salomé, serveuse au bar du village, Salomé qui cherche à s'éloigner de son beau-père aux mains baladeuses, qui cherche également à faire de nouvelles rencontres. Christo l'intrigue.

Dans un autre espace, il y a Mathias, jeune homme en fuite qui se retrouve dans une cage, élevé comme un chien de combat, dressé. Pourquoi lui ? Pour quoi faire ?

Cédric Cham, je l'ai déjà rencontré dans son précédent roman, Le fruit de mes entrailles, un roman noir, très noir. Je pensais qu'il avait atteint les limites de cette couleur, mais je me trompais tant Broyé est encore plus noir. Pour Le fruit de mes entrailles, je parlais de l'outrenoir de Soulages, pour celui-ci, je parlerais plus volontiers du Vantablack utilisé exclusivement par Kapoor en peinture. 

Cédric Cham parle de l'enfermement physique mais aussi de l'enfermement psychique lorsqu'une personne est contrainte par une autre. La violence des mots est parfois plus forte que cette des actes. Christo a subi les deux et s'efforce de ne pas reproduire. Mais comment vivre "normalement" lorsque toutes les années précédentes ne furent que violences subies, puis infligées et toujours subies. La résilience, ce n'est pas aisé lorsque les coups et les insultes pleuvaient 24h/24. "Quant au passé, même si des fragments perçaient parfois la surface, à quoi bon s'étendre dessus ? Se souvenir, en parler, revenait à triturer le couteau dans la plaie. A se remémorer ce qu'ils avaient été et donc ce qu'ils étaient devenus. Voire ce qu'ils ne seraient plus. Jamais. Et puis, reconnaître le passé conduisait à prendre conscience du présent. Et donc à devoir affronter le futur. Ou plutôt l'absence de futur. Comment vivre sans but, sans possibilité de lendemain ?" (p.196)

Comment lier connaissance, nouer des relations dans ces conditions ? Comment garder sa part d'humanité ? Tout cela est abordé par l'auteur, parfois directement, parfois entre les lignes dans une écriture qui claque comme des coups. Le style est âpre. Sec. Violent. A l'os comme m'a dit quelqu'un un jour. Pas de fioriture, Cédric Cham va au plus profond sans détour. Un roman noir et dur qui ne laisse pas indemne. On frissonne encore une fois refermé en repensant à tout ce qu'on y a lu.

Je ne lirai pas tous les jours de livres de la sorte, pour mon confort et ma santé mentale -enfin, ce qu'il en reste- mais là, j'en suis encore tout chose, à tel point que, même pas sous la contrainte, j'en fais l'un de mes coups de coeur.

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Des écrivains imaginés

Publié le par Yv

Des écrivains imaginés, Cécile Villaumé, Le dilettante, 2019...

Quinze écrivain(e)s sont l'objet de nouvelles. Tour à tour héros d'icelles ou bien simple référence voire le sujet sans être vraiment présents, ils sont tous objets de fiction. Tous les textes ne m'ont pas touché mais certains sont bons. Ceux sur Charles d'Orléans (1394-1465) et sur la très oubliée Antoinette de Lafon de Boiguérin Deshoulières (1634-1694), le texte le plus drôle, notamment par son abus -voulu et revendiqué- de l'écriture inclusive amenant des outrances qui font sourire. Manon Roland (1754-1793) également a droit à de belles lignes ainsi que Heinrich von Kleist (1777-1811), Gérard de Nerval (1808-1855) et Marguerite Duras (1914-1996).

Les autres m'ont paru plus faibles ou moins dans mes centres d'intérêt :  Stéphane Mallarmé, Arthur Conan Doyle, Marcel Proust, Louis Pergaud ou Françoise Dolto, tandis que deux autres sont entre les deux : Fiodor Dostoïevsky et Sidonie Gabrielle, dite Colette. 

L'ensemble donne un livre assez inégal néanmoins intéressant par la manière de traiter les sujets, l'autrice changeant de style à chaque écrivain(e). Elle ne s'essaie pas au pastiche, mais colle à l'époque, aux mœurs et aux écrivains dont elle parle et à leurs personnages fictifs. Dans les dernières pages, elle donne une très courte biographie des écrivains en question, son aura à l'époque et maintenant et quelques conseils pour parler d'eux sans les avoir lus. Ce sont les passages les plus drôles du livre.

En résumé, un recueil de nouvelles au thème assez original qui ne décolle jamais vraiment et peut donc décevoir, qui, cependant, garde une certaine originalité pour ne pas dire une originalité certaine qui donnera envie de l'ouvrir et pourquoi pas permettra une jolie découverte.

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