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Nantes Bang ! Bang !

Publié le par Yv

Nantes Bang ! Bang !, Stéphane Pajot, D'Orbestier, 2020

Onze quartiers de Nantes, onze nouvelles. Recueil noir et rock et local. Stéphane Pajot, journaliste à Presse Océan et écrivain, moult fois ici chroniqué fait le tour de la ville qu'il affectionne tant et qu'il connaît par cœur. Parfois, c'est son journaliste fétiche qui est le narrateur, Mathieu Leduc. Parfois, il est absent. Mais toujours la ville est là et ses habitants, ceux de la nuit, ceux qui fréquentent les cafés-concert, les rades où les habitués se rencontrent, les musiciens, les rockeurs...

Chez Stéphane Pajot, tout est élégance et simplicité. Ses personnages ressemblent à ceux qu'on croise tous les jours, sans doute parce qu'ils sont ceux qu'il croise tous les jours : les patrons de bar, les copains, les journalistes, photographes, musiciens... Très attaché à Nantes, il la raconte en détail ce qui ravit le Nantais -ou presque- que je suis et qui ne connaît pas tout et qui ravira ceux qui ne connaissent pas la ville, comme une première visite.

Une petite inclinaison pour Cimetière Saint-Jacques (Nantes sud), parce que d'abord l'histoire me plaît mais aussi parce que c'est le quartier de mon enfance. Pour ne rien cacher, j'avais envisagé d'écrire cette recension en détaillant mes nouvelles préférées, comme je la fais souvent pour les recueils de nouvelles. Mais toutes me plaisent parce qu'elles mettent en scène des gens simples et les relations qui les lient. L'amitié qui fait faire des choses folles. Elles peuvent aussi parler de vengeance, de meurtre, n'oublions pas que c'est du noir. L'alcool et le rock coulent en abondance, n'oublions pas que c'est du noir. Et parfois, elles flirtent avec le "no future", n'oublions pas que c'est du noir.

Si l'on connaît l’œuvre de Stéphane Pajot, on peut reconnaître tel ou tel personnage parce la nouvelle qui lui est consacrée est devenue un roman, et c'est un plaisir que de plonger dans les origines. Si l'on ne connaît pas les livres de Stéphane Pajot... eh bien c'est un tort que l'on peut contredire en lisant ce Nantes Bang ! Bang ! qui bénéficie en outre, d'un couverture superbe.

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La danse du Vilain

Publié le par Yv

La danse du Vilain, Fiston Mwanza Mujila, Métailié, 2020

Lorsque le Congo s'appelait encore le Zaïre et que le voisin angolais était en guerre civile, ses habitants passaient la frontière pour aller traquer le diamant, oubliant que chez eux il y en avait aussi, sous la protection de Tshiamuena, la Madone des mines de Cafunfu.

A Lumbumbashi, au Zaïre, les conspirations sont légion, le temps est proche du changement de régime politique et de dirigeants. Sanza, jeune homme qui a quitté sa famille est approché par M. Guillaume et sa police secrète. Il y a aussi tous ces enfants des rues à l'avenir incertain, Franz un écrivain autrichien et le Mambo de la fête où tout se finit toujours avec l'inévitable danse du Vilain.

Foisonnant et ensoleillé. Musique omniprésente, personnages tous plus barrés les uns que les autres. Ça part un peu dans tous les sens, aucun destin n'est tout tracé ni linéaire. Chaque anecdote devient un événement et chaque événement peut changer le cours d'une vie, autant pour la faire monter vers les sommets d'un pouvoir que pour plonger dans les abysses. Personne dans le roman de Fiston Mwanza Mujila n'est à l'abri de devenir quelqu'un d'important ni de replonger plus vite qu'il n'est monté.

Dans une région très troublée, le romancier met en scène des personnages qui ne le sont pas moins, qui ont envie de sortir de leur condition de pauvre, de se libérer du poids des liens familiaux, qui y parviennent plus ou moins. Travail précaire et peu payé, alcool, prostitution, guerres, tout cela constitue le fonds du roman, très présent, très fort dans lequel tentent de survivre Sanza, Tshiamuena, tous les chercheurs d'or et autres.  Dans une langue très imagée, parfois très drôle il aborde des thèmes qui ne le sont pas toujours : "Des croyances plus persistantes encore sur l'homme blanc à mi-chemin du cannibalisme hantaient la tête des gens. Les esclaves convoyés dans des embarcations ne rentraient plus jamais. Alors ceux qui tentaient d'expliquer le phénomène conjecturaient que l'homme blanc les sectionnait en morceaux, grillait des bouts qu'il mangeait avec grand appétit. A partir de la viande qui restait, il confectionnait des fromages et, puisqu'il n'entreprenait jamais les choses à moitié, il remplissait des citernes de sang humain à partir duquel il fabriquait du vin de la même couleur." (p.71) C'est assez cocasse de trouver ce retournement de pensée, puisque l'homme blanc a longtemps eu peur de anthropophagie de l'homme noir qu'il venait coloniser et réduire en esclavage.

Fiston Mwanza Mujila est né en République Démocratique du Congo et vit en Autriche. La danse du Vilain est son deuxième roman.

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Maktaaq

Publié le par Yv

Maktaaq, Gildas Guyot, In8, 2020

1989, banlieue de Los Angeles, Seth, la vingtaine vivote grâce à des petits boulots, à l'équipe de baseball des Dodgers dont il est supporter, au canapé familial qu'il est souvent le seul à occuper et au lit de Suzanne, parfois.

Lorsque Ati, son grand-père inuit débarque au volant de sa Chevrolet Impala de 1967, la vie de Seth est en passe de changer à un point qu'il n'imagine point encore.

Deuxième roman de Gildas Guyot après Le goût de la viande. Très différent. Plus classique. Roman initiatique et de transmission d'une culture oubliée, phagocytée par la vie à l'américaine, d'un grand-père à son petit-fils.

C'est très bien écrit, l'auteur usant de différents niveaux de langage dans une même phrase : des mots peu usités parfois désuets accolés à des tournures familières ou courantes. Si certains passages peuvent paraître longuets, les suivants font regretter d'avoir douté tant ils sont beaux. Il en est ainsi d'un monologue d'Ati expliquant à son petit-fils l'arrivée de l'homme blanc dans son village inuit, et comment encore une fois cet homme blanc a perverti les locaux, les a soudoyés à coup d'alcool et de cigarettes, leur faisant miroiter les bienfaits de sa civilisation  "... Vois-tu gamin, quand j'étais jeune, mon père m'apprit tout ce que je devais savoir pour mériter ma place, pour pouvoir survivre et faire survivre ma famille sur ces terres gelées. Il m'apprit à pêcher, à chasser, à monter une tente. A pêcher et à chasser et à construire un feu. Ah ça oui. Mais il m'apprit aussi que je devais me méfier de l'homme blanc, de celui qui débarquait avec sa croyance, son fusil... sa croyance, son fusil et ses alcools..." (p.136)

Deux héros attachants, qui, lorsqu'on se demande où l'auteur veut nous emmener, nous accompagnant doucement mais sûrement dans leur voyage sur la route 66.

Certains romans vous font de l'effet en les lisant, effet qui s'estompe plus ou moins rapidement après lecture. D'autres vous font de l'effet en les lisant, effet qui perdure longtemps, voire très longtemps. Ce roman de Gildas Guyot ne m'a pas fait un effet foudroyant pendant ma lecture, même si certaines pages ainsi que je l'exprimais plus haut m'ont touché, mais à peine fini et posé, il continuait à vivre en moi et je pense qu'il est de ces romans qui ne s'effaceront pas de sitôt. Seth et Ati comptent. Quant à la signification du titre, je laisse le soin à l'auteur de l'expliquer, à sa manière, dans les dernières pages.

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Les seins des saintes

Publié le par Yv

Les seins des saintes, Christian O. Libens, Weyrich, 2019

Liège, au sein de la librairie Au pendu de Georges, officie un bouquiniste passionné de Simenon et qui a pour patronyme, Georges Simon. Francis Dangé, son ami, flic surnommé Maigret, le visite souvent autour d'un verre de Gigondas. Guibert, leur ami commun se joint à eux, entre deux tags sur des 4x4 qu'il vomit et deux poèmes qu'il écrit.

Pendant que ces trois-là refont le monde, icelui tourne et à Liège, c'est un dévoreur de seins de femmes qui sévit.

Polar atypique, parodique et délicieux. Construit en très couts chapitres alternant les narrateurs : les trois amis chacun leur tour, leurs compagnes, les amis de celles-ci, le tueur. Christian O. Libens procède par ellipse, par allusion et tout s'enchaîne sans aucun problème, tout est clair. Il y est beaucoup questions de seins, c'est un roman "amoureusement sexué" qui fait la part belle aux femmes, à toutes, pas forcément aux filiformes érigées en reines de beauté par les standards, plutôt aux femmes normales, celles qui vivent avec des hommes normaux ni bodybuildés, ni gonflés aux stéroïdes...Et ça fait un bien fou de passer un moment dans un roman avec des gens que l'on peut croiser tous les jours. Profondément humain, ce livre n'en dédaigne pas pour autant une visite de Liège ainsi que moult informations sur la vie et l’œuvre de Georges Simenon. On y entrevoit, brièvement, en clin d’œil, Stanislas Barberian, bouquiniste et héros de Francis Groff (Morts sur la Sambre).

Les héros nommés sont les trois amis, mais celles qui apparaissent le plus et qui feront avancer l'histoire, plus que le flic qui n'enquête pas vraiment ou plus exactement qui n'a rien à se mettre sous la dent, ce sont les femmes : Lysiane, Tina, Scholastique, Vanessa, Indépendance, ... Un polar qui, bien que le tueur ne s'en prenne qu'aux tétons des femmes, est très féministe.

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Jusqu'ici tout allait bien...

Publié le par Yv

Jusqu'ici tout allait bien..., Ersin Karabulut, Fluide glacial (traduit et adapté par Didier Pasamonik), 2020

Ersin Karabulut récidive avec ses contes ordinaires qui n'ont d'ordinaire que leur nom. Comme dans son premier album chroniqué hier, Contes ordinaires d'une société résignée, il pousse son raisonnement jusqu'à l'absurde. Un absurde dont on n'a jamais été si proche, tant la société évolue avec une rapidité et une folie parfois effrayantes.

C'est une critique violente des autorités politiques qui préfèrent le profit -souvent à court terme- aux humains. Tout est privatisable et donc privatisé au profit de grandes entreprises et de ceux dont on imagine qu'ils s'en mettent dans les poches, les décideurs : eau, air que l'on respire... Tout le monde est fliqué et plus vraiment besoin de forces de l'ordre- sauf cas de force majeure- puisque ce sont les citoyens eux-mêmes qui se chargent de dénoncer, critiquer, mettre à l'isolement, voire pire, ceux qui ne font pas comme les autres. Celui qui ne veut pas du dernier mobile à la mode sera mis à l'écart et vu comme un paria. Ceux qui résistent, qui posent leur pierre -voir couverture-, qui osent porter des couleurs dans un monde gris le font au risque d'être arrêtés, vilipendés par la foule encouragée par les autorités voire tués. Même ceux qui, par hasard ou sans le vouloir ne peuvent entrer dans le moule risquent leur vie. Ersin Karabulut décrit des pouvoirs autoritaires pour ne pas dire plus qui soumettent les peuples, les abêtissent en leur offrant un accès aux nouvelles technologies ; leurs temps de cerveaux disponibles s'amenuisent jusqu'à quasi disparition. Un peuple qui ne lit pas, qui ne réfléchit pas est un peuple aisément manipulable.

Tout cela est excellent et, en prime, Ersin Karabulut joue avec les graphismes et les couleurs qui changent d'un conte à l'autre. Certains sont plus à mon goût que d'autres, mais c'est aussi jouissif que lorsqu'un écrivain change de style en changeant de narrateur ou de nouvelle. Un pur plaisir, noir et pas gai, qui donne à réfléchir à la dérive de nos sociétés et qui fait peur tant l'humain n'en est plus au centre. Ne reste plus qu'à espérer qu'Ersin Karabulut fait de la science fiction et que ça le restera...

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Contes ordinaires d'une société résignée

Publié le par Yv

Contes ordinaires d'une société résignée, Ersin Karabulut, Fluide glacial, (traduit et adapté par Didier Pasamonik) 2018

Recueil de fables, de contes en bande dessinée. C'est drôle, mordant, cruel, noir. Il y est question de la place de la femme dans une société patriarcale dans laquelle c'est l'homme qui doit rapporter l'argent à la maison, d'enfance, des conflits de génération, du chômage, de l'accès à l'instruction, à la culture, de l'apparition de nouveaux virus. Les sociétés de Ersin Karabulut sont dystopiques, utopiques, carrément flippantes et pas vraiment souhaitables. Il pousse le raisonnement et les dérives de nos sociétés actuelles à leur paroxysme : pourquoi sauver un enfant si cette bonne action nuit à sa carrière professionnelle ? Pourquoi ne pas vendre son corps si cela sert la notoriété, posthume certes, mais notoriété tout de même ? Et si la lecture et donc l'ouverture d'esprit, la curiosité devenaient des défauts à combattre ?

Les histoires dérivent vers le fantastique parce qu'en déroulant son raisonnement et en le poussant on arrive à des comportements qui, pour le moment, nous paraissent décalés et très loin des nôtres, mais qu'en sera-t-il dans vingt, trente ou cinquante ans ? C'est une critique sévère, une satire sociale et politique sans voile. C'est diablement bien fait et le graphisme qui peut changer d'une histoire à l'autre augmente le plaisir. Les scénarios sont inventifs et violemment critiques. Ersin Karabulut, que je découvre avec cet album, est un bédéiste de talent.

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Le naufrageur de Saint-Gué

Publié le par Yv

Le naufrageur de Saint-Gué, Hervé Huguen, Palémon, 2020

Maître Delijour, vieille amie du commissaire Nazer Baron lui demande de partir à la recherche du fils de son compagnon, disparu depuis plusieurs jours. Le jeune homme, Jérôme a quitté son travail et n'a jamais regagné son appartement de Saint-Guénolé. Son passé tumultueux ne plaide pas en sa faveur. Nazer Baron se rend néanmoins sur place sans grande conviction. Lorsqu'un corps défiguré qui a séjourné plusieurs jours dans l'eau est ramené par un chalutier, la disparition de Jérôme devient plus énigmatique.

Nazer Baron plus mélancolique que jamais dans ce nouvel opus. La saison est finie, les jours d'octobre sont frais, venteux et pluvieux. L'ambiance est grise, froide. Le commissaire n'est pas un joyeux drille et Hervé Huguen n'écrit pas des comédies policières, mais des histoires ancrées dans la réalité -icelle s'inspire d'un faits divers réel- avec des personnages qui ressemblent à nos fréquentations et rencontres quotidiennes.

Nazer Baron est un cérébral qui s'appuie sur le travail de fourmi des gendarmes dans cette enquête. Il déduit, sent, flaire et lorsqu'il parvient à trouver le dernier détail, celui qui lui manquait, son sens de la déduction recolle tous les morceaux et il ne reste plus qu'aux suspects à passer aux aveux confrontés à la réalité de leurs actes.

J'aime beaucoup les romans policiers de Hervé Huguen qui en plus de présenter un personnage attachant, décrivent une région et ses habitants et présentent des intrigues bien tournées et surprenantes. Ils sont lents, prennent le temps d'installer les conditions géographiques, météorologiques, et d'humeur de Baron et sont passionnants et impossibles à lâcher avant la fin. Le tout fait avec élégance et sobriété. Plus j'avance dans sa série avec Nazer Baron, j'en suis à trois, plus je regrette de ne pas l'avoir connu dès le début. A propos de début, voici celui du roman :

"N'était-il pas curieux de se souvenir si longtemps après, et avec une telle précision, d'instants aussi insignifiants ? Il les avait vécus comme des heures sans importance, tellement pareilles aux autres que sa mémoire devrait s'efforcer ensuite d'en reconstituer le fil égaré. Pouvait-il prévoir qu'on lui demanderait de revivre ces moments parce que d'autres, des semaines plus tard, auraient besoin de comprendre ce qu'il faisait dans cet endroit ? Et pourtant, c'était bien ici que tout avait réellement commencé." (p.11)

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La grande fugue

Publié le par Yv

La grande fugue, Ziska Larouge, Weyrich, 2019

Les Barrées est un quatuor d'amies : Wanda et Sara-Louise, jumelles, Pierrette et Fanny. Wanda, premier violon est douée et un peu jalousée par ses amies, mais aussi très difficile à vivre, emplie d'angoisses, de visions, de peurs, de violence. A l'issue d'une répétition, l'une des musiciennes est retrouvée morte, son archet planté dans la carotide. La juge d'instruction Victoire Overwinning dépêche son meilleur enquêteur, récemment sorti de convalescence après un tir qui l'a privé de l'usage de ses jambes. C'est donc en fauteuil et en compagnie de Tocard, son chien "un berger allemand prisonnier dans le corps d'un teckel" que Gidéon Monfort mène les investigations.

Il y a dans l'entourage de Gidéon Monfort, des personnages importants. Tocard, son chien héros souvent malgré lui, Pétronille sa fille adolescente qui vit plus ou moins chez lui mais repart chez sa mère à la moindre contrariété et elles sont fréquentes... Victoire Overwinning, la juge d'instruction fantasque et dépuceleuse de Gidéon trois décennies plus tôt, André Mozard inspecteur-collaborateur et ami de Gidéon et Poutrel le commissaire qui ne rêve que de voir Gidéon aux archives. Tout cela fait une équipe sympathique et originale. Le ton du roman est à la comédie et l'on rit souvent, le reste du temps, le sourire est sur les lèvres. Beau rôle est donné également au quatuor de filles.

Lorsqu'on a lu et vu pas mal de polars, il devient difficile d'être surpris par une intrigue, ce qui le plus intéressant c'est le chemin choisi pour arriver au dénouement et les personnages. Si les seconds sont sympathiques et gagnent aisément l'envie de les revoir, le premier est classique et original en même temps.

Ziska Larouge a le don de décrire des personnages décalés, soit exubérants comme la juge, soit coincés comme Mozard, aux antipodes tous les deux et qui s'entendent bien, professionnellement parlant. Si l'on ajoute un teckel qui ne se rend pas bien compte de ses actions héroïques, obnubilé par la nourriture et un enquêteur volontiers ironique à qui personne ne laisse le temps de s'apitoyer sur lui-même, on obtient un roman policier bien agréable qui permet de passer de beaux moments.

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A l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Publié le par Yv

A l'ombre de la Butte-aux-Coqs, Osvalds Zebris, Agullo, (traduit par Nicolas Auzanneau)  2020

Riga, Lettonie, 1906, un an après la révolution dans l'empire russe, la violence est toujours présente : émeutes ouvrières, pogroms, ... L'ombre de la révolution traîne encore et certains s'engagent dans la lutte.

Ce roman débute avec l'enlèvement de trois enfants de parents différents par un homme encore jeune qui les emmène fêter Noël dans un grand hôtel.

Osvalds Zebris est un journaliste et écrivain letton et c'est grâce à lui que son pays entre dans la maison Agullo.

Roman historique qui mêle la grande histoire de l'empire russe à de la fiction et à des anecdotes réelles. Osvalds Zebris prend de la hauteur pour raconter son pays au début du siècle dernier, à la manière d'un historien ; il sait, à la manière d'un journaliste y ajouter des histoires plus locales, moins théoriques et il sait  à la manière d'un écrivain accoler une fiction qui part de l'enlèvement des trois enfants. Il y a le risque de ne pas plaire à ceux qui ne jurent que par l'une ou l'autre des fonctions, mais il y a surtout le risque de passionner tous les lecteurs. J'y ajoute celui d'être très dense et parfois, à force de vouloir dire beaucoup de choses, de perdre un peu le-dit lecteur, moi en l’occurrence. Ce bémol personnel mis à part, ce roman est dépaysant et très instructif. Le contexte est fort, celui d'un petit pays qui voudrait s'affranchir du joug du tsar et tout cela est fort bien dit tant dans les parties historiques que dans les fictives. On sent également chez certains personnages, la peur de l'étranger et des juifs, toujours les premiers à trinquer lorsque ça va mal.

Je le disais c'est un roman dense, formidablement écrit -et donc traduit, enfin j'imagine, je ne parle pas couramment le letton- qui n'oublie pas les descriptions des paysages, du temps, des personnages. Beaucoup de longues phrases et pas mal de dialogues donnent un rythme qui alterne entre moments rapides et d'autres plus lents.

Encore une fois une belle découverte chez Agullo et cette belle couverture...

"Râblé, voûté, le type avance à grandes enjambées depuis la voie de chemin de fer de Dünaburg. Un tête volumineuse penchée de côté, le souffle lourd et irrégulier, il traverse la place de la gare flambant neuve, puis la rue adjacente -la neige dure, tassée par le piétinement continuel des passants, crisse sous ses brodequins bistrés." (p. 11)

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