Terrien, t'es rien. Le jour où la terre s'arrêta, Valott, Ed. Favre, 2020
L'année 2020 fut une annus horribilis comme disait Elisabeth II, il y a pfff... longtemps (renseignements pris, c'était en 1992). Il y eut notamment -qui dure encore au moment où j'écris- la COVID 19 et bien sûr, le confinement, le premier, le vrai, celui du-qu'on-pouvait-pas-sortir-du-tout... Valott, dessinateur de BD et de presse a accumulé pendant cette période des dessins qu'il montre dans ce livre.
Son virus est omniprésent, cette petite boule rose pleine d'éruptions en forme de trompes, presque mignonne, dans laquelle, sur la couverture, l'homme civilisé se cogne le pied. Dans les dessins de Valott, le détail est important, comme le portable qui vole toujours sur la couverture. L'avantage d'un dessin c'est qu'il évite les grandes phrases sur le virus et le confinement et la grande qualité de Valott est qu'il ne se regarde pas le nombril mais parle de l'humanité et de la planète. Il ne fait pas dans l'introspection mais évoque le chamboulement international. Parce que franchement, je n'ai pas envie de lire comment untel ou unetelle a passé le confinement, entre les angoisses de la page blanche, les enfants présents toute la journée, les grands moments d'enfermement qui poussent aux questionnements, aux doutes... Heureusement, il y a les dessins de Valott qui feront rire, réfléchir, irriteront ou agaceront. Ils ne laisseront pas insensibles.
Mourez, on s'occupe de tout !, Cicéron Angledroit, Palémon, 2020
Il y a du changement chez Cicéron : il s'est installé chez Vanessa et son ancien logement lui sert de bureau pour son agence de détective qui emploie également son manchot favori, Momo. A peine installés, ils reçoivent la visite de Jessica Dumortier qui leur demande d'enquêter sur la disparition du corps de son père, supposé être enterré quelques jours auparavant avant qu'une maladresse ne fasse verser le cercueil et ne l'ouvre pour y découvrir des sacs de sable. Stupeur dans la famille du défunt. Les flics pas intéressés, c'est Cicéron qui hérite de l'affaire.
Cicéron se case, bon à sa manière de non play-boy qui plaît aux femmes qui le lui font bien sentir. S'il y a du grabuge avec certaines de ses maîtresses, il file le parfait amour avec Vaness' sa flicque préférée. Quelle santé !
Hors ses élans sexuels, le voici avec une affaire pas banale sur les bras, et c'est l'inénarrable René qui va le mettre sur la bonne piste. Comme à son habitude, son histoire est rocambolesque, folle à souhait et les descriptions de certains personnages irrésistibles : "Fut un temps où elle était moche mais ça passait inaperçu. Des moches comme la Paulette d'avant, ça court les rues. Mais maintenant, elle a pris du galon dans l'immonde. Dommage qu'il ne pleuve pas, un imper aurait atténué le choc. Je ne sais pas si elle a perdu tous ses cheveux mais la perruque à la Chantal Thomass ne l'avantage pas du tout. Soit elle est trop petite, soit la tête est trop grosse. [...] Régine [...] en paraît presque désirable. [...] Son petit Moldave adopté a grandi mais il n'a pas grossi. Il ressemble à un tibia qui marcherait tout seul et a toujours sa sale gueule. Régine a une jupe plissée qui ne plisse pas partout car le contenu est un peu invasif." (p. 76/77). On lit davantage Cicéron pour se marrer que pour suivre une intrigue façon thriller avec des rebondissements et du gore toutes les trois pages. Non, Cicéron prend son temps -il est payé à l'heure- et est très occupé par les multiples sollicitations féminines. Ceci étant, cette intrigue est très plaisante et change un peu de ce qu'on lit régulièrement. Je le dis et le répète à longueurs de recensions sur Cicéron, ceux qui le connaissent, je n'ai rien à ajouter, vous passerez un bon moment et auriez même envie qu'il soit plus long ; ceux qui ne le connaissent point encore, précipitez-vous, c'est l'enquête N° 13, le retard n'est pas trop long à combler, mais vous pouvez aussi lire chaque tome indépendamment.
Mille jours sauvages, Cathy Borie, Rémanence, 2020
En cette année 2023, le climat a bruquement changé et viré au froid polaire. Plus d'électricité, plus rien du confort moderne. Il y eut beaucoup de morts et d'exilés des villes où l'on ne trouvait plus rien vers les campagnes dans lesquelles il est encore possible de faire pousser de la nourriture.
Jack revient dans l'île de son enfance, en Méditerrannée et s'installe dans une petite maison avec Camille une jeune insulaire. Les jours froids succèdent aux jours froids, il est ici question de survie.
Un peu de longueurs (pour moi) dans ce roman de Cathy Borie qui ne gâchent même pas le plaisir de la lire. Comme toujours, c'est formidablement écrit, dans une belle langue à la fois simple, accessible et travaillée. Elle entre au plus profond de ses deux personnages principaux qui s'ouvrent l'un à l'autre, racontent leurs histoires parfois violentes.
La solitude, la lenteur sont de mise. Les rares bruits depuis que plus rien d'électrique ne fonctionne sont étouffés par l'épaisseur de la neige et engourdis par le froid. Les tâches sont nombreuses, harassantes et répétitives, il faut vivre comme nos aïeux, tout réapprendre. Les paysages et conditions météorologiques sont très présents, fortement et ils donnent au roman un air de catastrophe, un genre qui devrait se développer dans les prochaines années tant ce qui nous attend est incertain.
Cathy Borie amène ce qu'elle nomme le "Grand Evénement" calmement, finement, loin des effets faciles des romans ou films catastrophe : "Un matin en s'éveillant, la mère de Camille avait senti très vite que quelque chose avait changé : c'était presque imperceptible, à cause de la vie déjà un peu différente en cet endroit du pays, paisible et souvent silencieuse, préservée, disait-on." (p.23). C'est un événement important certes qui est prétexte à l'introspection et à la découverte de l'autre. Cathy Borie est en terrain conquis, elle maîtrise le sujet. Ses héros sont forts et profonds. Avec eux et le monde blanc et froid qu'elle met en place, elle écrit un roman qu'on est pas prêt d'oublier ni Jack et Camille.
Un putain de salopard. O Maneta, Loisel et Pont, Rue de Sèvres, 2020 (couleurs, François Lapierre)
On retrouve dans la jungle amazonienne, Max à la recherche de son père, Charlotte et Christelle les deux infirmières, Corinne la barmaid, Margarida, la patronne de la taverne, Baïa la jeune fille muette, les orpaileurs et les travailleurs du camp forestier. Max et Baïa sont en mauvaise posture, ainsi que Charlotte et Christelle. Tous font bloc.
Suite de Isabel. Et mêmes auteurs Régis Loisel au scénario et Olivier Pont au dessin. L'aventure esquissée au premier tome prend de l'ampleur, les méchants deviennent de plus en plus méchants et les traqués révèlent des dons insoupçonnés. C'est de la pure aventure, une bande dessinée qui parie sur le plaisir qu'on a à retrouver des héros plongés dans des intrigues et des courses-poursuites. Et ça marche. Sûrement parce que le scénario est bon, qui entrecroise diverses histoires et sème les indices au compte-gouttes et le dessin toujours aussi beau. La jungle est luxuriante comme il se doit, et les couleurs sont maginifiques. Et comme dans toute série d'aventures qui se respecte, il y a de l'humour, un personnage décalé, marrant parfois sans le vouloir ou à ses dépens, ici c'est Max.
Sortir le tome 2 dix-huit mois après le tome 1 oblige à relire icelui, ce qui, avouons-le, n'est absolument pas une contrainte désagréable. Au contraire. Je me prépare déjà à relire les deux premiers pour la sortie du tome 3.
Vivre sans amis. Ou comment j'ai (temporairement) quitté Facebook, Arnaud Genon, Rémanence, 2020
Un matin, Arnaud Genon ressent la lassitude à surfer sur Facebook. Il décide de supprimer l'application de son mobile, de rédiger un post signifiant sa mise en veille pendant au moins un mois. Puis, il profite de ce temps pour écrire, pour dire ce qui l'a amené à ce choix, ce qui l'énerve et ce qui lui plaît dans ce réseau social.
J'ai vu ce livre quelque temps après avoir suspendu mon propre compte Facebook et je me suis dit que la coïncidence était évidente. Et effectivement, je me retrouve dans tous les doutes et les questionnements d'Arnaud Genon quant à l'usage de Facebook. Mais lui, en bon lettré cultivé, contrairement à moi, en appelle aux plus grands avec des citations qui résonnent étonnamment de nos jours : Flaubert, Chédid, Aristote, Camus, Proust... qui parlent de l'amitié et des liens sociaux.
Il aborde l'ennui qu'on éprouve adolescent et celui qu'on éprouve beaucoup moins adulte, faisant un parallèle avec des dérivatifs : "Je me souviens m'être ennuyé, quand j'étais enfant, adolescent. Et puis il y a eu le travail, les enfants, les réseaux sociaux. Aujourd'hui, je ne m'ennuie plus. Je n'en ai plus le temps. Les rares moments où cela serait possible, lors de mes surveillances au travail, pendant les pauses, je navigue sur facebook." (p.37) Cet ennui si nécessaire à l'imagination, à la réflexion qui n'existe quasiment plus.
Il évoque également les amis, les vrais et les virtuels, la surenchère des "like", ceux qui, à partir d'un post se fendent d'un commentaire auquel d'autres amis en désaccord vont répondre de manière vive, faisant parfois se répondre voire s'insulter, sur notre mur, des gens qu'on ne connaît pas vraiment. Facebook, comme sans doute d'autres réseaux sociaux que je ne connais pas, grossit tout : les haines et les amitiés, les morts de gens oubliés qui deviennent des stars le jour de leur trépas, les animaux vedettes d'Internet, ...
C'est tout cela et la prise de conscience de la vacuité du réseau sur lequel je restais uniquement pour quelques belles rencontres virtuelles -les intéresse(e)s se reconnaîtront- et la diffusion de mes articles de blog qui m'ont fait prendre la décision de suspendre mon compte. Et si je ne l'ai pas -encore- supprimé définitivement, c'est uniquement pour profiter encore de la messagerie... mais ça risque de ne pas durer non plus, ou alors, j'y reviendrai... peut-être... un jour... si je m'ennuie.
Alors n'hésitez pas à liker ma page -et mon blog- et à la diffuser largement... Ils sont forts chez Facebook, même quand on dit qu'on arrête, on ne peut s'empêcher d'en parler.
Six nouvelles dans ce recueil. Six nouvelles qui racontent des rencontres ou des recherches amoureuses.
- Photo de classe : lorsqu'on avertit cet homme que son ex-professeure d'anglais qu'il n'a pas revue depuis très longtemps est décédée, il se remémorre leur histoire d'amour.
- Droits de succession : au décès de son père, artiste-peintre, Marianne revient dans son village natal qu'elle a quitté de nombreuses années auparavant. Les souvenirs affluent.
- Clair de lune : Pierre, sa femme et ses deux enfants se rendent à une fête familiale. Pierre y revoit ses cousins et cousines et sa tante Karen.
- Face à la mer : un commandant de ferry fait tout pour retrouver une baigneuse souvent croisée lors de ses trajets.
- Mon été 52 : un critique de cinéma se rend sur l'île d'Ornö pour retrouver la plage sur laquelle Harriet Andersson a été filmée par Ingmar Bergman
- On dirait le sud : un universitaire spécialiste de Faulkner, en plein divorce et désargenté accepte un reportage de quelques jours. Il embarque avec lui Caroll, une serveuse qu'il fréquente depuis peu.
Pierre Montbrand parle de rencontre amoureuse, de la recherche amoureuse, souvent éphémère. Ses nouvelles sont nostalgiques, font appel aux souvenirs de jeunesse, d'amours finies depuis longtemps. La belle place est faite aux sentiments, certes, mais les paysages et lieux ne sont pas en reste. C'est nostalgique et beau. Un moment de douceur entre deux polars plus furieux. Une preuve que la littérature offre un multitude d'émotions.
Classique et beau. Intemporel. Un recueil très réussi.
Tous nos corps, Guéorgui Gospodinov, Intervalles, 2020 (traduit par Marie Vrinat)
Le sous-titre du livre, Histoires ultra-courtes, le résume parfaitement. Guéorgui Gospodinov, écrivain bulgare déplore dans la post-face la prépondérance du roman dans la littérature et le peu de place laissée aux autres genres. "Et pourtant, en ce qui me concerne, c'est ce potentiel subversif des petites histoires, leur capacité à échapper au joug du roman qui me plaisent. [...] Je veux dire qu'à une époque comme la nôtre, où l'on parle beaucoup et au hasard, comme au bistro, la bonne histoire courte vient nous donner la mesure de chaque mot. Et de chaque minute." (p. 139/141)
J'aime beaucoup ce genre de recueils, mais il faut bien avouer que l'exercice est casse-gueule, l'auteur peut vite tomber dans l'historiette sans intérêt, ce qui est loin d'être le cas avec Guéorgui Gospodinov. Il y parle littérature, travail de l'écrivain. La nostalgie est également très présente ainsi que la Bulgarie, l'amour, la mort, Dieu, l'athéisme. Les gens que l'auteur a rencontrés ou inventés sont décrits dans leur quotidien, mais aussi leurs pensées, leurs questionnements, leurs peurs, angoisses, joies, bonheurs... Des histoires courtes voire très très courtes qui vont au plus direct et parfois, une phrase explose, ça peut-être la chute, mais pas toujours :
"L'être humain n'est pas fait pour manger seul."
"Je suis conscient, sans doute comme beaucoup d'autres avant moi, que, parmi mes souvenirs personnels, il y en a un grand nombre qui sont nés de livres. Lire produit des souvenirs."
Les histoires de Guéorgui Gospodinov sont drôles, ubuesques, fantaisistes, tendres, oniriques, poétiques, réalistes, surréalistes, décalées, à chute souvent, sans chute parfois, il y a en elles un détail ou leur fond qui est à retenir, qui interroge ou simplement qui plaît. Une que j'aime beaucoup pour finir :
"L'ange des livres non lus
Ils sont là, quelque part, je les vois empilés l'un sur l'autre, tous les livres que je ne lirai pas. Le sommet de cette tour se perd dans les nuages et tout au-dessus se tient l'ange des livres non lus qui balance ses jambes.
Certains de ces livres ne sont même pas encore écrits. Cette tour de Babel de ce qui n'a pas été lu croît de jour en jour, de plus en plus imposante.
Parfois, j'ai l'impression que l'on peut atteindre Dieu par l'ignorance." (p. 134)
Le genre de livres que l'on a plaisir à lire, à offrir et faire découvrir, car chacun y trouve, sauf à être totalement obtus, des histoires qui le touchent.
Un truand peut en cacher un autre, Samuel Sutra, Flamant noir, 2020
10 mai 1981 date importante en France et dans la carrière de truande de Tonton. Aimé Duçon de son vrai nom n'est pas encore la cador qu'il deviendra. Edmond, son père, une référence dans le milieu sucre les fraises et sa mère Lucette tente de le supporter. Mais Tonton flaire le bon coup puisque les flics ce jour-là seront occupés à autre chose qu'à chasser le voyou. Aussi monte-t-il le coup du siècle avec une équipe dénichée en prison, pas que des bons. Les principaux : Bruno, l'ami sûr ; Mamour l'aveugle expert ès serrures de tout genre et Gérard qui arrive par hasard et ne quittera plus Tonton.
Sous titré Les origines de Tonton, ce roman est en quelque sorte le numéro 0 de la série de Samuel Sutra. Lorsque l'on a lu et aimé 6 tomes d'une série, nul doute que le numéro 0 plaira, et c'est le cas. Ceci étant dit, quelqu'un qui ne connaîtrait pas Tonton -il paraît que ça existe des gens comme ça- peut commencer par ce tome et s'enquiller les suivants dans l'ordre. Un roman qui -presque-commence comme ça, peut-on résister : "... après être sorti d'une estafette en flamme, il était parvenu à s'en tirer sans trop de casse. Ses complices avaient eu les bons réflexes et avaient éteint les vêtements en feu de leur patron en lui assénant de grands coups de pelle. Niveau brûlure, Edmond Duçon s'en était bien sorti, tout juste s'il avait eu chaud. En revanche, les coups de pelle distribués au hasard aveint quelque peu abîmé son sens de l'initiative et sa capacité à compter sur ses doigts." (p 8/9)
Samuel Sutra alterne les phrases dans un style classique avec d'autres beaucoup plus argotiques, le tout donnant une comédie policière immanquable. Et puis, il y a les personnages, Tonton en tête et l’inénarrable Gérard. Une équipe de types dont chaque membre individuellement est un tocard donne une équipe de branquignols qui aura bien du mal à mener son affaire jusqu'au but sans surprise. Un témoin les décrit ainsi : "... bon, des cons, j'en ai vus. Mais j'avais encore jamais eu la chance de croiser l'élite." (p.151).
Attention à ne pas confondre Tonton avec celui qui vient d'être élu ce soir-là et qui n'est pas encore surnommé pareil. Notre Tonton devra faire avec un autre cador de la truande qui vise lui aussi le coup du siècle et qui se fait appeler L'épervier (un rapport avec Bruno Crémer dans le film L'alpagueur ?).
En ces temps moroses où tout fout le camp : fini le confinement affalé dans un fauteuil de jardin, le confinement bis est intérieur, les livres ne sont pas de première nécessité alors qu'ils devraient être d'une absolue nécessité (les librairies son de nouveau ouvertes, les caves n'ont jamais ferné), il est urgent de lire drôle et dépaysant. Et Tonton est là pour ça. En achat sur le site de Flamant noir ou chez votre libraire pour une double bonne action, une pour le livre et général et une pour vous.
Le prix de la vengeance, Don Winslow, Harper Collins (traduit par Isabelle Maillet), 2020
Six novellas, j'apprends le terme à cette occasion : entre la nouvelle et le roman. C'est ce que j'appelle d'habitude court roman. Tous ont entre 80 et 95 pages, ce qui, pour Don Winslow, est très court, ses romans flirtant aisément avec les 500 pages.
- Le prix de la vengeance : lorsque le frère du flic Jimmy McNabb, flic lui aussi, est victime des représailles d'un gros trafiquant que Jimmy a malmené, Jimmy décide de se venger. A tous prix.
- Crime 101 : Davis est un cambrioleur organisé et rentable. Il ne travaille qu'aux alentours de la Highway 101, la Pacific Coast Highway, dite la PCH. Toujours seul. Que des gros coups. Jamais attrapé et pourtant un flic est sur ses traces, le lieutenant Lou Lubesnick.
- Le zoo de San Diego : comment un chimpanzé a pu avoir en mains un flingue ? Et comment a-t-il réussi à s'échapper du zoo ? Chris Shea, policier patrouilleur, se pose ces questions lorsqu'il est appelé pour régler le problème.
- Sunset : Duke Kasmajian est prêteur de caution, aussi lorsque l'un des mecs qu'il a libéré lui fausse compagnie, fait-il appel à Boone Daniels, surfeur et ami du fugueur, pour le retrouver.
- Paradise : Ben, Chon et O., célèbres producteurs d'herbe tentent de s'installer à Hawaï, dans un endroit où le climat est excellent pour la production : pluie et chaleur. Mais les locaux ne voient pas leur arrivée favorablement, n'aimant point trop la concurrence.
- La dernière chevauchée : Cal Strickland est flic aux frontières dans son Texas natal, là où un nombre important d'étrangers passent la frontière vers les États-Unis et se font arrêter et parquer dans des camps. Jusqu'à ce qu'il croise le regard d'une fillette, Luz, Cal ne se posait pas beaucoup de questions, se contentant de faire son travail. Mais ce regard le hante.
Je tiens Don Winslow pour l'un des meilleurs auteurs de polars-thrillers étasuniens, mais je dois aussitôt confesser ma piètre connaissance ès auteurs de ce pays. Néanmoins, dans ce recueil, il montre son immense talent en écrivant des histoires très différentes dans le fond et la forme. Je retrouve par exemple le style et les personnages de Savages et Cool dans Paradise. De même dans Sunset, ceux de L'heure des gentlemen et La patrouille de l'aube. J'en découvre d'autres qui étaient peut-être dans d'autres romans précédents. Certains protagonistes d'une histoire jouent les seconds rôles dans une autre voire une simple apparition.
Dans ces novellas, Don Winslow, qui parfois fait dans des descriptions très précises de lieux que je ne connais pas, de voitures en donnant marque, modèle et année, terriblement terre-à-terre, privilégie l'action et les personnages et les inscrit dans le contexte des États-Unis d'aujourd'hui qu'il ne ménage pas. Violence voire ultra-violence, perte d'humanité lorsque les immigrés sont enfermés dans des cages : "La première fois qu'il a vu la fillette, elle était dans une cage. Y'a pas d'autre mot pour ça, s'est dit Cal sur le moment. On peut bien employer des noms différents -"centre de rétention", "camp de rétention", "refuge temporaire"-, quand des personnes sont regroupées derrière un grillage, c'est une cage." (p. 457) Le constat est terrible pour une société qui s'individualise et ne prône que la réussite personnelle au détriment de la fraternité. Nous au moins, en France, on l'a inscrite sur nos frontons... heureusement, parce que sans cela, on peut la chercher longtemps.
La dernière chevauchée est sans doute la nouvelle qui m'a le plus touché, elle est au cœur de l'actualité et pointe le doigt sur les conditions d'accueil des réfugiés dans tous les pays. L'inhumanité des lois du pays finissent par peser sur les hommes et les femmes confrontés au pire tous les jours. Sans être nommé, le président actuel n'y est pas très apprécié.
Le livre en entier est excellent, il pose pas mal de questions sur la dignité humaine, sur les œillères qu'on se met pour ne pas voir ce qui nous dérange, sur la violence quotidienne... Les nouvelles sont parfois très noires, dures, sans espoir et d'autres fois plus légères -Le zoo de San Diego-, toujours elles s'inscrivent dans un contexte bien décrit.